mercredi 15 mars 2023

STEVE HILL " Dear Illusion " (11.11.2022), by Bruno



   Parfois, tout comme le philosophe Ducros, on se demande bien à quoi ça sert de se décarcasser. En effet, on en a déjà parlé ici, dans ce blog - l'un des plus lus de l'hexagone, avec ses 999,25 lecteurs quotidiens - et pourtant Steve Hill reste un illustre inconnu au pays des fromages qui puent. Enfin, pas vraiment - faudrait pas exagérer - mais visiblement, on préfère se pencher sur la K-pop, le bâillement d'une star - reconnue comme telle -, ou l'effet de jambe d'une bimbo auto-proclamée 'j'sais-pas-quoi". Parce que, tout de même, Steve Hill ce n'est pas moins, à ce jour, de huit prix "Maple Blues", un Memphis International Blues Challenge pour son "Solo Recordings" premier du nom, un prix Juno et une tripotée d'autres prix aux Lys Blues, en plus de nominations diverses. Bon, okay, ça se limite au Canada, au Québec précisément. Et certains, inconsciemment, pensent que le Canada est une sous-marque des produits américains, ou des imitateurs. Quant au Québec, c'est pire. "Des francophones à l'accent pas possible singeant les ricains", c'est du moins ce que beaucoup de gens pensent... et disent...


     Le problème, c'est qu'il est resté un homme simple. En dépit d'une carrière professionnelle débutée sérieusement à dix-huit ans en 1992, d'un premier album en 1997 - plutôt traditionnel - déjà encensé par la critique, d'avoir accompagné Jean-Leloup, Nanette Workman et Zachary Richard, de monter sur scène jouer avec des monstres sacrés (dont Ray Charles et BB King), il garde la tête froide. 

     Bien que sa musique soit essentiellement marquée par le Blues - qu'il peut délivrer à toutes les sauces, de la plus roots et acoustique à la plus copieusement arrosée de grosse disto de la mort -, il revendique aimer tous les styles de musique. Et l'un de ses plaisirs est d'apporter sa contribution à d'autres projets musicaux souvent très loin de ce qu'il joue habituellement. Ainsi, en 2018, le chef d'orchestre américain Kent Nagano l'envoie au milieu d'un orchestre symphonique.

     Après une dizaine années à faire l'homme-orchestre, où il chantait et jouait de la guitare en s'accompagnant lui-même à la batterie et à l'harmonica, il revient au concept de groupe pour sa douzième galette. Après un précédent album, "Desert Trip", aussi dépouillé et envoutant que le désert de Mojave, Steve Hill s'appuie à nouveau sur la magie de la fée électrique. De surcroit, il est solidement encadré par une robuste section de cuivres dans la mouvance des Memphis Horns. Il en ressort un album revigorant, riche en couleurs, épousant et fusionnant l'ensemble des genres développés lors d'une carrière d'un quart de siècle. Un album à la réalisation difficile, semée d'embûches, émaillée de confinements et restrictions, et d'une douloureuse peine de cœur. Finalisé il y a une paire d'années, Hill prend le risque, et le temps, de tout réenregistrer. Bien que jouant lui-même de la basse, occasionnellement de la batterie et de l'harmonica, tâtant même du piano et de la pedal-steel, il cède au plaisir simple d'accueillir quelques amis venus apporter leur petite touche sur quelques chansons. "They Call Me Rico" (Frédéric Pellerin) à la pré-production, Wayne Proctor aux fûts (Oli Brown, Nine Below Zero, Ben Poole, Sari Schorr, Nimmo Brothers, J. Amor, King King, Aynsley Lister - n'a jamais joué dans le XV gallois -) et à la masterisation, Jean Pellerin aka Johnny Pilgrim (Québécois qui a fait son beurre en Californie dans les années 80-début 90, en réalisant des clips ; principalement pour la scène Metal dont, entre autres, Metallica, Guns'n'Roses, Def Leppard, Kiss, Bon Jovi ) venu donner un petit coup de pouce sur une poignée de chansons - et participant à la réalisation de deux clips vidéos (voir ci-dessous), où il en profite pour passer aussi devant la caméra -.

   En véritable passionné de bande-dessinée, collectionneur invétéré, il sollicite à nouveau  pour illustrer la pochette le dessinateur américain Rob Cannon, déjà responsable de celle de "Desert Trip". Sur la lancée, Cannon a aussi réalisé une petite BD portant le même nom que l'album et mettant en image Steve Hill dans un décor visiblement très psychédélique. A savoir que Hill a aussi un bon coup de crayon ; à ses heures perdues, il s'amuse à reproduire avec talent, des vieilles couvertures des comics Marvel.

     Dans les grandes lignes, ce " Dear Illusion " est un survol de tout ce qui a composé sa carrière à partir de "Devil at My Heels", avec probablement une aisance et une intensité qu'on ne peut acquérir qu'avec de l'expérience. La fibre hard-rock d'antan est atténuée par l'emprise d'un Blues-rock cossu et vigoureux. Sans agressivité. Le soutien des cuivres, non expansifs, permet à Steve de jouer plus posément, sans avoir à se préoccuper de charger l'espace en s'aidant d'une grosse disto crépitante. A ce titre, l'album s'ouvre sur un "All About the Love", fort proche de ses "Solo Recordings", - bien probablement joué en configuration "one-man-band" tant la batterie y est primaire -, jusqu'à ce que les cuivres interviennent et ouvrent la porte à une ambiance de Blues festif - entre Memphis et New Orleans. La seconde pièce, "Keep It Together", (composé initialement à l'harmonica), suit la même direction, avec encore plus de cœur. Tandis que "Everything You Got" - objet d'un premier clip - dame le pion au compatriote Colin James. "Steal the Light From You" exploite sans défaillir une veine power-pop à mi-chemin entre Rick Springfield et Cheap-Trick, avec une touche chaleureuse de Soul-blues apportée par les Devils Horns. "Don't Let the Truth Get in the Way" (second clip) se dégage tranquillement un chemin dans un classic-rock mainstream, sans épine, un poil trop poli, mais néanmoins goûteux.

   Plus foncièrement Blues, "Follow Your Heart" ravive le souvenir du regretté Sean Costello. Blues toujours avec "She Gives Lessons in Blues", dans un style fortement agrémenté de Funk poisseux et carré.

   L'intensité émotionnelle de "Desert Trip" déborde sur cet album. A commencer par la chanson éponyme, ballade Blue-eyed Soul consistante, osant présenter monsieur Steve Hill sous un nouveau jour, osant parler de ses blessures. Avec "So It Goes", ballade acoustique intimiste et automnale - dont la guitare doublée à la mandoline n'est pas sans évoquer quelques atmosphères chères à James Patrick Page -, et le sublime final "Until The Next Time", autre ballade, tout en finesse, et qui s'épanouit comme un sentier abondamment fleuri se parant de couleurs chatoyantes sous les premiers rayons d'un réconfortant soleil printanier. 

     A bientôt cinquante ans (il atteindra le demi-siècle l'année prochaine, en 2024), ce natif de Trois-Rivières-Ouest, garde un œil pétillant de malice, prêt à rire de lui-même mais jouant toujours avec un sérieux et une maîtrise rare. Gardant la passion et les oreilles grandes ouvertes sur la musique. Sa récente émission auto-produite sur YouTube, "Garage Chez Steve Hill", promouvant les artistes québécois en témoigne (sortez le décodeur, car parfois l'accent québécois s'y révèle particulièrement épais).


"Cet album livre un message positif. Peu importe ce qui arrive, on devrait toujours donner son 100%, avancer et être la meilleure personne qu'il nous est donné d'être, car quoiqu'il arrive, le soleil se lèvera à nouveau"


🎶🌄

4 commentaires:

  1. "Des francophones à l'accent pas possible singeant les ricains"
    ah ah ah ! Nous sommes tout simplement de vrais Américains (on vit en Amérique du Nord!) qui parlons français, pas besoin de singer qui que ce soit ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'suis bien d'accord 😁

      Par contre, l'accent doublé d'expressions endémiques peut se révéler assez difficile à comprendre pour un francophone européen. Du moins, celui de Hill et de ses invités est parfois assez épais. 🥴 (voir sa bien sympathique émission "Garage Chez Steve Hill")
      Mais cela ne l'empêche d'être toujours plaisant à entendre.

      Supprimer
  2. Les Français sont des Américains comme les autres...

    RépondreSupprimer
  3. Moi j'aime bien. Allez Hop PANIER

    RépondreSupprimer