En dépit d'un patronyme de ralliement à l'allure égocentrique, ce trio est un groupe à part entière. La réunion de trois amis jouant ensemble depuis bien des années. Si par son poste de chanteur et guitariste, Paul DesLauriers se place au premier plan, les deux compères, Sam Harrisson à la batterie et Greg Morency à la basse, ne sont pas là pour faire de la simple figuration. D'autant que les compositions sont bien réalisées à six mains.
Cela fait plus de quinze ans que ces trois musiciens aguerris se croisent dans divers projets, se donnant parfois mutuellement un coup de main. Sur disques, on les retrouve ensemble sur deux réalisations en solo de DesLauriers : "Ripping Into Red" en 2006 et "Enter The Gate" en 2013.
L'entente devrait être cordiale et enthousiasmante puisqu'après un intermède de deux albums (un acoustique et un second électrique) en duo avec Dawn Tyler Watson (chanteuse Canadienne de Blues jazzy), lorsqu'il reprend sa carrière en main, rappelle ses camarades et fonde le Paul DesLauriers Band. Un solide power trio qui fait feu de tous bois, à la condition exclusive que le matériau soit d'essence "Blues" et "Heavy-rock 70's". Il faut bien ça pour passer les rudes hivers du Québec. Le nom a été probablement gardé en raison de son potentiel à éveiller l'intérêt, grâce à sa notoriété au Canada.
Rapidement, en 2014, un premier jet est commercialisé. Bien accueilli par la critique et le public, il parvient même à se faufiler à la dixième place des charts Blues(-Rock) américains, pourtant déjà saturés de prétendants de tous poils.
Le trio se taille une très bonne réputation scénique en Amérique-du-Nord. On le dit sans limite, capable de donner vie à n'importe quelle branche du Blues, avec une prédilection pour celui des années 60 et 70, jusqu'au Hard-blues d'Humble Pie et le Heavy-boogie de Foghat.
Le premier album en témoigne. Une réussite qui s'adresse autant aux amateurs de Heavy-rock 70's que de Blues-rock cossu. C'est parfois assez proche de Steve Hill & The Majestik (lien) avec néanmoins une guitare moins vorace en voltage et en watts. On pourrait aussi mentionner le stakhanoviste Bonamassa, évidemment sans le claquant de la production coup-de-poing de Kevin "Caveman" Shirley.
Le titre de clôture, "No Fade Away", un Blues nucléaire où George Thorogood croise le fer avec Foghat, se paie le luxe d'un long break hypnotique où Paul, à l'aide d'un Thérémine, créé un feu d'artifices de couleur typée "Nugent" et "Page".
Il semblerait que même le Country-blues n'ait pas de secret pour eux, à en juger par leur version de "Love In Vain". Le chant de Paul lui redonne même des couleurs plus dramatiques. Enfin, Country-blues, certes, mais la slide se pare tout de même d'une solide overdrive dont le mariage invoque le fantôme de Rod Price.
Ils ne craignent pas non plus de se frotter aux ballades. Sans perdre la fibre bluesy, mi-sentimentale, mi-lumineuse, bien dans le style où excellait le pauvre Jeff Healey (lien). Superbe "Baby Come Home".
Avec un premier jet de cette teneur, quasi sans faute (à l'exception du speedé Psycho-rockab' "Don't Blame Me" ?), la petite bande de Montréal est attendu au tournant. Pas de précipitation pour sortir une deuxième galette, il faut assurer le coup. Et l'attente en valait la peine. Le PDB a réussi à mettre la barre encore plus haut. "Relentless" n'y va pas par quatre chemins, il fait parler la poudre. Toutefois sans mettre bêtement le feu à la poudrière, préférant distribuer les bastos avec sang-froid et parcimonie. Et subtilité ? Soit sans éprouver la nécessité de sortir la grosse artillerie. L'apanage du métier et de l'expérience.
D'entrée, sans préliminaires, "Stewtro Rock (Just Got Back)" nous scotche au plafond. On y retrouve du shuffle survitaminé cultivé par le regretté Bernie Brauswetter des B.B. & The Stingers (lien) avec néanmoins un son plus "fat" que ce dernier, voire plus ouvert. Matos oblige car DesLauriers ne semble jurer que par des modèles Gibson. Les Paul, Melody Maker et même une EDS-1275 (la SG double-manche).
Après un conventionnel "I'm Your Man" saupoudré d'ingrédients estempillés "Brian Setzer", "Ten Feet Tall" fait fondre le bitume. ZZ-Top n'est pas loin, avec en sus un refrain fédérateur, un poil pop. La pelle y est si baveuse qu'elle donne la sensation d'un bottleneck couplé à une grosse fuzz (Big Muff).
Autre moment fort avec "Wipes Away Your Sin" où la batterie adopte un rythme "jungle" (*) et sur lequel la guitare brode un acrobatique arpège d'acier faisant de l'oeil à un Southern-rock moite, et rouillé par l'humidité les bayous.
"Up In The Air" suit à peu près le même chemin, avec un peu plus de groove, limite funky ; ça se rapproche du dernier Bjorn Berge (lien) avec une slide qui graduellement gagne en sauvagerie. Après ce duo gagnant, plutôt que de calmer le jeu et ménager les amplis, PDB met les gaz avec le boogie incandescent "We Just Might", dont les effluves relâchées par le pot d'échappement, outre du high-octane, trahissent quelques ingrédients ZZ-topiens cuvée 1975.
Ça chauffait trop et avant que ça ne sente le roussi, ils passent au slow-blues "If I Still Had You", dont le classicisme et la relative longueur casse un bel élan... jusqu'à ce que Harrisson commence à matraquer ses peaux et que Morency, tel un John Paul Jones sous acide, ne mouline en boucle des riffs glissants, forçant ainsi Paul à lâcher les chiens. Pour le coup, le retour au calme sur le coda est salvateur ; comme une éclaircie après un orage.
Le final est un festival de rythmes funkys et de grooves bluesy hypnotiques. "Gonna Make You Move (Part 1)" et "Gonna Make Your Move (Part 2)" plongent intégralement dans l'univers chatoyant et festif du James Gang, du meilleur de l'époque Joe Walsh (lien). Avec une fabuleuse section rythmique à l'avenant. La classe majuscule. Une première partie chantée, la seconde, enchaînée, totalement instrumentale. Pour sûr, voilà bien un morceau apte à mettre le feu aux planches de toutes les scènes, (de toutes essences).
Mine de rien, ce trio Montréalais cumule à lui tout seul des entités aussi diverses que ZZ-Top, Steve Hill, Ryan Reid, George Thorogood, Foghat, Bo Diddley, James Gang, Jordan Patersson, Bonamassa, Bjorn Berge, Led Zeppelin, Michael Katon et Cream. Ça reste dans le giron d'un Blues-rock assez gras, sans être pesant ou lourdaud, avec souvent une fibre 70's qui jaillit dès que la tension monte. Cossu, robuste mais nullement bourrin fonçant tête baissée. Pas certain que cela soit sans cholestérol mais garantie sans épaississant chimiques ou autres agents de textures ; c'est du bio. Tout comme sa cuisine traditionnelle, relativement simple, allant à l'essentiel et surtout fait pour résister aux rigoureux hivers, le blues-rock du pays est riche, et de préférence accompagné d'Hydromel et de Caribou.
A la suite de ce second essai, le trio est récompensé par pas moins de quatre Maple Blues Awards. (et carrément cinq nominations en 2017, et ... cinq autres l'année suivante). Ce qui en fait un des groupes les plus récompensés du Canada, si l'on compte le palmarès de chacun des musiciens. A savoir cinq Prix de Lys Blues (manifestation du Québec) et deux autres Maple Blues Awards pour DesLauriers, deux Maple Blues aussi pour Greg Morency et un record pour Sam Harrisson avec ses neuf trophées du Lys Blues pour Performance Musicale.
Et pour en mettre une seconde couche en matière de récompense, le trio arriva en seconde position sur 119 participants au 32ème International Challenge (2016) organisé par Blues Foundation.
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