mercredi 18 janvier 2023

JEFF BECK - RIP - 24.06.1944 - 10.01.2023



     La nouvelle est tombée comme un couperet : Jeff Beck n'est plus de ce monde. Jeff Beck... Jeff Beck n'était donc pas immortel. Pourtant, toujours en forme, toujours sur scène, on aurait pu le croire. Jeff Beck, l'un des derniers grands et authentiques guitar-heroes. Une immense icône de la musique et pourtant si humble. Jeff Beck, qui en dépit de son imposante aura, était capable de monter sur scène pour rejoindre un groupe et rester simple, se fondre dans la musique sans essayer de tirer la couverture à lui-même. Mais lorsqu'il se lançait dans un solo, il pouvait faire taire un public qui ne voulait pas en perdre une miette. Jeff Beck, l'homme qui apprit à chevaucher les larsens pour les apprivoiser et les fusionner à son jeu.


    Son empreinte, impressionnante, impose le respect absolu. C'est pourquoi même les grands médias français, pas vraiment amènes envers la musique anglo-saxonne - surtout si ça touche au Rock (à l'exception de quelques artistes se comptant sur les doigts d'une ou deux mains) - se pressent pour relater la triste nouvelle.

     Jeff Beck qui, à vingt piges, en parallèle avec divers petits boulots éreintants, devient musicien de studio occasionnel - grâce à sœurette qui le présente à Jimmy Page, à peine plus âgé que lui. Ce qui va le conduire à intégrer en 1965 les fameux Yardbirds, si précurseurs, en remplacement d'un autre prodige, Eric Clapton. S'il ne compose pas encore, il apporte un nouveau souffle au quintet londonien, l'entraînant vers un rock psychédélique annonciateur du Hard-blues. Certains morceaux de l'album "Roger The Engineer", de 1966, sont considérés comme du proto-hard-rock. Initialement plutôt timide, il va commencer à doucement se lâcher en concert, mettant à profit la Fuzz qui, entre ses mains, n'est plus un accessoire, mais bien un outil quasi permanent sculptant le son. Mais déjà son caractère affirmé, caractère de cochon, diront certains, crée des problèmes au sein du groupe. Jeff déteste faire le pantin sur les plateaux télés, à mimer plutôt qu'à jouer. Pourtant passage obligé en Angleterre (et ailleurs) pour espérer étendre une popularité naissante. Mais Jeff n'en a cure et va jusqu'à ne pas se présenter, laissant le groupe parader seul. Au mieux, il y va et fait sa tête de lard (comme sur la séquence filmée par la télévision française, sur la pelouse d'un stade, où Jeff reste planté sur ses genoux, la tête basse - une attitude que reprendra également une de ses émules, Ritchie Blackmore qui, sur la majorité des séquences télés, fait le pitre ou tire une gueule de six pieds de long). Et puis il y a la tournée américaine où les tensions entre le groupe et Jeff arrivent à un point de non retour. Dès lors, il ne se présente pas sur certaines dates, prétextant qu'il est mal. Le groupe pense que c'est du chiqué et la rupture est amorcée - on sera jamais si Jeff a été mis à la porte où s'il est parti de lui-même.

Un départ nécessaire, car désormais, en volant de ses propres ailes, Jeff Beck va enflammer la planète (rock) avec son jeu de funambule pyromane. Jusqu'à - assez rapidement - disputer le titre de meilleur guitariste Rock de la "troisième pierre depuis le soleil".


   Désormais, à jamais, le monde aura les yeux et les oreilles tournés vers cet énergumène, surveillant ses faits et gestes. Après les cataclysmes que furent les Cream et Jimi Hendrix, Jeff Beck en crée un nouveau en 1968, avec le faramineux "Truth". Emmené par un jeune Rod Stewart, soutenu par Ron Wood (à la basse) et Nicky Hopkins (les potes Jimmy Page, John Paul Jones et Keith Moon sont aussi venus donner un petit coup de main). A l'époque le choc fut énorme, et bon nombre d'auditeurs n'en supporteront pas l'impact. Un uppercut qui, des années plus tard, en pleine explosion Hard-rock, avait toujours assez de force pour en étourdir plus d'un. Un disque précurseur, considéré à juste titre comme faisant partie des artificiers ayant allumé l'indomptable incendie d'où émergea le hard-blues (et ses rejetons). Led Zeppelin doit d'ailleurs beaucoup à ce premier album, ainsi que Ritchie Blackmore. Ce dernier, pourtant avare en compliment, ne cacha jamais son admiration et respect pour Beck. Quant à Led Zeppelin, Beck reprochera longtemps à Page d'avoir un peu trop exploité ce qu'il avait développé avec son Jeff Beck Group, et d'avoir fait son beurre dessus.

     L'année suivante, avec "Beck-Ola", Jeff construit déjà sa légende ; et des morceaux tels que "Spanish Boots", "The Hangman's Knee" et " Plynth " définissant les codes du Rock lourd, très lourd, et ouvrent la voie à des furieux tel que Cactus. Oui, Cactus - parfois tout semble être de concordance - dont la célèbre section rythmique tenue par Tim Bogert et Carmine Appice, avait déjà séduit et inspiré le Royaume-Uni avec Vanilla Fudge. Il s'était passé quelque chose lorsque Beck avait remplacé au pied levé, le temps d'une soirée, le guitariste de Vanilla Fudge absent. Une insoupçonnable alchimie qui a fait jurer à ces trois là de se réunir dès qu'ils seraient débarrassés de leurs obligations contractuelles actuelles. 

     Hélas, Jeff, également friand de grosses cylindrées, fait le con. Il se fracasse sur la route, manquant de peu d'avaler son extrait de naissance. Il met des mois à s'en remettre. Entretemps Bogert et Appice ont formé Cactus. De son côté, Rod The Mods, qui voyait d'un mauvais œil l'arrivée de Bogert & Appice, craignant de se faire voler la vedette, a rejoint Ron Wood et les Faces.


   Qu'à cela ne tienne, une fois pleinement rétabli, Jeff monte un nouveau Jeff Beck Group, deuxième du nom, probablement moins célèbre et pourtant plus fort. Jeff a étonnamment muri. D'apparence moins fou, plus maîtrisé, certainement plus recentré sur la chanson et la mélodie, il fait déjà preuve d'une incessante évolution. Bien qu'immédiatement reconnaissable, il a une soif insatiable d'explorer de nouveaux territoires. Toutefois, sans jamais donner l'impression de faire des concessions (à une exception près, plus tard...). Ainsi, cette formation forge de monumentaux morceaux de Heavy-soul-rock, illuminés par la chaude voix de Bob Tench - dont ce sera peut-être les plus belles performances. Par l'intermédiaire du claviériste, Max Middleton, Jeff s'initie au Jazz-rock ("Max's Tune" et "Definitely Maybe"). Dans les rangs de cette nouvelle bande, on retrouve le batteur Cozy Powell, avec qui Jeff partage une étonnante ressemblance physique et le même attrait pour les moteurs ronflants et musclés (Jeff est plutôt voiture, tandis que Cozy, c'est la moto). "Rough And Ready" en 1971 et "Jeff Beck Group" en 1972, deux disques magistraux, injustement un peu négligés, voire (hérésie !) occultés, inconnus même de l'amateur lambda. L'instrumental "I Can't Give Back the Love I Feel For You" nous éclaire sur l'origine du jeu mélodique au bottleneck de Blackmore, à la fois puissant et raffiné. En dépit de l'excellence de ces albums et du groupe, c'est déjà de l'histoire ancienne peu après la sortie du second.

     Cette fois-ci, le vœu de jouer avec les terribles Tim Bogert et Carmine Appice se concrétise, et... une autre pièce légendaire voit le jour en 1973 : l'unique et seul album de B.B.A., du "Beck, Bogert & Appice". Cependant, en dépit d'un bon accueil de la presse, le public reste timide. Sauf pour la reprise de Stevie Wonder, "Superstition". Reprise qui n'aurait pas dû l'être puisqu'à l'origine c'était un présent de Stevie à Beck (en fait, tout démarre d'une petite jam improvisée entre eux), en compensation de services rendus sur l'album "Talking Book". Mais le management du Wonder boy convainc ce dernier de la reprendre à son compte. Et de la sortir prestement en 45 tours, avant Jeff. Beck l'eut mauvaise, d'autant qu'on le traita injustement d'opportuniste. Lui qui ne se fit pas payer pour les séances effectuées pour Stevie Wonder...  Ce groupe tant attendu ne fait pas de vieux os, split encouragé par le mauvais caractère de Bogert et probablement une forme de despotisme de l'ombrageux Jeff. Le label sort l'année suivante un live d'anthologie, fruit du meilleur de deux soirée live au Japon, simplement baptisé "Beck, Bogert & Appice - Live".

     Un tournant s'opère : Beck en a un peu marre des groupes et de certains éléments qui ramènent, à son sens, un peu trop leur fraise. Désormais, afin qu'il n'y ait plus d'ambiguïté, la suite de sa carrière sera soit sous son seul nom, soit occasionnellement associé à un autre.


   En 1975, son retour discographique provoque, encore une fois, un séisme. Un double généré par "Blow By Blow" qui marque l'entrée dans une ère instrumentale (guère courant à l'époque), une orientation vers la fusion, le Jazz-rock, avec une présence prépondérante des claviers (ici tenus par Max Middleton). Désorientation totale pour de nombreux fans. Le Mahavishnu Orchestra de John McLaughin et de Jan Hammer, a profondément marqué El Becko, qui songe même un moment à s'atteler aux claviers. Une lubie qui, heureusement, sera de courte durée. Cependant, l'album trouve le moyen, grâce à ses doux épices Soul et de Funk, de rester accessible. Au contraire du suivant, "Wired", qui l'est nettement moins. La présence du Tchèque Jan Hammer, n'est certainement étrangère à cette direction et à ces morceaux qui paraissent parfois plus expérimentaux. Au sujet de "Blow By Blow", on raconte que quelque temps après la fin des séances, Jeff Beck, éternel insatisfait, contacte le producteur George Martin (oui, celui des Beatles) pour rejouer certains soli. Goguenard, Martin lui répond que cela va être difficile puisque l'album est déjà dans les bacs.

    Après un album live avec Jan Hammer et un moment d'absence, Beck resurgit en 1980 avec l'étonnant "There and Back", en collaboration avec Tony Hymas (ex-Jack Bruce), ce qui le place dans la division des intouchables, des hors-classes. Même si Jeff n'y compose rien. Aujourd'hui, un disque plutôt dédaigné, mais lors de sa sortie, c'est un nouveau palier qui fait de Beck un "musicien hors-sol", inatteignable et inarrêtable dans sa quête perdue. Celle d'un musicien se remettant sans cesse en question, à l'affût de nouveaux territoires à conquérir. C'est aussi la borne marquant son abandon des Gibson (lui qui a longtemps été affilié à sa Gibson Les Paul 54 modifiée - repeinte en noire et équipée d'humbuckers à la place desP90 d'origines) pour se consacrer entièrement aux Fender. Aux Telecaster (dont la fameuse qu'il a depuis longtemps équipée d'un humbucker en position chevalet et poncée copieusement la caisse pour le confort de son bras droit) et surtout aux Stratocasters dont le travail au vibrato va devenir un élément central de son jeu. Pour dompter cette dame, il joue aux doigts pour ressentir toutes les nuances et tenter de maîtriser la fougue de la belle. Prêt à la faire protester, rugir, chanter ou gémir, à l'aide du vibrato - qu'il garde généralement en main - et le potentiomètre de volume pour des effets de violoning (empruntés à Roy Buchanan - il lui avait dédicacé le morceau "Cause We've Ended as Lovers" sur "Blow by Blow").

     Cependant, l'ambiance musicale de ce début de décennie l'incommode. L'engouement pour la New-wave - mouvement qui a tendance à reléguer la guitare en arrière plan (quand on l'entend encore) - l'exaspère sérieusement et il préfère se retirer de la scène, mettant à profit ce repli pour s'adonner pleinement à sa passion pour les voitures. En particulier les hot-rods, avec une préférence pour les vieilles Ford à qui il s'échine à donner une seconde jeunesse. 


   Ainsi, pendant près de cinq ans, il se tient à l'écart du monde du spectacle. Jusqu'en 1985, retour très médiatisé via le single "People Get Ready", (reprise de Curtis Mayfield), largement diffusée par MTV et les radios. Une belle réussite grâce à la voix enfumée de Rod Stewart et le magnifique solo de Jeff. Le succès de cette chanson entraîne l'album "Flash" dans les charts. Pourtant, le verdict est unanime : c'est le premier faux pas de Jeff. Et il semblerait que, contre toute attente, il a fini par céder aux pressions et fait de terribles concessions. A l'exception de "People Get Ready", tout le reste de l'album n'est que pop synthétique, embourbé dans une production et des arrangements trop riches et datés. Même Jimmy Hall, l'ex Wet Willie, y fait une pâle prestation. A croire qu'on a voulu imposer le modèle Michael Jackson à El Becko. L'ironie, c'est que pour son retour à la chanson, après dix années dédiées à la musique instrumentale, c'est la seule pièce instrumentale de la galette qui gagne un Grammy Award.

     Après ce malheureux emplâtre, il faut attendre 1989 pour voir reparaître le Jeff Beck que tout le monde attendait. Echaudé par l'expérience "Flash", il revient mais en prenant son destin en main. Il rappelle son vieux complice Tony Hymas, embauche Terry Bozzio (ex-Zappa, rencontré lors de sessions pour Mick Jagger), et à eux trois ils forgent ce "Jeff Beck's Guitar Shop" qui va rester dans les annales. C'est un album monstrueux, n'appartenant à aucune famille particulière, offrant diverses atmosphères tantôt rock et fun ("Sling Shot", punk-jazz-rock ?), tantôt éthérées et planantes. Au sujet du langoureux et célèbre "Where Were You", le co-producteur aurait lancé à Jeff, une fois sa partie jouée et enregistrée, qu'à faire le malin avec ses effets de vibrato, d'harmoniques et de violoning, il allait bien être emm... pour retranscrire ça en concert. Pour toute réponse, Jeff lui rejoue intégralement à l'identique le morceau. A la demande de la famille de Rick Wright, il le jouera à l'enterrement du claviériste de Pink Floyd, qui adorait le travail de Jeff et en particulier cette pièce céleste.

     En 1991, Fender réalise l'un de ses premiers modèles "Signature", et pour cela la célèbre entreprise s'adresse à Jeff Beck. Basé sur les Stratocasters Series Plus des années 80, ce modèle est équipé de micro Lace Sensor, dont un Dually (un humbucker Lace Sensor à l'apparence de deux simples juxtaposés) en position chevalet, d'un switch pour splitter cet humbucker et du système de tonalité TBX. Le modèle Signature évoluera en passant à des micro Hot Noiseless, en profilant le talon pour un accès aux aigus accru, et en équipant la tête de mécaniques autobloquantes.

     Petite parenthèse sans intérêt en 1992 avec la bande originale du film "Frankie's House" co-composée avec Jed Lieber. L'année suivante, il ne résiste pas au plaisir de sortir un authentique et respectueux album de rockabilly, en hommage à l'une de ses idoles : Cliff Gallup, le guitariste de Gene Vincent. Jeff, en se contentant de reproduire à l'identique la sonorité et le jeu de Gallup, y est méconnaissable.


   Retour du poto Tony Hymans en 1999, qui co-produit avec Jeff, et compose la grande majorité de  "Who's Else !". Pour beaucoup, ce copieux album est une nouvelle pierre angulaire du maître. C'est le début d'une période de collaboration avec Jennifer Batten, reine du tapping, ancienne guitariste de "Bambi" Jackson. C'est aussi le début d'une série de mise en lumière de diverses musiciennes, souvent pour leur servir de tremplin. Jeff a peut-être voulu suivre l'exemple de Gary Moore (avec qui il tourna à l'aube des années 90), qui osa une incursion (réussie) dans l'electro dès 1997, avec le superbe "Dark Days in Paradise" (👉 lien). Rebelote en 2001 avec le terrible "You Had It Coming" qui marque un retour de Beck à la composition. Un album d'apparence plus dur, plus sombre et brutal, penchant parfois vers du Prodigy à la sauce "métôl". La production énorme fait vrombir les basses, à en faire trembler les murs, même sur "Nadia" - instrumental où Jeff déploie son étonnante technique de vibrato pour attaquer toutes les notes  - frénétiquement ou langoureusement - et leur insuffler une expressivité à fleur de peau. Une reprise aussi du classique de Muddy Waters, "Rollin' and Tumblin'", passé dans la centrifugeuse électro sans perdre les racines Blues. Jeff Beck n'est pas seulement un guitariste talentueux, mais aussi un mage de la six-cordes.

     En 2003, "Jeff", qui continue sur la lancée, mais bien qu'encore fort bon, marque un début d'essoufflement. En comparaison avec les deux précédents albums, certaines pièces manquent de vigueur ou d'éclat.

     Après un début de siècle bien chargé, c'est un nouveau moment d'absence, ponctué de diverses apparitions et concerts, dont l'un fait l'objet d'un disque officiel : l'excellent "Live at Ronnie Scott's" (2008) - qui essaye vainement de parcourir sa carrière. On y découvre l'Australienne Tal Wilkenfield, véritable phénomène de la basse, que Jeff prend sous son aile en 2007 (on la voit sur le DVD du festival annuel de Clapton, Crossroads, de 2007).

     Enfin, en 2010, c'est le magnifique "Emotion and Commotion" ; probablement son disque le plus centré sur l'émotion pure, avec notamment ses versions instrumentales de "Corpus Christi Carol", "Over the Rainbow", "Never Alone", "Elegy for Dunkirk" (avec la chanteuse classique Olivia Safe - amie du couple Beck) et surtout de "Nessum Dorma". Pour cette dernière, si elle peut légitimement écorcher les oreilles d'un pointilleux mélomane, éduqué au classique, elle ne manque pas de faire vibrer la corde sensible de celui dont les esgourdes ont été policées par le rock. Le renfort d'un grand orchestre sur quelques morceaux - dont ceux mentionnés ci-dessus - montre que Jeff Beck s'est affranchi des frontières des formats rock, pop, hard, jazz. Jeff Beck joue du Jeff Beck. Et quand tant d'autres "rockers" s'escriment à reproduire des œuvres classiques sur leur guitare électrique, trop souvent dans une optique de performance, pour épater la galerie, Jeff, lui, se contente de jouer à l'instinct, avec sensibilité, essayant avec son âme de communier avec la mélodie du chant ou de la musique. L'album remporte deux Grammy Awards. 


   En 2016, Jeff s'allie avec les filles du groupe de Rock-garage "Bones", et sort un "Loud Hailer", de prime abord surprenant. Semblant parfois un peu foutraque. Toujours en quête de nouveaux défis, Jeff voudrait faire quelque chose de plus cru, d'électrique et de rageur. Voire d'actuel. Composé à six mains, cet album est vraiment le fruit d'une collaboration. A plus de soixante-dix ans, Jeff fait preuve d'une vigueur qui fait souvent défaut à des musiciens dans la quarantaine, ou la cinquantaine.

     En 2022, "18" concrétise la collaboration et l'amitié liant Jeff à Johnny Depp. Evidemment, la conception et la sortie de l'album ont été retardées par les confinements, de même que les tournées. Cet album en demi-teinte se révèle un sujet de contrariété pour beaucoup. Pas inintéressant, il présente néanmoins un Depp moins en forme qu'au sein des Hollywood Vampires, légèrement éteint et manquant sensiblement d'étincelle. Toutefois, les morceaux semblent prendre une texture plus sympathique sur scène - notamment en faisant fi de quelques arrangements malheureux.


     Certes, on peut considérer que son départ est une perte immense, toutefois il nous laisse une riche discographie débordante de trésors inégalables. Un superbe patrimoine étalé sur soixante années, si on inclut "Having a Rave Up with the Yardbirds" des YardBirds de 1965. Ce qui n'est pas donné à tout le monde. Rares même sont les élus à avoir pu le faire, et qui laissent pour la postérité un tel héritage. Jeff Beck n'est pas venu pour rien en ce monde, et il a bien rempli sa vie. Bien suffisamment pour justifier qu'on lui érige une statue - sachant que déjà, de son vivant, Jeff Beck était un monument. Et non, ça n'a rien de risible, sauf si on considère qu'un officier ou un chef d'état qui a envoyé des pauvres bougres combattre, souffrir et mourir à sa place (sur un laps de temps fort heureusement court), a plus de valeur qu'un homme qui a ravi des centaines de milliers de personnes pendant plus d'un demi-siècle. Une vie comblée, 

     Jeff Beck, le musicien aux neuf Grammy Awards, né Geoffrey Arnold Beck, un 24 juin 1944 à Wallington, s'est éteint le mardi 10 janvier 2023 des suites d'une méningite bactérienne. Peu de mois auparavant, à 78 ans, il abordait la scène, toujours fringuant et pertinent. Souvent considéré comme un guitariste pour guitariste, parce qu'un non-musicien (ou non-guitariste) pouvait ne pas saisir la complexité de fabuleux travail de modulation des notes au vibrato, au potentiomètre de volume, un non-initié ne peut rester insensible à l'incroyable expressivité de nombre de ses soli. La preuve, le succès de celui de sa reprise de "People Get Ready". Malgré tout ce formidable parcours, ces innombrables concerts, ces récompenses, ovations, articles encenseurs, la révérence de musiciens reconnus mondialement, Jeff Beck est resté, dans la vie, un homme simple, abordables et assez humbles. Voire généreux. Comme pourrait l'attester cette petite histoire d'un ami en vadrouille au Royaume-Uni, parti en vacances chez la belle-famille, et qui trouve exposée dans un garage station-service-épicerie-fourre-tout, une belle Stratocaster blanche avec la signature de Jeff Beck sur le corps. Jeff, qui habitait pas loin, l'avait donnée au commerçant pour qu'il la vende (au prix qu'il voulait). En espérant que la vente aiderait le commerce à surmonter quelques petites difficultés passagères.




🎼



Autres articles / Jeff Beck : 👉 " Beck, Bogert & Appice " (1973)  👉  " Who Else ?" (2000)  👉  " Live + " (2015)

3 commentaires:

  1. Comment savez-vous qu'il va mourir le 10 juillet ?

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    1. Jeff n'est pas mort... C'est un coup monté

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    2. Nan... On a piraté le blog. La CIA ou les Russes. Pour nous déstabiliser.
      D'ailleurs, ils ont omis de modifier aussi le teste : "s'est éteint le mardi 10 janvier 2023 des suites ... " 😊

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