mardi 17 août 2021

FLIC STORY de Jacques Deray (1975) et autres affaires criminelles célèbres - par Pat Slade


S’il y a bien une chose qui me passionne, ce sont les affaires criminelles, mais pas les crimes de notre époque comme ceux de Guy Georges ou d'Emile Louis, mais ceux du passé, ceux des ennemis public n°1, des truands, des sérials killers et de la pègre de l’après guerre.



Les Aventures de la Bascule à Charlot



La Bande à Bonnot
Quelles que soient les époques, le crime a toujours existé : le vol, le meurtre ou le plus souvent les deux ensembles. Dès le début du siècle dernier, des illégalistes connus sous le nom de la bande à Bonnot vont commettre les premières attaques à main armée en voitures alors que la police se déplaçait encore à vélo. Sous le couvert du drapeau noir de l’anarchisme, ils vont tuer sans vergogne ni honte tous ceux qui vont s’opposer à leurs sombres desseins. Mais comme la justice triomphe toujours, une partie de la bande sera tuée et l’autre passera en jugement et ira «cracher dans la sciure» en passant par la guillotine du bourreau Anatole Deibler.

Landru
Autre histoire qui va défrayer la chronique judiciaire vers le début du XXème siècle, celle d’Henri-Désiré Landru l’abominable barbe bleue de Gambay, petite commune des Yvelines. Landru est connu pour avoir été le premier homme à militer pour la femme au foyer 😆. Avant de devenir un assassin, il sera un escroc qui par tous les moyens possibles et inimaginables ira voler l’argent de ses concitoyens. Il achètera un garage qu’il revendra immédiatement sans avoir payé l’ancien propriétaire. Il va faire croire qu’il a crée une fabrique de bicyclettes à pétrole, il organisera une campagne publicitaire spécifiant que toute commande doit être accompagnée d'un mandat représentant un tiers du prix. Les commandes afflueront pour un produit qui n’existe pas, ou du moins que sur le papier, il disparaitra avec l’argent en poche. D'escroquerie en escroquerie, il fera quelques séjours en prison. Ce n’est que pendant la première guerre qu’il va devenir le coureur de dotes. Onze meurtres plus tard et tous dans les mêmes conditions Landru sera arrêté. Le bonhomme avait de l’humour, tout au long de son jugement les bons mots vont fuser. Devant l’hilarité du public à son procès le président menacera : «Si les rires continuent, je vais demander à chacun de rentrer chez soi !», ce à quoi Landru répliquera : «Pour mon compte, monsieur le Président, ce n'est pas de refus» La seule chose qu’il perdra ce ne sera pas son sens de l’humour mais sa tête en 1922.

Marcel Petiot
Un autre personnage très chaud et sadique en tout point, le fameux docteur Marcel Petiot. Cet homme qui était mentalement dérangé sera maire de Villeneuve-sur-Yonne, comme médecin c’était un charlatan, il va se barder de plusieurs diplômes en médecine qui n’existaient pas. Comme Landru, la guerre sera un tremplin pour s’enrichir, il va acheter un hôtel particulier à Paris rue Le Sueur (16e) qu’il va transformer en véritable usine à tuer, une chambre à gaz perso, la chaudière faisant office de crématoire, un Birkenau privé. Il proposera des passages à l’étranger à  des personnes israélites cherchant à fuir la gestapo. Il sera condamné à mort pour le meurtre de vingt sept personnes (soixante trois selon Petiot). Il avait aussi le sens de la répartie quand l’avocat général vient le réveiller un matin de mai 1946 : «Ayez du courage, Petiot, c'est l'heure», il rétorquera : «Tu me fais chier !»   Mais tout comme Landru, ce sera un problème de calorifère et de feu de cheminée qui trahiront les deux hommes. Voila pourquoi tous les ans nous sommes dans l’obligation de faire ramoner notre cheminée. 

Guillaume  Seznec
Autre drame judiciaire, celui de Guillaume  Seznec qui sera reconnu coupable du meurtre du conseiller général du Finistère Pierre Quéméneur dont on ne retrouvera jamais le corps. Une   histoire énigmatique et ambigüe avec pour fond des Cadillac rétrocédées à la France par l’armée américaine et revendu à l’Union Soviétique. Toutes les accusations ne seront basées que sur des soupçons et certaines petites choses pourraient faire croire à une conspiration envers Seznec comme la machine à écrire qui a servi à taper le certificat de vente du domaine que Quéméneur vendra à Seznec. Elle sera retrouvée dans sa grange alors que son fils témoignera avoir vu deux hommes la déposer un soir. Un des policiers qui mènera l’enquête sera Pierre Bonny, flic pourri, qui plus tard sera l’un des deux responsables de la Gestapo française de la rue Lauriston. Seznec sera condamné aux travaux forcés à perpétuité et sera déporté en Guyane en 1927 au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni. Il sera libéré en 1947 et mourra renversé par un camion en 1954. Son petit fils Denis Seznec se battra pour la révision du procès et la réhabilitation de son grand-père. Je l’avais vu sur scène à un concert de Tri Yann lire la lettre de Guillaume Seznec alors qu’il partait pour la Guyane. Une affaire pas très claire ou un innocent a surement payé pour un autre.

Christian Ranucci
En 1976 le mystère du "pull-over rouge", l’affaire Christian Ranucci. Encore une affaire dans laquelle beaucoup de zones d’ombre peuvent faire croire à une erreur judiciaire. Une histoire qui sera très médiatisée et le livre de Gilles Perrault donnera lieu à une vive polémique. De grandes invraisemblances  sur le meurtre d'un enfant de huit ans, des témoins qui ne reconnaissent pas Ranucci, le propre frère de la victime qui dira que la voiture n’était pas une Peugeot 304 coupé (voiture de Ranucci) mais une Simca 1100 qui aurait servi à enlever sa sœur, un pull-over rouge trop grand pour l’accusé. Sans vouloir créer de polémique, je ne pense pas que Christian Ranucci méritait la sentence suprême à la différence de Patrick Henry la même année qui assassinera un enfant de sept ans et que la police retrouvera sous son lit. Condamné à perpétuité, il ne fera que vingt cinq ans de détention, grâce à la célèbre plaidoirie de Mr Badinter contre la peine de mort... Incorrigible, ce triste sir après de an de libération anticipée, le monstre se fait dealer ! Retour à la case prison pour 15 ans quasiment pour mourir, quarante ans de placard !

Gaston Dominici
Même la campagne a ses assassins (comme le chantait Brassens), l’affaire Dominici en est l’exemple le plus flagrant. Une famille tenue d’une poigne de fer par un patriarche bourru et acariâtre, l’omerta et la loi du silence règne autour du meurtre d’un couple d’anglais et de leur petite fille de dix ans. Ici encore malgré beaucoup de preuves, rien ne pourra établir clairement la culpabilité du vieux Gaston Dominici qui sera accusé du triple meurtre et sera condamné à mort en 1954 puis gracié en 1960. Il y a fort à penser que le patriarche a endossé les meurtres tout en sachant qui de sa famille les avaient commis.

Mais toutes ses affaires criminelles ont été portées à l’écran. «La Bande à Bonnot» de Philippe Fourastié en 1968 avec Bruno Cremer, Jacques BrelAnnie Girardot et Jean-Pierre Kalfon. «Landru» en 1963 de Claude Chabrol avec Charles Denner, Michèle Morgan, Danielle Darrieux et aussi un téléfilm en 2005 avec Patrick Timsit, on pourrait aussi rajouter que «Monsieur Verdoux» en 1947 de Charlie Chaplin serait un parallèle humoristique à l’affaire Landru . «Docteur Petiot» en 1990 de Christian de Chalonge avec Michel Serrault. «L’Affaire Seznec» en 1993, un téléfilm en deux parties avec Christophe Malavoy et Jean Yanne, l’affaire Seznec sera aussi relaté dans un disque de Tri Yann «Portrait» en 1995. «Le Pull-over rouge» de Michel Drach en 1979 avec Serge Avédikian et «L’Affaire Dominici» en 1973 de Claude Bernard-Aubert avec Jean Gabin et Victor Lanoux et aussi un téléfilm en 2003 avec Michel Serrault et Michel Blanc.
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E.Buisson - J.L Trintignant
Après toutes ces évocations d’affaires criminelles marquantes, passons au sujet proprement dit. Parlons d’un  truand, d’un ennemi public, d’un tueur froid, et  Émile Buisson en est le parfait exemple. En 1975Jacques Deray racontera l’histoire d’un flic qui court après sa proie. Roger Borniche (Alain Delon) deviendra le premier flic de France par son impressionnant palmarès d’arrestation. Tout commencera  par l’évasion d’Émile Buisson (Jean-Louis Trintignant) de l’hôpital  psychiatrique de Villejuif. Il commencera le jour même de son évasion par descendre celui qui l’avait balancé, ce sera ensuite le braquage du restaurant l'Auberge d'Arbois avec ses complices dont son frère Jean-Baptiste (André Pousse). Une attaque suivie d'une course poursuite dans les rues de Paris avec deux motards de la police ; Buisson en tuera un de sang froid d’une rafale de mitraillette (Et non de deux balles de pistolet comme on peut le voir dans le film).

Buisson et Borniche 
La bande sera dénoncée et la police investira le refuge des bandits, tous seront arrêté, dont son frère Jean-Baptiste, Emile arrivera à s’échapper de peu. Les attaques violentes et les complices assassinés par Buisson parfois pour de simples suspicions en font un homme dangereusement psychopathe. Roger Borniche va tout faire pour arrêter cet homme qui sème derrière lui les cadavres comme le petit poucet des cailloux. Son arrestation comprend plusieurs versions, mais celle du film est celle de Borniche. Buisson était hébergé (se planquait) dans une auberge pas loin d’Evreux en Normandie "La Mère Odue". Un samedi de juin 1950, Borniche, sa femme et ses deux adjoints rentrent dans l’auberge où Buisson est déjà attablé. Le quatuor se fait passer pour des médecins allant à Rambouillet. Le policier ira donner un coup de téléphone, une urgence..., dans la cuisine et, en sortant, il ceinturera le bandit qui aura le temps de dégoupiller une grenade (Une grenade qui n’existe dans aucun récit). Buisson est enfin arrêté. Deux fois par semaine, Borniche le sortira de sa cellule de la Santé pour l’instruction judiciaire (Qui durera un an dans le film, trois dans la réalité). 36 meurtres et agressions depuis les années 30 sont attribués au gang de Buisson. Le bourreau André Obrecht fera son office en 1956.

Borniche (Delon)
Un film policier de bonne qualité avec une atmosphère et un décor qui nous ramènent dans le Paris d’après guerre. le scénario est très romancé et adapté du livre de Roger Borniche. Une belle distribution avec des   «gueules» du cinéma français comme Maurice BarrierPaul Crauchet, Mario David, Henri Guybet, Maurice BiraudAndré Pousse, Denis manuelentre autres. Dans une scène du commissariat un des suspects interrogé n’est autre qu’Aphonse Boudard

René la Canne
Jacques Deray sera totalement partie prenante dans la carrière des années 70-80 d'Alain Delon, neuf films à partir du mythique La piscine. Des gangsters, des tueurs, des flics, d'autres personnages, Borsalino avec Belmondo. Alain Delon qui tiendra aussi le rôle de Robert, dit «Le Dingue» dans le film «Le Gang» en 1977 retraçant l'épopée du gang des tractions avant et qui rappel beaucoup l'histoire de Pierrot le fou et encore tiré d'un livre de Roger Borniche.

Jean-Pierre Melville (3 films d'exception : Le Samouraï, Le Cercle rouge, Un flic) et Georges Lautner (Mort d'un pourri, les seins de glace - Clic) assureront aussi le mythe viril du personnage Delon... Toute une époque...

Le super flic arrêtera aussi René Girier dit René la Canne, un truand spécialisé dans les attaques à mains armée, les bijouteries et le cambriolage des appartements de luxe, mais à la différence d’Émile Buisson, il n’a jamais tué. Il est surtout célèbre pour ses 17 évasions en 8 ans et surtout celle de son transfert de la prison au Palais de Justice, il réussit à scier un trou dans le plancher du fourgon cellulaire. Une évasion que l’on verra dans le film «Le Clan  des Siciliens» en 1969. J’aurais pu aussi parler de Mesrine, de Pierre Loutrel dit Pierrot le Fou, mais cette chronique aurait été plus (Elle l’est déjà) judiciaire qu’une chronique d’un film.                                                                                                            


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