A tort ou à raison, l'étiquette de misogyne a bien souvent été collée sur les musiciens du courant Heavy-metal - et Hard-rock auparavant - ainsi que sur son public. La raison principale étant les paroles de certaines chansons, parfois à la limite de la vulgarité. Simples délires, fantasmes de jeunes garçons débordant de testostérone, mais aussi une mise en chanson de quelques aventures à peine exagérées. Sur scène, l'attitude de machos crâneurs des musiciens exacerbe la chose, offusquant les plus prudes. Pourtant, les chansons osées, parfois même salaces, ne sont pas l'apanage de ces jeunes chevelus. La tradition étant déjà bien implanté dans le Blues et même bien avant, dans la chanson populaire. Certains nigauds se prennent certes au sérieux, mais, pour la plupart ce n'est qu'un sujet comme un autre, un lieu commun. Des bravades concupiscentes. Beaucoup de musiciens sont d'ailleurs dans une relation sérieuse, parfois précocement mariés et même pères de famille. Ce qui ne rime pas forcément avec fidélité, surtout lorsqu'on se trouve en terre étrangère, avec une nuée de jeunes filles attifées comme des sapins de Noël, en pamoison sinon carrément surexcitées et entreprenantes.
Bref, on a voulu faire croire que le Heavy-metal et le Hard-rock étaient de la musique d'homme. Pour les hommes, joués par des hommes, des vrais. Du pur macho. Pour le coup, de crainte de ruiner leur carrière, certains s'efforceront de cacher une sensibilité moins foncièrement masculine. Pourtant, dès les débuts, des femmes ont essayé de s'imposer. Et des années auparavant aussi, dans le milieu du Rock'n'roll, puis dans le Rock psychédélique et l'émergence du Blues-rock. Certes, bien plus souvent en tant que chanteuses. Il y a pourtant eu une poignée de grands groupes (pas dans le sens commercial) tels que The Axe of Cups, Fanny et surtout Birtha qui a tout simplement réalisé l'un des meilleurs disques de Hard-blues de 1972. Et puis ceux de la scène punk, tels que The Raincoats et les provocatrices The Slits.
Et puis, bien sûr, les Runaways - qui en dépit d'un succès notable, n'ont pas été à l'abri du sexisme de leur mangement et de la presse que du public. Girlschool, fondé en 1977, deux ans après les filles de Los Angeles, a dû franchir le même genre d'obstacle. Ceux des tourneurs septiques et d'une presse souvent indélicate et vulgaire. Cela en dépit de l'adoubement du seigneur de guerre : Motörhead. Et ensuite du profond respect de toute la première ligne de la NWOBHM. Car leur Heavy-metal, ce n'était aucunement un truc de "danseuse", encore moins de bimbo peinturlurée à la truelle, ou de princesse au petit pois. Pire, elles mettaient la pression aux groupes pour qui elles ouvraient, qui devaient alors donner tout ce qu'ils avaient de crainte de se faire voler la vedette. Rapidement, seuls les plus sûrs d'eux, les ténors du mouvement, osèrent effectuer des tournées entières avec elles.
En 1977 donc, Kim McAuliffe et Enid Williams, qui jouent déjà ensemble depuis leur adolescence (dans le groupe Painted Lady), recrutent Denise Dufort pour tenir les baguettes et Kelly Johnson pour seconder Kim à la guitare - et prendre occasionnellement le chant. Une période peu propice aux nouveaux groupes de Hard-rock, un temps où les labels Anglais se focalisaient sur la scène punk. Une longue période où malgré une notoriété croissante, et plus de 8 000 ventes d'un 45 tours auto-produit et exempt de promotion, elles n'essuient que des refus de la part des labels. Finalement, ce sont les amis de Motörhead qui, séduits par leur musique, vont user de leurs relations pour qu'on leur propose un contrat en bonne et due forme. Séduits par leur musique mais aussi par leur tempérament. En effet, on raconte qu'elles ne se font pas prier pour descendre des pintes, et qu'à ce jeu là, nombreux seraient les jeunes matadors à avoir fini la soirée défaits, assommés par l'alcool, tandis que ces filles, goguenardes, s'en resservaient une. Des partenaires de soirée idéales pour la bande à Lemmy.
Elles partent donc en tournée avec Motörhead, où elle acquièrent une nouvelle fan base. L'expérience sera renouvelée maintes fois. Grâce au soutien de Lemmy et de ses potes, ainsi que de Budgie, Black Sabbath, Wild Horses (le groupe de Brian Robertson) et Uriah Heep qui les sollicitent pour chauffer les salles, le public du Royaume-Uni tombe sous le charme des écolières avant qu'elles aient enregistré le moindre album.
Ce premier disque arrive avec "Demolition", produit par Vic Maile, et qui sort sur le label Bronze (sur l'insistance appuyée de Lemmy - le patron de la boîte doutait du potentiel commercial des filles ; d'autant qu'il ne les trouvait pas assez mignonnes, à part peut-être Johnson à qui il trouvait une ressemblance avec Farrah Fawcett... de loin - un gars sympa ce Gerry Bron...). Enfin, si l'album ne fait vraiment l'effet d'une bombe, d'autant plus à une époque où les disques de heavy-metal sont profusion, il s'impose néanmoins comme une valeur sûre. La revue musicale française en fait une critique élogieuse, le classant même dans les albums du mois. Mais c'est surtout le bouche à oreille qui fonctionne. C'est qu'à son écoute, même les plus misogynes se rendent à l'évidence : ces filles savent cogner et envoyer du lourd, au point de faire de l'ombre à certains jeunes machos arborant cuir et clous. L'album fait même une entrée remarquée dans les charts anglais- malgré une pochette des plus repoussantes. Seule les voix des trois chanteuses, Enid, Kim et Kelly, trahissent certes une gracilité toute féminine, mais surtout un manque de présence et de gnaque. Des trois, c'est Kim McAuliffe (la chevelure noire corbeau) qui s'en sort le mieux, sachant rugir comme une féline aux moments opportuns. Hélas, à l'heure de cet album, c'est le chant relativement fluet d'Enid, fragilisant les chansons, qui est alors majoritaire.
Outre les concerts assidus et les premières parties prestigieuses, c'est aussi la bonne reprise du classique du groupe Gun des frères Gurvitz (👉 lien), "Race with the Devil", qui passant régulièrement à la radio, permet au groupe de se faire connaître. Jeff Beck en personne apprécie cette version, jugeant qu'on ne la penserait pas jouée par des filles. Une remarque que le célèbre présentateur radio - un influenceur - John Peel juge déplacée et sexiste.
Plutôt que purement Heavy-metal, leur musique s'apparenterait plutôt à une forme de Glam-rock copieusement boosté par l'énergie du punk-rock. Avec bien souvent derrière, l'ombre de leurs potes de Motörhead. Ce qui leur vaudra, dans un premier temps, le surnom de Motörhead féminin. "Emergency" étant probablement le titre le plus marqué par ce dernier. De même que l'entrée en matière "Demolition Boys". Qui pourrait d'ailleurs bien parler du trio infernal. "Le groupe a joué si fort, il a joué si fort, que le toit s'est effondré. Sur des kilomètres ils ont entendus le son, et sont venus voir le spectacle".
La soliste, Kelly Johnson (la blonde), semble avoir studieusement étudié le style de Fast Eddie Clarke. Sur les deux soli de "Not For Sale", c'est à croire que c'est le rouquin en personne qui est venu prêter main forte. Lemmy, taquin mais aussi sensible aux charmes féminins, chatouille l'ego d'Eddie en arguant que Kelly est meilleure soliste que lui. Tandis qu'à la presse, il avance que dans ses bons jours, Kelly peut être aussi bonne que Jeff Beck. Remarque dithyrambique, certainement encouragée par celle de Beck. Quoi qu'il en soit, ce premier essai dégage suffisamment de puissance pour intimider leurs congénères masculins bardés de cuirs et affichant force grimaces (pour une musique proche de l'anémie une fois sur scène). La batterie est implacable et alerte, relançant inlassablement le tempo par des fills nerveux et une judicieuse utilisation des cymbales, collant aux basques des guitares, tel un pittbull impatient de planter ses crocs. La petite Denise Dufort (la frisée), pourtant d'apparence frêle (à l'époque), s'entend pour blinder la musique des copines. Une des meilleures dans la catégorie Heavy-metal 80's (sans distinction de sexe). [petit mais costaud]
La basse d'Enid Williams (la rousse) n'est pas en reste. N'éprouvant pas le besoin de se mettre en valeur - le chant compensant -, elle s'évertue à se fondre sur le tempo des toms de Denise pour un surcroit de puissance, tantôt c'est sur les power chords des grattes pour un peu plus de gras. Les six-cordes, elles, sont principalement dans la mouvance instaurée Fast Eddie, voire, dans une certaine mesure, des barbares de Saxon. Parfois avec une pincée d'un énergique pub-rock avec le remuant "Take It All Away", ou de punk-rock avec le trépidant "Nothing to Lose".
Peut-être pas leur meilleur opus, mais probablement le plus frais. La première face est un sans faute, délivrant ses plus belles cartouches. La seconde, plus conventionnelle dans l'ensemble, est malheureusement grevée par quelques munitions entachées de mouvements à l'allure artisanale.
- Face 1
- Face 2
🎶👩🎸
J'adore Girlschool !!! Etrange Coïncidence, samedi je viens de racheter " ST VALENTINE’S DAY MASSACRE" une réédition du 40e anniversaire en picture disc !!! (y)
RépondreSupprimerLe fameux "St. Valentine's Day Massacre". Bien rare sont les Ep à avoir laissé une marque indélébile. Celui-ci y est parvenu (l'original est d'ailleurs devenu une pièce de collection recherchée et onéreuse). Il a d'ailleurs beaucoup contribué à braquer les projecteurs sur les filles. Trois chansons, trois interprétations imparables dont deux surpassant les originaux. Une mini-bombe 😁
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