mercredi 2 mars 2022

(The) CHOIRBOYS " First - same " (1983), by Bruno



     Malgré les efforts de notre label hexagonal friand de groupes australiens, en l'occurrence Bad Reputation Records, The Choirboys demeurent dans nos contrées un obscur combo. Même si là-bas, aux antipodes, ils font partie des meubles. Autrement dit, incontournables. Sans jamais avoir provoqué le moindre tsunami, ils ont néanmoins provoqué suffisamment de vagues pour réussir à rester dans les mémoires aussies. Leur longévité y participant. Dans les années 80, en Gaule, ce premier opus jouissait d'une bonne réputation, boostée par le bouche à oreille et la diffusion ponctuelle lors de l'émission radiophonique des sculpteurs de menhirs.


   The Choirboys
est un groupe de Sydney, plus précisément de Northern Beaches, un quartier majoritairement constitué de maisons (individuelles ou communes), profitant de plusieurs kilomètres de côtes verdoyantes surplombant une mer d'azur et de plages de sable fin. Les rues et boulevards sont propres, dépourvus du moindre papier ou plastique volant. Les murs sont vierges de toute affiche et graffiti, l'herbe coupée, les jardins entretenus. Et surtout, en dépit d'une agglomération assez intense - les maisons sont parfois les unes sur les autres - on a pris soin de laisser les arbres ; de laisser libre cours à leur lente et longue croissance. Même si cela pouvait boucher la vue des voisins (même aujourd'hui, alors que des quartiers entiers de petits immeubles sont sortis de terre, on a pris soin de replanter). D'aucuns n'hésiteront pas à avancer que ce n'est pas un milieu propice pour l'éclosion d'entités rock'n'rolliennes. Possible, mais horriblement réducteur. Voire du racisme de classe 😮. 

     Bref, donc, dans cet environnement qui pour beaucoup pourrait être un ersatz de paradis, se réunissent quatre gars qui ont bien envie de rejoindre ces commandos passés maître dans l'art de malaxer farouchement les esgourdes. D'ici et d'ailleurs, ayant traversé le Pacifique et l'océan Indien pour corrompre de pauvres innocents à leur église du son brut de décoffrage et des potards à donf.  

     Aux débuts des années 80, l'exportation du Rock Australien commence à prendre de l'ampleur. Grâce aux frères Young qui depuis 1978 collectionnaient les cartons, bien épaulés par les patibulaires Rose Tattoos et les killers raffinés de The Angels (Angels City). Même la Pop des Antipodes avait commencé à taquiner les radios européennes. Notamment avec Flash & The Pan des deux filous Vanda & Young, ex-Easybeats et premier producteurs d'AC/DC. Tandis qu'INXS venait de percer en Amérique-du-Nord. Sans oublier les Men At Works, The Church et Midnight Oil qui parvient à s'infiltrer aux USA en dépit du blocage des radios qui n'apprécient guère qu'on critique l'autoproclamée "plus grande nation du monde".


     En résumé, la musique populaire aussie a le vent en poupe, ce qui va permettre à de jeunes groupes de tenter assez rapidement l'exportation. Ainsi, ce petit groupe de Sydney en profite, attrape le train en marche et son premier opus débarque en France grâce à Bernett Records. Un label indépendant fondé la même année (1983) pour promouvoir le Hard-rock et plus particulièrement le Heavy-Metal, - dont des franges qui sont encore loin d'avoir les faveurs des majors (1).

     Plus que par l'album, c'est par une compilation signée Francis Zegut, "Wango Tango Vol. 1", que le groupe se fait remarquer en Gaule. Avec "Bullshit", une pièce nerveuse de Heavy-rock'n'roll dont les paroles semblent plus que jamais coller à l'actualité. "ils te traîneront de gauche à droite, et te soulèveront juste pour te laisser tomber ! ... Je dis la politique, ce sont juste des fous ! Ils disent que c'est bon, alors que nous savons que c'est mauvais... Mais pour moi ce ne sont que des conneries ! Ne fais pas la queue, ne paie pas cette amende. Tu n'aurais pas dû travailler aujourd'hui. Tu aurais dû rester à l'écart". Un titre plus qu'encourageant, faisant envisager un disque bien solide de Hard-Rock'n'roll teigneux, cru et franc du collier.

     Et effectivement, lorsque l'on pose la galette, ça démarre fort avec "Running from the Storm" et sa paire de guitares marchant sur les traces des frères Young. Celles laissées des années plus tôt, avant les stades et le succès international. La puissance de bombardier en moins, l'odeur de pot d'échappement de hot-rod trompe-la-mort en plus. Bien souvent les six-cordes sonnent plus Telecaster, voire P90, que SG et Gretsch, et question ampli, plus combo que double corps. Il en est de même de "Talk Big", à peine plus appuyé , laissant échapper quelques odeurs d'acier dont sont fait The Angels. Que du bon, du vibrant, du galvanisant. Hélas, un élan stoppé net par "Never Gonna Die". C'est l'autre facette du groupe, dévoilant un attrait pour des chansons proches d'un Rock mainstream, voire FM. Si ce n'est que, là, les guitares restent crues, sans effets, s'épanouissant uniquement dans un son abrasif, crachotant ; directos dans l'ampli, peut-être un poil boosté par une overdrive transparente, ou un treble booster. Enfin, "Never Gonna Die" est un succès en Australie, et devient une pièce incontournable du répertoire scénique. Le groupe californien Rough Cutt la reprendra en 1985, pour son premier long-player.


   D'autres morceaux sont dans ce style qui paraît tiraillé entre la dureté d'un heavy-rock'n'roll près de l'os et des chansons plus faciles d'accès, un rien Pop. Comme "Blood Thicker Than Water", "Boys in the Band" où étonnamment paraît poindre l'influence de Blondie. Ou encore "I'm Not Your Hero", qui a tout d'un improbable AC/DC en costume d'apparat, Spandex, paillettes et permanentes, cherchant à s'incruster dans le marché Glam-FM des années 80. Pas inintéressant pour un sou, la recette a d'ailleurs trouvé un public demandeur. Cependant, c'est dans la fièvre d'un heavy-rock'n'roll nerveux que The Choirboys prend toute sa mesure. Ne serait-ce que par la rugosité de ses guitares, mais aussi par la voix ébréchée de Mark Gable qui s'y prête particulièrement. Son timbre écorché et ses intonations le rapprochent d'Alex Harvey et de Dan McCafferty (des débuts) - à croire que Gable a du sang écossais (2) - mais aussi de Robin Zander

   Oui, c'est du basique, mais ça rue dans les brancards ; ça fait gesticuler les kangourous, les ornithorynques, les wombats et les koalas dans une danse de saint-guy. Indécent ballet, ou bourrée bourrée (cuitée), mettant les freshwaters dans le doute et l'effroi. Outre les deux brûlots initiaux, il y a "You're with the Big Boys Now", qui appuie sur le champignon, prenant presque des accents de bubblegum-punk, avec un solo à l'arrache, en excès de vitesse, pré-shredder. "Fight by the Book", rock'n'roll de psychopathe abordant les rivage tranchants de The Angels avec une pointe de Hanoi Rocks. Tout comme la pièce suivante, "Bought & Paid For" (qui parle de prostitution et de l'instabilité qu'elle entraîne). Bien qu'elle paraisse, un peu bizarrement, le résultat de deux morceaux distincts soudés ensemble. L'un à l'œil torve, prêt à mordre, tandis que l'autre, minoritaire, serait presque enjoué, porteur d'espoir.


     La réédition de Bad Reputation offre en bonus un goûteux "Disco Inferno (Burn Baby Burn)", coincé entre Midnight Oil et le Glam-rock (Slade ?). Et un morceau live, profession de foi, "I'm Love with Rock and Roll" (I love this song, qu'il dit le chanteur) dans un son postillonnant, au bord de la défaillance, où Gable prend des intonations empruntées à Robin Zander. Deux bonus qui scellent l'album de belle manière et qui consolident sa position dans la sphère Hard-rock. A savoir que la formation est aussi souvent encartée "Pub-rock".

     Le succès semble rapidement sourire au quatuor avec un premier 45 tours, en l'occurrence "Never Gonna Die", qui rentre dans les charts, et des groupes tels que Rose Tattoo et The Angels qui les prennent sous leurs ailes, pour les accompagner en tournée. Malheureusement, Mark Gable se pète les cordes vocales et le groupe doit annuler la tournée en soutien de Cold Chisel. Convalescence oblige, The Choirboys doit se mettre en sommeil pendant près de deux ans. Leur second album ne sort que cinq ans plus tard, en 1988. Le groupe s'est certes affuté, mais la métamorphose en une formation policée et aseptisée en déçoit plus d'un. Désormais, ça penche du côté d'un Bryan Adams... en moins Rock. Toutefois, commercialement, cet album, "Big Bad Noise", demeure le plus grand succès national du groupe. Par la suite, le groupe remet un peu de piment dans sa musique, en faisant un bon mix de Cheap-Trick, de Bryan Adams, de Tom Petty, (d'Hanoi Rocks ?) et de Bon Jovi. En Australie, le groupe demeure une institution. Mais pour ébranler les falaises de Bunda ou les Blue Mountains, il n'y a que ce premier opus.


(1) Bernett Records prend des risques dès l'année suivante avec le pressage des premiers disques des furieux Exodus, Anthrax, Mercyful Fate, Exciter, Metallica, Battleaxe, Stress, Tank. De 1983 à 1986, leur catalogue offre la découverte des Messendgers, Tokyo Blade, Loudness, Manowar, Virgin Steele, Waysted, The Rods, Rogue Male, Raven, Marc Tobaly, Alaska, Manowar, Q5, TKO.  

(2) Toutefois, le nom Gable serait d'origine française.


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