mercredi 11 septembre 2024

KOMODRAG and the MOUNODOR " Green Fields of Armorica " (2023), by Bruno



     Oh ? Mais... Qu'est-ce donc ? D'où sortent donc ces plaisantes vibrations au doux parfum millésimé 70's ? Komodrag and the Mounodor ??? Un nouveau truc obscur et oublié, faisant l'objet d'une réédition inespérée ? Un objet non identifié d'outre Atlantique réveillant les fantômes des Wizzard, Black Sheep, Love, Toe Fat, Ashkan, Grand Funk Railroad, Les Variations, Josefus, Captain Beyond, Blind Faith, ELP, Buffalo, Uriah Heep ère Hensley, Slade, Damnation of Adam Blessing, Spencer Davis Group ? Du MC5 aussi, notamment avec une reprise diabolique sur scène de "Ramblin' Rose" ? Voire une entité issue des terres glacées de Scandinavie, se réchauffant en s'arc-boutant sur des instruments vintages ?

     En fait, rien de tout ça. En dépit des apparences, Komodrag and the Mounodor est bien une formation tout ce qu'il a de plus actuel (sauf si on considère qu' "actuel" doive être impérativement conjugué avec "modernisme"). Une réunion de jeunes Bretons dont l'apparence même mène à croire qu'ils sont restés scotchés à une période définie. C'est à croire qu'il y a plus de cinquante ans, lors d'une virée en bateau (le chalutier piqué au tonton) pour faire les andouilles, et copieusement imbibés de Chouchen, ils auraient été pris dans une furieuse tempête faisant dériver leur coque de noix au-delà des eaux gelés du Groenland, où ils finirent pris dans la glace (avec l'embarcation). Jusqu'à ce que, profitant de la fonte des glaciers, ils puissent être libérés de leur prison gelée. Le temps n'étant guère passé pour les malheureux, ils ont gardé leur garde-robe d'époque, avec vestes à franges, jeans, chemises à jabots, pattes d'éph', ainsi que leur tignasse, tombant derrière les épaules, agrémentées de copieuses rouflaquettes et moustaches.


   Outre le fait d'être donc (peut-être) des rescapés, Komodrag and the Mounodor est aussi la réunion de deux groupes. Deux groupes de fondus de heavy-progressif-psyché-rock des 70's, tombant autant en pâmoison devant des gros boulets rouges de rock incendiaire que devant des voyages interdimensionnels acides, colorés et métalliques.
 Soit de Komodrag et de... Mounodor. Deux groupes déjà auteurs de disques appréciés - un duo de frangins constitué d'un organiste et d'un batteur, et un quintet, constitué du reste -, qui - à force de se retrouver sur les mêmes scènes et de finir la soirée ensemble pour d'épiques jams -, ont simplement fini par fusionner. Ce qui donne ce septuor d'Armorique assez atypique en cette fin de premier quart de ce vingt-et-unième siècle confus, semblant menacer de glisser vers un certain chaos. 

     Un orchestre rock cossu, fort de deux batteurs, répondant aux doux noms de Dr Mad Drum, également chanteur, et d'Elrik Monroe ; d'un organiste (et pasteur ?), chanteur et amateur de Hammond, auto proclamé Organ Fury ; de Goudzou le bassiste énergumène et chanteur (fils caché d'Alan Lancaster et de Kirk Hammett), et de trois guitaristes (!). Slyde Barnett, également chanteur, Melin Le Bigot, également percussionniste, et Ronnie Calva (fils caché, encore un, de Kerry Livgren). Ce qui doit faire du monde et du matos sur scène, où il ne doit plus rester beaucoup de place pour se mouvoir. 

     Petite précision au sujet de monsieur Organ Fury (né Camille Goellaen-Duvivier- , après avoir longtemps dû se contenter d'un Korg BX3 - quasiment un clone en bien plus léger (et transportable) de l'emblématique Hammond B3 -, (avec cabine Leslie de 1969, tête d'ampli Carlsbro Twin channel 100 w de 1974 et corps Marshall fin 70), puis d'authentiques Hammond vintage qui souffraient des aléas des tournées, a eu la joie d'être endorsé par l'emblématique marque. Ainsi, depuis cette année, pour la scène, il goutte au plaisir non feint de l'Hammond XK5 ; le B3 restant bien à l'abri à la maison. C'est le premier musicien français affilié au rock à être endorsé par Hammond (1). Bien que mentionnant généralement Keith Emerson et Jon Lord parmi ses influences majeures, son phrasé, ainsi que son chant d'ailleurs, évoquent pourtant plus Ken Hensley.


   Séparément, les deux entités offraient déjà de formidables performances. Ensemble, c'est une redoutable explosion veloutée et bigarrée de vibrations typées 70's. Enregistré à la maison, quelque part dans le Finistère, à l'abri des regards et du tumulte urbain, au studio "T.A.F. Panoramix", conçu par le bassiste Goudzou. (T.A.F. pour "Tout à Fond". Tout un programme). Avec quatre chanteurs et trois guitaristes, la formation navigue indifféremment dans des eaux
 diverses, offrant ainsi une palette assez riche - pourvu que le bouquet évoque un temps apparemment défini entre 1966 et 1976. Ainsi, ces artisans bretons ont pilonné dans leur mortier des ingrédients récoltés dans cette riche période musicale, afin d'en extraire une essence culminant dans des parfums capiteux de Rock-psychédélique, progressif, heavy-rock et glam. En dépit du nombre d'acteurs, la formation ne s'appuie pas sur un "wall of sound", s'appliquant plutôt à créer de vastes espaces (hallucinés ou festifs), jouant avec les différentes tonalités de chacun.

     Ces brigands entament leur album dans un grand fracas d'orgue brutalisé, avant que "Marie France", festif et entraînant, ne soit propulsé dans la stratosphère par un méga-réacteur carburant au glam, additivé d'une once ou deux de southern-rock, auquel un chanteur (en l'occurrence Goudzou), vociférant dans son micro tel un korrigan pendard, a mis le feu. "Voodoo Love" peut également évoquer ce glam, plus prolétaire que paillettes, - ici entre Slade et le Wizzard de Roy Wood -, toutefois l'approche est plus heavy, le break faisant même pencher la balance vers Deep Purple (Mark II - an 69). Mais déjà, "Fleeing Soldier" se montre plus mordant et rugueux, franchement heavy ; cependant, le break se vautre avec bonheur dans un nid pink-floydien.  

   Les chœurs virils sur "Born in a Valley" résonnent même carrément comme ceux du Deep Purple Mark II. Et puis, alors que l'intensité ne cesse de grimper, "It Could Be You" débarque, libérant une atmosphère liturgique, de confessionnal électrique, ni vraiment gothique, ni totalement sixties. Ambiance sixties aussi avec "If I Were a King", à laquelle on a ajouté quelques ingrédients tiré d'Uriah Heep. Toujours peu ou prou auréolé des assauts de mister Organ Fuzz diffusant inlassablement à l'aide de son précieux Hammond de lourdes nappes de brumes mauves et ocres.


   Et puis, forcément, Komodrag and the Mounodor, c'est aussi quelques morceaux à tiroirs, évolutifs, progressifs, avec notamment la chanson éponyme, "Green Fields of Armorica". Véritable instant de bravoure sur scène. Après un lent départ, sur fond de promenade en forêt de Brocéliande, Goudzou sort de son trou (de sous un dolmen, évidemment) et fait gronder sa (réplique de) Rickenbacker 4001 comme un vieux géant manifestant son courroux en s'extirpant de la terre (du tombeau des Géants). Le final tribal s'appuie sur des percussions inspirées du "Chasing Shadows" du Mark I, tandis que Gregg Rolie s'invite à la fiesta.

     Mine de rien, là-bas, au fond de l'Armorique, un groupe peuplé d'irréductibles bretons - n'en faisant qu'à leur tête - résiste encore et toujours aux diktats de l'industrie musicale. Et attention, ils sont encore meilleurs sur scène où ils pourraient aisément voler la vedette à bien des "ténors" Anglo-saxons. Et ce, sans potion. Hormis peut-être un peu de chouchen avant de gravir la scène. Nostalgique ? Probablement, mais aucunement poussiéreux. C'est même rafraichissant.

     En conclusion, on peut affirmer que Komodrag and the Mounodor est, à tous points de vue, un groupe des plus réjouissants. Ces gars là ne sont pas bons, ils sont excellents ! Conseil du mois : Ne passez pas à côté. Faites de ce pas "boulot buissonnier", et courez vite chez votre disquaire lui commander d'urgence ce disque inespéré et revigorant. Et n'hésitez pas à lui asséner une ou deux claques (avec modération), au cas où il ne serait pas suffisamment réactif. Long live Komodrag and the Mounodor !




Le coin matos : 

Camille "Organ Fury" : Korg BX3, Korg BX3, Hammond B3 (à la maison), Kammond XR5, cabine Leslie, tête ampli Carlsbro Twin Channel, baffle Marshall
Slyde : ampli Titan 1965 (antique rareté made in France), Fender Bandmaster 71, Gibson ES335 1977, Gibson Firebird
Ronnie : Marshall Bluesbreaker, Fender bandmaster 1973, Gibson Les Paul
Meline ; Vox AC-30, Gibson Flying V, Fender Telecaster Deluxe 72 (avec les micros Wide Ranger), Flying V du luthier Antoine Cueff
Goudzou : ampli Kustom K-200 (ceux-là même qui étaient prisés par Creedence), basses du luthier brestois Antoine Cueff - Flying "Fenwick" V et Rickenbaker 4001 (superbes réalisations).

(1) Hammond a auparavant déjà endorsé un autre français : Bruno Micheli, considéré par certains de ses pairs comme l'uns des meilleurs organistes de Jazz au monde.


 
🎶✨
à rapprocher de (liens) :
💢 Blues Pills (avec qui ils ont tourné) : : 👉 " First - Same " (2014) 👉 " Lady in Gold " (2016) 👉  " Holy Moly ! " (2020)
💢 Born Healer : 👉 " ' Til the Dawn " (2016)
💢 Lykantropi : 👉  " Spirituosa " (2019)
💢 The Cosmic Trip Advisors :  👉 " Wrong Again, Albert " + " Same, Same... But Different " (2020)
💢 Datura4  :  👉 " Hairy Mountain " (2016)
💢 Pristine  :  👉  " Ninja " (2017)
💢 Heavy Feather  :  👉  " Mountain of Sugar " (2021)
💢 Children of the Sün  :  👉  " Roots " (2022)

8 commentaires:

  1. Shuffle Master.11/9/24 08:43

    Rafraîchissant. Donnerait presque envie d'aller en Bretagne. Bloqués en 1972, c'est rien de le dire. Et gros travail sur les fringues... En live, ils ont l'air de bien se marrer. Évidemment, il n'y a rien sur le matos en batterie... Les fûts seraient des Premier (normal, emblématique avec Ludwig dans les années 70), mais ne connaissant pas bien la marque, je n'identifie pas le modèle. Pour les cymbales, la logique voudrait que ce soient des Paiste (2002 ou Giant Beat).

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    1. Aaahh, oui, Premier et Ludwig 😉 Les marques emblématiques des années 70, car généralement utilisées par les bûch... batteurs les plus célèbres de l'époque. Du moins, c'étaient les noms qu'on arrivait à déchiffrer sur les caisses avant qu'elles ne sont grimées comme des voitures volées 😁
      Sauf erreur, il y aurait un antique kit Wooding de 1960 - une marque qui m'était totalement inconnue. Et... effectivement, une Ludwig

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  2. Une fois n'est pas coutume, mais je pense m'être tapé toutes leurs prestations live (sur le net - et correctement filmées ) avec un réel plaisir.
    Ce qui n'est pas donné à tous les groupes - y-compris ceux que j'écoute le plus souvent.

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    1. Shuffle Master.11/9/24 13:51

      Je viens de regarder le live à Concarneau. Enthousiasme communicatif. Avec Rambling Rose en clôture, pourtant morceau casse-gueule. Bravo au bassiste de pouvoir chanter ça en fin de set. Toujours pas vu la marque des cymbales.

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  3. C'est incroyable, s'il n'y avait pas la texture de l'image vidéo, mais une captation en 16 ou 35mm, on jugerait que ces images ont 50 ans. Sans les images mais juste avec le son, c'est encore plus flagrant. Le mimétisme à ce point là confine à la maniaquerie. Ils sont très bons.

    Les cymbales se sont des Zild de Batz.

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    1. Tu veux dire des Zildjian ??

      Si les références fusent, ils ne tombent pas dans le panneau du bricolage. C'est-à-dire de récupérer des pièces à droite et à gauche pour les assembler autrement. Fait assez courant dans la musique - et le cinéma.
      Ces (d'apparence) sympathiques gars vivent leur passion sans se soucier du "qu'en dira t'on" ; ils se fringuaient déjà pareillement aux débuts de leur groupe respectif.
      Toutefois, Slyde réserve sa tunique flashy rouge à franges blanches à la scène 😁

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    2. Zild de Batz... calembour breton, ile de Batz... (mouais, bon...)

      Tout à fait, référencé, mais pas pompé, et leurs compos sont excellentes. Et quel enthousiasme sur scène, ils prennent du bon temps, ça se voit. Côté vêtements, je dirais un mix de Steppenwolf et Allman's !

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    3. Shuffle Master.14/9/24 08:37

      Sur les cymbales, j'ai fait le mort, je me doutais bien qu'il y avait un jeu de mots pour happy few. Pour les fringues, il y a aussi du Byrds et du Spirit.

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