samedi 4 août 2018

Ralph VAUGHAN-WILLIAMS – Concerto pour Tuba – P. HARRILD & B. THOMSON – par Claude Toon



- Heu,  M'sieur Claude… Un concerto pour Tuba ? C'est un gag ? De l'humour anglais ?
- En quelque sorte Sonia… Vaughan Williams a composé des œuvres graves comme sa symphonie "Pastorale" déjà commentée, mais aussi des petites fantaisies…
- Ce n'est pas plutôt un instrument de fanfare ou d'orchestre qui se limite à faire Boooom Brrooom, etc…
- C'est vrai que la tessiture limitée et le côté bedonnant de l'énorme cuivre le réserve à des effets de ce type, mais comme toujours, quand c'est écrit pour un virtuose…
- Bon, au fait je ne fais que passer entre deux séances de bronzage… Laver mon linge, faire provision de Bergasol, et puis je me suis choper un ténia, alors…
- Oui, oui, mon petit, pas de détail, franchement on s'en fout, allez vaquer à vos occupations… Au blog, les rédacteurs, nous, on bosse !!!

Patrick Harrild
Sacrée Sonia ! Ne changera jamais, toujours à coté de la plaque.
Il est vrai que la composition d'un concerto pour tuba peut surprendre : un instrument à la voix de prophète, diablement encombrant et avec lequel jouer des arpèges ne semble pas d'une première évidence. C'est mésestimer le génie (qui commence à être timidement reconnu en France), l'imagination féconde et le sens de l'humour british de Vaughan-Williams, sans doute l'un des compositeurs les plus passionnants du XXème siècle chez la perfide Albion.
Quatre œuvres ont déjà été sujets de commentaires dans le blog : les symphonies 3 et 4, des sommets du genre, la poétique Fantaisie sur un thème de Tallis qui illustre nombre de films comme Master et commandeur et une œuvre concertante et charmante : The Lark Ascending, pour violon et orchestre (L’envol de l'alouette). Si j'énumère les artistes qui interprétaient ce répertoire, nous trouvons : Leopold Stokowski, Bernard Haitink, Dimitri Mitropoulos, la jeune violoniste Julia Fischer. En un mot le gratin des maestros et virtuoses. Donc, non, Vaughan Williams n'est pas un petit maître déniché par des artistes peu connus en mal d'innovations, gravant des CD pour des labels ne voulant pas concurrencer les majors en surchargeant le grand répertoire classique.
On trouvera une biographie du compositeur anglais dans la chronique consacrée à sa 3ème symphonie (Clic).

La musique concertante de Vaughan-Williams est atypique. Pas de grands concertos de 40 minutes, mais au contraire, des œuvres concises, poétiques et parfois cocasses comme ce concerto pour Tuba. J'avais découvert "aux puces" quatre de ces concertos dans les années 70 grâce à Daniel Barenboïm qui en avait enregistré quatre pour DG, dont celui de ce jour. Je ne suis pas certain que le LP ait été largement diffusé en France (un pressage allemand).
Le coffret dont la jaquette orne ce papier comporte sur deux CD l'intégralité de ces concertos. On le doit à la firme anglaise Chandos et à l'orchestre symphonique de Londres dirigé par Bryden Thomson. Ce grand chef disparu il y a quelques années a déjà fait la une du blog avec la 3ème symphonie de Martinu (Clic). Il est bien entendu accompagné pour chaque ouvrage de solistes de premier plan.
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Si dans une inénarrable BD, Fantasio a des inquiétudes sur les talents de tubiste de Gaston, aucun doute en ce qui concerne Patrick Harrild qui occupa le pupitre de tuba pendant 30 ans dans l'orchestre Symphonique de Londres, une phalange d'exception comme tous les mélomanes le savent. Il joue ici du tuba basse, l'instrument étant décliné dans diverses tailles et tessitures.
Je vais vous surprendre, mais la discographie de ce concerto est abondante. Il est vrai que pour cet instrument le répertoire est pauvre et que les tubistes n'ont guère l'occasion de sortir du rang de l'orchestre. Il y a bien entendu quelques solos vertigineux dans les musiques récentes (7ème symphonie de Prokofiev), mais cela reste très marginal. John Williams, le complice de Spielberg en a également composé un. C'est le nom qui veut ça ?  
Vaughan-Williams a composé ce concerto en 1954. Il est dédié à Philip Catelinet qui occupait à l'époque le même poste que Patrick Harrild. Il comporte de manière très classique trois mouvements. On s'accordera à reconnaître un goût prononcé pour l'excentricité dans sa forme. Le compositeur a exploité au maximum et de manière facétieuse le style "pachydermique" de ce bel instrument. Pour éviter d'appauvrir le discours de par les limites musicales du "monstre", la durée de l'œuvre est d'une douzaine de minutes. Ceux qui ont essayé de souffler dans un tuba ou même un trombone comprendront la difficulté technique et l'énergie mises en jeux dans la partition…

La forme est celle traditionnelle d'un concerto en trois mouvements. L'orchestration retrouve un effectif léger et de style mi classique mi romantique : 1 picolo, 2 flûtes, 1 hautbois, 2 clarinettes, 1 basson, 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones, timbales, triangle, caisse claire, grosse claires, cymbales et les cordes.
1 – Prelude : Allegro moderato : un roulement de caisse claire et quelques notes de trompettes. Une ambiance de musique dominicale dans un kiosque pour annoncer l'entrée du tuba… Vaughan-Williams pense-t-il à Falstaff en opposant deux motifs pour l'instrument replet : une petite marche guillerette et sautillante, un soupçon ironique, et une seconde idée qui suggère les dandinements du personnage débonnaire et bedonnant. Rythmé, vivant, presque chambriste… [2:33] Petit passage effervescent de l'orchestre avant [2:59] une cadence du tuba bougrement virtuose avec des intervalles diaboliques et une excursion dans les aigus, timbres d'accès difficile sur un tuba basse. Patrick Harrild apporte une fluidité sans vibrato grassouillet à son jeu. Bravo, charmeur et drôle !
2 – Romanza : Andante sostenuto : [4:35] ceux qui connaissent Vaughan-Williams ne seront pas surpris d'écouter cette romance d'esprit pastoral. Le compositeur a souvent mis en avant ces mélodies radieuses qui peignent à leur manière la campagne verdoyante du Kent. Le compositeur des petits moutons dirait Maggy Toon. Plus de rivalité résolument concertante comme dans l'allegro, nous écoutons ici un dialogue champêtre entre le soliste et un orchestre dans lequel dominent les phrases venteuses des cordes.
3 - Finale - Rondo alla tedesca : Allegro : [9:55] Non, aucun excès vindicatif dans cette œuvre. Un rondo qui se réclame d'une Allemande, une danse de l'ancien temps qu'affectionnait Bach. Le tuba se fait farceur, les variations incessantes de tempo apportent un petit grain de folie so british.
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2 commentaires:

  1. Un ténia... Mon dieu, il a osé... (LB)

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    1. Au deblocnot, on ose tout, "d'ailleurs c'est à cela que l'on nous reconnait" (Audiard)
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