- Hihi Claude… Charles Avison et Domenico Scarlatti sont dans un bateau… Avison pousse Scarlatti […]
- Heu oui Sonia, on se calme. Ok Noël, tes pantoufles au pied du sapin, et patati et patata… J'avais promis un programme diversifié de musique baroque et classique sans morosité ni intellectualisme, mais attendons le champagne pour les blagues à deux balles…
- Oui Claude… désolé… Je connais Domenico Scarlatti, les chroniques à propos de ses 555 sonates pour clavecin, mais pas du tout Charles Avison…
- Pas grave Sonia. Charles Avison est un petit maître anglais héritier du baroque tardif et précurseur de l'époque classique au milieu du siècle des lumières…
- Elle est belle cette jaquette du coffret du temps du vinyle… A-t-il
été réédité ? Quant à Neville Marriner, le maestro avait vraiment assuré
une discographie prolifique mais inventive, il n'y a pas de lézard…
- Je confirme et oui réédition il y a eue… À propos, il y a un gros lézard sous ta chaise !
- HIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! Mais où cela ???? Pff, même pas drôle !
Charles Avison |
XXXXX |
Sacrée Sonia, toujours ce mélange entre passion pour son job, étendre sa
culture générale, et la joie de vivre… Elle a juste oublié de poser la
question essentielle, quel rapport entre le compositeur Italo-espagnol et,
un obscur compositeur anglais dont la carrière se déroule après celle de
Haendel
et en parallèle de celle de
Carl Friedrich Abel, deux allemands à la cour british…
(Clic)
? Le second a été écouté il y a peu, encore une première dans le blog dans
la catégorie "les compositeurs injustement oubliés".
Petit maître, le mot est juste tant la production de
Charles Avison
sera modeste. On n'ignore presque tout de sa jeunesse et donc de sa
formation qui en musique classique influence grandement le parcours
ultérieur d'un compositeur. Le très chouette coffret illustrant l'en-tête de
ce billet a bien été réédité dans la collection DUO aux temps où
Philips s'intéressait encore à faire vivre son riche patrimoine
discographique… On trouve des exemplaires CD par-ci par-là… Le coffret LP de
1979 a franchi les années lui aussi… Les uns ou les autres à des
tarifs raisonnables pour les amateurs de musique baroque insolite et
détendante…
Charles Avison
est né en 1709 à Newcastle upon Tyne (Newcastle tout court en langage
courant). 1709 :
Bach,
Telemann,
Haendel,
Vivaldi
et bien d'autres travaillent à construire ce que l'on nomme le baroque
tardif ; le contrepoint s'enrichit, les instruments se perfectionnent.
Certes on compose encore beaucoup pour l'opéra ou pour la liturgie, mais la
musique instrumentale pour soliste ou orchestre prend son essor, certes
principalement pour le divertissement, mais l'âge classique se nourrira dès
1750 de ces évolutions.
Ses parents
Richard
et
Anne Avison
sont musiciens. Il est le cinquième d'une fratrie de onze gamins… On évoque
sans vraiment de document à l'appui un voyage en Italie, ce qui pourrait
expliquer l'intérêt prononcé de
Charles
pour le style italien et les relations fortes entretenues avec les
compositeurs du pays de soleil…
Il y aura moins de soleil à Londres où il poursuivra ses études. Son professeur s'appelle Francesco Geminiani, compositeur originaire de Toscane (1687-1762) mais dont la carrière sera très britannique, comme celles de Haendel ou de Abel. Geminiani, était un élève de Corelli. En un mot, le monde est petit, même à l'époque de la diligence et de la marine à voile 😊.
Domenico Scarlatti |
Charles Avison
est à l'évidence casanier et, à l'inverse des maîtres navigant entre le
continent et la perfide Albion, très attaché à sa ville natale de Newcastle.
Il occupe la tribune de l'orgue de l'église Saint-Nicolas dès 1736,
un orgue moderne venant d'être installé. Il doit s'y plaire car malgré des
propositions plus prestigieuses, même en Angleterre, il ne quittera jamais
son poste. Ses fils
Edward et
Charles prendront le relai face aux mêmes claviers. Avant de partir définitivement
pour Newcastle en compagnie du compositeur du jour, soulignons que
Avison
avait donné un concert de ses premiers concertos écrits à la manière de son
professeur
Geminiani
à Londres en 1734.
Charles Avison
adoptera une carrière polyvalente : organiste, professeur, compositeur et
président de la
Newcastle Musical Society. Ces sociétés proposant des concerts en abonnement devenaient très à la
mode dans l'Angleterre du siècle des lumières (voir les
concerts Bach-Abel créés par
C.F. Abel
et
J.C. Bach et évoqués récemment –
Clic.)
Avison enseigne en privé : le clavecin, la flûte et le violon. Les revenus en tant qu'organiste, enseignant et organisateur de concert, activité rentable, assurent un confort matériel très correct à sa famille de neuf enfants issus de son mariage en 1737 avec Catherine Reynolds… seulement trois atteindront l'âge adulte 😥. La mortalité infantile à l'époque donne des frissons, même dans un milieu privilégié…
Par ailleurs
Avison
s'avère par ses écrits un théoricien très en avance sur son temps. Son Essai
sur l'expression musicale publié en 1752 aborde ces sujets : l'effet
de la musique sur nos émotions et notre humeur (hihi, la musique adoucit les
mœurs, exemple La Marseillaise 😊), les relations entre musique et peinture
; je le cite : "un accord complet frappé, ou une belle succession de sons uniques
produits, n'est pas moins ravissant pour l'oreille, qu'une simple
symétrie ou des couleurs exquises pour les yeux." Autre partie : des règles pour utiliser prioritairement tel ou tel
instrument dans les concertos suivant l'exaltation recherchée chez le
mélomane… Avison
ou un romantique avant l'heure !? Il déclenchera aussi une polémique en
soutenant la suprématie de la musique d'influence italienne (ses maîtres et
amis, et… la sienne) face aux œuvres reflétant le style allemand, comme
celles de
Haendel
considéré comme un dieu en ce temps-là…
Son catalogue restreint comprend : six cycles de six à douze concertos grosso, quatre cycles de sonates et des pièces liturgiques dont un oratorio. La discographie comporte plusieurs gravures intégrales de l'opus 9 écouté ce jour, des albums de sonates pour clavecin et des pièces isolées…
Saint Nicolas de Newcastle |
Ah les riches heures du
Concerto grosso
de l'époque baroque, oublié pendant le romantisme puis revenu au goût du
jour au XXème siècle. Le genre apparaît sous la houlette de
Arcangelo Corelli
qui en fige la forme vers 1670. Il semble que Stradella ait eu l'idée d'en proposer les prémisses dans l'une de ses cantates…
Alessandro Stradella, un baroqueux (1643-1682) dont nous écouterons la cantate de Noël
le 24 décembre. Stradella, un drôle de tricheur, épicurien, gredin et homme à femmes (rarement la
sienne) qui finira poignardé par un tueur à gage ! Même dans l'univers
classique, il y a de beaux assassinats aurait chanté Brassens.
Attendons Noël…
Wikipédia ressence quarante compositeurs de l'époque baroque qui ont écrit des milliers de concerti grossi. Pour mémoire : un petit ensemble instrumental, concertino, dialogue avec un orchestre de cordes coloré par une basse continue et le soutien d'un clavecin. Il comporte de 2 à n mouvements (7 chez Haendel), 3 en général. La forme donnera naissance au concerto classique et romantique avec un soliste unique (rarement 2 ou 3) qui impose sa loi, piano, violon, violoncelle principalement, mais aussi des vents. J'y vois aussi la genèse de la symphonie dont la structure se consolidera en quatre mouvements : adagio-allegro / andante / menuet-scherzo / allegro. De Haendel et ses concertos a due cori à Vivaldi et ses quatre saisons, en passant par Corelli, l'index invite à l'écoute de dizaines de ces concertos par maints compositeurs plus ou moins célèbres. Les concertos Brandebourgeois de Bach s'apparentent au genre.
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Neville Marriner |
Qu'apporte d'original les
douze concertos opus 9
de
Charles Avison
de 1744 ? élément de réponse : leur thématique empruntée à l'une de
ses idoles :
Domenico Scarlatti. Comme expliqué plus haut,
Avison
a un faible pour le style des compositeurs italiens même si celui-ci a fait
carrière essentiellement en Espagne. La célébrité lui échappa de son vivant,
mais de nos jours quelle revanche ! Quel claveciniste ou pianiste n'a pas
inscrit l'une de ses
555 sonates pour clavier
à leurs concerts ou en bis. Le regretté
Scott Ross en a gravé
l'intégrale ! À ma connaissance aucune version géniale ne la concurrence de
nos jours
(Clic). Mais comment
Avison
avait pu dénicher les partitions de
Scarlatti ? Seconde question, seconde réponse : Thomas Roseingrave, un
original comme seul l'Angleterre sait nous les offrir, voyage en Italie vers
les années 1730 et entend des
Essercizi
de
Domenico
à Venise… Il rapporte à Londres ces sonates en un mouvement et les publie
sous le titre
Essercizi per gravicembalo.
Avison
sélectionne des motifs mélodiques dans cette trentaine de
sonates. Huit autres mouvements lents qui circulaient à l'époque officieusement
seront également retenus. Ils sont notés
(?) dans le tableau ci-dessous.
Quid des numéros indiqués comme
(91a). Il s'agit des références attribuées par le claveciniste et musicologue
américain
Ralph Kirkpatrick
(1911-1984) dont le catalogue complet des œuvres de
Scarlatti
date de 1953. Mon dieu quel travail ! Si vous voulez vérifier, moi je
renonce 😊.
Et grâce à ces parodies mélodiques (on ne parle ni de plagiat ni de
piratage à l'époque), ces douze concertos ne manquent pas de charme. Quand
Avison
affirmait haut et fort sa passion pour la mélodie italienne, il en profitait
avec habileté. Il y a un ou deux violons solos voire un violoncelle ;
l'orchestration se limite aux cordes et au clavecin.
Neville Marriner est un habitué du blog. Ce grand chef disparu en 2016 fût un
producteur de disques aussi assidu que
Herbert von Karajan
ou
Antal Dorati. Merci à lui d'avoir exhumé ces concertos pour la première fois, sur
instruments modernes certes mais avec son élégance de jeu toujours appréciée
(Clic). Il dirige un petit groupe de son orchestre l'Academy of St Martin in the Fields
; il tient une partie de violon lui-même.
Les concertos sont repartis sur deux playlists.
N°1 en la majeur [Playlist 2] 1. Adagio (91a) 2. Allegro (24) 3. Amoroso (?) 4. Allegro (26) N°2 en sol majeur [13:23] 5. Largo (91c) 6. Allegro (13) 7. Amoroso (4) 8. Allegro (2) N°3 en ré mineur [24:38] 9. Largo - Andante (89c) 10. Allegro (Allegro Spiritoso) (37) 11. Vivace (38) 12. Allegro (1) N°4 en la mineur [35:11] 13. Andante (12) 14. Allegro (3) 15. Largo (?) 16. Vivace (36) |
N°5 en ré mineur [46:32] 17. Largo (?) 18. Allegro (11) 19. Andante Moderato (41) 20. Allegro (5)
N°6 en ré majeur [57:20] 21. Largo (91c) 22. Con Furia (13) 23. Adagio (4) 24. Vivacemente (2) N°7 en sol mineur [Playlist 2] 1. Adagio (88a) 2. Allegro (19) 3. Adagio (88d) 4. Allegro Affettuoso (17)
N°8 en mi mineur [12:32] 5. Adagio (81a) 6. Allegro (20) 7. Amoroso (81d) 8. Vivace (15)
|
N°9 en ut major [22:45] 9. Largo - Con Spirito (31) 10. Siciliano (?) 11. Allegro (7)
N° 10 en ré majeur [35:02] 12. Grazioso - Allegro (?) 13. Giga (Allegro) (9)
N°11 en sol majeur [42:14] 14. Con Affetto- Allegro (28) 15. Andante Moderato (25) 16. Vivacemente (6)
N°12 en ré majeur [56:18]
17.
Grave Temporeggiato - 18. Allegro Spiritoso (23) 19. Lentemente (15)
20.
Temporeggiato
(?)
-
21.
Allegro (33)
|
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Pour les amateurs d'instruments d'époque aux couleurs plus âpres, il existe
deux enregistrements qui, par l'absence de bois ou cors naturels, ne font
pas nettement de l'ombre à la poésie sonore de
Neville Marriner.
Un double album est paru en 2007 sous le label Hyperion.
Roy Goodman
dirige
The Brandbourg Consort. Une intégrale de bon aloi quasi impossible à trouver ou à écouter
hélas…
De son côté, l'Ensemble Avison créé en 1985, placé sous la direction du chef et violoniste britannique Pavlo Beznosiuk, a réalisé une intégrale en 2008 pour le label Divine Art. l'Ensemble Avison a enregistré la majorité des œuvres du compositeur anglais pour Naxos ou Divine Art Company offrant à Avison une place non négligeable dans la discographie consacrée au baroque tardif… (Deezer).
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