On a d’abord découvert le monsieur avec LA CLASSE AMÉRICAINE (1993) ou LE GRAND DÉTOURNEMENT, hilarant piratage de classiques américains, pour la télé, puis évidemment avec les deux OSS 117 (2006 / 2009), sommets de la comédie. Puis ce projet fou de THE ARTIST, muet, noir et blanc, au succès retentissant. Il s'est offert ensuite un dézingage en règle du Godard maoïste dans LE REDOUTABLE (2017). Jusque là, Hazanavicius donnait dans le pastiche, le référencé, le à la manière de… Je n’ai pas vu THE SEARCH (2014), descendu au bazooka par la critique, qui lui faisait sans doute payer son outrecuidance, celle du clown qui fait un film sérieux. Changement encore de braquet avec COUPEZ ! triple mise en abîme hilarante d’un tournage d’un film de zombie, tout en longs plans séquence, à la structure particulièrement casse-gueule, donc encore une prise de risque. Et le voilà de retour avec un dessin animé, sur fond de Shoah. Allait on se bidonner ? Pas franchement…
Un peu gênant tout de même au début cette voix off : « Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne... » les syllabes sont bien détachées, pas bûch’ron, mais bû-cheu-ron. De même pour la voix du bûcheron, Grégory Gadebois (qui a remplacé Depardieu plus en odeur de sainteté) surjoue les grognements pour bien nous faire comprendre que le gars est bourru. On a l’impression d’entendre ces contes enregistrés sur disque, les voix d’un théâtre de Guignol, où les intonations étaient surlignées trois fois. La bûcheronne est interprétée par Dominique Blanc, et la Gueule cassée de 14-18, par Denis Podalydès.
L’histoire est très simple. En Pologne, vers 1943, une bûcheronne trouve le long d’une voie ferrée un bébé tombé d’un train. Qu’elle ramène à la maison, mais son mari exige qu’elle (c’est une fille) dorme dans la remise.
Les dessins sont superbes, en ligne claire, c’est du dessin animé à la Walt Disney (un gag est repris de BAMBI), pas du Pixar. Pour avoir une animation fluide et réaliste dans les gestuelles, Hazanavicius a fait un pré-tournage avec des acteurs, dans un théâtre, pour ensuite les redessiner. La direction artistique est de toute beauté, les décors enneigés, la brume, camaïeu de bruns, d’ocres, les percées de lumières dans les branchages, les clairs obscurs dans la cabane.
Avec un très beau plan, un oiseau qui s’envole d’une branche, parcourt quelques mètres pour atterrir dans un camp, Hazanavicius fait le lien avec la Shoah. Jamais les mots de juifs, de nazis, d’extermination, ni même de guerre, ne sont prononcés. Pour dire la fin de la guerre, le narrateur dit simplement : « Et puis un jour les trains ont cessé de rouler, et les avions ont envahi le ciel ». Car LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES est rythmé par les trains qui passent, plusieurs fois par jour, si on le les voit pas, on les entend.
Je m’interroge sur l’épilogue – 15 ans plus tard – était-elle nécessaire ? Ne pouvait-on pas en rester là, quitte à faire un moyen métrage d’à peine une heure ? Michel Hazanavicius a, en tous cas, réalisé un très beau film, dans tous les sens du terme. Pas certain que les enfants en comprennent les tenants et aboutissants historiques, mais le cinéaste s’est mis à leur hauteur pour raconter cette histoire universelle de pauvre bûcheron et pauvre bûcheronne.
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