- Heu, M'sieur Claude… Un concerto pour Tuba ? C'est
un gag ? De l'humour anglais ?
- En quelque sorte Sonia…
Vaughan Williams a composé des œuvres graves comme sa symphonie
"Pastorale" déjà commentée, mais aussi des petites fantaisies…
- Ce n'est pas plutôt un
instrument de fanfare ou d'orchestre qui se limite à faire Boooom Brrooom, etc…
- C'est vrai que la
tessiture limitée et le côté bedonnant de l'énorme cuivre le réserve à des
effets de ce type, mais comme toujours, quand c'est écrit pour un virtuose…
- Bon, au fait je ne fais
que passer entre deux séances de bronzage… Laver mon linge, faire provision de
Bergasol, et puis je me suis choper un ténia, alors…
- Oui, oui, mon petit, pas
de détail, franchement on s'en fout, allez vaquer à vos occupations… Au blog,
les rédacteurs, nous, on bosse !!!
Il
est vrai que la composition d'un concerto pour tuba peut surprendre : un
instrument à la voix de prophète, diablement encombrant et avec lequel jouer
des arpèges ne semble pas d'une première évidence. C'est mésestimer le génie
(qui commence à être timidement reconnu en France), l'imagination féconde et le
sens de l'humour british de Vaughan-Williams,
sans doute l'un des compositeurs les plus passionnants du XXème
siècle chez la perfide Albion.
Quatre
œuvres ont déjà été sujets de commentaires dans le blog : les symphonies 3 et
4, des sommets du genre, la poétique Fantaisie sur un thème de Tallis
qui illustre nombre de films comme Master et
commandeur et une œuvre concertante et charmante : The Lark
Ascending,
pour violon et orchestre (L’envol de l'alouette). Si j'énumère les artistes qui interprétaient ce répertoire,
nous trouvons : Leopold Stokowski, Bernard Haitink, Dimitri
Mitropoulos, la jeune violoniste Julia
Fischer. En un mot le gratin des maestros et virtuoses. Donc,
non, Vaughan Williams n'est pas un petit maître
déniché par des artistes peu connus en mal d'innovations, gravant des CD pour des
labels ne voulant pas concurrencer les majors en surchargeant le grand
répertoire classique.
On
trouvera une biographie du compositeur anglais dans la chronique consacrée à sa
3ème symphonie (Clic).
La
musique concertante de Vaughan-Williams
est atypique. Pas de grands concertos de 40 minutes, mais au contraire, des œuvres
concises, poétiques et parfois cocasses comme ce concerto pour Tuba. J'avais
découvert "aux puces" quatre de ces concertos dans les années 70 grâce à Daniel Barenboïm qui en avait enregistré
quatre pour DG, dont celui de ce
jour. Je ne suis pas certain que le LP ait été largement diffusé en France (un
pressage allemand).
Le
coffret dont la jaquette orne ce papier comporte sur deux CD l'intégralité de
ces concertos. On le doit à la firme anglaise Chandos et à l'orchestre symphonique de Londres dirigé par Bryden Thomson. Ce grand chef disparu il y
a quelques années a déjà fait la une du blog avec la 3ème symphonie
de Martinu (Clic). Il est bien entendu
accompagné pour chaque ouvrage de solistes de premier plan.
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Si
dans une inénarrable BD, Fantasio a
des inquiétudes sur les talents de tubiste de Gaston, aucun doute en ce qui concerne Patrick
Harrild qui occupa le pupitre de tuba pendant 30 ans dans
l'orchestre Symphonique de Londres, une phalange d'exception comme tous les
mélomanes le savent. Il joue ici du tuba basse, l'instrument étant décliné dans
diverses tailles et tessitures.
Je
vais vous surprendre, mais la discographie de ce concerto est abondante. Il est
vrai que pour cet instrument le répertoire est pauvre et que les tubistes n'ont
guère l'occasion de sortir du rang de l'orchestre. Il y a bien entendu quelques
solos vertigineux dans les musiques récentes (7ème symphonie
de Prokofiev), mais cela reste très marginal. John Williams, le complice de Spielberg en a également composé un. C'est le nom qui veut ça ?
Vaughan-Williams a composé ce concerto en 1954. Il est
dédié à Philip Catelinet qui
occupait à l'époque le même poste que Patrick Harrild.
Il comporte de manière très classique trois mouvements. On s'accordera à
reconnaître un goût prononcé pour l'excentricité dans sa forme. Le compositeur
a exploité au maximum et de manière facétieuse le style
"pachydermique" de ce bel instrument. Pour éviter d'appauvrir le
discours de par les limites musicales du "monstre", la durée de l'œuvre
est d'une douzaine de minutes. Ceux qui ont essayé de souffler dans un tuba ou
même un trombone comprendront la difficulté technique et l'énergie mises en
jeux dans la partition…
La
forme est celle traditionnelle d'un concerto en trois mouvements. L'orchestration
retrouve un effectif léger et de style mi classique mi romantique : 1 picolo, 2
flûtes, 1 hautbois, 2 clarinettes, 1 basson, 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones,
timbales, triangle, caisse claire, grosse claires, cymbales et les cordes.
1 – Prelude : Allegro moderato : un roulement
de caisse claire et quelques notes de trompettes. Une ambiance de musique
dominicale dans un kiosque pour annoncer l'entrée du tuba… Vaughan-Williams
pense-t-il à Falstaff en opposant deux motifs pour l'instrument replet
: une petite marche guillerette et sautillante, un soupçon ironique, et une
seconde idée qui suggère les dandinements du personnage débonnaire et bedonnant. Rythmé,
vivant, presque chambriste… [2:33] Petit passage effervescent de l'orchestre avant
[2:59] une cadence du tuba bougrement virtuose avec des intervalles diaboliques
et une excursion dans les aigus, timbres d'accès difficile sur un tuba basse. Patrick Harrild
apporte une fluidité sans vibrato grassouillet à son jeu. Bravo, charmeur et drôle !
2 – Romanza : Andante sostenuto : [4:35] ceux
qui connaissent Vaughan-Williams ne seront
pas surpris d'écouter cette romance d'esprit pastoral. Le compositeur a souvent
mis en avant ces mélodies radieuses qui peignent à leur manière la campagne
verdoyante du Kent. Le compositeur des petits moutons dirait Maggy Toon. Plus
de rivalité résolument concertante comme dans l'allegro, nous écoutons ici un dialogue champêtre
entre le soliste et un orchestre dans lequel dominent les phrases venteuses des cordes.
3 - Finale - Rondo alla tedesca : Allegro : [9:55] Non,
aucun excès vindicatif dans cette œuvre. Un rondo qui se réclame d'une
Allemande, une danse de l'ancien temps qu'affectionnait Bach.
Le tuba se fait farceur, les variations incessantes de tempo apportent un petit
grain de folie so british.
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Un ténia... Mon dieu, il a osé... (LB)
RépondreSupprimerAu deblocnot, on ose tout, "d'ailleurs c'est à cela que l'on nous reconnait" (Audiard)
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