« Etrange moment que celui où une image surgit insensiblement d’un rêve, dans la vie quotidienne, abstraction devenue réalité, poème qui prend corps, objet tiré de l’imaginaire. Si telle chose dénuée de sens, encore qu’inquiétante est de quelque façon, absorbée par le cœur, naît alors dans le cœur le vif désir de le voir prendre forme, si bien que cette chose est appelé à l’existence. » Mishima : L’Ange en décomposition.
Tout homme est influencé par son époque, mais les hommes libres ne s’y laissent pas enfermer. Rares sont ceux qui soupçonnent les efforts nécessaires à la fabrication d’un esprit indépendant. Primordial à toute liberté, celui-ci se nourrit d’une discipline et d’une capacité de réflexion que l’homme moderne semble fuir. Dans le déclin du courage, Soljenitsyne lui-même parlait déjà de ce culte de la facilité et du confort matériel qui avilit l’homme occidental. Le confort, voilà donc l’ennemi mortel de la volonté, celle-ci ne déployant toutes ses forces que dans les rudes épreuves de l’adversité, de la pauvreté et de la solitude.
La génération précédant celle de Joe Strummer eut au moins la chance de ne pas connaître le déchaînement de la bêtise efféminée des associations modernes, elle se prélassait dans l’édredon d’une abondance inédite. « Peace and love ! » cria t-elle. S’appropriant ainsi une paix qui fut d’abord le résultat des guerres passées. Son univers aurait il été aussi paisible si le petit moustachu avait accompli son projet hégémonique ? Les lecteurs de Philip K Dick et ceux qui ont un peu de culture historique connaissent bien sûr la réponse. La guerre est inévitable pour l’homme véritable, elle continuera de survenir tant qu’il aura une vision de la vie à défendre. La haine n’est donc pas mauvaise en soi, elle est l’emportement par lequel l’homme affirme l’intérêt qu’il porte à une certaine morale. On ne hait vraiment quelque chose que par amour d’une autre, l’homme emporté par une haine exagérée sera toujours plus respectable que le niais prêt à tout accepter par peur du conflit.
Les premiers disques de Dr Feelgood sortirent quelques jours plus tôt, déclenchant ainsi une fièvre blues rock dans les bars de la vieille Angleterre. Mais Joe Strummer n’eut ni la virtuosité ni le feeling indispensable au bluesman, il se contentait de gratter ses six cordes avec une énergie rageuse. La volonté naissant souvent des limites des hommes, toute une scène abandonna progressivement la nonchalance du blues pour retrouver la fougue primaire du rock’n’roll. Cette scène, Strummer la découvrit lors du premier concert des Sex Pistols auquel il assista. Le groupe de Sid Vicious fut l’acide qui dévora rapidement la douceur et l’utopie de la pop anglaise. Grâce à eux, le rock redevint la musique du peuple, le témoin tonitruant de sa colère et de sa douleur.
Les anglais ayant toujours été partisans de l’excentricité créative, le gang de Joe Strummer fit du reggae le blues du punk anglais. L’énergie primaire du Clash donna du nerf à cette musique d’acéphales fumeurs de joints, inventant ainsi une nouvelle forme d’amateurisme raffinée. Le premier album se vendit très bien, faisant de The Clash les sauveur d’un monde en ruine. Les Beatles n’étaient plus, les Stones commençaient déjà à s’autocélébrer, le heavy blues ronronnait comme un moteur puissant mais encrassé. La bande de Joe Strummer se vit de plus en plus comme le dernier espoir d’un rock en perte de vitesse, sa dernière force capable de conquérir le monde. A l’heure où un nihilisme absurde enfonçait dans les têtes punks la haine de la gloire et du succès, The Clash ne cachait pas ses rêves de grandeur. Seuls des êtres insignifiants peuvent se passer de compromis, celui qui ne peut rien obtenir ne perd rien en suivant strictement les dictas de sa morale.
Retranché dans son studio en compagnie du producteur Guy Stevens, le groupe fit l’inventaire de ses influences multiples. Lui vinrent bien sûr en tête des mélodies reggae et l’imparable fougue ramonesque, mais également des touches de jazz, de pop et de rock’n’roll des premières heures. Le groupe s’en donna alors à cœur joie, au point de comprendre qu’un disque ne suffira pas. C’est ainsi que Guy Stevens ordonna les merveilles hétéroclites de ses poulains, pour produire un double album tenant autant du témoignage que du modernisme le plus excitant.
Déjà devenu une caricature de lui-même, The Clash renfloua ses caisses grâce au succès du très lisse « Combat rock ». Dans un dernier acte de bravoure, le gang ridiculisa The Who lors d’une historique première partie au Shea stadium. Du succès, Mick Jones en voulut toujours plus, ses caprices de diva accentuant encore les tensions d’un groupe au bord de l’implosion. Le guitariste, dévoré par la cupidité et le narcissisme, voulut poursuivre dans cette voie commerciale qui lui remplissait les poches. Le social traître fut donc viré pour « non-respect de l’esprit original du groupe ». Le succès avait détruit l’esprit de Mick Jones en même temps qu’il détruisait le corps de Topper Headon. Epuisé, celui-ci quitta à son tour The Clash en 1984.
Une formation qui n’avait plus de clash que le nom, sortit ensuite l’ignoble « Cut the crap », avant d’officialiser sa séparation en 1985. Né d’une génération de groupes voulant disparaître vite pour ne pas être récupérés par le show business, l’aventure de The Clash dura finalement aussi longtemps que celle des Beatles. Et elle ne fut pas moins glorieuse.
Je m'insurge ! Dans votre (habituelle) diatribe contre la "modernité" (elle commence quand ?), vous avez oublié les... "islamo-gauchistes" (sic)...
RépondreSupprimer"Ecologistes fanatiques" n'a aucun sens, ce serait comme dire "pacifistes fanatiques" ou "affectueux fanatiques"... A moins de considérer l'écologie comme néfaste par nature, ce qui est un choix, après tout... Fustiger à la fois la décroissance (inévitable) et le "confort consumériste" est incohérent. Mais le plus gros hic est que la plupart des groupes ou artistes commentés (en particulier celui-ci, de purs "gauchistes") ne souscriraient pas à ces pompeuses et ineptes digressions virilo-réactionnaires.
RépondreSupprimerEnfin, pour (re)venir à ce groupe, je me suis toujours demandé ce qu'on lui trouvait... Ils font le même boucan que les autres.
En beaucoup moins bien quand même.
SupprimerJe vous vois écrire sous les articles de cet homme depuis quelques semaines chère "anonyme" et je ne peux m'empêcher de penser que votre comportement dessert votre cause. Votre texte emplie de certitudes illustre parfaitement le propos sur les "fanatiques écologiques". Vous semblez vous considérer dans le camps du bien et de la vérité révélée mais la décroissance n'est inévitable et visiblement souhaitable que pour vous.
SupprimerSi je me laissais aller j'affirmerai d'ailleurs qu'une telle vision relève d'une dérive sectaire , que vous vous donnez l'allure d'un témoins de Jéhova de la religion du climat. Je passe sur le coté viriliste car je ne vois pas où vous le trouvez ici ... Quant au qualificatif réactionnaire , il n'a rien de négatif en soit . On peut très bien regretter certaines grande choses du passé , ce n'est pas un crime.
Pour revenir à la musique , le clash , de part ses influences multiples et sa longévité , me semble être un des groupes les plus intéressant du mouvement punk.
L'auteur semble regretter les guerres mais en ce moment, il doit être servi...
SupprimerPour le côté "viriliste" : "bêtise efféminée", "féministes radicaux"...
Pourrait-on numéroter les "anonyme", ou les désanonymiser, car on s'y perd un peu, qui répond à qui, y en a-t-il plusieurs, ou est-ce le même, schizophrénique, qui fait la conversation ?! En tous cas, quelques que soit la teneur de vos commentaires, merci à tous de vos contributions à ce blog.
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