mercredi 18 août 2021

FOREIGNER "Head Games" (1979), by Bruno


     Foreigner, l'un des plus célèbres groupes américains représentant l'archétype du Hard-FM. Autre sous-genre de la vaste famille du Heavy-rock. Aujourd'hui, bon nombre de critiques mentionnent plus volontairement l'appellation "A.O.R." (Adult Oriented Rock), probablement pour prendre leurs distances avec le terme généraliste "Hard", parfois considéré comme péjoratif, voire honteux. Ou simplement pour renier l'affiliation avec des représentants que l'on peut qualifier d'excentriques, d'extravagants et tapageurs ou carrément de fous furieux. Dans le cas de Foreigner, ce serait totalement occulter leurs prestations scéniques des années 70 aux débuts des années 80, témoignant de leur affiliation purement Hard-rock. On pouvait y voir alors un Mick Jones déchaîné sortir une grosse artillerie qui aurait fait la joie de Leslie West. Avec lequel d'ailleurs, Jones a joué, juste avant de fonder Foreigner...


   Mot d'humeur :   
Amusant aussi cette appellation, A.O.R., qui fait fi du poids des paroles des chansons qui, assez fréquemment, n'ont rien de particulièrement adulte. Pas vraiment poétiques ni fouillées. Certes, ce n'est pas la priorité de la "chanson rock", cependant, on peut se demander qu'elle serait l'intérêt d'insister pour accoler ce terme "adulte". Si c'était en rapport avec des paroles dont le sujet pourrait traiter de concupiscence ou de velléités sanguinaires, pourquoi pas. Mais quid de tous ces groupes - de Rock FM - dont bien généralement les chansons tournent autour de bluettes et d'obsessions adolescentes.

     Après un premier essai bien intéressant, plein de promesses, osant mêler le Rock-progressif à des velléités Pop et Heavy, et un second, "Double Vision", mou du genou, mollasson, empêtré dans la guimauve, en l'an 1979, l'Etranger décide d'emprunter un chemin le menant à des territoires plus durs, plus rocailleux. Un revirement qui semble sauver Foreigner d'un glissement vers le fond saumâtre et nauséeux d'un rock particulièrement policé et édulcoré. 

     Un sursaut peut être encouragé par le dernier arrivé, Rick Willis, qui fait passer le groupe d'une fibre égalitaire à une majoritairement anglaise (à quatre contre deux). Willis est issu de Cochise, un combo arrosant son Country-rock de Rhythm'n'blues et de Heavy-blues (un peu dans la mouvance de Vinegar Joe - le groupe avec Robert Palmer et Elkie Brooks). Il a ensuite accompagné successivement Peter Frampton, Roxy Music, les Small Faces et David Gilmour. Ou serait-ce la présence de Roy Thomas Baker à la production - pour épauler Mick Jones et Ian McDonald -, le producteur attitré de Queen ? Ou simplement le fondateur et leader, Mick Jones, qui aurait repris les rênes ? 

   Quoi qu'il en soit, lorsque retentissent les premiers instants de "Dirty White Boy", on sent que le combo a pris du poil. Même "Love on the Telephone", dont la trame principale aurait pu l'immerger dans la variété couillue US, parvient à s'agripper fermement au Heavy-rock grâce au traitement des guitares et au chant tendu et transi. On ne s'attardera certes pas sur les paroles - qui n'ont rien de spécialement adulte - et qui ne sont là que pour donner matière à la belle voix de Lou Gramm d'embellir les morceaux. Ne parlons même pas de "Women", qui semble ne s'adresser qu'aux adolescents et aux obsédés de la gent féminine. "Femmes derrière les barreaux, femmes au volant de bolides, femmes en détresse, femmes sans robe ! ( ? 🙄). " Fallait oser... c'est profond, non ? Ils vont même plus loin avec "Yeah, yeah, les femmes aux Etats-Unis, ces femmes volent votre cœur... Ooh Ooh, on parle de femmes, partout dans ce monde. Yeah, les femmes, toutes les filles coquines, on parle de femmes !! Allez baby". [Sardou, Juvet, Lama et Lahaye (sic) peuvent retourner se coucher] On en passe et des meilleures. Cependant, Lou Gramm pourrait donner sens et lyrisme juste en lisant le bottin (ou le programme télé). "Women" n'est rien d'autre qu'un simple Rock'n'roll. Classique mais efficace, avec l'interaction des deux guitares, l'une grasse (grasse) et une seconde crunchy ponctuant ses notes en martelant le vibrato. Avec derrière Ian McDonald, qui s'inspire du jeu 

   Dans les morceaux franchement Heavy, "Seventeen" - qui n'a rien à voir avec un éventuel penchant pour les mineures - s'impose avec un bon riff carré portant la marque de Paul Kossof. En fait, c'est pratiquement toute la première face qui est vouée au Heavy-rock. Seul "I'll Get Even With You" fait des manières pour aguicher les radios ; cependant, il garde encore son attachement à un Rock solide (solid as a rock) ; il se présente comme l'un des précurseurs de ce qui va faire la joie des radios et de MTV lors de la décennie suivante, avec chant à l'intonation positive et claviers triomphants (Europe ?). Abusant de la chose jusqu'à la rendre repoussante.  


 La seconde face "revient à la raison", ou plutôt rassure le management et le label, en retournant gentiment vers des structures plus franchement commerciales. "Head Games", bien que n'étant pas un mauvais morceau, ne mérite pas de donner son nom à l'album. Trop basique (batterie et basse sont à deux doigts de se transformer en métronome), malgré les efforts de Lou, il est loin de briller autant que n'importe quelle autre pièce de la première face - D'autant qu'il tente de bâillonner les guitares ! Pas bien ! -. L'honneur aurait pu être fait au scintillant et vivifiant "The Modern Day" ; jolie chanson de pop-rock, un peu bousculée par la frappe lourde de Dennis Eliott, et qui se distingue par un riff frais et guilleret tournant en boucle, judicieusement et ponctuellement décoré de brefs enluminures des claviers de McDonald. 


   Même le semi-acoustique "Do What You Like", qui démontre avec sobriété qu'il n'est point besoin d'en faire des tonnes pour couler une belle et romantique chanson pop. 

   Le final semble reprendre du poil de la bête avec son riff d'intro gentiment fuzzy, mais c'est à nouveau les claviers qui prennent le relais. Mais surtout, "Rev on the Red Line" aurait pu être un bon morceau s'il n'y avait ce malencontreux refrain, portant les tares d'un rock FM prétentieux et pompeux. "Blinded by Science" est carrément indigeste. Une caricature, avec son tempo traînant, apathique, ses chœurs de zombie envahissants et ce chant faussement meurtri ; le pompon revenant au solo (?) de claviers sonnant comme des trompettes synthétiques au tempérament de centre commercial. 

     Une seconde face en dents de scie, souffrant de la comparaison avec la première, mais comportant néanmoins quelques belles pièces contribuant à faire de ce disque l'un des plus intéressants de Foreigner. Ce qui ne se traduit pourtant pas dans les ventes qui, bien que flatteuses, restent en deçà du précédent album et surtout du suivant qui va faire un tabac international, imposant le groupe comme un géant du Hard-FM des années 80.

Side one
No.Titre

1."Dirty White Boy"M. Jones, L. Gramm3:38
2."Love on the Telephone"Jones, Gramm3:18
3."Women"Jones3:24
4."I'll Get Even with You"Jones3:40
5."Seventeen"Jones, Gramm4:36
Side two
No.Titre
6."Head Games"Gramm, Jones3:37
7."The Modern Day"Jones3:26
8."Blinded by Science"Jones4:55
9."Do What You Like"I. McDonald, Gramm3:59
10."Rev on the Red Line"A. Greenwood, Gramm3:35
Total38:12



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Autres articles / Foreigner : 👉  "  (1981)  👉  "1977 - Forty Hits for Forty Years - 2017" 

4 commentaires:

  1. Ce terme AOR je crois qu'à l'époque il désignait le Rock joué par des trentenaires, son équivalent aujourd'hui est le terme Classic Rock qui désigne le Rock joué par des septuagénaires )))
    Ils sont sympas Foreigner, mais je suis d'accord avec ta chronique, hormis le fameux 4 et sa ribambelle de temps forts, aucun de leurs albums ne tient la route du début à la fin.
    Tu as vu le film Rock Of Ages (Rock Forever en VF) ? C'est un peu un navet sur les bords, mais on y entend un paquet de hits FM et la tronche à Tom Cruise vaut le coup d'œil )))

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  2. "Rock of Ages"... j'avais hâte de le voir, et finalement, une fois que j'suis planté devant l'écran (depuis un quart d'heure), on me téléphone pour aller récupérer des gosses 😄 J'ai dû en voir 10-15 minutes de plus, sans voir la fin.
    Depuis, je n'ai jamais eu une autre occasion de le voir. D'autant que par la suite, ceux qui l'ont vu m'ont dissuadé. De mémoire, la B.O. comportait une bonne part de reprises de Def Leppard, et des trucs typés Glam-rock US / Hair-metal (encore une belle appellation... 😁).

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    1. N'écoute personne et essaye d'aller au bout, c'est un peu long mais c'est tellement kitsch que ça passe )))
      https://www2.tirexo.work/streaming-6132565.html

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  3. Merci, tout simplement.
    From Cercle Blanc (ou SPAM pour hmr)

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