samedi 30 avril 2011

LE DEMON, de Hubert Selby Jr (1976) par Foxy Lady


Amateur de sensation ou de roman choc, « Le Démon » de Hubert Selby Junior, fait parti de ces romans qui nous marquent à jamais, et je pèse largement mes mots.

Dès la première ligne, j’ai été choqué par le vocabulaire très cru (limite vulgaire) employé par l’auteur, très loin de mon univers habituel, et pourtant, j’ai été dans l’incapacité totale de lâcher mon livre, entre dégoût et fascination que m’inspirait le personnage d’Harry White, créé par Selby.

Parlons un peu de l’auteur, que je viens de découvrir du haut de mes 36 ans (il n’est jamais trop tard pour bien faire !), cela dit, il est très probable que je n’aurais pas pu aborder ce genre de littérature si j’avais eu 10 à 15 ans de moins.



Né à Brooklyn en 1928, Selby s'engage dans la marine marchande à 15 ans. Atteint de tuberculose, il perd un poumon à l’âge de 18. L'alcool, la drogue, les hôpitaux psychiatriques et la prison font partis de son quotidien, jusqu’au jour ou, incapable de mener une vie normale à cause de sa maladie, il achète une machine à écrire et se lance dans l’écriture. Son roman le plus célèbre, « Last exit to Brooklyn » (1964), est un recueil de nouvelles pleines de violence et de désespoir. Dès sa parution, le roman fit scandale et fut l’objet d’un procès pour obscénité en Angleterre, interdit en Italie, et interdit à la vente aux mineurs aux Etats-Unis. En 1978, il publie « Requiem for a dream » (paru en France sous te titre « Retour à Brooklyn »), description de la descente aux enfers d'une famille de toxicomane. « La geôle » (1971) et « Le démon » (1976) sont salués par les critiques. Après une absence de trente ans, Selby publie « Le saule » (1999). Il s’éteint en 2004 d’une maladie pulmonaire chronique et laisse derrière lui des romans d’une noirceur incroyable ou le rêve américain nous apparaît comme totalement illusoire. Il dresse des portraits vitriolés de l’être humain dans toutes ses faiblesses et ses excès.

« Le démon » nous livre donc le portrait de Harry White, jeune cadre dynamique dans une grande société, victime (comme l’indique le titre) de son démon intérieur qui va le mener à toutes sortes de vices et aux pires méfaits. Dès le premier chapitre, on est écœuré par la personnalité de White : manipulateur, calculateur, immoral, pervers, opportuniste et méprisant. Il se comporte en prédateur, pour arriver à ses fins, il séduit les femmes, leur ment, les mets dans son lit et les jettes après les avoir consommés. Et pourtant, en dépit de ça, White n’est pas totalement mauvais : c’est un bon fils qui aime ses parents et s’efforce de faire au mieux pour leur être agréable.



Sans cesse en quête de sensations extrêmes, il est incapable de se contrôler, obsédé par ses pulsions sexuelles qui vont finir par lui causer des désagréments dans son travail avec son supérieur hiérarchique Mr Wentworth.

Puis, le répit que l’on attendait en tant que lecteur arrive lorsque Harry rencontre Linda, sa future épouse. Contre toute attente, notre Don Juan sans scrupules s’éprend d’une personne charmante qui le fait rire, le fait rêver, avec qui il ne triche pas, accepte de se ranger et de renoncer à ses noirs instincts. Etrangement, Harry White nous devient alors plus sympathique, et plus humain. Même s’il demeure le même petit arriviste égocentrique dans l'entreprise qui l'emploie, le fait qu’il soit capable d’aimer est presque rassurant. Et puis vient la chute inéluctable vers ce mal étrange qui le ronge. A nouveau, il est en proie au démon qui l’habite, à nouveau sa petite vie de famille ne la satisfait plus, à nouveau il lui faut cette adrénaline pour apaiser ses tensions et ses angoisses et, à nouveau, il laisse libre cour à ses penchants et sombre dans le sexe et la débauche.

Puis, lorsque ces « distractions » ne le satisfont plus, il tente déséspérément de s'enfermer dans on travail, son seul refuge, mais rien n'y fait;  il cherche alors de nouvelles sensations, se grise dans des bouges infâmes, se détestant lui-même de céder à ses pulsions, alors qu’il a une femme sublime et de merveilleux enfants, se culpabilisant d’agir de la sorte mais incapable de se raisonner. A chaque pages on assiste impuissant à la prise de possession de ce démon qui le pousse sans cesse un peu plus dans l’abîme… comme sa femme Linda, on est désemparés, on voudrait pouvoir aider Harry même s’il ne nous inspire que répulsion car on se dit que tout ne peut pas être mauvais en lui. On le voit lutter inlassablement puis finir par s’abandonner à cet odieux démon qui le poussera vers les pires crimes…. Jusqu’ou la descente aux enfers ? Jusqu’ou l’escalade vers la violence et la folie ?




L’écriture de Selby est crue, abrupte, sans fioriture, voire étouffante, parfois, l’auteur répète la même phrase, comme un leitmotiv qui nous plonge dans la tête de son personnage, au point qu’on a l’étrange sensation de se perdre soi-même… Il nous décrit un être minutieux, brillant, d’une redoutable intelligence et capable des pires horreurs, et ceci dans la plus parfaite froideur typique d’un esprit détraqué. Ce roman n’est sans doute pas à mettre entre toute les mains tant il est dérangeant, cela dit, je n’ai aucune peine à comprendre pourquoi on le considère comme un chef-d’œuvre, car une fois ouvert on est comme hypnotisé par les mots, même si on est tiraillé par divers sentiments et qu’on voudrait que ce cauchemar cesse pour pouvoir enfin respirer.


« Le démon » est sans nul doute le roman le plus déstabilisant qu’il m’est était donné de lire ses dernières années, et dont j’avoue ne pas être ressortie indemne. Depuis lors, j’y repense souvent, incapable de me plonger dans une nouvelle histoire tant celle ci ne cesse de me hanter.

Selby est un auteur hallucinant et son roman, à couper le souffle.

Lecteurs timorés ou pudibonds, s’abstenir…







Les photos sont issues du film "Requiem for a dream" adapté du roman de Selby en 2000, par Darren Aronofsky.

vendredi 29 avril 2011

ANVIL (2010) de Sacha Gervasi, par Luc B.




ANVIL est un groupe canadien de Speed Métal, formé en 1977 autour du chanteur-guitariste Steve Kudlow et du batteur Robb Reiner. Leur première influence est BLACK SABBATH, dont ils radicalisent le style. Leur apogée musicale se situe en 1984, lorsqu’ils partagent la scène de WHITESNAKE, SCORPIONS. Et puis… plus rien ! 25 ans plus tard, un fan du groupe, Sacha Gervasi, décide de partir à leur recherche, et réalise ce film documentaire.

Vous souvenez-vous du film parodique THE SPINAL TAP, de Rob Reiner (Rob avec un seul « b », aucun rapport avec le batteur de ANVIL) ce film délirant sur un groupe de hard rock déjanté, vrai-faux docu hilarant et culte ? Vous pensiez que c’était exagéré ? Jetez un œil à ANVIL, le film…

Robb Reiner (batterie) et Steve "Lips" Rudlow (guitare)
Au début des années 80, ANVIL font figure de précurseurs, accélérant les tempos, hurlant, rameutant tous les symboles sataniques possibles et inimaginables, un jeu de scène bestial… Steve Kudlow ne joue pas de guitare avec un archer, comme Jimmy Page, mais avec un… godemichet, et arbore un plastron sado-maso clouté du plus bel effet ! ANVIL se traduit par… enclume. Le Speed Métal est né, et nombreux sont les musiciens de l’époque à saluer leurs prestations, et à s’engouffrer dans cette brèche ouverte. Le film de Sacha Gervasi commence d’ailleurs par un florilège de d’hommages, de Slash (GUN AND ROSES), Lemmy (MOTORHEAD) ou Lars Ulrich (METALLICA). Et c’est justement parce que METALLICA, puis SLAYER, ANTHRAX, MEGADETH et consort ont déboulé, armés de producteurs, de managers aguerris, que le groupe ANVIL, vite dépassé, a disparu de la scène métal. Dans le film, on découvre Steve Kudlow qui bosse dans la préparation de repas pour des cantines scolaires, et Robb Reiner peint des tableaux dans sa cave… C'est lui qui dessine aussi les pochettes. Ils ont recruté un bassiste, un second guitariste, et jouent toujours, enregistrent des albums, qui passent totalement inaperçus. Mais ils y croient, ils ont la flamme, soutenus à demi-mots par leurs familles, même si la femme de Robb n’y croient plus tellement. L’espoir renaît avec une participation à une tournée européenne, en 2008. D’abord en Angleterre. Celle qui organise la tournée, c’est la petite amie de Kudlow, qui s’improvise manager ! Il y a quelque chose de touchant et de pathétique à la fois dans ces images. Kudlow croise ses confrères, à qui il voue un véritable culte, alors que ceux-ci ne le reconnaissent même pas. Mickael Schenker, « le Beethoven de hard » qui n’aura même pas un regard pour Kudlow, John Skyses (THIN LIZZY, WHITESNAKE) que Kudlow reconnaît, apostrophe : « hey John, c’est moi, Steve, tu me reconnais ? tu te souviens en 84, dans ce bar, cette grande brune qu’on a draguée ? »… Visiblement John, gêné,  ne se souvient pas… La tournée se poursuit en Europe de l’est, et là, la tragédie pointe son nez…


Le groupe doit jouer à Prague, trace la route en mini-bus, n’arrive pas à lire les panneaux en tchèque, et arrive avec deux heures de retard. Le restau est quasi vide, les clients n’ont pas attendu, mais ANVIL assure tout de même le concert. Au moment de se faire payer, le patron des lieux leur dit : « Attendez-là, je vous apporte du goulasch ». "Mais nous on veut notre fric, pas du goulasch" hurle Kudlow ! Le ton monte, on en vient aux mains ! "Fallait pas être en retard !" ; "Ouais, mais on a joué quand même !" Le générique de fin nous apprendra qu'après tractations, le restaurateur  s'acquittera de sa dette : 100 euros... Et scène surréaliste, un type intervient, sort une carte de visite : « je suis avocat, je peux vous aider, ne vous faites pas avoir. Vous savez ce que c’est votre problème ? Vous avez un manager de merde ! »… La manager en question, la fiancée de Kudlow donc, fond en larme, pète les plombs… La tournée est un désastre, ils ratent leur train, joue parfois devant six spectateurs tellement avinés qu’on leur passerait un disque cela ne changerait, pas grand-chose. ! Une salle en Roumanie de 10 000 places : 174 spectateurs iront les voir. Seul un touriste japonais les reconnait, et leur demande de venir jouer au Japon, où là, un vrai public les attend… Mouais, en attendant, tous dans le bus ! 


Le Japon, mon pote, le Japon !
On suit ces types au quotidien, sordide. La petite famille, les gosses, la maman qui témoigne. Ils ont été les meilleurs, et veulent le redevenir. C’est la sœur de Kudlow, qui sur ses économies financent leur treizième album. Au départ, c’est un désastre, Robb et Steve s’engueulent, se fâchent, et en sanglot se rabibochent. Car ce film est aussi – et surtout – une histoire d’amitié indéfectible, entre deux types qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes, pour s’accrocher à leurs rêves. Emotionnellement, la scène est forte, avec Steve disant à Robb : "qui puis-je traiter de tous les noms, si ce n'est mon meilleur ami, le seul que j'ai". Sauf que Robb, dans le rôle de l'enclume (sic!) en a marre de supporter les coups de pilon de son pote...  Une scène à rapprocher du film de Joe Berlinger, SOME KIND OF MONSTER (2005) qui suivait le groupe METALLICA pendant deux ans, en compagnie de leur psy ! (excellent docu au passage...)  Pas sûr qu’il n’y ait pas un peu de cabotinage dans ces scènes-là… la présence de la caméra exacerbe les passions. Sans doute  tout n'est-il pas spontané, attendez les gars, je cadre mieux, allez-y, embrassez vous encore, okay c'est bon ! Le documentaire, ça reste du cinéma, non ? Enfin le disque est fait, ils en sont satisfaits, reste à le vendre et eux-mêmes ils déposent les maquettes dans les maisons de disque, ne dépassant pas le hall de réception… Sauf chez EMI, au Canada, où ils sont finalement reçus, mais cela ne donnera rien. Juste un mail laconique, 15 jours plus tard : « désolé, nous ne distribuerons pas votre disque, bonne chance à vous… ». Et puis, le téléphone sonne. Le Japon les réclame. Non, ce n’est pas une blague, le japon veut ANVIL, pour un festival de rock, sur trois jours. ANVIL est programmé le premier jour, le matin, de 10h35 à 11h40…  Le plan sur l'affiche, avec leur nom, inscrit en premier, le matin, en haut à gauche... On n'y croit à peine ! Quelle poisse ! Les mecs sont effondrés !  Le réalisateur joue le suspens, l’attente, y aura-t-il du monde, un matin, pour écouter du hard ? « On s’en fout, putain, on est là, au Japon, et même s'il n’y a personne, ben on jouera quand même ! ». Et le spectateur griffe l’accoudoir du fauteuil. Sans déc, on tremble pour eux. S’il y a trois pelés et un tondu, on va se marrer, se foutre de leur gueule, une fois de plus, ou bien on chialera comme devant un bon vieux mélo. ANVIL entre en scène. La salle est comble, et l’hystérie gagne dès le premier riff de guitare...


Pas sûr qu’il faille s’intéresser particulièrement au Heavy Métal, ni même au Rock, pour apprécier ce film. Ce qui comptent, ce sont les coulisses, les cuisines, le quotidien de types qui n’ont jamais baissé les bras, jamais abandonné leur rêve d’ado, être des musiciens de rock, des stars, jouer dans la cours des grands. ANVIL, le film, est un documentaire touchant, drôle, dramatique, pathétique, tendre, vrai. Un film sur les rêves, sur la foi, l’envie, la niaque, sur l’amitié, sur l'énergie, et l'amour pour une musique qui rassemble public et artistes dans une même communion.  Dans ce film, les regards en disent longs, des épouses, des frères et sœurs, des amis, regards fatigués, désœuvrés, éteints, qui ne demandent qu’à s’enflammer de nouveau pour peu qu’il y ait quelques paires d'esgourdes pour écouter leur musique.



Et vous savez quoi ? Ce film a eu du succès, a été diffusé partout dans le monde (festival de Sundance), et plein de gens ont redécouvert ANVIL, dont les mecs d’AC/DC qui leur auraient proposé de faire leur première partie, et leur quatorzième album sort ces jours-ci, produit par Bob Marlette (Alice Cooper, Black Sabbath) et distribué par Sony Music ! Et Steve Rudlow est vachement fier, parce que Jimmy Page  (Led Zeppelin) lui a envoyé un télégramme de soutien. What a fuck man ! Jimmy Page ! Le vrai ! Alors, elle n’est pas belle la vie ?

PS : ce film est diffusé actuellement sur Canal+
 


Anvil ! Bande Annonce du film par LE-PETIT-BULLETIN






ANVIL ! (2010)
Réalisé par Sacha Gervasi, distribué par Zootrope Films (Coppola)
Couleur - 1h20 - format 1:85

jeudi 28 avril 2011

THUNDER - " The Thrill Of It All (1997) - par Vincent Le Chameleon Foudroyé


Let The Good Times Rock... And Roll !

Il est de ces groupes, qui, malgré leur confidentialité, continuent de tracer leur route, faisant fi des modes, tout en nous offrant à chaque fois la garantie de passer un très bon moment en leur compagnie.
Voilà bien en tout cas ce qui semble être le seul leitmotiv chez Thunder.
Pour cette seule fois, le quintette se retrouve provisoirement privé de bassiste... Qu'importe, Luke Morley (l'un des deux guitaristes) se chargera aussi, et exceptionnellement de la basse. Instrument maudit chez le groupe, le futur remplaçant deviendra quand même le troisième bassiste de la formation, en seulement 4 albums. 

Au premier plan: La paire guitaristique de Thunder emmenée par Luke Morley (Lead Guitar and backing vocals) et Ben Matthews (Guitar and Keyboards).
Toujours est-il que, remercié dans le même temps par sa maison de disque (Geffen), ces divers épisodes auront eu, me semble-t-il, un effet des plus bénéfique sur le groupe. Les anglais semble en effet, et plus que jamais, nous montrer leur nature première, jouant ainsi la carte du feeling et de la nuance d'un morceau à l'autre.
Car oui ! Ce quatrième album est tout bonnement bourré de qualités: Tour à tour sensible, parfois enjoué ("Welcome To The Party"), puis l'instant d'après, porteur d'une certaine gravité ("This Forgotten Town"), le Hard des Anglais se fait dans le même temps plus authentiquement Rock. Dès lors, et à ce stade de sa carrière, voilà qui en fait pour ainsi dire l'œuvre la plus touchante du groupe.

Danny Bowes, chant. Pour qui aime les voix chaudes et veloutées empruntes de Soul et de Blues
The Thrill Of It All est également l'album qui installe, pour les années à venir, l'identité propre de la formation. Bien sûr, certains pourront toujours rétorquer que ce groupe n'a rien inventé, déroulant son Hard très Rock emprunt d'influences Blues et d'un zeste de Soul, comme d'autres l'avaient sans doute déjà fait avant lui...
Tout compte fait, la qualité n'étant pas aussi systématique et aussi courante de nos jours, ne rechignions pas au plaisir de cette belle et vraie bonne musique, jouée avec un indéniable talent, dans une constante sincérité.

Nota: Le son (auto-produit) est absolument fantastique. Notons également qu'il existe une version double de ce CD : La deuxième rondelle comportant des déclinaisons de 3 titres, dans des versions acoustiques toutes aussi plaisantes que dans leur version électrique. A bons entendeurs... 






Welcome To The Party" version Live (extrait du très recommandable DVD Thunder Live)

mercredi 27 avril 2011

ZAKK WYLDE - "Book Of Shadows" (1996) - par Bruno


Zakk dépose les armes et sort la vieille Gibson acoustique.

     Zakk Wylde, l'homme connu pour ses riffs d'acier criblés d'harmoniques sifflées assassines (pinch harmonic, archétype de la guitare Heavy-Metal mais développé par des musiciens comme Roy Buchanan et Jeff Beck), aux soli dévastateurs, aux biceps de 40 cm et à la trogne de (gentil) barbare saxon. Connu également pour avoir relancé à vingt ans, dès son incorporation au sein du groupe d'Ozzy Osbourne, la carrière du « Prince des Ténèbres... de Birmingham » avec l'album « No Rest for the Wicked », et surtout le suivant, « No More Tears », (principalement composé par Wylde), qui demeure encore à ce jour l'album le plus vendu du groupe. Connu également pour être un redoutable amateur de bières qu'il descend en moins de temps qu'il ne lui faut pour descendre son manche lors d'un solo vertigineux. Connu pour utiliser des chaînes de 5 kilos en guise de sangle de guitare, pour son look mi-guerrier Viking mi- Hell's (bien que Zakk n'ait jamais été un biker d'aucune sorte que ce soit), pour son attirance pour les crânes et les chaînes, il demeure néanmoins moins connu pour son unique album solo (ou du moins plus exactement, le seul sous son patronyme) où il a troqué l'artillerie lourde contre des instruments acoustiques et une ambiance nettement plus intimiste qu'à l'accoutumée.

     En 1996 (à cette époque Zakk abordait le look pat'éph'-tee-shirts), après la dissolution de l'éphémère combo et excellent 
PRIDE AND GLORY (lien), pendant qu'Ozzy était en stand-by (en vacances forcées ?), Zakk Wylde réalise cet étonnant et mystérieux "Book of Shadows".


     Ce sorcier des guitares rugissantes a échangé sa LesPaul stéroïdée aux micros actifs EMG contre une Gibson "Dove In flight" et un piano, pour pondre une tripotée de chansons sombres, intimistes, dépouillées, ouvragées, d'une sensibilité à fleur de peau, au parfum parfois sulfureux (« Sold my Soul ») et d'une extraordinaire qualité d'écriture. Et ce sans jamais faire dans la mièvrerie ou le sentimentalisme déplacé ou pleurnichard. On découvre alors un grand musicien. Déjà précédemment, avec "Pride & Glory", il avait démontré que son univers musical s'étendait au-delà du Métal de Sabbath et d'Ozzy, et avait amorcé quelques incursions dans des ballades poignantes avec les splendides "Sweet Jesus", "Found a friend" et "Fadin' away", prouvant ainsi qu'il se débrouillait plutôt bien au chant, à la guitare folk, au banjo et au piano.

     Avec « Book of Shadows » il enfonce le clou en se consacrant exclusivement à ce style. Des ballades acoustiques exsudant Lynyrd Skynyrd, Black Oak Arkansas, Neil Young, le Folk américain du début des 70's, ou même le Sab (forcément), occasionnellement soutenues par une section de violons dans une optique sombre, et même un violoncelle occasionnellement. Et il y aurait également en filigrane un petit quelque chose de The Cult (album « Love »). Toutefois, Zakk n'a pas totalement délaissé ses Les Paul. Elles surgissent armées d'une grosse disto pour des interventions tranchant ainsi franchement et délicieusement avec le climat boisé, « unplugged » général.
 

   Le chant s'oriente vers un Ronnie Van Zant mélancolique et désabusé, avec un timbre plus voilé et plus rauque.

     Les compostions semblent avoir été écrites à la campagne, lors d'un crépuscule automnal avant un orage, car tout en ayant une certaine facette bucolique elles paraissent chargées d'une toute relative lourdeur, et semblent empreintes d'une mélancolie sourde et pesante. Comme un profond secret lourd à garder. Un mal-être, une tristesse incrustée expiée par la musique. Une certaine tension latente également, d'où les lâchés de soli pyromanes libératrices. Le contraste entre le climat acoustique et les interventions électriques donne un aspect légèrement sulfureux ; une synthèse entre les « ballades » telles qu'on les retrouve sur le « Sabbath Bloody Sabbath » et celles d'un Southern-Rock pessimiste. Toutefois, absolument rien que macabre ni de « Dark » là-dedans. Parfois, il semblerait qu'il y ait un aspect presque enjoué, mais sa voix d'homme de cro-magnon (et non de Néandertal, pas le même registre) ne se prête guère aux envolés poppies et réjouissante.

     A noter un « Too Numb to Cry » dépourvu de guitares. Et « 1 000 000 Miles Away » assez sabbathien, rompant l'ambiance, fait office d'intrus avec cette guitare très (trop ?) lourde, sur-saturée bavant de toute part.


   La chanson « Throwin' it all Away » a été composée en hommage à l'un de ses amis. En l'occurrence il s'agit de Shannon Hoon, le chanteur de Blind Lemon, décédé d'une overdose un an plus tôt.

   Onze titres où rien n'est à jeter (on peut faire l'impasse sur « 1 000 000 Miles Away »), onze titres qui pourraient très bien avoir été écrits hier, aujourd'hui ou il y a quarante ans.

     Les bonus tracks édités sur un second CD (dont deux titres plus marqués "Southern" et un troisième avec des suites d'accords aux accents "zeppeliniens") sont de moindre intérêt.

     Pour l'occasion, Wylde a recruté Joe Vitale (Amboy Dukes, Joe Walsh, Crosby Still & Nash, Peter Frampton) pour tenir la batterie et James Lomenzo rescapé de Pride & Glory (White Lion, Ozzy, David Lee Roth, Megadeth, Slash) à la basse.

     Il faudra attendre trois ans pour que Zakk réalise un nouveau disque. Cette fois ci avec une nouvelle formation : Black Label Society. En 1999 déboule « Sonic Brew » qui ratatine tout sur son passage. Dire que c'est du brutal est un euphémisme.

     Finalement, « Book of Shadow » n'est pas totalement un OVNI dans sa carrière puisque Zakk réitérera la chose (avec peut-être un peu moins de profondeur) avec "Hangover Music vol. VI" en 2004 (qui malheureusement fut presque un "flop" total parce qu'il prit au dépourvu les fans du Wylde Heavy-Metal), et plus récemment en 2006 avec « Shot to Hell ». Dans une bien moindre mesure puisque ce dernier alterne entre ballades sombres et grosse artillerie Heavy (peut-être pour ne pas commettre la même erreur de marketing que précédemment). Néanmoins, il est évident que ses "ballades Heavy-southern-rock" que l'on retrouve sur les deux disques nommés ci-dessus sont en général moins inspirées. Elles n'en demeurent pas moins de bonnes factures, et valent le détour.


P.S : Pour la petite anecdote, les membres de Lynyrd ont un moment pensé à embaucher Zakk. Mais, après avoir joué ensemble, ils ont trouvé qu'il joue bien trop fort pour s'intégrer.
  1. between heaven and hell - 3,26
  2. sold my soul - 4,52
  3. road back home - 5,48
  4. way beyond empty - 5,25
  5. throwin' it all away - 5,47
  6. what you're look'n for - 5,31
  7. dead as yersterday - 2,51
  8. too numb to cry - 2,23
  9. the things you do - 4,11
  10. 1,000,000 miles away - 6,29
  11. i thank you child - 4,41

Bonus tracks sur réédition de 99 (double CD)
  1. evil ways - 4,13
  2. the color green - 3,05
  3. peddlers of death - 5,51 (version acoustique - initialement sur le 1er album de Black Label Society, "Sonic Brew")



En direct, seul avec sa douze-cordes :



Le clip :

mardi 26 avril 2011

NEAL BLACK - " Sometimes The Truth" - (2011) par Rockin-jl


Sometimes The Truth est le 7ème album depuis 1993 , tous chez le label à la grenouille (Dixiefrog) , de Neal Black , natif de San Antonio, Texas, mais établi en France depuis quelques années. Qui dit Texas dit blues rock, ZZ top, Stevie Ray Vaughan, Chris Duarte, Alan Haynes, Smokin'Joe Kubeck et des dizaines d’autres guitaristes plus ou moins inspirés, mais plus que de cette lignée Neal Black est de la race des songwriters, des Calvin Russell, des John Campbell, des Townes Van Zandt et propose un blues authentique qui prend aux tripes , parfois sombre, parfois enlevé, porté par une énorme voix rocailleuse reconnaissable entre mille (entre Tom Waits et John Campbell) et par un jeu de guitare sans esbroufe, avec d’excellents passage de slide . Le blues rock n’est pas délaissé pour autant, certains titres arrachent même vraiment, sans effets de manche inutiles.

Photos Signées Eric V. R. de "  Blues Alive76" (prochain numéro en Juin ),avec mes remerciements

Cet album a été enregistré en partie à New York, chez son ami Popa Chubby (titres 1-7-9-10-13) , le reste en France, avec de nombreux invités, Popa bien sur, qui partage le chant sur 3 titres et sort sa guitare sur 5, les harmonicistes Nico Wayne Toussaint (plages 1-3-11) et Mason Casey (12-13) ou encore Fred Chapellier à la gratte sur 2 titres (5-12). Se partagent la basse Kim Yarbrough et A.J Pappas, les drums Steve Holley et Vincent Daune, aux claviers Mike Latrell, plus encore d’autres invités.

Coté titres, ça commence très fort avec New York city blues, ballade désabusée dans la grosse pomme (Welcome to NY City-where the homless pay union dues-where time is money and money is time-and no one cares about your small town blues-NY city sure make a fool out of you-and NY city ain’t a good place to ge the blues) un vrai blues prenant avec NW Toussaint à l’harmo . Autre moment fort Mississippi Doctor avec cette voix de Neal qu’on dirait sortie de l’enfer pour atterrir dans le Delta, à Tupelo , soutenue par un beat à la John Lee Hooker et soulignée des traits d’harmo de Nico,  mon titre préféré. Mais de toute façon il n’y a pas de ponts faibles sur l’album, qui alterne blues rock (Lie To Be loved, Love And Money, Left Her Back In Dallas), blues plus lents (Holliday Inn In Heaven, Yesterday’s Promises Tomorrow) , 3 instrumentaux mordants , un blues acoustique superbe (Sometimes The Truth, dont le clip est proposé en bonus multimédia) , une ballade avec un accordéoniste (Christophe Duvernet) assez sombre qui parle du trafic de drogue à la frontière mexicaine (Gringo Bring Me Your guns) , et la seule reprise , de Elmore James (Goodbye Baby, avec Mason Carey à l’harmo).

 Vous l’aurez comprit un album qui m’a carrément emballé, et qui sera sûrement sur mon podium des albums de l’année (même si l’année est loin d’être finie).


lundi 25 avril 2011

PHIL LYNOTT - " Yelllow Pearl...A Collection " - (2010) par Philou


The Boy Is Back In Town ou quelques perles pour les fans.....

Cette compilation sortie depuis juillet 2010 devrait ravir les aficionados de l' irremplaçable et regretté Philip Parris Lynott. En effet, cette intéressante collection propose un voyage surprenant et séduisant au plus profond du travail en solo du leader de Thin Lizzy disparu il y a 25 ans en janvier dernier...
L'album rassemble les singles de ses deux albums solos ( "Solo In Soho" , "The Phil Lynott Album") avec des titres comme "King's Call", "Ode To Liberty" ,"Dear Miss Lonely Hearts"
et surtout "Yellow Pearl" qui atteindra la 14 ème place dans les charts anglais et deviendra le thème de l'émission de la BBC Top Of The Pops.
On y trouve aussi "Parisienne Walkways", le classique de l'album "Back On The Streets" de Gary Moore sorti en 1978, qui grimpera jusqu'à la huitième place dans les charts britanniques.
Personnellement, j'ai un petit faible pour une magnifique chanson, mélancolique à souhait, qui se nomme "Old Town" extraite de son deuxième album solo. Cette merveilleuse pop song sera reprise bien des années plus tard par une famille de charmantes chanteuses irlandaises
.




Bien entendu, l'album contient quelques raretés et face B.....heureusement !!!
A commencer par une version longue de son dernier enregistrement "Nineteen" publié quelques semaines avant sa mort tragique, le 4 Janvier 1986.
On y trouve aussi le second remix, très rare, de "Yellow Pearl", les deux faces B des 45 tours "Together" et "Old Town" à savoir "Somebody Else's Dream" et "Beat Of The Drum".
Le livret accompagnant le CD contient de magnifiques photos de Phil, un article du journaliste Malcom Dome ( qui avait interviewé le chanteur en 1980) ainsi qu'un communiqué de presse de Polydor International concernant la sortie du 3ème album solo de Phil Lynot, qui malheureusement, ne verra jamais le jour....
"Mon but n'est pas de surprendre les gens, mais certainement de me surprendre", déclara Phil Lynott pendant l'enregistrement de son premier album solo "Solo In Soho" une déclaration sincère d'un des artistes les plus originaux du monde du Rock, un héros musical, un seigneur auteur-compositeur, un chanteur majestueux et un monarque à la basse.
En effet, bien avant la vague "Fusion" des années 90 qui mélangera habilement le rock et le funk avec des groupes comme Living Colour, Red Hot Chili Peppers, Fishbone etc... Phil, lui, brassait déjà le hard-rock, la soul, le funk, la pop et même le reggae.

L’inauguration de la statue de Phil Lynott le 20 août 2005, suivie dans la soirée d' un concert mémorable avec la participation des anciens de Thin Lizzy dont Gary Moore, Brian "Robbo" Robertson, l'ami américian Scott Gorham, Brian Downey, Eric Bell , sans oublier Darren Wharton et son groupe Dare.


Phil Lynott est une véritable légende encore vénérée de nos jours, une statue en bronze a été inaugurée à son honneur en plein cœur de Dublin, sur Grafton Street en 2005 (voir ci-dessus).
Il trainera son mal de vivre tout au long de ses chansons métissées, bourrées jusqu'à la gueule de lyrisme, d'émotions et de mélodies inoubliables.
A la fois rocker et poète, il avait le don de rassembler tout le monde, certainement grâce à sa sincérité et il nous manque atrocement.


PS : Il existe même des recueils de poésies écrites par Phil, mais point de traduction française connue à ce jour. Par contre, si vous maîtrisez l’anglais et le gaélique…






"Beat Of The Drum" ou une autre facette du talent de Phil Lynott

dimanche 24 avril 2011

CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE, de Tim Burton (2005) par Claude Toon



Il était une fois un livre de Roald Dahl que les enfants et les plus grands avaient aimé. Des puristes furent déçus quand un film de Mel Stuart fut venu. Et puis vint Tim Burton qui nous enchanta.




Maggy, ma directrice de publication, a lu le livre et vu le film. Elle a aimé l’un et l’autre. Bien évidemment, nombre de détails ou de péripéties qui enrichissent le livre sont délaissés par le scénario. Mais il ne faut pas oublier que l’art d’un cinéaste est de traduire les descriptions en images. Et dans ce domaine Tim Burton a toujours une imagination débridée.
Héritiers de Dickens, Grimm ou Lewis Carroll, l’écrivain et le cinéaste mélangent les genres connus : opposition entre la misère et l’opulence indécente, la bonté innée et la cupidité militante. Comme dans tous les contes, les gentils sont très gentils et, heu non, il n’y a pas vraiment de méchants dans cette facétie fantastique. Des personnages stupides et grossiers, oui, il y en a à la pelle. Le cinéaste recourt-il à des effets faciles pour dresser une critique bonhomme de notre société, tout en la vénérant ? Je ne crois pas, car pour les enfants capricieux de ce récit, il n’y aura pas de rédemption, pour les parents non plus.


Assez de préambule, juste que la volonté de Tim Burton de réaliser ce film date de 1980 mais qu’il n’a été tourné qu’en 2005, après la mort de Roald Dahl en 1990 et d’âpres négociations avec ses héritiers jusqu’en 1998.

L’histoire qui nous est contée…


Un petit garçon d’une dizaine d’années, Charlie Bucket vit dans une masure avec sa mère (Helena Bonham Carter), son père (Noah Taylor) et ses quatre grands parents. Malgré le chômage et la misère, ils ne sont pas affreux, sales et méchants. Chez les Bucket, on tire le diable par la queue mais, une fois par an, l’enfant reçoit pour son anniversaire une tablette de Chocolat Wonka. Wonka, une légende planétaire, Wonka du nom de Willy Wonka (Johnny Depp) qui vit retranché dans sa gigantesque usine de sucreries, sa création cyclopéenne, voisine de la misérable baraque de Charlie. Les confiseries les plus délicieuses et fantasques y sont inventées et élaborées dans le plus grand isolement, sans personnel !? Mystère… Willy Wonka a congédié tous les ouvriers des années auparavant, notamment le grand-père de Charlie, suite à un espionnage massif de ses secrets (pas du bidon, du sérieux, pas comme ailleurs…).


Coup de tonnerre sur les médias. Willy Wonka sort de sa vie d’ermite. Il organise un étrange et fascinant concours. Les cinq enfants qui trouveront un ticket d’or dans leur tablette de chocolat pourront visiter l’usine jalousement close. À la fin de la visite, il y aura un prix spécial, un seul ! Les gamins du monde entier s’empiffrent, se shootent au cacao, et les parents stressent dans l’espoir d’accompagner l’aventure d’une vie. Quatre enfants gagnent rapidement un ticket. Ah les braves gosses… Ils sont monstrueusement affublés des pires tares du modernisme individualiste et d’un péché capital voire de deux….


1 – Augustus Gloup de Düsseldorf (gourmandise) : Père dodu et charcutier de son état, mère blondasse, trop plantureuse et rougeaude, gamin glouton, tondu et en surpoids qui découvre son ticket en régurgitant la première bouchée de sa tablette non déballée. Très malin ce môme ! Il s’épanouit dans l’univers de la saucisse en gros et du cholestérol en chapelets. La grande classe !


2 – Veruca Salt de Buckinghamshire (envie et avarice) : Terrorise Daddi, son noble paternel british ! Le richissime Lord possède une usine de cacahuètes qu’il reconvertit dans l’ouverture frénétique de tablettes de chocolat. Un enfer qui rappelle Metropolis. Une armée d’esclaves, féminine et taylorisée, ouvre sans relâche des millions de tablettes pour trouver le Graal Wonka. L’infâme gamine ne désire pas, elle triche et ordonne avec une morgue inouïe ! Tête à claques. Vivent les révolutions culturelles.


3 – Violette Beauregard d’Atlanta (orgueil de type 1) : Une vipère sportive qui démolit les plus grands adultes au karaté ! Blondinette « winner » et arrogante coachée par maman. Ahhh maman ! Elle sort tout droit de Mars Attacks ! Blonde permanentée, hyper maquillée, hyper ambitieuse. Maman et fifille, poupées Barbie petit et grand modèle, font l’apologie du close-combat social option records idiots. Violette a délaissé le bubble-gum pour le chocolat, pour gagner. Elle fera le déplacement uniquement pour rafler le prix, évidemment.


4 – Mike Teevee de Denver (orgueil de type 2) : Un odieux mini geek en addiction de l’écran plasma, vaniteux prince de la logique, qui abrutit l’entourage en adepte des jeux vidéo assommants. Crâneur ingérable, Il a identifié et trouvé une tablette gagnante comme l’on calcule l’âge du capitaine. C’est un cas de tricherie algébrique, de dopage des synapses par l’arrogance. Et en plus, il n’aime pas le chocolat. Ce morveux destructeur gâche la nourriture en méprisant des parents « has been », pâles, inodores et sans saveur.


Ne sont-ils pas mignons ces chérubins et leurs géniteurs ?


Hélas pour Charlie, dans sa tablette d’anniversaire, le ticket magique est absent. Triste pour cet enfant angélique, un petit gars à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Mais par un coup de chance, le généreux garçonnet trouvera… le cinquième ticket et, par ordre de toute la famille : pas question de le vendre pour faire bouillir la marmite.


La visite commence, mais pour les enfants mesquins ou crétins (souvent les deux), l’usine et sa férie sera un piège diabolique… Mais cela est une autre histoire, par respect pour ceux qui n’ont pas encore vu ce film enchanteur même si parfois naïf. Dans cette histoire de confiserie, les enfants casse-bonbons seront punis de manière assez salée ou délicieusement cocasse, tout dépend de quel côté on voit les choses…


Une scène d’anthologie : le jardin des friandises et la rivière de chocolat



Clin d’œil à Lewis Caroll d’ Alice au Pays des Merveilles, une minuscule porte permet de pénétrer dans le saint des saints de la chocolaterie. Toute la folie de Burton jaillit en couleurs criardes et primaires. Dans ce jardin poussent des plantes fabuleuses : sucre d’orges géants, champignons sortis de L’île mystérieuse et aux chapeaux en fraises Tagada pour Gargantua. Willy Wonka, clone du Chapelier Fou, folâtre dans cette basilique du mauvais goût absolu et assumé.


Tim Burton rend hommage aux décors en carton-pâte rutilants du cinémascope (Voyage au centre de la terre d’ Henri Levin), ou même des péplums (Ben-Hur de William Wyler), en recréant la galère sur la rivière de chocolat avec les lutins-ouvriers Oompa Loompas devenus rameurs, qui, dans un kitsch absolu, improvisent aussi un ballet nautique façon Esther Williams. Ce film se voudrait-il un musée d’un âge disparu du cinéma ? Il évoque une époque où naissait un charme visuel, dépourvu de psychologie blafarde et de violence gratuite. Tim Burton a encensé l’univers pathétique et euphorisant d’ Ed Wood. Il ne pouvait pas faire moins pour Charlie et la Chocolaterie tourné dans la tradition du magicien d’Oz. On retrouve dans sa photographie une forme d’expressionisme. L’usine gigantesque Wonka, perdue dans un village ouvrier tiré au cordeau, semble héritée du graphisme de Metropolis ou de son propre Gotham City, cela pour ne pas oublier que Tim Burton est un véritable auteur, soucieux de l’esthétique, tel un peintre.

Les écureuils ouvriers et malicieux



Imaginez une immense rotonde où des centaines d’écureuils rangés en cercle décortiquent des noix à la perfection, sympathiques et courageux petits rongeurs. Tim Burton les filme dans un espace bleuté et métallique de science-fiction, opposition totale aux couleurs du jardin des friandises. Mais hélas, les petites bêtes, protectionnistes comme des E.T. seront dérangées dans leur travail, notamment de tri des noix pourries, par une des fillettes irritable et irritante qui pensait compléter sa collection (possession) de bestioles. Mal lui en prendra.


Comme à chaque « punition », les Oompa Loompas entonnent une chanson moralisatrice dont le texte est directement issu du livre. Tim Burton prouve son penchant pour la comédie musicale.


Les innombrables et Incroyables effets spéciaux servent l’aventure et ne fonctionnent pas uniquement pour flatter leur créateur comme dans maints blockbusters. Plus tard dans le film, même 2001 de Kubrick sera honoré. Tim Burton aime citer en images ses références et admirations.

Willy Wonka, son père et Freud


Surprise, dès les présentations des visiteurs, Willy Wonka paraît victime d’onomatophobie ! Il est allergique aux mots père et parents et peut à peine les bredouiller. Quel mystère cache-t-il ?


Les souvenirs reviennent. Le petit Willy, comme tous les enfants, collecte à Halloween des sucreries. Il se déguise en fantôme pour cacher un appareil d’orthodontie dément imaginé par son père dentiste et terrifiant (Christopher Lee, 80 ans à l’époque). En bon savant fou distingué et psychorigide, son père traque l’ennemi sucré. Bonbons, caramels et chocolats deviennent maléfiques : monstres invisibles entrés en guerre contre les dents. Gourou de l’éradication du plaisir gustatif, le père brûle le butin dans la cheminée promue bûcher de l’inquisition sucrière.


Burton vénère l’Immense Christopher Lee et plonge dans un univers qu’il chérit, celui de la Hammer Film Productions des années 60. Le Dr Wonka et son fiston vivent dans une cité sinistre, grisâtre et brunâtre, annexe des décors des Dracula que l’acteur interpréta dix fois ou des Frankenstein où il fut le partenaire attitré de Peter Cushing.


L’enfant se rebelle, s’enfuit et deviendra chocolatier ! Freud disait que les fils veulent symboliquement tuer leurs pères. Ici le conflit œdipien du parricide se résoudra par friandises interposées ! Sera-t-il définitif ? Et bien voyez le film…


Musique !


La bande originale de Danny Elfman, compagnon de route musicale de Tim Burton, est, comme toujours, en harmonie avec le film. La partition est d’une facture qui fait écho à celles des grands films cités avant, donc avec un petit soupçon de pathos et de plaisants accents sulpiciens des sixties. Une suite symphonique, richement orchestrée et mixée, alterne des thèmes sombres dans les scènes inspirées de Dickens, et inversement des rythmes jubilatoires dans les références à la fantaisie ou à la comédie musicale.


Sans doute d’une poésie moins originale que Edward aux mains d’argent, mais plus aboutie et authentique que le coûteux mais banal Planète des singes, ce film à gros budget reste un bon cru familial dans la filmographie de Tim Burton. Curieusement, un Johnny Depp qui surjoue (souvent un tic chez cet acteur) est un atout pour servir le personnage idiomatique de Willy Wonka. Les enfants sont effroyablement crédibles dans leur crétinerie suffisante. Je n’ai pas trouvé de scène… franchement inutile.


En ce jour de Pâques, pédale douce sur le chocolat… En fait, non !


samedi 23 avril 2011

IMANY, petite interview pour faire connaissance, par Rockin-jl


Les lecteurs les plus assidus du Deblocnot' (si si ! il y en a et 99.47 % de lecteurs satisfaits selon un sondage SOFRES fait auprès d'un panel représentatif de 5 lecteurs) se souviennent du concert de Johnny Clegg en Bretagne sud dont je vous parlais il y a un mois (Johnny Clegg à Concarneau, le compte rendu ) et plus précisément  de la chanteuse qui assurait la première partie et que j'avais découvert à cette occasion : Imany.
Accompagné seulement d'un guitariste subtil, celle ci avait conquit l'auditoire par son charme, sa sensualité, son chaleureux contact et sa voix grave à la Tracy Chapman, dans un répertoire entre  folk/jazz/soul et chant africain.
L'itinéraire de cette jeune femme est peu commun, française d'origine comorienne, elle va passer 7 ans à New York où parallèlement à une carrière de mannequin (et si comme moi vous aviez eu la chance de la  rencontrer vous comprendriez pourquoi..) elle suit des cours de chant et de théâtre, avant de rentrer en France pour se consacrer à la scène; on a ainsi pu la voir en première partie notamment d' Asa, Ben l'Oncle Soul, Sly Johnson ou N'Dambi.
(dates sur son site )

Alors que son 1er album va sortir le 9 Mai (après un CD 5 titres en acoustique) et que son emploi du temps est chargé, remercions Imany de nous avoir consacré un moment :

- Rockin-jl   Avant de parler de toi, je t’ai découvert en première partie de Johnny Clegg, qu’as-tu pensé de son concert ?
-Imany : J'ai trouvé que Johnny Clegg n'avait pas d'âge. Une sacrée pêche!

- Venons en à toi ; peux tu nous parler un peu de ton parcours, je sais que tu as vécu à New York, fait du mannequinât, mais comment as-tu « atterri » dans la chanson, et en France ?
J'ai atterri dans la musique progressivement à force de rencontres à NY mais aussi à Paris. J'ai monté une 1ère maquette qui m'a permis de démarcher des lieux où faire entendre ma musique.
A force de frapper à toutes les portes, celle de mon producteur Malick N'Diaye a fini par s'ouvrir.

-La musique justement , quelles sont tes influences ? si je te dis, le folk , (Tracy Chapman), mais aussi les blues singers (Billie Holiday), la soul (Aretha, Sam Cooke, Ray Charles, Otis), Ben Harper , sans oublier des influences africaines , je touche juste ?
Oui, à 2 ou 3 noms près c'est bien ça!

- Quels ont tes projets, un album bientôt je crois ? Peux tu nous parler un peu en avant première de sa « couleur » musicale ?
L'album sort le 9 mai, Il y a 12 titres dont un écrit en comorien. Il se veut assez intemporel, peu marqué par un genre particulier.
On y entend des violoncelles, des guitares acoustiques et électriques, des B3, Wurlitzer, Piano, de la basse, et un champ large de percussions. Ça se veut assez organique.

Sur scène à Concarneau tu étais seulement accompagnée d’un (très bon) guitariste, chantes tu parfois derrière une formation plus étoffée, ou est ce dans tes projets ?
-Dès la sortie de l'album, la formation dont je parle plus haut sera la formation officielle. Je ne laisse pas le voix-guitare pour autant, mais il y en aura de moins en moins! Il est temps de grandir...
Par ailleurs, je veux être en cohérence avec le son de l'album.

Mon anglais étant limité, je n'ai pas tout saisis , de quoi aimes tu parler dans tes chansons?
Je parle d'amour comme beaucoup. Le trop d'amour, l'absence d'amour, le mal-amour etc...Le thème universel...

- Imany signifie espoir je crois ? Alors nous espérons pour toi une grande réussite, en tous cas ici nous te suivrons et merci d’avoir répondu à ces questions, Good Luck!
Oui en fait Imany c'est plutôt la foi. Et la foi, il en faut beaucoup pour avancer sereinement.
Le chemin continue et j'espère que le 9 mai vous serez au  rendez vous et que vous ne serez pas déçus! A bientôt.