Goodbye June, voilà un drôle de patronyme pour un groupe de Rock. Difficile de le rattacher à une église ou à une sympathie, sinon celle éventuellement d'un rock-progressif. Voire d'un truc énième montage commercial "voguant dans l'air du temps". Alors qu'il n'y a rien de tout ça.
Certains ont pu le découvrir en première partie de la tournée européenne de leurs amis de Greta Von Fleet. Affiche opportune puisque ces deux groupes ont quelques points communs. A commencer par le tronc commun "Led Zeppelin" - dire qu'il est plus marqué chez Von Fleet est un euphémisme - héritage qui, devant la multitude croissante de prétendants, va être de plus en plus difficile à assumer. Le talent et la probité vont être les deux facteurs indispensables à la pérennité des formations.
Goodbye June cumule avec évidence ces deux attributs, avec en sus une originalité - autant que faire ce peut - qui fait souvent défaut à pas mal de combos qui ont tendance à compenser en forçant le trait. En fait, si l'on peut bien lui attribuer l'influence de Led Zeppelin, ça reste à son égard réducteur, tant les influences multiples se percutent en tout sens jusqu'à se regrouper pour créer une musique assez originale et mal définie. Où on peut autant déceler du southern-rock que de la pop, du Hard-blues que du folk-rock et du Rock alternatif . Notamment parce que la formation semble composer sans se soucier le moins du monde de se caler sur quelques socles éprouvés.
Mais pourquoi donc ce patronyme qui fait croire à une formation de Rock-progressif ou de Folk-rock ? En hommage au frère de Tyler Baker, décédé prématurément en juin de l'an 2005. Les deux autres musiciens, Landon Milbourn (chant) et Brandon Qualkenbush (guitare rythmique, choriste) sont également directement concernés par cette disparition puisqu'ils sont tous cousins.
De solides liens familiaux qui leur ont permis de tenir bon face à l'adversité.
Après un second album réussi, "Magic Valley", aux arômes marqués de Kings of Leon, Goodbye June refait enfin son retour chez les disquaires (du moins pour les vaillants qui demeurent debout) avec un nouvel album nettement plus poilu, plus Heavy, qui embrasse goulûment un chaleureux Rock aromatisé de saveurs Heavy, southern et alternatives. Mais pas seulement ...
Les premières secondes sont un traquenard nous faisant croire à une immersion dans le petit monde du Deep-Purple Mark II, avec ce son d'Hammond torturé, chouravé à la chanson "Demon's Eyes", qui entame les hostilités. Mais non... Ce n'est qu'un leurre, même si le solo, lui aussi, ose s'aventurer, ou plutôt met avec précaution la pointe d'un pied dans l'épineux terrain blackmorien.
La voix est trop hérissée pour garder des liens avec l'univers "Purple". Un timbre singulier, proche d'un diablotin espiègle et ricanant ; une fusion entre Geddy Lee [première décennie], Burke Shirley, Tom Kiefer et Josh Kizka. La première écoute peut être surprenante, voire réticente. A certaines oreilles, ça pourrait résonner comme des miaulements de chat mouillé.
"Universal Mega Love" confirme cette immersion dans le Heavy-rock d'obédience 70's, ici avec une inclinaison Zeppelienne où l'on remarque un gros travail du batteur en mode distributeur de mandales XXL. A 2 minutes passées, le trio nous envoie un direct - ou un riff, c'est selon - en pleine poire et nous met K.O. - ou nous fait grimper aux rideaux, c'est selon -. Milbourn joue avec les tonalités, alternant entre registre de lutin énervé, un second rocailleux et un dernier féminin et maniéré.
Mais le trio n'est pas une réunion de rustres se satisfaisant uniquement de décibels. Ainsi, l'étrange et mélancolique "Secrets In The Sunset" - récupéré de leur précédent Ep - évolue entre la ballade appuyée, malmenée ponctuellement par un riff carré, et un hard-blues un tantinet psychédélique et acide où pointe l'amertume. "Les Secrets sont au crépuscule, mais je suis fatigué d'attendre, parce que je regarde autour de moi les conneries continuant de pulvériser. Les secrets sont au crépuscule mais je suis trop aveugle pour les trouver ... Il n'y a pas de rayons sur moi, nous continuons à vivre dans l''ombre. Ils continuent à nous vendre un rêve"
"Be Yourself" est un folk-rock festif agrémenté d'ingrédients pop. Pas véritablement une ballade puisque le tempo est un poil élevé pour s'y référer, et le break, lui, s'ouvre carrément au Hard-blues. Une chanson qui aurait pu trouver sa place dans le "Led Zeppelin III", si l'on fait abstraction du carillon du refrain. D'ailleurs, à quelques occasions, Landon Milbourn n'a aucun complexe pour prendre quelques intonations à la Robert Plant. Par contre, "Lonely Beautiful People", qui suit, pourrait être la ballade de l'album, bien que le sujet soit nettement plus noir. Une chanson désabusée lestée en son milieu par une orchestration pompeuse.
Il y a dans certaines chansons comme une réminiscence d'un antique et révolu flower-power . Une sorte de saine naïveté, d'espoir encore tenace en l'Amour universel. Ce que semble bien retranscrire le poppy et ensoleillé "Joan & Dylan", irradiant d'une intense joie de vivre. Même si, parfois, derrière, le doute demeure.
"Mes mains tremblent de ce que ma bouche vient de comprendre ... et cela pourrait être une erreur"
Bien que différente, cette chanson semble avoir été inspirée par "Jaded" (d'Aerosmith, bien zûr)
Et pour finir avec ce qui s'apparente de près ou de loin aux ballades, le romantique "I Don't Mind" clôt admirablement le chapitre. Une jolie ballade acoustique, avec une brume de violons, devant beaucoup à Aerosmith et particulièrement à Steven Tyler.
Pour revenir aux morceaux durs, à base de heavy-rock (un poil rustique, avec une pointe de rock alternatif ou de southern-rock), on est séduit par "Live In The Now" qui, après une minute adagissimo de doux rock californien, s'abandonne à un vivifiant Rock 70's gorgé de Soul.
"Natural", qui génère une atmosphère menaçante - sans pour autant se prendre au sérieux - évoquant les Kinks en mode vénère, un poil punky, qui auraient invité Bon Scott à pousser la chansonnette. Le pré-final lâche les freins et se pare alors de couleurs et de rythme qui évoquent les débuts de Twisted Sister.
"Un jour je trouverai un moyen de te libérer. Un jour je trouverai le moyen de te faire plaisir... Tu me rends toujours nerveux mais ça en vaut le coup. Je suis naturel ... Elle me dit toujours la vérité, elle est factuelle. Elle rompt toujours le bail, c'est contractuel. Elle n'a actuellement pas de place pour le réel. Elle me tient bien en laisse, je suis tellement attachable"
Ou encore "Free Child", un heavy-rock - aux paroles hermétiques - perdu dans quelques volutes psychédéliques l'encadrant, qu'il chasse à coup de riffs, de la même manière que le faisait, bien qu'avec plus de mordant, un Aerosmith d'antan (celui de "Get Your Wings" et de "Toys in the Attic").
"Anywhere The Wind Blows" n'a rien à voir avec Dylan. Et alors ? Non, rien ... C'est juste pour faire avancer le schmilblick ... Un peu de southern nouvelle vague, un peu d'americana et de rock ricain fédérateur. Sympathique mais ne représentant pas le haut du panier, bien que ce soit l'objet du premier clip de l'album.
"... J'ai vendu mon âme pendant une minute, ici rasé mon visage et elle m'a coupé les cheveux. Maintenant je sais que je peux aller partout où le vent souffle"
Même s'ils aiment bien balancer de temps à autres quelques gros riffs enrobés de fuzz, plus rarement d'overdrive, les guitaristes Baker et Qualkenbush ne forcent pas sur la saturation, préférant gagner en force en jouant sur l'interaction de leur guitare, à l'unisson ou pas, à la manière des groupes de southern-rock des 70's. A l'ancienne, soit l'un affectionnant les Gibson (ES-335) et l'autre les Fender (Telecaster Custom et Thinline). Quelques fois en mélangeant des couleurs bien distinctes pour en créer une nouvelle.
Par contre, totalement perdu au milieu de ses réussites multicolores, "Switchblade Heart" demeure un mystère. Un accident de parcours. Un morceau de R&B pop, creux et convenu, pourtant co-écrit avec Jaren Johnston qui pourtant, au sein de ses Three Cadillacs, oeuvre pour une musique nettement plus rustique (lien ⇰ 2016 et 2013) - une mauvaise blague ? C'est trop bien ficelé pour en être une, ou même le fruit d'un pari ou d'une soirée bien arrosée. Alors ? Un sésame pour récolter les faveurs des programmateurs de radio. Loin d'être mauvais, c'est dans la veine de Phoenix, mais totalement déplacé dans l'ambiance générale de l'album.
Il se passe quelque chose avec la musique de Goodbye June. Ce groupe a suffisamment de mojo et de probité pour devenir la nouvelle sensation Rock. De ces formations, certes foncièrement rock, mais qui ne s'embarrassent pas vraiment du genre dans lequel elles opèrent, ni de convention ou autre. En fait, Goodbye June est un de ces groupes inclassables pouvant répondre aux affinités de différentes écoles et mouvements. En espérant qu'à l'avenir, il n'approfondisse pas le versant "Switchblade Heart" ...
Landon Milbourn : chant, guitare acoustique et claviers
Brandon Qualkenbush : Guitare, choeurs et basse
Tyler Baker : Lead guitare et choeurs
🎶♩🌌🌄
Hello! Ouais c'est pas mal du tout ça mon cher! "Anywhere the Wind" sonne effectivement très rock US genre Blackberry Smoke un peu énervé avec la voix de Marcus King . Par chance j'ai trouve le cd d'occase sur le net ! Donc merci qui......merci Bruno! JP.
RépondreSupprimerLe plaisir est pour moi l'ami.
SupprimerGoodbye June a fait la première partie d'une tournée de Blackberry Smoke ...
La voix et les intonations (surtout sur le 2ème titre, avec le pont) sont effectivement très Led Zep. D'où ma question : ces jeunes groupes, aussi talentueux soient-ils, ont-ils autre chose à proposer que de la redite ? Je sais bien que les riffs de Chuck Berry traversent le temps, et tant mieux, chacun se les accapare, c'est la tradition, mais écouterons-nous un jour un truc qui sonne nouveau à nos oreilles ? A moins que Berry et Led Zep aient définitivement gravé les tables de la loi ? J'ai, l’impression que oui, je dis tant mieux, et en même temps, dommage...
RépondreSupprimerNon, oui, en fait non, mais pas vraiment, encore que ... :-)
SupprimerEn fait si, il y a bien des trucs nouveaux, mais c'est nettement moins bons. Quand ça reste encore écoutable.
La musique a parfois été comparée aux mathématiques, et ses tables, ses formules et sa rigueur. Pareillement, elle se développe mais en s'appuyant sur des bases établies.
Il y a aussi les expériences de Masaru Emoto.
Comme quoi, peut-être que désormais l'accès à quelque chose de nouveau est un chas d'aiguille perdu dans une forêt primaire.
Sinon, sur l'ensemble de l'album, la référence de Led Zeppelin n'est pas particulièrement prégnante. Rien à voir avec un Greta Von Fleet ou un Kingdom Come.
SupprimerCependant, le groupe ne cache son admiration et le poids de la bande de Jimmy Page sur sa musique (de même que Creedence -vraiment ?-, Kings of Leon). Celle d'Aerosmith me semble aussi importante.
Mais, surtout, Goodbye June me semble essayer de se démarquer en travaillant pour proposer autre chose. Certes, qui ne sort pas pour autant de certaines frontières.