mercredi 18 septembre 2024

The SOUTHERN RIVER BAND " D. I. Y. " (2024), by Bruno

 


      Oh ? Mais... Qu'est-ce donc ? Il semblerait qu'aux antipodes, le sobre accoutrement limité à un futal (jeans de préférence) et des grolles, sans rien d'autre pour couvrir un torse qu'on escompte - ou espère - viril, soit assez prisé. Serait-ce une tradition chez les rockers des antipodes de se produire ainsi, torse nu ? Certes, avant eux, il y a eu l'exalté Iggy Pop, Mark Farner, et ensuite le frappa-dingue de Detroit, Nugent, puis le Hollandais volant, Eddie Van Halen, mais c'est sur cette île-continent que le pourcentage population / musiciens énergumènes dévêtus semblerait l'emporter. Comme si c'était une tradition pour un bon nombre d'excités aussies. Angry Anderson, Bon Scott, Angus Young, Hoad brothers, Peter Garrett, Michael Hutchence, Chris Chester, ou les O'Keefe brothers, en font partie. Faut dire qu'il peut faire particulièrement chaud sur ce continent, et on a vite fait de tremper la chemise, pour peu qu'on bouge un tant soit peu sur scène. Le regretté Doc Neeson qui débutait généralement ses prestations avec une cravate et une veste de costume finissait d'ailleurs comme s'il venait de prendre un bain tout habillé.

    Le petit dernier à être rentré au club est Callum "Cal" Kramer. L'effilé guitariste-chanteur à l'étonnante coiffure (entre une choucroute, la coupe mulet et la crinière tombante derrière les épaules) et à l'improbable look "Spinal Tap" totalement assumé, soutenu par son collègue Carlo Romeo, à la batterie (qui, parfois, fait l'effort d'enfiler un filet maille XXL en guise de tee-shirt), perpétue une forme de tradition. Cal Kramer, c'est le patron. Lui qui, dès son adolescence, avec un groupe de copains, passait déjà son temps libre à s'échiner sur des chansons des Rolling Stones, de Lynyrd Skynyrd, et évidemment sur celles des groupes de heavy-rock'n'roll nationaux, riche en matériel qui dépote sévère. Jusqu'à ce que cela devienne un besoin vital. The SOUTHERN RIVER BAND est son sacerdoce.


   Pas vraiment des petits nouveaux, puisqu'il s'agit ici de leur troisième essai, (le premier, "Live At The Pleasuredome", un live, date de 2016) mais peut-être le premier à vraiment parvenir à franchir les océans, grâce à un vieux titre longtemps réservé à la scène, qu'ils ont finalement décidé d'enregistrer en studio pour la postérité, "Stan Qualen" (1). Un titre qui paraît être la contraction de Status Quo et de Van Halen, pour une réunion fantasmée de ces groupes emblématiques, et un vibrant hommage à leur encontre.
 Pourtant, si cette pièce de plus de six minutes contient une bonne dose de boogie, c'est loin du hard-rock extraverti et dément de Van Halen. Et ce n'est pas le solo à l'arrache de la longue introduction qui pourrait forcer la comparaison. Non, ce morceau qui semble avoir fait son petit effet auprès des curieux, suivrait plutôt sans surprise les traces de Rose Tattoo. Du moins passées les deux minutes d'introduction. Même l'intensité et la pulsion du chant évoquent irrémédiablement le furieux Angry Anderson. Tandis que le break bluesy s'engage dans une filiation AC/Des siennes. Quoi qu'il en soit, ces loustics ont beau faire, ce morceau sonne résolument "australien", perpétuant cette tradition d'un son cru, raw, sans fioritures, sans effets, presque aussi sec que le Grand désert de Victoria. Même la batterie, à l'instar d'un Dallas "Digger" Royall ou d'un Cliff Hoad, sonne comme un coup de trique.

     Dans le genre nerveux, "Cigarettes (Ain't Helping Me None)" fait mieux, électrifiant le malheureux auditeur qui se prend à gesticuler, à se cogner la tête contre les murs, comme s'il était sous l'emprise d'un démon taquin. Là, par contre, cela aurait pu être la fusion de The Donnas avec The Angels. Et "Chimney" qui enchaîne suit à peu près le même chemin, toutefois en incluant quelques riffs sabbathiens (sans l'écrasante disto/fuzz). Un morceau qui, d'après les propres mots de Callum, "fait sauter les tétons" (??)

   Cependant, en dépit des apparences, The Southern River Band ne cherche pas à se circonscrire à un heavy-rock'n'roll sauvage fonçant tête baissée. Au contraire, la formation ne dédaigne pas de "s'embourgeoiser" occasionnellement avec une pop(-rock) de bon aloi. De celle qui a pu faire les beaux jours de Stereophonics ou même de Choirboys. D'ailleurs, c'est bien à ce dernier que l'on pense, à l'écoute de "Second Best", dont la vidéo est peut-être meilleure que la chanson elle-même. C'est plutôt avec "Do You Miss Me ?" que le groupe fait preuve d'un certain talent d'écriture, sachant - outre envoyer le bois -...  émouvoir ? Peut-être bien. Peut-être une expérience personnelle qui aurait permis à Kramer de se révéler sous un jour plus affectif, de se livrer. "Voyage émotionnel, la distance sur mon visage d'un sourire à une larme. Colorie-moi ta nuance de gris préférée, j'attendrai dehors. J'ai tout un monde à partager. Une âme légèrement patinée à mettre à nu. Et je peux te chanter des analogies sur le soleil et la pluie, la lumière et l'obscurité, le plaisir et la douleur. Est-ce que je te manquerai quand je ne serai plus là ? "


      Plus surprenant encore, et pas moins bon, "Chasing After Love (I'll Burn a Hole in Your Shoes)" serait un doux cocktail, où l'on aurait mixé le glam de Bolan, voire de Gary Glitter, la pop de Supergrass, le rock de The Angels. Un truc à la fois léger, moelleux, entraînant, addictif et gardant toujours une saveur rock'n'roll. "C'est le genre de fille sur laquelle ils écrivent des chansons. Elle bouge avec la brise. N'essaye même pas de comprendre, elle fait ce qu'elle veut, parce que tout est une minute et rien la suivante.  Si tu ne fais pas attention, tu perdras le respect de toi-même... Elle s'en fout, non elle s'en fout, elle s'en fout de toi

     Sans être mauvais, encore moins faiblard, c'est un vieux titre remanié qui empêche l'album d'atteindre d'autres hauteurs, "Vice City". Un morceau plutôt typé 80's. Du hard-rock basique et carré, fonceur, un brin raide en dépit d'un bon solo fortement inspiré par le jeu de Billy Gibbons. Un "Vice City III", le meilleur ouvre l'album, et un "Vice City II", plus modéré, le referme sans faire d'étincelles. Pour la braise et les éclats, il faut se brancher sur les six autres pièces qu'elles - les Vice Cities - cernent.

      The Southern River Band semble revendiquer et cultiver une forme de plouquitude. Celle des "petites gens", des losers, qui ne parviennent pas à totalement s'insérer dans la société, parce qu'ils ne rentrent pas dans le cadre.

      Ce quatuor originaire de Thornlie, banlieue dortoir de Perth, refait le même coup que ses compatriotes, lorsqu'ils étaient partis à l'assaut de l'Europe avec un "nouvel" album condensant les eux précédents, ou reprenant de vieilles compositions qui ont fait leurs preuves, cumulées à de nouvelles qui profitent d'une certaine maturité des compositeurs. S'il est encore bien trop tôt pour savoir s'ils réussiront leur coup ici, chez eux, du moins, ils ont gagné en notoriété. Ils étaient déjà forts d'une bonne réputation scénique nationale, certains les considérant comme l'un des meilleurs groupes live du pays,  avec cet album, ils prouvent qu'ils sont aussi habiles en studio. Et ce n'est pas Justin Dawkins de The Darkness, qui a tourné avec eux, qui le démentira, lui qui les considère comme un "f**ing groupe de Rock'n'roll".


(1) il y a quelques temps, une admiratrice très enthousiaste m'envoya un SMS avec un lien, me confessant que depuis qu'elle avait trouvé ce morceau, elle l'écoutait en boucle. 


🎶🌊🐨
Echantillons d'autres articles / groupes australiens :
💢  The Choirboys : " Choirboys " (1983)
💢  AC/DC  :  " High Voltage " (1976)
💢  Cold Chisel  :  "  The Perfect Crime  " (2015)
💢  Maverick  :  " Firebird " (2017)
💢  The Casanovas  :  " All Night Long " (2006)
💢  Rose Tattoo  :  " Rock'n'Roll Outlaws " (1978)
💢  Hoodoo Gurus  :  " Mars Needs Guitars ! " (1985)
💢  Kings Of The Sun  :  " Kings of the Sun " (1988)
💢  Jimmy BARNES  :  " For the Working Class Man " (1985)

2 commentaires:

  1. Shuffle Master.18/9/24 19:29

    Chez les Aussies, je préfère nettement le filon Hoodoo Gurus que la veine Rose Tatoo, dont les dépoitrailés commentés semblent effectivement relever. Pas de quoi fouetter un dingo, à mon (humble) avis.
    S'agissant de l'admiratrice, la rédaction laisse subsister une ambiguïté: quel est l'objet de son admiration? Toi ou le groupe?

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    1. Non, effectivement, y'a pas d'quoi fouetter un dingo (le pauvre) - ou soi-même 😁. Toutefois, à mon sens, il y a de bonnes choses. Suffisamment pour faire plus pencher la balance vers ce quatuor de banlieusards Aussies, plutôt que vers les tapageurs d'Airburnes.

      Après, personnellement, je confesse être plus sensible au Rock'n'roll des Rose Tattoos que la sympathique et rêche Pop des Gurus.

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