Amateur de sensation ou de roman choc, « Le Démon » de Hubert Selby Junior, fait parti de ces romans qui nous marquent à jamais, et je pèse largement mes mots.
Dès la première ligne, j’ai été choqué par le vocabulaire très cru (limite vulgaire) employé par l’auteur, très loin de mon univers habituel, et pourtant, j’ai été dans l’incapacité totale de lâcher mon livre, entre dégoût et fascination que m’inspirait le personnage d’Harry White, créé par Selby.
Parlons un peu de l’auteur, que je viens de découvrir du haut de mes 36 ans (il n’est jamais trop tard pour bien faire !), cela dit, il est très probable que je n’aurais pas pu aborder ce genre de littérature si j’avais eu 10 à 15 ans de moins.
Né à Brooklyn en 1928, Selby s'engage dans la marine marchande à 15 ans. Atteint de tuberculose, il perd un poumon à l’âge de 18. L'alcool, la drogue, les hôpitaux psychiatriques et la prison font partis de son quotidien, jusqu’au jour ou, incapable de mener une vie normale à cause de sa maladie, il achète une machine à écrire et se lance dans l’écriture. Son roman le plus célèbre, « Last exit to Brooklyn » (1964), est un recueil de nouvelles pleines de violence et de désespoir. Dès sa parution, le roman fit scandale et fut l’objet d’un procès pour obscénité en Angleterre, interdit en Italie, et interdit à la vente aux mineurs aux Etats-Unis. En 1978, il publie « Requiem for a dream » (paru en France sous te titre « Retour à Brooklyn »), description de la descente aux enfers d'une famille de toxicomane. « La geôle » (1971) et « Le démon » (1976) sont salués par les critiques. Après une absence de trente ans, Selby publie « Le saule » (1999). Il s’éteint en 2004 d’une maladie pulmonaire chronique et laisse derrière lui des romans d’une noirceur incroyable ou le rêve américain nous apparaît comme totalement illusoire. Il dresse des portraits vitriolés de l’être humain dans toutes ses faiblesses et ses excès.
« Le démon » nous livre donc le portrait de Harry White, jeune cadre dynamique dans une grande société, victime (comme l’indique le titre) de son démon intérieur qui va le mener à toutes sortes de vices et aux pires méfaits. Dès le premier chapitre, on est écœuré par la personnalité de White : manipulateur, calculateur, immoral, pervers, opportuniste et méprisant. Il se comporte en prédateur, pour arriver à ses fins, il séduit les femmes, leur ment, les mets dans son lit et les jettes après les avoir consommés. Et pourtant, en dépit de ça, White n’est pas totalement mauvais : c’est un bon fils qui aime ses parents et s’efforce de faire au mieux pour leur être agréable.
Sans cesse en quête de sensations extrêmes, il est incapable de se contrôler, obsédé par ses pulsions sexuelles qui vont finir par lui causer des désagréments dans son travail avec son supérieur hiérarchique Mr Wentworth.
Puis, le répit que l’on attendait en tant que lecteur arrive lorsque Harry rencontre Linda, sa future épouse. Contre toute attente, notre Don Juan sans scrupules s’éprend d’une personne charmante qui le fait rire, le fait rêver, avec qui il ne triche pas, accepte de se ranger et de renoncer à ses noirs instincts. Etrangement, Harry White nous devient alors plus sympathique, et plus humain. Même s’il demeure le même petit arriviste égocentrique dans l'entreprise qui l'emploie, le fait qu’il soit capable d’aimer est presque rassurant. Et puis vient la chute inéluctable vers ce mal étrange qui le ronge. A nouveau, il est en proie au démon qui l’habite, à nouveau sa petite vie de famille ne la satisfait plus, à nouveau il lui faut cette adrénaline pour apaiser ses tensions et ses angoisses et, à nouveau, il laisse libre cour à ses penchants et sombre dans le sexe et la débauche.
Puis, lorsque ces « distractions » ne le satisfont plus, il tente déséspérément de s'enfermer dans on travail, son seul refuge, mais rien n'y fait; il cherche alors de nouvelles sensations, se grise dans des bouges infâmes, se détestant lui-même de céder à ses pulsions, alors qu’il a une femme sublime et de merveilleux enfants, se culpabilisant d’agir de la sorte mais incapable de se raisonner. A chaque pages on assiste impuissant à la prise de possession de ce démon qui le pousse sans cesse un peu plus dans l’abîme… comme sa femme Linda, on est désemparés, on voudrait pouvoir aider Harry même s’il ne nous inspire que répulsion car on se dit que tout ne peut pas être mauvais en lui. On le voit lutter inlassablement puis finir par s’abandonner à cet odieux démon qui le poussera vers les pires crimes…. Jusqu’ou la descente aux enfers ? Jusqu’ou l’escalade vers la violence et la folie ?
Puis, lorsque ces « distractions » ne le satisfont plus, il tente déséspérément de s'enfermer dans on travail, son seul refuge, mais rien n'y fait; il cherche alors de nouvelles sensations, se grise dans des bouges infâmes, se détestant lui-même de céder à ses pulsions, alors qu’il a une femme sublime et de merveilleux enfants, se culpabilisant d’agir de la sorte mais incapable de se raisonner. A chaque pages on assiste impuissant à la prise de possession de ce démon qui le pousse sans cesse un peu plus dans l’abîme… comme sa femme Linda, on est désemparés, on voudrait pouvoir aider Harry même s’il ne nous inspire que répulsion car on se dit que tout ne peut pas être mauvais en lui. On le voit lutter inlassablement puis finir par s’abandonner à cet odieux démon qui le poussera vers les pires crimes…. Jusqu’ou la descente aux enfers ? Jusqu’ou l’escalade vers la violence et la folie ?
L’écriture de Selby est crue, abrupte, sans fioriture, voire étouffante, parfois, l’auteur répète la même phrase, comme un leitmotiv qui nous plonge dans la tête de son personnage, au point qu’on a l’étrange sensation de se perdre soi-même… Il nous décrit un être minutieux, brillant, d’une redoutable intelligence et capable des pires horreurs, et ceci dans la plus parfaite froideur typique d’un esprit détraqué. Ce roman n’est sans doute pas à mettre entre toute les mains tant il est dérangeant, cela dit, je n’ai aucune peine à comprendre pourquoi on le considère comme un chef-d’œuvre, car une fois ouvert on est comme hypnotisé par les mots, même si on est tiraillé par divers sentiments et qu’on voudrait que ce cauchemar cesse pour pouvoir enfin respirer.
« Le démon » est sans nul doute le roman le plus déstabilisant qu’il m’est était donné de lire ses dernières années, et dont j’avoue ne pas être ressortie indemne. Depuis lors, j’y repense souvent, incapable de me plonger dans une nouvelle histoire tant celle ci ne cesse de me hanter.
Selby est un auteur hallucinant et son roman, à couper le souffle.
Lecteurs timorés ou pudibonds, s’abstenir…
Les photos sont issues du film "Requiem for a dream" adapté du roman de Selby en 2000, par Darren Aronofsky.
Lu, il y a très longtemps (j'ai bien plus de 36 ans, moi....), attiré par l'étiquette rock (avec le recul, étiquette très con, encore plus que les autres)et les articles dithyrambiques de Rock & Folk et Cie....Bof. Jamais rouvert depuis.
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