Zakk dépose les armes et sort la vieille Gibson acoustique.
Zakk Wylde, l'homme connu pour ses riffs d'acier criblés d'harmoniques sifflées assassines (pinch harmonic, archétype de la guitare Heavy-Metal mais développé par des musiciens comme Roy Buchanan et Jeff Beck), aux soli dévastateurs, aux biceps de 40 cm et à la trogne de (gentil) barbare saxon. Connu également pour avoir relancé à vingt ans, dès son incorporation au sein du groupe d'Ozzy Osbourne, la carrière du « Prince des Ténèbres... de Birmingham » avec l'album « No Rest for the Wicked », et surtout le suivant, « No More Tears », (principalement composé par Wylde), qui demeure encore à ce jour l'album le plus vendu du groupe. Connu également pour être un redoutable amateur de bières qu'il descend en moins de temps qu'il ne lui faut pour descendre son manche lors d'un solo vertigineux. Connu pour utiliser des chaînes de 5 kilos en guise de sangle de guitare, pour son look mi-guerrier Viking mi- Hell's (bien que Zakk n'ait jamais été un biker d'aucune sorte que ce soit), pour son attirance pour les crânes et les chaînes, il demeure néanmoins moins connu pour son unique album solo (ou du moins plus exactement, le seul sous son patronyme) où il a troqué l'artillerie lourde contre des instruments acoustiques et une ambiance nettement plus intimiste qu'à l'accoutumée.
En 1996 (à cette époque Zakk abordait le look pat'éph'-tee-shirts), après la dissolution de l'éphémère combo et excellent PRIDE AND GLORY (lien), pendant qu'Ozzy était en stand-by (en vacances forcées ?), Zakk Wylde réalise cet étonnant et mystérieux "Book of Shadows".
Ce sorcier des guitares rugissantes a échangé sa LesPaul stéroïdée aux micros actifs EMG contre une Gibson "Dove In flight" et un piano, pour pondre une tripotée de chansons sombres, intimistes, dépouillées, ouvragées, d'une sensibilité à fleur de peau, au parfum parfois sulfureux (« Sold my Soul ») et d'une extraordinaire qualité d'écriture. Et ce sans jamais faire dans la mièvrerie ou le sentimentalisme déplacé ou pleurnichard. On découvre alors un grand musicien. Déjà précédemment, avec "Pride & Glory", il avait démontré que son univers musical s'étendait au-delà du Métal de Sabbath et d'Ozzy, et avait amorcé quelques incursions dans des ballades poignantes avec les splendides "Sweet Jesus", "Found a friend" et "Fadin' away", prouvant ainsi qu'il se débrouillait plutôt bien au chant, à la guitare folk, au banjo et au piano.
Avec « Book of Shadows » il enfonce le clou en se consacrant exclusivement à ce style. Des ballades acoustiques exsudant Lynyrd Skynyrd, Black Oak Arkansas, Neil Young, le Folk américain du début des 70's, ou même le Sab (forcément), occasionnellement soutenues par une section de violons dans une optique sombre, et même un violoncelle occasionnellement. Et il y aurait également en filigrane un petit quelque chose de The Cult (album « Love »). Toutefois, Zakk n'a pas totalement délaissé ses Les Paul. Elles surgissent armées d'une grosse disto pour des interventions tranchant ainsi franchement et délicieusement avec le climat boisé, « unplugged » général.
Le chant s'oriente vers un Ronnie Van Zant mélancolique et désabusé, avec un timbre plus voilé et plus rauque.
Les compostions semblent avoir été écrites à la campagne, lors d'un crépuscule automnal avant un orage, car tout en ayant une certaine facette bucolique elles paraissent chargées d'une toute relative lourdeur, et semblent empreintes d'une mélancolie sourde et pesante. Comme un profond secret lourd à garder. Un mal-être, une tristesse incrustée expiée par la musique. Une certaine tension latente également, d'où les lâchés de soli pyromanes libératrices. Le contraste entre le climat acoustique et les interventions électriques donne un aspect légèrement sulfureux ; une synthèse entre les « ballades » telles qu'on les retrouve sur le « Sabbath Bloody Sabbath » et celles d'un Southern-Rock pessimiste. Toutefois, absolument rien que macabre ni de « Dark » là-dedans. Parfois, il semblerait qu'il y ait un aspect presque enjoué, mais sa voix d'homme de cro-magnon (et non de Néandertal, pas le même registre) ne se prête guère aux envolés poppies et réjouissante.
A noter un « Too Numb to Cry » dépourvu de guitares. Et « 1 000 000 Miles Away » assez sabbathien, rompant l'ambiance, fait office d'intrus avec cette guitare très (trop ?) lourde, sur-saturée bavant de toute part.
La chanson « Throwin' it all Away » a été composée en hommage à l'un de ses amis. En l'occurrence il s'agit de Shannon Hoon, le chanteur de Blind Lemon, décédé d'une overdose un an plus tôt.
Onze titres où rien n'est à jeter (on peut faire l'impasse sur « 1 000 000 Miles Away »), onze titres qui pourraient très bien avoir été écrits hier, aujourd'hui ou il y a quarante ans.
Les bonus tracks édités sur un second CD (dont deux titres plus marqués "Southern" et un troisième avec des suites d'accords aux accents "zeppeliniens") sont de moindre intérêt.
Pour l'occasion, Wylde a recruté Joe Vitale (Amboy Dukes, Joe Walsh, Crosby Still & Nash, Peter Frampton) pour tenir la batterie et James Lomenzo rescapé de Pride & Glory (White Lion, Ozzy, David Lee Roth, Megadeth, Slash) à la basse.
Il faudra attendre trois ans pour que Zakk réalise un nouveau disque. Cette fois ci avec une nouvelle formation : Black Label Society. En 1999 déboule « Sonic Brew » qui ratatine tout sur son passage. Dire que c'est du brutal est un euphémisme.
Finalement, « Book of Shadow » n'est pas totalement un OVNI dans sa carrière puisque Zakk réitérera la chose (avec peut-être un peu moins de profondeur) avec "Hangover Music vol. VI" en 2004 (qui malheureusement fut presque un "flop" total parce qu'il prit au dépourvu les fans du Wylde Heavy-Metal), et plus récemment en 2006 avec « Shot to Hell ». Dans une bien moindre mesure puisque ce dernier alterne entre ballades sombres et grosse artillerie Heavy (peut-être pour ne pas commettre la même erreur de marketing que précédemment). Néanmoins, il est évident que ses "ballades Heavy-southern-rock" que l'on retrouve sur les deux disques nommés ci-dessus sont en général moins inspirées. Elles n'en demeurent pas moins de bonnes factures, et valent le détour.
P.S : Pour la petite anecdote, les membres de Lynyrd ont un moment pensé à embaucher Zakk. Mais, après avoir joué ensemble, ils ont trouvé qu'il joue bien trop fort pour s'intégrer.
- between heaven and hell - 3,26
- sold my soul - 4,52
- road back home - 5,48
- way beyond empty - 5,25
- throwin' it all away - 5,47
- what you're look'n for - 5,31
- dead as yersterday - 2,51
- too numb to cry - 2,23
- the things you do - 4,11
- 1,000,000 miles away - 6,29
- i thank you child - 4,41
Bonus tracks sur réédition de 99 (double CD)
- evil ways - 4,13
- the color green - 3,05
- peddlers of death - 5,51 (version acoustique - initialement sur le 1er album de Black Label Society, "Sonic Brew")
En direct, seul avec sa douze-cordes :
Le clip :
J'adore cet album !!!
RépondreSupprimerExcellente idée de le chroniquer, avec en plus toujours autant de clââââsssse, BRAVO !!!
Zakk a récemment déclaré dans la presse qu'il avait totalement arrêté la boisson. Grand bien lui fasse, car comme peuvent en témoigner les images du "Live at Budokan" d'Ozzy, le guitariste s'y montrait (physiquement) sous un aspect peu ragoûtant. Grassouillet, suant comme un goret et crachant à tout de bras... Son jeux en revanche n'avait toujours rien perdu de sa superbe.
RépondreSupprimerA l'écoute des 2 extraits, cet album me semble effectivement très bon. Le problème, c'est que je n'accroche pas à la voix du Maître six-cordiste. Enfin pas plus que ça !
Thx, BBP.
RépondreSupprimerJe crois même que Zakk a eu très récemment des ennuis de santé. Malgré la fonte qu'il soulève entre deux riffs plombés, un arpège et trois soli, la bière a fini par avoir le dessus.