- Ah ah
M'sieur Claude, retour de Vaughan Williams et de l'un de ses concertos… Encore une
peinture des petits moutons du Kent ? hi hi
- Oui Sonia,
bien vu ! Après des œuvres puissantes surtout de type symphonique en janvier,
un joli divertissement bucolique dont le compositeur anglais a le secret.
- C'est un
enregistrement récent ? Qui sont les artistes ?
- Non, des
rééditions d'un vinyle DG des années 70 réalisé par Daniel Barenboïm avec
lequel j'ai découvert divers concertos de Vaughan Williams. Au hautbois : Neil
Black.
- Hormis le
hautbois, je n'entends que des cordes dans l'orchestre…
- Vaughan
Williams songe à l'évidence aux temps anciens du concerto grosso baroque. Donc
oui Sonia, juste un accompagnement de cordes seules, une grande légèreté…
Neil Black en Masterclass |
Je ne désarme pas et continue d'explorer un univers
musical d'une grande variété de styles. La biographie la plus complète des
chroniques précédentes est à lire dans celle dédiée à la 3ème symphonie
"pastorale".
Pastorale ? Bucolique de par la succession de mouvements plutôt sereins ? Pas
évident, l'amertume de Ralph Vaughan
Williams qui a vécu l'enfer des tranchées en France laisse
poindre son inquiétude sur l'avenir de l'humanité au milieu de l'évocation des campagnes
verdoyantes. Une œuvre dans laquelle lesdites campagnes sont à voir comme des
refuges face à la barbarie. Avec sa 4ème symphonie brutale et
féroce datant des années 30, l'homme s'interroge à juste titre si une nouvelle apocalypse
se dessine dans cet entredeux guerres troublé par la montée des nationalismes
belliqueux. Nous sommes en 1934, Hitler obtiendra les pleins pouvoirs. Vaughan Williams
est un visionnaire. (Index)
Un homme inquiet mais un anglais doté d'un humour bon-enfant et un adepte de la féérie, deux traits de caractères que l'on retrouve à
la fois dans ses opéras fantasques comme The Poison Kiss et justement ses
concertos. Nous avons écouté cet été un pittoresque et poilant concerto pour
tuba où l'instrument semble jouer les Falstaff de l'orchestre (Clic).
Humour mais aussi poésie comme The Lark ascending
pour violon et orchestre (l'envol de l'alouette), plus un poème symphonique de
forme rapsodique qu'un concerto au sens premier du terme. Nouveau type
d'inspiration avec le concerto pour hautbois qui comme je
le disais plus haut renoue avec l'élégance des concertos grosso de l'époque baroque
et classique.
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Paysage anglais - Thomas J. Watson (1847-1912) |
Le concerto pour hautbois date de la même époque. Il
conjugue un désir évident de divertir mais aussi d'offrir à cet instrument une œuvre
de virtuosité un peu folle dans un répertoire un peu maigre car délaissé
pendant la période romantique. À ce sujet, rappelons que Vaughan
Williams reste un héritier de la musique
tonale et ne s'est jamais tourné même à la fin de sa longue vie (1872-1958) vers les expériences
sérielles de l'école de Vienne. Richard Strauss,
autre postromantique de sa génération écrira lui aussi un charmant concerto pour
hautbois et petit orchestre en 1945 pour un soliste américain. En
février, les américains sont déjà en Bavière… (Une idée sympa pour les brèves
de l'été.)
Le concerto est composé à l'intention du hautboïste parmi
les plus talentueux de son temps : Léon Goossens
(1897-1988). Ce virtuose sera choisi
par Sir Thomas Beecham comme soliste lors de
la création du futur Philharmonique de Londres.
Un vrai jeu des sept familles les Goossens
! Le père Eugène Goossens, violoniste
et chef s'orchestre toujours présent grâce aux disques. Le frangin Eugene
Aynsley Goossens, compositeur et, comme
papa maestro et enfin la frangine Sidonie Goossens
qui, comme il se doit dans une famille chic british, était harpiste de son état 😃. Le virtuose créera 16
ouvrages originaux pour son instrument écrits de la plume de compositeurs anglais
comme Malcolm Arnold, Edward Elgar ou Benjamin Britten. L'Angleterre, la patrie
du hautbois…
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Ralph Vaughan Williams vers 1940 |
Neil Black (1932-2016)
fut une légende du hautbois du XXème siècle. En dehors de sa carrière de
soliste, il sera le premier hautbois d'orchestres anglais prestigieux : Le philharmonique de Londres, L'English chamber orchestra, l'Academy of St Martin in the Fields et the London Mozart Players. Un rôle important,
égal à celui du premier violon. C'est le hautbois qui donne le la quand
l'orchestre s'accorde. Une question du chien Snoopy entre deux petites siestes sur sa niche : "Mais pourquoi
les premiers hautbois sont mieux payés que les autres musiciens".
Je n'ai pas la réponse😁.
Quant à Daniel Barenboïm,
on ne présente plus le pianiste et chef, grand habitué de l'English chamber orchestra (il le
conduisait du clavier lors de sa première intégrale des concertos pour piano de
Mozart). Ce disque original des années 70 réunissant des concertos était
un bel hommage aux œuvres concertantes au compositeur anglais ; la discographie de ce répertoire
concertant parvenait enfin à séduire le grand label DG de Hambourg à l'étiquette jaune. Notons néanmoins que le vinyle n'existait
que dans l'édition germanique… (Clic)
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Le concerto fait de l'œil à l'époque baroque et
classique, et comporte trois mouvements aux titres pittoresques et aux
indications de tempo très précises. Il se termine de manière insolite par un
scherzo ! (Partition)
1 - Rondo Pastorale (Allegro moderato) : Pastoral
; le mot est fort bien choisi. Une mesure en tutti des cordes à l'unisson et déjà
le hautbois chante son premier thème léger et bucolique. La tonalité
d'introduction est la mineur, la plus adaptée pour évoquer un soleil un peu
brumeux, les ombres sur les champs, le chant des oiseaux, une tonalité
naturellement intimiste. Dans l'histoire des arts, on pourrait rapprocher le
style de Ralph Vaughan Williams dans ces œuvres pour petits orchestres des couleurs du pastel ou des aquarelles d'un
Turner… La forme est très libre. En
témoigne une cadence dès la 10ème mesure. Un solo du hautbois excentrique,
une kyrielle de doubles croches [0:36]. Une thématique guillerette et
virtuose, le hautbois agreste de Neil Black
n'étant soutenu que par un alto et un violoncelle. Quiétude et réjouissance sont
les clés du mouvement. [2:08] Une nouvelle
section très lyrique avec un thème plus scandé intervient pour animer la
mélodie. Le dialogue du développement entremêle les deux grands thèmes
conducteurs.
Le compositeur se fait paysagiste, comme souvent. Une
mélopée simple, sans métaphysique, une étonnante poésie se dégage du flot
musical. La coda achève cette promenade tout en douceur.
2 - Minuet
and Musette (Allegro moderato) : [7:05] le second mouvement
n'est pas lent, Vaughan Williams se fiche
des obligations dans l'écriture d'un concerto, fusse-t-elle inspirée comme ici des
temps anciens. Un menuet de cours mené allégrement par le hautbois.
Par musette, il faut comprendre une forme de bignou en usage au moyen-Âge,
d'où ces tenues de notes longues dans le grave du hautbois qui joue le rôle du
bourdon.
3 - Scherzo (Presto - Doppio più lento - Lento -
Presto) : [9:54] En un mot, le final se révèle rieur, on pouvait s'en
douter, et même un tantinet farfelu. Les ruptures de rythme et l'inventivité
thématique sont constantes. Laissons-nous entraîner par cette vivacité teintée
par moment de quelques traits nostalgiques. À écouter avec le cœur…
Il existe de nombreux enregistrements, bien entendu dans des programmes d'albums divers consacrés soit au talent d'un hautboïste soit au compositeur. (Je pense à l'intégrale de la musique concertante en 2 CD par Bryden Thomson éditée chez Chandos.)
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