mercredi 10 juillet 2019

DIO "Holy Diver" (mai 1983), by Bruno



     Aujourd'hui, ce 10 juillet 2019, Ronald James Padavona, plus connu sous le nom de Ronnie James Dioaurait eu 77 ans s'il n'avait été emporté par le crabe, il y a déjà neuf ans, le 16 mai 2010.

     Véritable forçat du Rock, Ronnie débute sa carrière professionnelle dès les années 60, mais ce n'est qu'à la faveur des « bonnes fées » de Deep-Purple (qui n'avaient pas leurs oreilles dans leurs poches), qu'il se fera définitivement un nom, une respectabilité. D'abord grâce au concours de Roger Glover et de Ian Paice, qui produiront le premier et éponyme album d' Elf, en 1972, et qui prirent régulièrement ce groupe en première partie l'exposant ainsi à un vaste public qui en n'avait jusqu'alors jamais entendu parlé. Ensuite avec l'album solo de Roger Glover, avec l'immense succès de la chanson « Love is All » du Butterfly Ball (dont le court-métrage d'animation est encore parfois retransmis) sur laquelle R.J. Dio chante (en plus de deux autres chansons).

L'ami Glover ne les lâche pas et pérennise son soutien en produisant les deux suivants et derniers albums d'Elf
 

   Enfin, c'est la mise en orbite grâce à un autre membre de Deep-Purple, et non des moindres, avec mister Ritchie Blackmore qui le prend sous son aile pour son projet Rainbow

A partir de cet instant, Dio est pour beaucoup, et ce pendant quinze ans (encore aujourd'hui pour certains), un des meilleurs chanteurs de Hard-Rock et/ou de Heavy-Metal. La voix est puissante, très expressive, hargneuse, assez grave et très légèrement rocailleuse, avec des intonations souvent "menaçantes", ce qui colle parfaitement au genre de musique abordée (mais qui ne correspond pas à son physique ; en effet, en l'écoutant, on imagine aisément une personne plus charpentée et surtout plus grande).

     Après des années sur la route, à quarante-et-un ans, il doit être un peu lassé de devoir subir les humeurs de ses employeurs. Ritchie Blackmore et Tony Iommi traînent une réputation de sombres personnages au sale caractère ; plutôt grincheux, susceptibles, un rien despotes et ... lunatiques.

Probablement une des raisons qui l'a amené à fonder un groupe où, enfin, il n'aura pas de compte à rendre hormis à lui-même. En 1983 donc, il réalise le premier album de sa carrière solo, « Holy Diver », sorti la même année que le double "Live Evil" de Black Sabbath, témoignage du rendu scénique de la formation avec Dio et Vinnie Appice (le petit frère de Carmine), et clôture de la première période "Dio"

     Pour une bonne partie de ses fans, il demeure le meilleur qu'il ait réalisé sous son patronyme. Inégal, mais plus frais que la production à venir. Une place disputée avec le suivant, "Last in Line".

S'il ne parvient pas à atteindre les sommets de "Heaven & Hell" avec Black Sabbath, et encore moins ceux de "Rising" avec Rainbow, il n'en reste pas moins un album de qualité. Un pur produit de Heavy-Metal bien ancré dans son temps, et portant l'empreinte "Dio". Une marque baignant dans un imaginaire fait d'Heroïc-Fantasy, de contes et légendes, de superstitions et de sombres histoires de démons.  

   Évidemment, on y retrouve diverses références propres à ses groupes passés. Bien plus de Black Sabbath que de Rainbow, ou encore d'Elf. Une musique que l'on peut décrire en deux mots comme 
"le Sabbath de Dio rencontre le Rainbow de... Dio". Avec néanmoins moins de la lourdeur propre au premier, et un lyrisme moins prononcé du second. C'est plus rude, plus cru, plus âpre et plus vindicatif. L'album fait l'effet du bombe, il se glisse dans les charts anglais et américains comme une épée rougeoyante dans les chairs. Entre la NWOBHM et la déflagration du Hard-rock et du Heavy-Metal aux USA, le climat est propice à l'éclosion et à la propagation du métôl de Dio.

L'album, certes sans atteindre des sommets, s'installe tout de même tranquillement pendant trente-neuf semaines dans les charts. Rapidement, des hordes d'apprentis guitaristes s'échinent sur le riff de « Holy Diver ».
Un Heavy-Metal qui va prestement faire école, et qui sera souvent plagié. Même l'intro kitsch de "Holy Diver" sera reprise, caricaturée, par des amateurs décomplexés et visiblement manquant de métier.

     Dio préfère travailler avec des personnes de confiance, qu'il connaît. C'est pourquoi il fait appel à Jimmy Bain, qu'il a côtoyé au sein de Rainbow ("Rising" ; "On Stage"). Une aubaine pour Jimmy Bain qui ne parvient pas à pérenniser un poste ; après l'injuste déconfiture de Wild Horse (☛ lien), il se s'éternise guère dans le Dirty Fingers d'un Gary Moore à l'époque particulièrement lunatique.
Vinnie Appice, lui, ne l'a pas quitté puisqu'ils ont plaqué Black Sabbath de concert.
   Pour le poste clef de guitariste, c'est plus délicat. Probablement échaudé par son passif, et peut-être aussi pour éviter qu'on lui fasse de l'ombre, il ne recherche pas un guitar-hero établi, reconnu et adulé par les foules.
   Alors que son choix s'était porté sur Jake E. Lee, guitariste de Rough Cutt (☛ lien), qui finalement lui fait faux bond pour partir avec un autre ex-Black Sabbath, Ozzy Osbourne. il se tourne vers un jeune Irlandais que lui recommande chaudement Bain, Vivian Campbell. Un gamin par rapport à la troupe - il n'a alors qu'une vingtaine d'années - sur lequel la presse spécialisée Anglaise (voire européenne) a les yeux braqués grâce à ses prestations scéniques, et à deux singles d'un groupe maudit, précurseur de la NWOBHM, Sweet Savage. Bonne pioche.

     Un quatuor soudé qui enclenche le turbo dès "Stand Up and Shout", qui sur son passage emmêle les brushing, décolle les perruques, arrache les badges. Campbell couche les derniers debout avec un solo-sulfateuse. La chanson-titre ralentit le rythme des quatre fers mais n'en a que plus de force. Geezer et Iommi en rougissent de jalousie. Sur "Gypsy", plus classique, Dio prend un timbre d'orque revêche et acariâtre. "Caught In The Middle", bien carré, s'essaye à la branche mélodique du Heavy-metal, celle apte à séduire les ondes (mais étonnamment, bien qu'il préfigure l'archétype de la chanson heavy et carrée mainstream, il ne sera pas sélectionné). 


   "Don't Talk to Strangers", après une jolie intro en mode ballade romantique de ménestrel transi d'un amour impossible, se transforme subitement en une charge de Huns impitoyables. Prises au premier degré, les paroles de cette chanson ont dû remplir d'effroi quelques grenouilles de bénitier. "Straight Through the Heart", martial et clopinant, pêche par un classicisme éculé. Un riff de Campbell qu'il avait ramené de Sweet Savage ; comme celui de "Caught in the Middle". "Invisible", après une nouvelle introduction mielleuse, cette fois-ci en mode Uriah-Heep, est à deux doigts d'anticiper le mouvement qui fera fusionner le Heavy-metal au Rap (avec un solo de Vivian complètement à côté de la plaque).

Avec "Rainbow in the Dark" (second single), bien que ce fut un petit succès, ça tourne un peu en rond. Indéniablement, c'est cette voix puissante et hargneuse qui sauve le titre de la platitude. - littéralement des paroles obscures ; et puis, un arc-en-ciel dans le noir ... Rainbow ? Black ? Blackmore ? - 
Sur "Shame on the Night", Sabbathien en diable, Dio retient d'une main ferme la fougue de ses musiciens pour jouer de suspensions passagères, de ritenuto, donnant ainsi plus de poids à un rythme déjà pesant. Il a invité pour l'occasion le vieux loup du "Hush" de Deep-Purple. Un clin d'œil à l'ami Ritchie ?
Le style direct, brut et offensif, séduit et enflamme les métallovores d'Europe et d'Amérique du Nord (et même des Antipodes). En dépit d'une seconde face plus terne et classique, ce disque fait de l'ombre à toutes les productions des confrères. 

     Et puis, il y a cette pochette blasphématoire, provocatrice, percutante, qui marqua les esprits. Désormais emblématique avec notamment ce personnage récurrent, la mascotte féline et cornue Murray, dernier des Malacovians, qui lui conta son histoire remontant à l'aube des temps.
Avec son intérêt pour les histoires où l'on retrouve démons, dragons, mages, son imagerie d'heroïc-fantasy, en plus du compère imaginaire Murray, le signe distinctif des cornes (emprunté à nonna), il fut souvent dans la ligne de mire du puritanisme américain. La tristement célèbre secte auto-proclamée Église Baptiste de Westboro est allée jusqu'à célébrer le décès de "l'adorateur de Satan".
Pourtant, malgré son engagement dans une musique brutale, il abhorrait la violence. Il avait d'ailleurs la réputation d'un homme affable, courtois et aimable. Pour cela, il était respecté par l'ensemble de la communauté de la vaste sphère métallique ; tous genres confondus. Un respect qui reste ancré, même des années après son décès. 



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