Musiques de scène françaises
- Bizarre Claude, tu ne cesses de brocarder l'opéra français du XIXème,
livrets mièvres, musiques indigentes, et là… 28 extraits !!!!
- Houlà Sonia, houlà, d'abord excluons Berlioz, Bizet, Gounod… de cette
affirmation qui serait péremptoire et, comme je l'écris toujours, tout
n'est pas à jeter dans les opéras-comiques et opérettes de cette période
disons… bourgeoise et frivole, la preuve…
- Que nous propose ce disque ? C'est quoi exactement musique de scène et
puis cinq compositeurs plus ou moins connus, enfin de moi…
- Musique de scène est un genre générique réunissant ballet, musiques
jouées pendant une pièce de théâtre, extraits symphoniques d'opéras…
- Ah je vois, le songe d'une nuit d'été de Mendelssohn ou Peer Gynt de
Grieg, suite de Carmen par exemples ; Paavo Järvi, on en a parlé, mais
Neeme, je ne sais plus ? Un parent ?
- Oui, son papa, un maestro letton infatigable âgé de 84 ans, un élève
de Mravinski, un boulimique des disques avec 350 gravures… Si Sonia :
déjà deux chroniques à son actif : Rimski-Korsakov et Prokofiev…
Neeme Järvi |
Ah la mémoire… Donc je confirme, le chef d'orchestre
Neeme Järvi
a déjà rendu visite au Deblocnot par deux fois : pour son interprétation de
la
symphonie N°2 Antar
de
Rimski-Korsakov
(Clic)
et comme accompagnateur du pianiste
Horacio Gutiérrez
dans le
Concerto N° 2
de
Prokofiev
(Clic). L'orchestre suédois de
Göteborg pour la symphonie, ensemble qu'il a conduit au sommet de 1982 à
2004 (22 ans !) et celui du
Concertgebouw d'Amsterdam
pour le concerto.
Dans l'article consacré à
Rimski-Korsakov, j'avais dressé un portrait de cet artiste et ses
soixante ans de carrière, son allure bonhomme et son éternel et
discret sourire espiègle… Et un article pour le moins minimaliste de 600
mots sur Wikipédia… Alors que le jeune Kylian Mbappé, sympathique
footballeur de 23 ans dont 5 ans de carrière, bénéficie déjà
d'un article de 13 000 mots 😊 (Nema est fan). Non je ne fais pas dans
l'élitisme culturel, là n'est pas la question. Il m'arrive de regarder un
match. Mais je reste dubitatif en voyant les brutes avinées et braillardes
qui se répandent sur le terrain pour s'entretuer et vociférer des insultes
racistes, ils m'inquiètent… Ils devraient lire nos papiers musicaux. La
musique adoucit les mœurs parait-il ! Espérons que le quasi mafieux monde du
foot ne corrompra pas ce jeune homme dont les prouesses sur le terrain me
bluffent… J'avoue ! Bref revenons au sujet.
Neeme Järvi se distingue par son intérêt pour les musiciens de toutes les époques, passés à la trappe de l'histoire, des petits maîtres qui méritent une résurrection discographique si je puis dire. Souvent, ces redécouvertes sont l'apanages d'artistes qui ne dirigent pas les meilleurs orchestres de la planète, de Berlin à Vienne en passant par Chicago et publiant une énième intégrale des symphonies de Beethoven pour un label bien ancré sur le marché du disque. Ce n'est pas le cas de Neeme Järvi.
Je pense à des labels comme CPO, Ondine, Naxos, etc.
et à des orchestres de villes moyennes allemandes comme Bergen ou
scandinaves voire finlandaises ou même islandaise… (L'Index
montre que le Blog offre une place non négligeable à ce répertoire
original).
Chandos
est un label anglais plus prestigieux qui sait prendre des risques en
proposant des programmes insolites, et dans ce domaine
Neeme Järvi
occupe une place de choix, tout en servant avec brio des firmes leaders
comme DG dans des symphonies de
Chostakovitch, de
Sibelius, dans l'œuvre orchestrale peu jouée de
Grieg… en un mot, les grandes vedettes du catalogue symphonique.
La collaboration Chandos -
Neeme Järvi
se traduit par la publication de musiques françaises peu connues. Des albums
consacrés à
Chabrier
et
Jacques Ibert, des inédits de
Saint-Saëns, les ballets de
Delibes, un album réunissant d'autres ballets de
Ibert,
Massenet
et
Sauguet
(le trop rare
Les forains).
Merci à
Neeme Järvi
pour ces réalisations insolites, pour cet attrait envers la musique de
l'Hexagone du XIXème siècle (car oui, j'insiste, tout n'est pas à
jeter) avec point d'orgue l'album du jour réunissant cinq compositeurs
d'opéras aux ouvrages très majoritairement tombés en désuétudes, je n'y
reviens pas. Une musique vivifiante, une série généreuse d'extraits
symphoniques d'opéras parmi ceux qui font encore le bonheur de certaines
scènes lyriques sans compter une suite de ballet de
Massenet. Pour ce dernier, un album de musiques orchestrales avait été enregistré
avec l'orchestre de la Suisse Romande. En résumé un patrimoine sans équivalent et inestimable par sa
qualité.
Un récital guilleret qui s'écoute sans prise de tête, une direction
empreinte d'alacrité bénéficiant d'une prise de son dynamique et colorée…
Aucun des compositeurs de cet album n'a donné lieu à une chronique à ce jour
! Quelques lignes en guise de mini biographie et une présentation succincte
des pièces interprétées.
Neeme Järvi
dirige l'orchestre national d'Estonie, son pays natal.
~~~~~~~~~~~~~~~~
- Oh là là Claude… En français j'espérais ne pas avoir à taper des noms
comme Skrowaczewski, mais c'est quoi ces prénoms loufoques comme celui
d'Auber, pourquoi pas Daniel-François-Esprit Auber-Mutualité, Clément
Philibert Léo et, ah ah : Ambroise !!??
- On ne râle pas Sonia, don't worry, et on évite les calambours sur ces
prénoms rigolos d'un autre âge ; les stations Auber c'est RER A et
MAUBERT- Mutualité c'est métro ligne 10… Allez mon petit, on tape… on
tape le beau texte de papi Toon…
Ambroise Thomas |
François-Adrien Boieldieu |
Daniel-François-Esprit Auber |
La Dame blanche me regarde... |
XXXXXX |
xx |
Clément Philibert Léo Delibes |
xx |
Jules Massenet |
xx |
Affiche pour Fra Diavolo |
xx |
Affiche pour la reprise de "Le Roi s'amuse" en 1882 |
A -
Ambroise Thomas
(1811-1896) Pour notre premier candidat né pendant l'Empire, la photo
de 1895 (83 ans) ne rend pas hommage au jeune compositeur formé au
conservatoire et à la Villa Médicis, parcours hyper académique. Grand,
séduisant, bon pianiste, c'est vers l'opéra léger que se tournera le futur
compositeur d'une vingtaine d'ouvrages lyriques qui tous seront joués… La
plupart sont absents des scènes de nos jours. Une demi-douzaine a connu
l'honneur du disque dont
Mignon
inspiré de
Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister
de Goethe (quand même…) et
Hamlet
d'après Shakespeare…
Berlioz
appréciera son style et
Chabrier
amateur de boutade dira "Il y a deux espèces de musique, la bonne et la mauvaise. Et puis il y a
la musique d’Ambroise Thomas" 😊. Bon résumé pour tous les compositeurs cités dans ce billet…
Nous écoutons la virevoltante ouverture colorée et charmeuse de
Raymond ou le secret de la reine
de 1851. (L'histoire du masque de fer). Le final réveille (la cymbale chauffe). Bon cela dit, une seule autre
gravure par
Paul Paray
en 1960 archi épuisée… [Playlist 1]
B - Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871). Drôle de personnage né à Caen, un original surgi d'un roman de Balzac (ils seront amis). La famille Auber s'installe à Paris. Son père tente de faire fortune et traverse vivant la Révolution. DFE n'a d'intérêt que pour la musique et se forme en dilettante en se passionnant pour Rossini. Papa l'envoie apprendre le management en Angleterre en 1802. Retour dès 1803 uniquement initié au "flegme britannique" 😊. Avec l'argent et les relations de papa, il se pavane dans les salons, pianote, séduit, une vie de dilettante et les premières compositions entre deux jupons. (Lire dans Wiki, c'est poilant). Hélas, en 1819, son père ruiné meurt ; DFE doit bosser assidument pour nourrir sa mère et son frère, mince ! Cherubini avait remarqué son talent intuitif lors de la création d'un concerto pour violon en 1808, tout en confiant en aparté au papa : "Votre fils ne manque pas d’imagination mais il lui faudrait commencer par oublier ce qu’il sait, en supposant qu’il sache quelque chose" 😉. Il composera alors avec acharnement opéras et opéras-comiques ; 48 entre 1823 et 1829. Lucide, il affirme : "Si j’assistais à un de mes ouvrages, je n'écrirais de ma vie une note de musique.". Il est bien sévère, car il attire des éloges de Balzac (je le disais bien), Berlioz, des potes de son acabit et même de Wagner ! Et incroyable, il dirigera le Conservatoire de Paris de 1842 à 1871. (Ambroise Thomas lui succédera.) Seules deux œuvres ne sont pas surannées : Manon Lescaut d'après l'abbé Prévost, et Fra diavolo inspiré par le célèbre bandit napolitain (1771-1806), sujet audacieux pour l'époque. Deux partitions ayant une belle discographie, tout comme certaines ouvertures un peu creuses mais guillerettes.
Nous écoutons l'ouverture à la fois épique et survoltée de cet
opéra-comique de 1830, l'année de la création de la
Symphonie fantastique
de
Berlioz. [Playlist 2]
C -
François-Adrien Boieldieu (1775-1834) Quasi
contemporain de
Beethoven, formé à la fin de l'époque classique,
Boieldieu sera le fondateur de l'opéra romantique français. Il traversera les
turbulences politiques sans souci, de la fin de monarchie à la Restauration
en passant par la Terreur et l'Empire. On le connaît mieux grâce à son
ravissant
concerto pour harpe
souvent couplé au disque avec ceux de
Mozart
ou de
Rodrigo. Sur une quarantaine d'opéras-comiques dans un style apprécié par
Berlioz
ou même le jeune
Wagner, deux œuvres sont restées aux programmes des scènes lyriques :
Le Calife de Bagdad
(1800), un marivaudage orientalisant et
La Dame Blanche
d'après des œuvres de Walter Scott (1825).
Boieldieu introduit une dimension
fantastique inédite dans le livret, la dame blanche étant ici un gentil
fantôme. L'écriture de
La Dame Blanche, la richesse de sa thématique et de son orchestration a influencé
Donizetti,
Bizet
et
Bellini…
Nous écoutons les belles ouvertures de ces deux ouvrages [Playlist 3 &
4]
D – [Clément Philibert] Léo Delibes par simplicité (1836-1891). Une vie et une carrière courte avec une petite notoriété enviable par les précédents. Une formation classique au conservatoire sous la coupe d'Alfred Adam. Auteur de deux ballets toujours au répertoire du Palais Garnier : Coppélia et Sylvia ; sans oublier l'incontournable opéra Lakmé de 1883 inspiré par Pierre Loti, un mélodrame en Inde et son inusable "duo des fleurs". Autre opéra notable, "Le roi l'a dit" sans rapport avec la pièce anti monarchique "Le roi s'amuse" de Victor Hugo, interdite en 1832 et qui inspira Rigoletto de Verdi…
Pour la reprise de "Le roi s'amuse" à la Comédie-Française en 1882, Léo Delibes composera une musique de scène, sept danses et un final que nous écoutons [Playlist 5 à 12].
E - Jules Massenet (1842-1912) ferme la marche du XIXème siècle. Un compositeur à mi-chemin entre les grands maîtres et les petits maîtres présentés avant. Il bénéficie d'une solide formation au conservatoire : le piano, l'orgue, le solfège et le contrepoint, l'harmonie et la composition (classe d'Ambroise Thomas). Comme ses confrères, il sera un compositeur lyrique prolixe : 41 opéras ! Grands crus : Manon, Werther et Thaïs qui n'en finit pas de méditer 😊. Mais Massenet produira dans tous les genres : religieux, musique de chambre, suites symphoniques, piano, mélodies, etc. 450 ouvrages ! Et pour la scène, des ballets comme Espada en un acte mettant en scène l'univers des corridas que nous écoutons en conclusion de ce CD dans une direction jubilatoire de Neeme Järvi.
On l'aura compris,
Massenet, un compositeur qui devra avoir SA chronique personnelle…
Le cinéma a produit ses nanars, en SF ou dans les westerns "spaghetti", moyens métrages sans queue ni tête mais poilants (voir index cinoche : les Django(s) de Rockin ou les monstrueuses cervelles anthropophages du Toon). Des divertissements fauchés pour cinéphiles ouverts à tous les délires, le musée de la toile. La plupart des opéras comiques du début du XXème siècle reposait sur le même principe, l'horreur et les flingues en moins : amuser, tirer des larmes de crocodiles, faire frissonner en s'inspirant de mélos cuculs, parfois mieux, en faisant appel à de grands écrivains.
Nota : livret trilingue avec plein de petits détails ciblés sur les différentes pièces.
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