- Ah, cuicui, billet et écoute de gazouillis Claude en ce temps estival… Sympa… Tu aimes bien Respighi à voir l'index… un compositeur mineur ?
- Mineur ou pas… moins connu que Verdi ou Puccini certes, mais un symphoniste italien qui tient son rang quand même Sonia… Pourtant Respighi a composé neuf opéras, mais… pas souvent mis en scène ni disponibles au disque me semble-t-il.
- Oui, le triptyque romain dont tu vas reparler… Là, j'écoute, l'orchestre semble très léger… l'interprétation guillerette… Mais tu nous avais déjà fait écouter ces oiseaux en 2012, en complément certes…
- Un hommage au baroque Sonia, des parodies de thèmes de Rameau et
d'autres, j'ai ramé pour trouver cette gravure due à un expert de
Vivaldi à l'époque où les instruments modernes avaient encore droit de
cité… En 2012, on découvrait Respighi et son triptyque archiconnu,
prenons le temps de découvrir la poule et ses amis plus en détail…
- Heu Claude pourquoi la Vénus de Botticelli en jaquette ?
- L'album comporte en complément le triptyque de Botticelli déjà commenté et deux airs anciens…
Comme trop de compositeurs italiens qui ne se sont pas imposé avec leurs opéras, Ottorino Respighi reste assez peu joué en France (oui, je radote à propos de cet ostracisme frenchy à chaque billet sur des compositeurs qui ne font pas partie du gotha de la musique classique comme Bach ou Brahms, mais le fait est et m'attriste). Son triptyque Romain comportant des suites titrées : les pins de Rome, les fontaines de Rome et fêtes romaines arrive à se hisser dans le top des ventes discographiques car enregistré par des grandes pointures comme Herbert von Karajan. (Tapez dans un moteur de recherche les pins de Rome, la première vidéo proposée est celle du maestro autrichien dans son interprétation berlinoise de 1978, un best avouons-le, ça décoiffe). Même France Musique a produit une émission "La tribune des critiques de disques" sur cette suite avec Fritz Reiner électrisant comme toujours son Orchestre de Chicago de la grande époque des débuts de la stéréo RCA. Il existe presque une centaine de versions, et toutes ne rendent pas forcément service à cette musique généreuse…
Avec mes camarades du Deblocnot, le soutien de ma chère Sonia, votre
chroniqueur continuera de promouvoir le catalogue original de ce compositeur
de la péninsule, élève de
Rimski-Korsakov
– ça s'entend dans ses orchestrations luxuriantes. Huitième chronique donc,
Luc décidera si ce nombre permet à
Ottorino
d'avoir son rond de serviette dans le blog 😊.
- Sonia, un calembour nase sur le prénom Ottorino ? oui, non ?
- Mummm Claude, question calembour sur Ottorino, je n'y entends rien… *
En 2012, pour la première chronique consacrée au compositeur, nous
avions écouté, en complément du triptyque, les oiseaux
par l'incontournable
Orpheus Orchestra, un complément du double CD proposé ce jour-là. Peu ou pas d'explication.
2012, l'époque des chroniques anthologiques un peu bourratives, je le
reconnais… Comment savoir que onze ans plus tard, l'aventure continuerait…
Par contre, la biographie de
Respighi
n'a pas changé, logique pour ce compositeur mort en 1937.
(Clic)
Une idée à retenir dans les exemples musicaux YouTube proposés à l'époque :
l'Orpheus Chamber Orchestra, par son effectif réduit (une réunion des solistes des grandes phalanges
US de la côte Est), sonnait de manière idéale dans cette musique, hommage au
baroque et au début de l'âge classique. Et c'est exactement cette finesse
aérée que j'ai cherchée dans l'interprétation écoutée ce jour…
(*) Haha, du pur Sonia qui maîtrise le calembour inconscient comme personne 😊.
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Respighi en 1929 XXX |
1929, Respighi, comme tous les italiens, vit depuis une dizaine d'années au rythme de la mise en place sans partage du fascisme de Mussolini. Je ne reviens pas sur les débuts de cette dictature à l'idéologie confuse mêlant nationalisme et populisme dans un but de développement collectif, donc totalitaire. Les lois fascistissimes de 1925-26 qui plongent le pays dans la terreur et la collaboration avec le nazisme sont déjà très actives… Qu'en est-il de l'art dans ce régime ?
Mussolini jouait du violon et plutôt bien apparemment pour un
amateur. Un consensus émerge des analyses des historiens. Bien que
dictatoriales, les relations entre le régime, son Duce, et les compositeurs
n'ont pas grand-chose à voir avec la folie nazie et son concept de "musique dégénérée", à savoir les modes d'écriture modernes comme le sérialisme et pire
l'interdiction absolue de la musique juive allant de
Mendelssohn
à
Schoenberg. Le compositeur autrichien,
Marcel Tyberg
d'ascendance juive par un arrière-grand-parent, imprudent, sera déporté et
mourra à Auschwitz… La folie et l'obscurantisme absolus…
Mussolini comme tout dictateur aimait tout contrôler et créa en 1929 la Reale Accademia d'Italia. On penserait à une organisation de supervision absolue telle la Chambre de musique du Reich de Goebbels dont le 1er président, Richard Strauss, claquera la porte au bout d'un an, estimant que le régime béotien des nazis n'apportait rien à l'art, bien au contraire. La Reale Accademia sera plutôt un panier de crabes mêlant des pros et des antifascistes du fait de l'inscription obligatoire. Citons l'historien américain Philip Cannistraro : "Mussolini a toléré, et même encouragé, un débat culturel étonnamment ouvert, que n'a jamais permis Hitler". Attention, pas d'enthousiasme et de justification hâtive même en l'absence d'un "art officiel" (comme le réalisme socialiste imposé par le duo Maxime Gorki-Staline). Le principe a ouvert la voie à de belles mais temporaires carrières pour une myriade de lèche-bottes médiocres. Le régime prône également le nationalisme en musique et l'académisme dans les arts, la chasse à l'audace et à l'érotisme contraire aux bonnes mœurs, etc., une constante des idéologies populistes. Mais la gestapo rôde, exécutant l'abject travail dicté par les lois raciales que les italiens refusent majoritairement d'accomplir. Alfredo Casella, dont la femme et donc la fille étaient juives, ne verra sa famille sauvée de l'indicible que par la chance d'avoir été prévenue d'une rafle… Certes Casella n'a pas tourné le dos au fascisme et au "panier de crabes", mais difficile de le juger…
Claudio Scimone Diriger ou Pédaler ! |
1928 : quinquagénaire,
Ottorino Respighi
deviendra l'année suivante membre de La
Reale Accademia de facto. Le
compositeur est franc-maçon et il n'existe aucun document en faveur d'un
zèle actif pour soutenir le fascisme. Son œuvre ne fait pas appel à des
techniques trop modernistes, beaucoup le considère comme le successeur de
Puccini, son style étant à l'évidence influencé par l'écriture par ton de
Debussy, le postromantisme, l'orchestration éloquente de
Richard Strauss
et la polyrythmie de
Stravinsky.
Respighi
philosophe peu, aime son pays,
le triptyque romain
en témoigne, l'homme est un symboliste. Musicologue, il se passionne pour la
musique baroque italienne, la plus riche avec celle de l'école allemande. La
suite "les oiseaux" est l'une des plus raffinées illustrations de cette passion.
Respighi
s'inscrivait involontairement dans la ligne du parti, attitude souhaitée par
les autorités. Sa mort prématurée en 1937, avant la dérive guerrière,
met fin à toute polémique sur ce sujet.
~~~~~~~~~~~~~~
Comme dirait Sonia, le chant des zoziaux, mélodieux, facétieux,
parfois piaillards et j'en passe, devait inévitablement inspirer les
compositeurs. Des mélodies en prêt à porter, un registre quasi infini. Peu
importe que nos chers volatiles chantent en si bémol majeur ou en ut dièze
mineur voire en pentatonique, leurs ramages ont été notés dès l'époque
baroque et possiblement au moyen-Âge par les trouvères…
Ottorino Respighi s'approprie quatre thèmes puisés dans le répertoire baroque, quatre ramages dont l'un célèbre de Rameau pour une simple poule 😊. Pour la petite histoire, l'idée d'insérer ces chants d'oiseaux, par la technique de la transcription ou par recours à l'imaginaire est fréquente. Citons : la Scène au bord du ruisseau de la symphonie pastorale de Beethoven, les murmures de la forêt de Siegfried de Wagner et à l'époque moderne, Olivier Messiaen invente un genre autonome en notant (au sens musical) les chants de centaine d'oiseaux, de nos régions, mais bien plus en parcourant les lieux les plus reculés de la planète. Quasiment toutes ses œuvres se nourrissent de citations ; ainsi Oiseaux exotiques de 1955 pour petits orchestre et piano, commandé par Pierre Boulez, mêle les chants de treize espèces différentes et des rythmes hindous, une chronique s'imposera.
Bernardo Pasquini |
Jacques de Gallot |
Jacob van Eyck |
Jean-Philippe Rameau |
Respighi
écrit sa suite entre 1927 et 1928. La composition comporte
un prélude et quatre mouvements. Expert en musique baroque, la culture du
maître concernant cette époque était immense, car hormis
Rameau
le français, j'avoue découvrir, peut-être vous aussi, les autres musiciens
auxquels les thèmes ont été empruntés.
Respighi
a rendu hommage à l'Europe baroque, ne se limitant pas aux potes de
Vivaldi
😊…
Bernardo Pasquini
(1637-1710) originaire de Toscane s'est illustré surtout par son
talent de claveciniste et d'organiste. Dans ce domaine, il assure le trait
d'union entre
Frescobaldi
et
Scarlatti… ce n'est pas rien. Je m'aperçois que sa discographie est abondante.
Même remarque concernant les vidéos YouTube, cantates, sonates, etc. À
découvrir de plus près…
Jacques de Gallot
(1625-1695) était un luthiste français du XVIIème
siècle, donc du baroque intermédiaire. Au disque, il fait le bonheur des
virtuoses du luth, on trouve plusieurs albums de pièces pour soliste seul,
apparemment le musicien n'a pas œuvré dans d'autres genres.
Jean-Philippe Rameau
(1683-1764) membre du top 10 des compositeurs français, actif
pendant le baroque tardif et le début du classicisme. Tous les mélomanes
connaissent peu ou prou ce génie. Lire sa biographie dans l'article de
2014
(Clic)
Jacob van Eyck
(1590-1657). Tiens, un compositeur hollandais (rare) contemporain
de
Monteverdi
et des débuts du baroque. Né aveugle, il se distingue par sa virtuosité à
la flûte à bec. Un ami consignera un recueil assez exigeant d'après mes
sources et joliment titré "Le jardin des plaisirs de la flûte".
Dernier détail à propos de l'ornithologie musicale chez
Respighi. Dans la 3ème partie de la suite
Les pins de Rome,
les pins du Janicule, il souhaitait faire entendre le chant d'un rossignol. Aucun instrument
ou appeau n'offrant une réponse réaliste, il demanda que l'on crée un
enregistrement sur disque ou bande magnétique ; nous sommes en
1924 !
Respighi
apôtre des technologies révolutionnaires ?
Gravure d'oiseau
François Nicholas Martinet, vers 1770 |
Parlons de l'interprétation. Orchestration rappelant celle d'une symphonie
classique de
Haydn
telle que des compositeurs de la fin du baroque en avaient rêvée, un
ensemble réduit s'impose. L'Orpheus chamber Orchestra ayant déjà été en vedette, j'en ai écouté plusieurs avant d'être séduit par
celle de
I Solisti Veneti
dirigé par son fondateur en 1959
Claudio Scimone. Le maestro a consacré sa carrière à la redécouverte du baroque italien,
notamment
Vivaldi, lors de 5000 concerts sur tous les continents et en gravant environ 200
disques pour Erato. La génération des baroqueux a coloré encore plus ce
répertoire mais rappelez-vous la joyeuse folie de l'anthologie des
concertos pour mandolines
publiée en 1970…
Je vous avais présenté cet ensemble et son chef qui firent le bonheur des
mélomanes de ma génération dans une chronique consacrée aux pimpantes
sonates pour cordes de
Rossini. Le chef ne se limitait pas au baroque italien.
(Clic)
Les interprétations par des orchestres symphoniques sont soit empâtées soit
manquent de facétie (même
Antal Dorati
massif avec l'orchestre de Mineapolis 😒). Le style guilleret et facétieux de
Scimone
illumine cette
Partition.
Voici l'orchestration : 2 flûtes (dont un piccolo), 1 hautbois, 2
clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, célesta, 1 harpe, violons I et
II, altos, violoncelles, contrebasses.
La suite se compose de cinq mouvements :
1 – Prélude (basé sur la
musique de Bernardo Pasquini)
2 - La Colombe " (d'après une
musique de Jacques de Gallot)
3 - La Poule (sur une musique
de Jean-Philippe Rameau)
4 - Le Rossignol
(basé sur la chanson folklorique
Engels Nachtegaeltje, transcrite par
Jacob van Eyck)
5 - Le coucou (basé sur la musique de Bernardo Pasquini)
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