- Cool Claude, à peine remise de la furie avant-gardiste de la
musique des sphères de Hangar… Haendel, du baroque, de l'orgue et même
une harpe, très divertissant et reposant…
- Langgaard Sonia, pas Hangar… Le compositeur danois, orthographe
bizarre, je l'admets… Oui Haendel, et une série copieuse de concertos
pour orgue joués lors des entractes pendant l'exécution des oratorios
et des opéras…
- C'est rigolo cette idée, mais qui jouait ces pauses…
- Haendel lui-même, un virtuose d'exception avec cet instrument… Pas
très élaborés mais comme tu le dis très divertissants…
- Mais il fallait qu'il y ait un orgue dans la salle…
- Heu, oui Sonia, quelle perspicacité… hihi… En fait un orgue positif
voire portatif ; et même à défaut un clavecin faisait l'affaire pour
certains concertos…
Haendel |
Quinze concertos et soixante mouvements ! Forcément ça peut faire peur…
J'aurais pu faire une sélection. Oui mais sur quels critères ? Le plus long,
le plus court, celui avec une harpe en prime ? Choix aussi absurde sur le
plan musical que subjectif car curieusement chacun de ces petits concertos
d'une dizaine de minutes a sa propre personnalité.
En un mot, on écoute tout en rêvassant ou alors on en choisit un parmi la
liste du tableau donné plus bas, un favori. (Désolé, en HTML de base, on ne
peut pas mettre des cases à cocher pour noter ceux que l'on préfère.) Comme
le dit fort justement Sonia, des articles comme celui consacré à la Musique
des sphères de
Rued Langgaard, musique complexe voire ésotérique et délirante, épuise une belle énergie
de ma part. Donc cette semaine, pas d'étude musicologique sur ces concertos
dont l'objectif était au XVIIIéme siècle de divertir le public. Ceci ne
sous-entend en rien une quelconque médiocrité, ce n'est pas le genre de
Haendel, même si son style de composition et sa passion pour les orchestrations à
cordes, moins colorées que celles d'un Vivaldi, peuvent laisser le supposer.
Haendel
reste le prince de la mélodie variée, il suffit pour s'en convaincre
d'écouter son plus bel Oratorio appelé "Le Messie", enfin je crois 😊.
Cela dit, pour ne pas non plus flemmarder et proposer un billet au rabais,
je me suis posé la question, mais pourquoi le mot "concerto" pour un nombre d'ouvrages incroyablement différents ? Certaines de mes
connaissances trouveraient drôle de me poser cette question bizarre au bout
de près de soixante ans de mélomanie… Ben oui, il y a toujours des notions à
découvrir en dehors de l'écoute proprement dite. Vous avez le droit de
penser snobisme et intellectualisme ? Mais en fait, cette question
sémantique n'est pas plus incongrue que les interrogations sourcilleuses de
mon ami Bruno à propos de la formule des vernis de tous les modèles de
grattes électriques Fender depuis 1950. (On lui demandera
confirmation.)
Trevor Pinnock |
Concerto grosso, concerto pour orchestre, concerto pour grosse caisse et
fanfare (pas sûr que ça existe ça) ; d'où vient ce mot vraiment fourre-tout
? J'ai chargé Sonia de faire des recherches. Quand la réponse est arrivée,
une évidence s'est faite, mais il fallait y penser quand même. La sémantique
prend sa source en Italie.
Pouvons-nous parler de symbiose pour du vocabulaire ? Deux mots latins sont
en jeu : concertare et
conserere.
Concertare qui peut se traduire par
concert, un sens qui n'apporte rien, mais son origine latine suggère
d'autres significations, les verbes :
combattre,
disputer,
rivaliser. On pourrait citer aussi
se concerter, soit échanger sans
forcément s'entretuer verbalement à la manière de nos politiciens chéris. Le
second mot est conserere, autre verbe
suggérant un échange animé au sein d'un groupe, mais là, pas d'instrument
dominant comme il y a des mâles qui, parait-il, revendiquent ce statut (ça
reste à prouver). En résumé : rivalité dans un groupe instrumental,
compétition plus ou moins vive mais bon enfant entre instruments, l'un
pouvant être dominateur…
L'origine linguistique de
Concerto naîtra de la combinaison de
ces verbes latins après évolution en italien, ce qui explique un champ très
large d'utilisation. Le terme apparait à l'époque du baroque primitif : dans
la forme
concerto vocale
de
Schütz, la polyphonie perfectionnée dans les siècles précédents conduit à une
joute entre lignes mélodiques, jusqu'à 40 & 60 voix chez
Alessandro Striggio
à la fin du XVIème siècle !
(Clic)
Simon Preston |
Le concerto grosso (grand concerto)
devient un genre qui traversera toute l'époque baroque (1600-1750). Un
principe de base : trois mouvements, rapide-lent-rapide, et un violon plus
ou moins soliste guidant un orchestre à cordes et un continuo de basse.
Exemple :
les quatre saisons
de
Vivaldi. La forme est largement bousculée par le génie italien, fondateur du
concerto à soliste : hormis le violon, sont invités à batailler avec
l'orchestre : les bois, les mandolines, etc. Une liste sans fin de
600 concertos.
Haendel
en écrira beaucoup mais sans respecter le découpage tripartite de règle,
ainsi les
concertos grosso opus 6
comportent entre 5 et 6 mouvements.
Haendel
s'écarte peu des ensembles de cordes, mais il y a des exemples contraires :
les concerti a due cori
avec des hautbois, un basson et des cors et… un découpage en 6 ou 7
mouvements
(Clic). Les
concertos pour Orgue
sont singuliers, on va en reparler.
Impossible d'ignorer
Bach
et ses
concertos brandebourgeois
dont les orchestrations très variées préfigurent le style symphonique et ses
concertos pour clavier, archétypes du concerto classique.
Mozart
reprend rigoureusement la forme tripartite dans ses œuvres de jeunesse pour
violon et invente, suivi par
Beethoven, le
concerto pour piano forte
d'une grande profondeur émotionnelle. Le concerto pour virtuose confronté à
un orchestre symphonique typique de l'ère romantique est né et toujours
d'actualité.
~~~~~~~~~~~~~~
Londres vers 1720 |
Ah
Haendel
vs
Bach. Les deux hommes auraient voulu se rencontrer en 1720 à Halle…
Manque de chance,
Bach
a fait le déplacement depuis Düsseldorf mais
Haendel
a dû partir pour Dresde où il reste six mois, courte infidélité à
l'Angleterre, son pays d'adoption pour sa carrière musicale. Il y a une
autre opportunité, elle aussi sans lendemains. Que ces anecdotes aient
traversé l'histoire montrent la notoriété des deux hommes en cette période
du baroque tardif, disons la première moitié du siècle des lumières.
Peut-on paraphraser Max-Pol Fouchet parlant de
Mozart,
Beethoven
et
Schubert
en affirmant que si
Haendel
était un génie,
Bach
était un miracle ? Interrogation un soupçon emphatique qui s'appuierait sur
la composition par
Bach
des deux
Passions, de l'Art de la Fugue
et du Clavier bien tempéré, chefs-d'œuvre intemporels, must de la musique occidentale sur le fond
mystique et prodiges du travail sur le contrepoint, technique dont les
règles deviennent définitives.
Pourtant le catalogue de
Haendel
n'a rien à envier sur l'abondance et la qualité (651 ouvrages). Certes, son
corpus orchestral est assez maigre : hormis la magnifique
Water Music
(Clic), quelques sinfonias et ouvertures de faible intérêt peu jouées de nos
jours.
Haendel
est un compositeur d'œuvres lyriques prolixe :
oratorios
et
opéras, là ou
Bach
produira des centaines de
cantates.
Orgue "Privé" Richard Bridge |
Côté oratorios : 29 oratorios dont l'incontournable
Messie qui ne se limite pas à l'expansif 'Hallelujah", et de
citer
Solomon,
Israel en Egypte,
Saul, etc. Tous chantés en anglais, religion anglicane oblige. Les anglais ont
toujours été friands de grandes œuvres chorales. Dans
Solomon, l'orchestre "symphonique" préfigure par son effectif de bois et cuivres
celui qui sera de mise pendant toute la période classique et romantique. Ne
manque que les deux clarinettes non encore en usage. Côté opéras :
42 ouvrages lyriques d'inspiration mythologiques ou
historiques dont la plupart sont encore donnés sur scène de nos jours, une
exception dans le genre si on se rappelle les cinquantaines
d'opéras-comiques français au début du XIXème siècle et tombés dans l'oubli
hormis quelques productions et des extraits symphoniques amusants écoutés il
y a quelques semaines
(Clic). Pour ces deux genres, la discographie est abondante et de qualité !
Troisième genre abordé avec gourmandise par
Haendel
: les concertos de divertissement, environ 80 :
Concerto grosso, quelques concertos pour instruments solistes (hautbois,
violon) et ces 15 concertos pour orgue. Ils sont réunis en trois sets ; deux de six concertos, opus 4, opus 7 et
trois autres isolés dans le catalogue. Leur genèse est amusante dans le sens
où ils n'étaient pas destinés à être joués en concert.
Les six premiers de l'opus 4 ont été écrits entre 1735 et
1736 pour animer les entractes pendant l'exécution des grands
oratorios à Covent Garden. La composition des oratorios constitue
l'essentiel de l'activité créatrice de
Haendel
à partir de 1707, soit la seconde partie de sa carrière (Haendel
disparaîtra en 1759). Ils sont assez longs, de 1H30 à 2H30. Le
premier "Il trionfo del Tempo e del Disinganno" HWV 46a (en français : Le Triomphe du Temps et de la Désillusion)
est daté de 1707 dans sa version primitive. La dernière mouture de
cette œuvre, en anglais, "The Triumph of Time and Truth" HWV 71, met fin à son travail dans le genre en 1757. Cinquante ans
de maturation.
Haendel
est un organiste virtuose très réputé. Il jouait lui-même la partie soliste
lors des entractes. Les
concertos N°2
et
N°3
de l'opus 4 ont "ouvert le bal" en mars 1735 lors d'une représentions de
Esther
écrit en 1718 et remanié en 1732. (Le livret puise sa
thématique dans la pièce éponyme de Jean Racine.) Premier oratorio
écrit directement en anglais, il vient satisfaire une évolution des goûts du
public commençant à se lasser des opéras italiens… L'orchestre est simple :
parfois deux hautbois, et les cordes.
Ursula Holliger |
On remarque en feuilletant les partitions
(Opus 4)
&
(Opus 7)
que le jeu de l'orgue est noté sur deux portées, le pédalier n'étant pas
sollicité. Il faut dire pour répondre à Sonia que dans les salles de concert
de l'époque, l'organiste dispose au mieux d'un orgue "privé" de la taille
d'une armoire normande et non des gigantesque Cavaillé-Coll que notre
charmante assistante voit dans les cathédrales et qui seront construits au
cours du XIXème siècle.
On pense, à juste titre, que l'absence de portée dédiée au pédalier
permettait d'assurer ces intermèdes avec un clavecin si l'orgue n'était pas
en place… Précision : en 1740, le seul orgue avec pédalier existant à
Londres se trouve à la cathédrale Saint-Paul, et c'est là que sera créé le
Concerto No.1
de l'Op.7 HWV 306. Il requiert un pédalier (notation Pédale sur la seconde portée
pages 73, 74, etc., celle de la main gauche). On en déduit que,
contrairement aux œuvres de l'opus 4
qui, pour des motifs contractuels (ah la paperasse 😊), ne pouvaient pas
être interprétés en dehors des concerts d'oratorio, le genre prend avec ce
nouveau cycle son essor comme pièces concertantes à part entière et
exécutables dans un récital ou un concert. Ce concerto perd l'intimisme des
concertos de l'opus 4 de par
l'étendu de la registration de l'orgue. Quelle puissance anime la chaconne
introductive, l'orchestre comptant deux hautbois, un alto solo et un nombre
conséquent de cordes…
Dernière curiosité, le concerto N°3 de l'opus 4 peut indifféremment être joué à l'orgue ou à la harpe, voire au luth. Il fut créé en même temps que le N°3 de l'opus 4 en février 1736, devant toute la Cour, lors de la première de l'ode Alexander's Feast (Le festin d'Alexandre, HWV 75). Une œuvre magnifique de délicatesse dont l'orchestre intègre hors les cordes, deux flûtes à bec. Nous l'écoutons ici sous cette forme originelle avec la harpiste Ursula Holliger. On le trouve fréquemment dans les anthologies de concertos pour harpe : Mozart (+ flûte), Boieldieu, Rodrigo – Clic, etc.
- Sonia ? Tu as la réponse de Luc pour installer l'orgue dans
l'auditorium ?
- Heu oui… Enfin, c'est non, il n'y a pas assez de hauteur sous plafond,
et puis le bruit…
Les numéros des mouvements correspondent au N° des vidéos de la
playlits |
|
Opus 4
Concerto No.1 en sol mineur, Op.4 HWV 289
1.
Larghetto e staccato
2.
Allegro
3.
Adagio
4.
Andante
Concerto No. 2 en si
♭
majeur, Op. 4 HWV 290
5.
A tempo ordinario e staccato - adagio
6.
Allegro
7.
Adagio e staccato
8.
Allegro ma non presto
Concerto No.3 en sol mineur, Op.4 HWV 291
9.
Adagio
10.
Allegro
11.
Adagio
12.
Gavotte
Concerto No.4 en fa, Op.4 HWV 292
13.
Allegro
14.
Andante
15.
Adagio
16.
Allegro
Concerto No.5 en fa, Op.4 HWV 293
17.
Larghetto
18.
Allegro
19.
Alla siciliana
20.
Presto
Concerto No. 6 en si mineur, Op. 4 HWV 294
Arrangement pour Harpe avec Ursula Holliger
21.
Andante Allegro
22.
Larghetto
23.
Allegro moderato
|
Opus 7 Concerto No.1 In si mineur, Op.7 HWV 306
24.
Andante
25.
Andante – Adagio
26.
Largo e piano
27.
Allegro
28.
Organo ad libitum: Adagio
29.
Bourrée -allegro
Concerto No.2 en la, Op.7 HWV 307
30.
Ouverture
31.
A tempo ordinario
32.
Organo ad libitum (Adagio)
33.
Allegro
Concerto No. 3 en si
♭
majeur, Op. 7 HWV 308
34.
Allegro
35.
Organo ad libitum: Adagio - Fuge
36.
Spiritoso
37.
Menuet
Concerto No. 4 en ré mineur, Op. 7 HWV 309
38.
Adagio
39.
Allegro
40.
Organo ad libitum: Fuga. Larghetto
41.
Allegro
Concerto No. 5 en sol mineur, Op. 7 HWV 310
42.
Staccato ma non troppo allegro
43.
Andante larghetto e staccato
44.
Menuet
45.
Gavotte
Concerto No.6 en fa majeur, Op.7 HWV 311
46.
Pomposo
47.
Organo ad libitum: Air. Lentement 48. Air. A tempo ordinario
|
! Nota : la numérotation des concertos dans la playlist est fantaisiste 😊.Seule celle des ouvrages dans les différents opus (plus 3 isolés) est à considérer. Tout comme les références HWV (Händel-Werke-Verzeichnis), catalogue thématique établi entre les années 1978 et 1986 par le musicologue Bernd Baselt (1934-1993). il comprend 612 numéros, ce qui montre que le compositeur ne chômait pas. |
Concerto en fa majeur, HWV 295
49.
Larghetto
50.
Allegro
51.
Larghetto
52.
Allegro
Concerto en la majeur HWV 296
53.
Largo e staccato
54.
organo ad libitum: Fuge. Allegro
55.
Andante
56.
Grave
57.
Allegro
Concerto en ré mineur HWV 304
58.
Andante
59.
Organo ad libitum: Adagio - Fuga 60. Allegro
|
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