mercredi 2 février 2022

JADED SUN "Gypsy Trip" (2008), by Bruno



     JADED SUN... Jaded Sun est un excellent combo que l'on pourrait, malheureusement, classer dans la catégorie des perles oubliées de groupes n'ayant pu réaliser qu'un seul long-player. Ce combo a bien réussi à sortir une tripotée de Ep de quatre chansons, mais ça ne compte pas vraiment. D'autant que c'est toujours paru dans une totale confidentialité, les derniers n'étant disponibles qu'en téléchargement. La plupart sont auto-produits et n'ont ni label ni distributeur. 


   Jaded Sun fait partie de cette petite explosion de groupes irlandais du début du siècle, qui portent en eux une vitalité et un lyrisme tout Irlandais, mais couplés à une énergie et une tonalité crue propre aux groupes australiens de Rock velu. On pense notamment aux premiers disques de The Answer

     Il s'agit d'un quintet du nord de Dublin s'articulant autour du chanteur John Maher, des gratteux Eorann Stafford et Sean Gosker, du bassiste Damien Kelly et du batteur Gavan Murray. Dernier arrivé à ce poste qui a connu plusieurs changements de personnel. Une petite bande de prolétaires qui, parce qu'elle ne joue pas une musique spécialement à la mode, doit se battre contre vents et marées pour s'affirmer, se faire respecter. Probablement aussi par faute d'un manque de moyens et d'un management peu compétent - si tant est qu'il y en ait un. Une belle notoriété acquise à la sueur de leur front, à force de tourner inlassablement, mais qui ne parvenait pourtant pas à franchir les frontières.

     Et puis, un jour, un Américain qui déambulait dans les rues de Dublin, est irrépressiblement attiré par le vacarme émergeant d'un local de répétition. Sans aucune manière, sans y être invité - c'est un américain -, il pénètre dans le local et, charmé par les cris de demeuré et ses beuglements de Marshall en rut, prie le groupe de s'envoler pour Los Angeles afin d'y enregistrer un disque. Bien qu'irlandais, les Dublinois sont certain que ce n'est pas une fée ; peut-être un leprechaun farceur. Plus que sceptique, croyant avoir affaire à un affabulateur, le quintet finit par se laisser convaincre et tente le coup. Qui sait ? C'est peut-être leur chance, leur unique chance. Ils commençaient à stagner, ne parvenant pas à jouer hors des frontières irlandaises, se contentant de petites salles et de clubs. Même si, d'après des fans compatriotes, ils ont pu aussi fouler du pied les plus grands salles du pays - mais il semblerait que cela soit en tant que première partie. Seuls, deux sympathiques Ep ont été réalisés -"Raw" en 2004 et "Falling On the Fearts" en 2005. Et puis, Los Angeles devrait être plus rock'n'roll que Dublin. Et cet Américain, c'est un gars du métier, qui a une poignée de disques à son actif et doit forcément connaître un peu de monde. Ce Yankee se nomme Jimmy Coup ; c'était le guitariste du groupe de Heavy-metal The Coup de Grace, qui, à la suite du split, a rejoint Andrew WK.


   Les Irlandais tapent dans leurs économies et parcourent pour la première fois des milliers de kilomètres, rejoignant ainsi la Californie. Terre porteuse d'espoir pour des centaines de milliers de personnes, venues de tous les points cardinaux. Hélas, pour la plupart, c'est là où leurs rêves se sont brisés. Pour les lascars de Jaded Sun, ce serait presque l'Eldorado. Non seulement on leur offre l'opportunité de passer directement dans la catégorie des sérieux espoirs, mais on les traite aussi avec des égards qui ne leur sont pas familiers. Jimmy Coup n'avait pas raconté des craques et, certain du potentiel de ces irlandais, s'active pour qu'ils réalisent un disque à la hauteur de leur talent. Il s'implique lui-même dans la production, avec l'aide de son pote Rich Mouser qui possède un studio d'enregistrement (et pas un petit). Un studio suréquipé en matos, avec une petite collection d'instruments et d'amplis vintage, dont un authentique Hammond B3, qui va être mis à contribution pour les sessions d'enregistrements (par les bons soins du bassiste, Damien Kelly). Un studio, comme d'autres aux USA, appareillé pour se reposer sur place, se sustenter et même pour se relaxer avec sa piscine. Un changement radical pour ces Irlandais de classe modeste.

     De cette escapade californienne, il en sort un brûlot électrisant de Heavy-rock ; percutant sans être assommoir, avec un engouement, une énergie telle que l'on pourrait croire la galette extirpée du bush australien plutôt qu'éclos dans la verte Erin. Incidence du soleil californien ? Pas vraiment car ce n'est qu'une suite logique aux deux précédents Ep. Là, pour le coup, la troupe a pu profiter d'une production sans faille, à la fois plus riche et plus organique. Et ça démarre tel un gros cube cabrant sous la poussée des gaz. "Breaking Through" défonce le bitume avec un ardent Rock'n'roll lardé de slide. "Crazyman", avec un harmonica fantomatique ouvrant le bal, paraît se diriger vers une bulle bucolique. Mais voilà déjà John Maher qui déboule comme un forcené échappé d'Arkham, libérant dans un rythme soutenu toute sa rage, poussé aux fesses par une bande de brutes martyrisant un Southern-rock en le plongeant dans du plomb fondu. "Fever" rétrograde et passe la quatrième pour se maintenir dans un tempo lourd et haché, proche de combos ricains de la fin des 70's - entre Kiss et Moxy, avec un petit quelque chose du "Shame On You" d'Aerosmith. Avec quelques accélérations renvoyant presque tout ce bon monde aux temps héroïques de Detroit.


   "Hey You" dévoile une autre facette, nettement plus bluesy, habillée d'un 
piano bastringue, de chœurs inspirés de la Soul, et d'un harmonica hérité de Chicago. Dans la même optique que The Quireboys (et rien à voir avec la chanson du même nom de la bande à Spike). Tout comme "Crave", jolie ballade ensoleillée, quasi-acoustique. Eternel ode à l'Amour s'opposant aux besoins matérialistes : c'est lorsqu'on semble ne manquer de rien, matériellement, que l'on s'aperçoit, une fois qu'il est trop tard, que l'on n'a besoin que d'une seule et essentielle chose, l'Amour. Dans les ballades, la douce et désespérée "Sweetness" résonne comme un habile succédané d'Aerosmith (on a pioché deci-delà dans quelques célèbres titres des Bostoniens). Dans une moindre mesure, et dans un style plus appuyé, il en est de même de "He Knows Home", avec en sus quelques parfums du Humble Pie d'avec Frampton pour les mouvements initiaux presque champêtres. 

   Une influence sous-jacente d'Aerosmith, qui persiste avec le trépidant et énergique "Positive" et "She's Got Class" qui clôture un album exempt de déchets, de demi-mesures. Le premier charcle sévère, faisant presque passer les teigneux de Buckcherry pour des amateurs, le second marche sur les traces de ce rock'n'roll de petite frappe attifée de funk gitan. Souvent copié, imité, mais trop souvent effectué avec la finesse d'un pachyderme. Notamment à L.A. ... Ce qui n'est pas le cas des ces gaëliques.

   Avec "Higher", c'est carrément un condensé de combos des antipodes. Une orchestration proche d'Angels City avec un chant à la Mark Gable des Choirboys. Les refrains, plus lyriques, porteraient aussi la marque de ces derniers, tandis que la slide surgit pour filer des coups latéraux de rasoir comme un Pete Wells vengeur. Une chanson qui semblerait traduire une expérience personnelle : "... Fumer de l'herbe ne peut pas être un tel crime. J'ai dû faire face à l'homme du Tribunal de Grande instance. Il essaie de me dire ce que vaut ma vie. J'essayais seulement de nous faire monter plus haut. Vous essayez de voler mon feu, de toujours essayer de faire de moi un menteur. Ooooh j'aurais dû rester au lit"

     Avec ce premier disque, tout le monde était d'accord sur une chose : Jaded Sun était parti pour effectuer une belle carrière. Au mieux, devenir un insaisissable satellite rayonnant autour de la planète, porteur d'un renouveau d'un Heavy-rock renouant (plus ou moins) avec ses racines Blues. Au pire, un excellent second couteau qui, sans faire de l'ombre aux têtes de file, devrait emprunter une autoroute de disques et de concerts prisés. Mais rien de tout ça. Après une longue tournée qui va les entraîner jusqu'en Inde pour un grand festival Rock, ils devaient rentrer en studio, en 2009 ou 2010, pour un second essai. Seuls trois Ep uniquement disponibles en téléchargement voient le jour. Toujours de bonnes chansons, toutefois, la flamme paraît avoir perdu de son éclat. Reste cet album qui, lui, n'a rien perdu de son attrait.

Titres à écouter en priorité : tous.



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