Décidément, apparemment, telle une source inépuisable, la musique des années soixante-dix ne cesse de ressurgir. On ne compte plus les groupes la ressuscitant, avec une prédilection pour la première moitié de la décennie, en empiétant même sur le crépuscule de la précédente. La profusion est telle qu'il conviendrait de faire le tri, avant que l'espace ne soit saturé d'ersatz et d'apprentis maladroits. Un système mu par le profit, exploitant ses poulains, parfois jusqu'à l'épuisement et l'écœurement, participe trop généralement à cet engorgement entraînant la mort d'un courant, d'un mouvement. L'insatiable appât du gain pour une majorité de maisons de disques, les majors en tête, fait que par crainte de ne pas avoir leur part de gâteau - ou plutôt la plus grosse part - se crée une course où la sélection qualitative n'est plus. Et c'est déjà ce qui semble se réaliser pour ce nouveau "revival 70's".
Avec ce "Fandabidozi", c'est une ode aux années fastes du glitter-rock. Soit celui qui inonda le Royaume-Uni de 1971 à 1974 (avec les prémices de 1970 - sous forme de concerts bien sûr, et aussi des premiers 45 tours du genre). Alors évidemment, se bousculent dans cet album la plupart des grands noms qui ont participé à cet antique mouvement, mais en opposition avec tout sectarisme; Bobbie Dazzle laisse filtrer d'autres poids lourds de la même époque. Ainsi, par exemple, le souvenir des Status Quo et Uriah Heep de ces années-là vient plus ou moins régulièrement caresser les synapses. Ce qui permet ainsi de sortir à l'occasion d'un strict cadre glam 70's, d'élargir la palette et d'esquiver la redite, la pâle copie.
Mais qui est Bobbie Dazzle ? Cette brune aux formes généreuses et au joli minois n'est pas vraiment nouvelle dans le milieu, sachant qu'elle a participé aux belles heures d'Alunah. Un groupe de Birmingham coincé entre un Doom englué et un (lourd) Heavy-rock psyché, qui a réussi à sortir de la Gaste forêt où il s'était enfermé, grâce à sa nouvelle chanteuse, Siân Blu Greenaway. En effet, cette dernière arrivée en 2018, a suffisamment eu d'influence pour progressivement convaincre les barbus du groupe de museler leurs guitares et de réduire notablement leur taux de soufre et de plomb. Ainsi, en trois albums et un Ep, Alunah accède à d'autres sphères, grossissant les rangs de son public conquis par un mélange de genre. Toutefois, bien que les membres d'origine aient fait des concessions en suivant peu ou prou ses préconisations, Siân Greenaway ne parvient pas à totalement se réaliser. Car au sein même de sa famille, la damoiselle a été élevée au son du glam-rock. Une musique qui ne l'a jamais quittée et à laquelle elle est revient régulièrement. Pour se ressourcer, pour un simple plaisir indissociable de ses gènes, et pour égayer ses journées les plus sombres. D'ailleurs, son look consistant généralement depuis quelques temps à se glisser dans une combinaison chatoyante, parfois pailletée, à plus a voir avec le glam (l'accoutrement glitter) que quoi que ce soit de gothique, de métôl, de Doom.
C'est le décès de sa sœur Coralie (qui succombe à un cancer en mars 2023) qui l'incite à franchir le pas, à quitter ses compagnons de route pour continuer seule, mais sous des auspices plus lumineux, plus légers. Il lui était alors impératif de se tourner vers une musique plus en accord avec elle-même, et surtout plus réjouissante, pour l'aider à s'extraire de sa peine, de son deuil. Le plus remarquable, c'est que cette expérience, mêlant un retour aux fondamentaux (de la dame) et par besoin cathartique, est non seulement une réussite mais pourrait être le début d'une nouvelle carrière.
Toutefois, s'il n'y avait des éclairs de synthés de SF 50's, et ce refrain entraînant au faux-air de Rocky Horror Picture Show, "Lightning Fantasy" ferait plutôt dans le Heavy millésimé un brin Sabbathien, avant de lentement glisser vers un boogie plus qu'appuyé à la manière d'un Status Quo (avec même cette consonnance typique de Telecaster) - le break n'est d'ailleurs probablement rien qu'un clin d'œil aux forçats du boogie-rock. Une chanson dont les paroles s'appuie sur le travail de son défunt père, qu'elle a trouvé par hasard dans un de ses disques. C'est aussi un élan purement boogie qui introduit "Revolution", avant que ce titre ne se pare de quelques envolées typées Uriah Heep (ère 72-75) et se fende d'un intermède franchement "Gary Glitter" avec batterie martiale et chœurs tribaux de rigueur.
Mais déjà, sur le lumineux "Merry Go Round", - assez proche de ce que peut faire Children of the Sün [ 👉 lien]- Siân-Bobbie, toujours dans une bulle temporelle, fait la différence en sortant sa flûte traversière pour un court break aux parfums progressifs. Avec un tel instrument, le lien avec Ian Anderson et son Jethro Tull est vite fait, cependant l'approche de Siân est plus éthérée et gracieuse. "Magic of Music", aussi, est également ficelé d'un fin manteau progressif, même si l'ombre de Bowie semble peser sur cette douce pièce un brin gothique.
On constate que Bobbie aime bien aussi appuyer sur l'accélérateur, prendre les virages en dérapage, frôlant le crash, comme l'atteste le réjouissant "Antique Time Machine" dont le refrain évoque à nouveau le Rocky Horror Picture Show (celui de la chanson "The Time Warp"). De même qu'avec le fougueux "Flowers on Mars", qui offre un bon mélange des genres, entre glam, progressif et proto-metal ; entre Sweet, Genesis et Uriah Heep (on pense aussi à Bigelf, le groupe angelin de Damon Fox - qui a disparu des radars [👉 lien] ). Et plus particulièrement avec "It's Electric" - avec son intro "Kill Bill" -, propulsé par une batterie "Philty Animal", évoquant alors bien plus l'épopée Gillan (le groupe de Ian, de 1978 à 1982) que le Glam britannique 70's. Pour un peu, "Lady in Fire" irait taquiner le glam US de la décennie suivante, celui du Sunset Strip - avec en sus, encore une fois, une belle envolée luminescente de flûte traversière.
D'une cohésion sans faille, l'orchestration est plus puissante - et grasse ? - que celle des groupes glam des 70's. La cause incombant principalement aux six-cordes habillées d'une saturation crémeuse, en équilibre entre l'overdrive enrobée et la fuzz veloutée. La voix autoritaire et forte, qui n'a aucun besoin d'être forcée pour s'imposer sur ce lit électrique, participe aussi à cette sensation de Glam-rock bien heavy. Une voix qui s'impose comme le pendant féminin d'une fusion entre celles de David Byron (Uriah Heep), de Brian Connely (The Sweet)et de Bowie.
Amusant, bien que ce soit probablement le morceau le plus franchement glam du lot, - celui d'une frange plus pop, ado, entre Suzi Quatro, Mud et Sweet -, certains mouvement de "Back in the City" paraîssent être une version ralentie du méga hit (interrégional) des Negra Bouch' Beat, "C'est toi que je t'aime, Vachement beaucoup" 😏.
"Fandabidozi" a indéniablement été nourri au heavy-rock anglais du début des années 70, principalement celui de sa branche glam. Cependant, les mets sont accommodés de divers autres ingrédients, bien généralement issus de la même tranche temporelle. C'est probablement ce qui permet d'éviter de tomber dans la nostalgie ou le poussiéreux, de garder une certaine fraîcheur. Pour son premier album sous son nom - ou plutôt sous son pseudonyme, dans la tradition des Bowie-Ziggy Stardust, Alice Cooper, Alvin Stardust et Gary Glitter -, Siân Greenaway, dans des flots de guitares heavy, développe une atmosphère festive et légère. Album qu'elle aurait composé seule, à l'exception de "Lightning Fantasy", dont les paroles seraient essentiellement basées sur un essai de son défunt père. Des notes qu'elle a trouvées par hasard, des années après son décès, coincées dans la pochette d'un disque du paternel. Une franche réussite qui paraît enthousiasmer l'Europe. Prolixe, Siân annonce fièrement, encore un peu étonnée et ravie de l'accueil réservé à l'album, qu'un second opus serait déjà dans les tuyaux.
🎶
J'avoue que le 70's revival m'avait échappé. Il faut dire qu'ici à part le rugby et le basket, rien n'arrive. C'est quoi cette batterie sur Antique time machine? Il est complètement à côté, le batteur....
RépondreSupprimerJe viens de réécouter: là, ça colle, mais tout à l'heure, tout était décalé... Quid? Je vais faire exorciser mon ordinateur.
RépondreSupprimer"Je vais faire exorciser mon ordinateur." 😀😂🤣
SupprimerEvidemment, tout s'explique !!! M'enfin, mais c'est bien sûr !
Et une fois l'exorcisme effectué, il serait judicieux de réécouter plus attentivement bon nombre de groupes et d'artistes copieusement vitriolés par tes bons soins (et tes bons mots - il faut le reconnaître -)
Qui sait ? A la suite de quoi ce sera peut être un coup de foudre pour Gov't Mule ? Ou Mountain ? 👍🏼
Encore faudrait-il que l'exorciste soit du genre costaud, parce que visiblement, l'entité (démoniaque ? ou farceuse ?) doit être des plus coriaces 😁
Merci SM
À propos de Gov't Mule, je viens de voir une photo de Haynes dans Rock & Folk.... Il a désormais la ligne d'un mannequin biélorusse anorexique. J'espère pour lui qu'il n'est pas malade. Ce qui prouve que sous des dehors bourrus, je garde un cœur d'or. À moins qu'il ne l'ait fait exprès pour me priver d'un de mes jeux de mots préférés. Ce qui n'est pas à exclure.
SupprimerUn filtre minceur Instagram ou Tiktok pour paraitre plus svelte ? Je doute que ce genre le genre de la maison...
SupprimerEvidemment qu'il en a fait exprès pour t'emm.....Shuffle ! Son récent disque solo est une réussite et un de mes disques de chevet depuis quelques semaines . Mais je vois que Monsieur lit encore Rock et Folk !
SupprimerÉvidemment, même si c'était mieux avant (refrain connu). La lecture va assez vite: chroniques classic rock, érudit rock et rééditions. Quant aux groupes dont quoi ça cause, je n'en connais quasiment aucun.
SupprimerEffectivement, en cherchant sur le net, je suis tombé sur une photo de Warren Haynes où il semble avoir perdu 25 kg.
SupprimerDu coup, il paraît vraiment plus jeune. Etonnant ? Botox ?
Pas écouté son dernier disque. La diffusion d'un premier extrait ne m'ayant guère emballé, je n'ai pas poussé la curiosité plus loin...
Tu devrais pousser un peu
SupprimerA mon avis c'est son meilleur disque solo.
Je n'ai pas forcément entendu l'aspect glam, noyé sous les heavy décibels, mais en tous cas, sacré bon album !
RépondreSupprimerOui, effectivement, le Glam façon Bobbie est copieusement enrobé, non pas de paillettes, mais de guitares graisseuses. De la même façon avec l'orgue, lorsqu'il n'est pas écrasé par la batterie et les cordes.
SupprimerMais aspect Glam, indéniablement il y a.
Même si moins évident sur les morceaux "Bobbie appuie sur le champignon", ainsi que sur "Lightning Fantasy", le titre d'entrée en matière.
Quoi qu'il en soit, la comparaison avec Bolan et Bowie pourrait paraître surréaliste ; même si, parfois, le temps d'un instant, le fantôme de l'un ou de l'autre peut s'immiscer et colorer l'atmosphère.
Le glam, dans sa genèse, Bolan, Mott the Hoople... c'était tout simplement du boogie-rock 50's avec des paillettes, du rimmel, une ambiguïté sexuelle revendiquée, et un gros sachet de coke planqué en coulisse..., et quelques effets sur les guitares. A la sauce Slade, c'était nettement plus hard. C'est pourquoi sur Bobbie Dazzle, qui met les potards à fond, je n'avais pas saisi les nuances. Mais qu'importe, ce disque est très bon.
Supprimer