- Tiens Claude, des noms d'artistes illustres dans le titre mais pas ceux des œuvres…
- La pochette de ce disque de la collection "les indispensables" de la revue Diapason compense la chose Sonia, en plus des titres à rallonge…
- En effet, je vois dans l'index "classique" que les deux premières œuvres avaient été commentées à deux semaines d'intervalles en 2012. Il s'agissait d'un disque du chef Georg Solti… un grand cru… Et une exception, une chronique en deux épisodes… Pourquoi ce remake ?
- Le disque Solti se prêtait bien à la présentation de ces chefs-d'œuvre… Mais cette réédition est une révélation, une redécouverte…
- Voilà qui est dithyrambique… Heu… Benny Goodman jouait aussi du jazz…
- Bien sûr, une légende de la clarinette… Mais il fut un interprète hors-pair dans tous les genres… J'avais retenu son disque avec Charles Munch pour le concerto de Mozart…
Édition Columbia-Emi de 1960 |
Édition Emi de 1958 |
Peu motivé par les remakes des chroniques dédiées à des œuvres musicales, fussent-elles des hits de l'histoire de la musique, voici une des rares entorses à cette règle. Comme tous mes camarades rédacteurs, je conçois le rôle du blog comme un espace de découverte du répertoire le plus large possible, principe qui s'applique aussi aux artistes. Comme s'en amuse Sonia, les compositeurs souvent oubliés, à l'ombre des génies estampillés comme tels, se frayent une place enviable à travers mes billets, je l'espère. S'en amuse tout en vitupérant face à l'orthographe désarmante d'une troupe de compositeur finlandais ou scandinaves ou à sa fonction de documentaliste à propos des musiciens anglais du XXème siècle dont l'inventivité n'a pas réussi à traverser la Manche vers l'Hexagone guère friand de nouveautés à mon grand désespoir… Je ne juge pas le public, mais plutôt certains artistes allergiques à la prise de risque et aux organisateurs de concerts chargés de remplir la caisse sans tenter de proposer des programmes mêlant grands classiques et curiosités… Après avoir jeter mon venin, abordons le sujet du jour…
Et oui, ce disque original consacré à Bartòk est paru récemment grâce à la revue Diapason qui revisite dans sa collection "les indispensables"* des gravures souvent non remasterisées à l'époque du numérique ; les deux ouvrages proposés bénéficiant déjà d'un catalogue discographique pour le moins trop pléthorique… "Indispensables" doit être compris comme exceptionnel, on peut se régaler avec ces excitantes captations de "référence" (vous connaissez ma prudence à utilise ce qualificatif) ; faire l'impasse pour préférer vos disques favoris n'est en rien fatal et encore moins critiquable…
(*) CD offert avec la revue aux abonnés mais en vente pour 5€ sur divers site. Pochette cartonnée sans livret, à ce prix soyons beau joueur…
En 2012, j'avais consacré à une semaine d'intervalle deux billets aux interprétations de La musique pour cordes, percussions et célesta puis du Concerto pour orchestre, les deux hits de Bartòk étant dirigés par le hongrois de naissance Georg Solti. Certes les critiques semblaient parfois un chouia réservé sur le style musclé du chef et la rugosité du magnifique orchestre de Chicago. Cela dit, le style de la musique de Bartòk sans aspérité voire sans récit fracassant n'a pas de sens… Il est vrai que fracassant n'est pas synonyme de brutalité…
Autre a priori que je pourchasse : la prétendue médiocrité des prises de son de la fin des années 50'. Je m'oppose farouchement à cette idée reçue. À l'époque du vinyle, le pressage réservait des mauvaises surprises dues à la technologie de fabrication complexe employée, surtout chez les petits labels. L'utilisation de peu de micros, à l'opposé de forêts de capteurs plus ou moins bien contrôlés par des tables de mixage, procédé à la mode dans les années 60' et 70', voire à l'époque du numérique, a prouvé qu'une belle transparence dans l'espace symphonique était possible avec 3 micros, guère plus. Les labels comme EMI, DECCA, RCA, MERCURY, et même DG maitrisaient cet art à l'aube de la stéréo… Voir à ce sujet l'article André Charlin (Clic).
La musique pour cordes, percussions et célesta marque par sa modernité le sommet de la carrière européenne de Bartòk. Le Concerto pour orchestre est une œuvre de commande écrite peu de temps avant sa mort et, bizarrement, apparaissant pour certains comme un retour au postromantique, ce qui est faux ! Surprise, le disque du jour se termine sur l'étonnant Contrastes pour clarinette, violon et piano dans sa version originelle de 1942… donc légendaire – là j'admets que le son n'est pas top 😃 !
~~~~~~~~~~~~~~~~
Les contextes de la création et des analyses non académiques guidant la découverte des deux œuvres sont largement détaillés dans les chroniques de 2012. Je n'y reviens pas. (Clic) & (Clic).
Rafael Kubelik |
Herr Herbert von Karajan |
Pour les chefs qui prennent la baguette en concurrence avec Georg Solti, ils sont des piliers du blog. Rafael Kubelik a été invité cinq fois, notamment pour des gravures de musiques tchèques, le maestro étant natif de Bohème. Sa biographie est à lire dans la chronique dédiée au célèbre poème symphonique de Smetana : La Moldau (Clic).
Quant à Herbert von Karajan, son nom était au XXème siècle synonyme de maestro hédoniste et scrupuleux, membre incontesté de la fin de l'école de la direction d'orchestre germanique traditionaliste ; comprendre un style boursouflé ? Rarement, on doit le reconnaitre, quoique l'on pense du personnage. Avec 13 chroniques plus des interprétations en complément dans certaines articles, Karajan doit remporter la palme de la présence dans le blog 😊. Des disques immortels ? pas toujours, mais haut de gamme, le style du chef autrichien semble faciliter pour les auditeurs la découverte des œuvres commentées… D'où sa popularité chez nombre de mélomanes. Sur le plan biographique, rendez-vous à la chronique du Requiem allemand de Brahms (Clic).
Concerto pour orchestre (1943) par Rafael Kubelik (1958)
Karajan pour DG, mais en 1966 |
J'ai découvert le Concerto pour orchestre fin des années 60 avec l'enregistrement de Karajan dirigeant en 1966 SA Philharmonie de Berlin au sommet. Un plus : l'originalité de la belle pochette qui tranchait avec l'incontournable photo du maestro prise sous tous les angles 😊. On pourra honnir ce culte de la personnalité, n'empêche qu'en s'érigeant telle une popstar, Karajan a vendu un nombre vertigineux de disques, invitant les classes moyennes à découvrir "le classique" avec son look et, soyons honnêtes, un sacré talent (l'intégrale des symphonies de Beethoven en promotion pour Noël 1963, toute une époque…).
Voir la 1ère chronique pour les détails… En deux mots : août 1940, Bartòk a fui sa terre hongroise en opposant idéologique farouche du régime du régent Horty allié d'Hitler. Aigri et déjà handicapé par la périarthrite, une leucémie commence aussi à le ronger en 1942. Mai 1943, le chef et mécène du symphonique de Boston, Serge Koussevitzky, lui commande le concerto pour orchestre. Une première triomphale aura lieu le 1er décembre 1944. Serge Koussevitzky dira "…la meilleure pièce orchestrale des vingt-cinq dernières années". Moins d'un an plus tard, Bartòk meurt à 64 ans.
"Il fallut quêter pour enterrer Béla Bartok." Léo Ferré dans "Poètes !... vos papiers !'
Point commun entre Kubelik et Bartòk : fuir une dictature, en l'occurrence pour Kubelik la chape de plomb stalinienne imposée à la Tchécoslovaquie dès 1945. Passionné de musique de son temps (ce qui sera peu apprécié lors de son passage à Chicago), le chef trouve le ton juste, clair, acéré, tourbillonnant, qui sied à ce concerto. Concerto, le mot renvoie à des siècles d'ouvrages où un ou des soliste(s) dialogue(nt) avec l'orchestre. Là, chaque pupitre aura son rôle à jouer, y compris les percussions dont raffolait tant Bartòk. Je détaille la rutilante orchestration (un oubli en 2012) : 3 flûtes + piccolo, 3 hautbois + cor anglais, 3 clarinettes – clarinette basse, 3 bassons + contrebasson, 4 cors, 3 ou 4 trompettes, 3 trombones, tuba, les cordes et 2 harpes, sans oublier les percussions : timbales, grosse caisse, caisse claire, tamtam, cymbales, triangle. Ça jette. Mais attention, un tel effectif peut conduire lors d'un excès de legato à un son global gagné par la confusion. Bartòk est ici proche de la rythmique impérative d'un Stravinsky ou d'un Hindemith.
Soutenue par une prise de son du Royal Philharmonic Orchestra qui coche toutes les cases de la discipline, à savoir : espace aéré dans toutes les dimensions, positionnement pointilleux des pupitres, dynamisme, la lecture au scalpel de Kubelik respecte en tout point les exigences du compositeur. (Partition). Techniquement, rien à reprocher à Solti, mais Kubelik ajoute finement un kaléidoscope d'émotions, rejetant un phrasé rageur hors de propos. Il nous guide du mystère et de la gravité étrangement sensuelle des premières mesures, avec de-ci de-là, une pincée d'humour, jusqu'à la folie festive du final. Kubelik offre intelligence et cohésion sans effet de virtuosité vaine… Bartòk mourant refusait la fatalité, s'enthousiasmait encore en achevant sa partition. Ce disque est réédité pour la première fois numérisé, à ma connaissance… Mystère de la vie des labels.
Musique pour cordes, percussions et célesta (1934) par Herbert von Karajan (1960)
Karajan 1949 |
Tous les détails sur cette œuvre magique sont à lire dans l'article bis de 2012 (Clic). En illustrations sonores, je vous proposais l'interprétation de Georg Solti, sujet de la chronique, et un live exalté de 1962 du chef russe Evgueny Mravinsky avec SA Philharmonie de Leningrad à… Budapest…
Il y a une évidente affinité entre les deux œuvres orchestrales majeures interprétées ce jour et Herbert von Karajan, commandeur de la musique en "Germanie" et en Autriche au XXème siècle, principalement avec trois orchestres : Le Philharmonia auquel il apportera son concours hyperactif lors de la création de cet orchestre de studio à Londres au début de l'ère du microsillon en monophonie, et bien entendu maestro à vie de la Philharmonie de Berlin et pendant des décennies, très attaché à celle de Vienne.
Herbert von Karajan remettra sur le métier son répertoire le plus essentiel (Beethoven, Brahms, Mozart, etc.) à chaque changement de technologie : la monophonie, la stéréo et le numérique. En 1949, pour sa première version londonienne*, Columbia (EMI) se fend d'une jolie pochette, une nouveauté qui jettera aux orties le vilain papier Kraft des 78 tours. En 1960, à la tête des Berliner, il signe pour EMI sa version la plus enthousiasmante, gravée sur ce CD : nostalgie, sensualité dans les mouvements intimistes et secrets I et III, vitalité et fracas dans les II et IV. Elle sera remasterisé chichement. DG lui demandera une nouvelle production en 1973 qui ne retrouve pas la finesse, le déchaînement des nuances de 1960. À noter que les ingénieurs du son en 1960 ont su élargir l'espace sonore et mettre en valeur la profondeur de la disposition spécifiée par Bartòk (Schéma). Karajan ne reviendra plus à ce doublon symphonique d'exception (Concerto et Musique) lors de l'arrivée de la captation digitale dont il assurera l'inauguration discographique avec la Symphonie Alpestre de Richard Strauss en apothéose…
(*) Historiquement, Herbert von Karajan, signait ainsi le premier disque officiel dédié à l'œuvre ! Harold Byrns l'avait précédé en 1949 à Los Angeles pour la firme Capitol… Harold Byrns, encore un musicien juif allemand qui avait dû fuir le nazisme dès 1933…
Contrastes (1942) par Benny Goodman, Josef Szigeti et Béla Bartók (1940)
Durant son refuge aux USA, Bartòk vivra au seuil de la misère… Trop fier, il refusera les aides financières de ses amis et admirateurs. Il refusera même un poste de professeur de composition à la Curtis University, institution prestigieuse. On lui saisira l'un de ses pianos avec lequel il travaillait en duo avec sa femme ! Les concerts se font rares, les critiques méchantes.
Le violoniste virtuose Josef Szigeti et le clarinettiste éclectique Benny Goodman s'associent pour lui commander une petite pièce en deux parties offrant deux jolis solos à tour de rôle. Bartòk accepte et compose Contrastes, un nom approprié pour cette joute instrumentale. Puis il décline la pièce en un trio dans lequel il joue la partie de piano. Tous les mouvements sont inspirés du folk hongrois. Soit :
1 - Verbunkos (danse de recrutement) / 2 - Pihenő (repos) / 3 - Sebes (vif)
La version en trio est créée le 21 avril 1940 à New-York. Peu de temps après la Columbia capte leur interprétation. Le son est mauvais mais l'émotion d'entendre les trois géants est grande… L'œuvre est vivante et a été reprise et gravée depuis de nombreuses fois.
Benny Goodman |
Josef Szigetti |
Paul Sacher et Bartòk |
Paul Sacher : mécène et musicologue suisse, commanditaire
de la musique pour cordes, percussions et célesta |
Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
|
|
INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |
j'ai decouvert Bartok avec "le concerto pour orchestre" et la version de Seiji Ozawa et le Chicago Symphony Orchestra chez EMI (1970) couplé avec "les danses de Galanta" de Zoltan Kodaly et "Musiques pour Cordes Percussions et Celesta" par le même Ozawa mais avec le Boston chez DDG (1977) couplé avec "Le Mandarin Merveilleux"
RépondreSupprimerOui le Symphonique de Boston au sommet... pour "Musiques pour Cordes Percussions et Celesta", ozawa préfère une approche plus suave, ça se défend....
RépondreSupprimerLe Mandarin Merveilleux prend des airs diaboliques ....
J'aime beaucoup les deux premières pochettes de disques, surtout ma Emi de 58.
RépondreSupprimer