Nous
avons déjà évoqué Michael Cimino avec LE CANARDEUR (1974, premier film) et LA
PORTE DU PARADIS (1980), sans doute son chef d’œuvre,
incompris et mutilé par les producteurs, qui ont mis fin à une trajectoire jusqu'ici sans faute. Bon, faut dire que Cimino avait à lui seul vidé les caisses de United
Artists, qui a déposé le bilan ! Jamais Cimino ne retrouvera sa liberté d’artiste,
il paiera pour l’ensemble des metteurs en scène dits du Nouvel Hollywood (de
Palma, Coppola, Hooper) qui avaient cru pouvoir s’affranchir des normes commerciales
dictées par les Studios. Après plusieurs projets avortés, il revient cinq ans
plus tard, ultime sursaut avant une série de métrages
nettement moins emballants.
Si HEAT de Michael Mann est sans doute le grand polar des 90's, L’ANNÉE DU DRAGON est celui des 80's. (POLICE FÉDÉRAL LOS ANGELES de Friedkin tient la corde...)
Si HEAT de Michael Mann est sans doute le grand polar des 90's, L’ANNÉE DU DRAGON est celui des 80's. (POLICE FÉDÉRAL LOS ANGELES de Friedkin tient la corde...)
On
a dit du CANARDEUR qu’il était homophobe, de VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER qu'il était nationaliste, de LA PORTE DU PARADIS qu’il était
communiste et négationniste, on dira de L’ANNEE DU DRAGON qu’il est raciste. Le
pauvre Cimino est passé de sale coco à sale facho en deux films ! C’est
sûr que le personnage de Stanley White (donc : Stanley Blanc) à la réplique et la
dent dure envers la communauté chinoise. Il est vétéran et flic à Chinatown et pour lui
tout ce qui a les yeux bridés s’apparentent aux Niakoués qu’il avait combattus au
Vietman. Lecture simpliste,
quand on veut se donner la peine de vraiment regarder le film, ce que le public
américain n’a visiblement pas fait. Nommé aux Razzie Awards comme plus mauvais
scénar, film et réalisateur ! Bingo ! Chez nous, il a eu le César
pour le meilleur film étranger de l’année.

Sa
principale cible est Joey Tai (joué par John Lone qu’on reverra dans LE DERNIER
EMPEREUR de Bertolucci), jeune caïd arriviste, qui ne supporte plus la vieille
garde des mafieux, qui se la joue, se la pète, oubliant que dans ce genre d’affaires,
la dope, il vaut mieux se faire discret. Joey Tai pêche par orgueil, sûr de son
pouvoir, n’imaginant pas qu’un flic newyorkais puisse s’affranchir de la loi
pour le combattre. Avec Stanley White, il est mal tombé. Pourtant, Tai et White
vont discuter, et annoncer une trêve dans la guerre des gangs, après un règlement
de compte particulièrement sanglant. Une scène de fusillade dans un restau,
hallucinante, une des plus spectaculaires vues sur un écran.

Raciste,
Stanley White ? Émigrant polonais lui-même, il est le premier à se traiter
de « sale polack ». Une constance dans le cinéma de Cimino. De quoi l’Amérique
est faite. D’émigrés, de cultures diverses, de peuples arrivés de partout,
irlandais, italiens, russes, chinois… Quand Herbert Kwong, indic infiltré dans
les triades, en a marre d’entendre ses diatribes sur les races, il lui lâche à
la gueule que « la Chine c’est 5000 ans d’Histoire, de culture, de philosophie, d’inventions
techniques », au contraire des Etats Unis. Mais Stanley White lui-même s’emporte
quand l’Histoire américaine oublie pudiquement que le chemin de fer a été
construit par les chinois, au prix de milliers de morts. Ou le voir ému aux
larmes quand Kwong paie le prix fort de son infiltration.

L’ANNÉE DU DRAGON est aussi une formidable plongée dans New York, Chinatown et ses
ruelles, ses trafics, bouges clandestins, mais aussi Brooklyn, l’appartement de
Tracy Tzu donne sur un panorama de rêve, la skyline, et Cimino filme des images
formidables de la ville, comme les tours du World Trade Center dans l’alignement
d’une avenue, ou le Chrysler building (photo ci contre). C’est aussi un polar tendu, une enquête difficile, violente,
Cimino démontre quel immense metteur en scène il est, dans les scènes intimes (White
avec sa femme, son ami Louis Bukowski) comme dans les scènes d’actions.
Lorsque White poursuit Joey Tai dans son restaurant, lui massacre la gueule,
puis pris pour cible par deux tueuses, poursuite et coups de pétards en pleine
rue. Admirable.
La
dernière séquence dans le port est particulièrement réussie, ultime face à
face, toi et moi, yeux dans les yeux et flingue en pogne, alors que Stanley
White s’est fait retirer son badge de flic depuis un bon moment par une
hiérarchie ulcérée de ses écarts de conduite, et de langage. White est un flic
entier, intègre, violent, mais c’est un homme dans toutes ses contradictions.
Mickey Rourke lui prête sa prestance, son charme venimeux, son insolence. Il
est parfait, comme l’ensemble de la distribution.
L’ANNÉE DU DRAGON n’a sans doute pas la beauté dramatique de VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER
(1978) ni l’intensité lyrique de LA PORTE DE PARADIS, mais c’est un film dense,
superbement réalisé, ambitieux visuellement, très loin des polars lambda des 80’s (mais parfois
divertissants) qui misaient beaucoup sur la frime et le clinquant. Certes, on
aurait pu se passer du happy end sentimental, mais on aura compris que Michael
Cimino avait intérêt à faire profil bas s’il voulait un jour retoucher une
caméra.
Liens vers les articles : Michael Cimino RIP , LE CANARDEUR et LA PORTE DU PARADIS
Liens vers les articles : Michael Cimino RIP , LE CANARDEUR et LA PORTE DU PARADIS
couleur - 2h15 - format scope
Tout d’abord, en effet, y'a bataille quant au meilleur polar avec To Live and Die in L.A. J'en profite pour fustiger (je suis poli, non?) Amazon qui a sucré tous mes com' dont Police Fédérale L A, même pas de copie, du vent, s'en batte les coui...
RépondreSupprimerBon c'est pas tout, l'année du Dragon, c'est un monument!
Parce que Cimino, évidemment, qui resserre l'histoire, pas comme dans La porte du Paradis. Il s'étonnait se vautrer avec 3 ou 4 plombes à dézinguer ses compatriotes? Les gens ils finissaient leur pop corn et leur coca à même pas la moitié du film, ben après ils se cassaient...
Parce que Mickey Rourke, son meilleur rôle comme tu dis, pas difficile, à part Barfly, Rusty James ou Sin City, il a fait que des merdes.
On peut trouver des similitudes entre Joey Tai dans le film et Koji Sato dans Black Rain de Ridley Scott quant au mépris des traditions. Et Michael Douglas n'est pas en reste question racisme latent...
Grand film, ouais, bravo!
Ah oui, Black Rain, je l'avais zappé celui-ci, c'est pas mal dans mon souvenir...
RépondreSupprimerQuel film ! A l'époque, pour beaucoup, ce fut une claque (modèle XXL)
RépondreSupprimerIl a relancé le genre, et il y eut un avant et un après "L'Année du Dragon".
(ouaip, effectivement, quelques similitudes avec Dirty Harry)