Mais c'est quoi ce truc ? Un
polar, un film fantastique, un conte scandinave ? D’abord on fait la
connaissance de Tina, et son faciès néandertalien. Pas commode. Tina est
douanière, elle renifle les bagages suspects. Elle a du flair,
un odorat tellement développé qu’elle détecte aussi la culpabilité. Au début du
film, elle repère un passager qui passe à la fouille, mais le sac est
clean. Rien dedans. Tina frétille des narines… « ça pue la honte et le sexe… donnez-moi
votre téléphone ». Elle le renifle, en sort une carte HD. Sur cette
carte, sont enregistrés des films pédopornographiques…
Sa
hiérarchie lui propose de travailler sur cette enquête,
découvrir et démanteler ce réseau pédophile, grâce à son don, celui de sentir
la honte, la gène, la culpabilité, le mensonge. Voilà pour l’aspect polar, des perquisitions, des
interrogatoires, la présence de Tina étant un précieux atout : « vous avez peur, vous protégez quelqu’un…
son nom ? ».
Mais
qui est Tina ? Quand elle ne bosse pas, elle visite son père, aime se promener
dans les bois, marcher nu pieds pour sentir la terre, les feuilles, la mousse. Une
sensibilité à la flore, à la faune que transmet très bien la caméra d'Ali Abbasi. Un film très minéral. Tina a une
relation particulière aux animaux, elle semble communiquer avec eux (scène du
renard, du cerf). Est-elle humaine mais difforme ? Malade ? Elle est bien intégrée, vit en couple, ses collègues la respectent. Les questions qu’on se
pose, et que Tina se pose, trouveront
une réponse grâce à un nouveau personnage : Vore. Même faciès (même don ?) il débarque à l’aéroport, passe
la douane, se fait renifler… Rien de répréhensible, de suspect, si ce n’est que cet homme s’avère
être de sexe féminin. Elle-même ne sait pas trop où se situer sur ce plan. Ils
sont semblables, ils s’attirent mutuellement.
Ils
vont s’aimer, une succession de très jolies scènes, jusqu’à un accouplement intense et bestial que
n’aurait pas renié David Cronenberg, entre monstruosité et passion folle. Tina va en apprendre plus sur elle, ses origines. Elle est une Troll. Mais faut-il croire Vore sur parole ? Un peu malsain, le gars... Il est plutôt dans
le camp des radicaux. Les Trolls entre eux, les humains à part. Il parait qu’il existe une
communauté, plus loin, au nord. Et ce sont eux qui prennent contact, pour
accueillir de nouveaux membres. Vore aimerait bien les rejoindre. Il est aussi
partisan d’actions violentes envers ces humains qui les ont fait souffrir. C’est
ce qu’il raconte…
Tina,
elle, est bien avec les humains, elle n’a jamais eu à s’en plaindre. Et puis
elle est flic, elle a la conscience du devoir, de mener son enquête, débusquer
les coupables. Elle est allergique à la violence, la méchanceté, la souffrance.
Vore, lui, ma foi, si les humains peuvent s’entretuer… Et si les plus pervers d’entre
eux, les plus monstrueux, ont besoin d’un petit coup de pouce pour assouvir leur
déviance et leur soif de brutalité, pourquoi pas, hein ?
Tina
va apprendre de Vore. Elle doute. Elle va quand même demander des explications
à son père. Pourquoi est-elle différente ? Et puis elle va se séparer de
son petit ami. Enfin… un gars, glandeur buveur de bière avec qui elle partage
sa maison, histoire d’être moins seule. Donnant donnant. Parfois il essaie de
lui en mettre un p’tit coup. Chacun vit dans la
connaissance des différences de l’autre. On se tolère. Le mec est plutôt
attachant, pas malin, mais pas méchant. Signe aussi que Tina évolue, cette
manière de faire taire les chiens de son compagnon, des rottweilers pas
franchement pacifiques, dont elle va claquer la gueule histoire de montrer qui
c’est le chef.
BORDER
est à la fois un film onirique, lorsque le couple s’ébat dans la forêt, la
rivière, aux frontières du fantastique, qui déborde vers l’épouvante aussi. Cette
scène d’accouchement en forêt, le contenu du mystérieux carton, caché dans un
frigo dont la porte a été scotchée. Tiens, ça me rappelle aussi le film L’INVASION
DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES ( clic vers l'article ). Ce que ne dit pas la bande annonce, c’est
que BORDER n’est pas qu’une histoire
d’amour en marge des conventions, avec des bizarreries pittoresques. C’est un
film dur. On y parle d’enfance maltraitée. Aucune image, pas besoin, juste quelques
plans (ce lit de bébé à barreaux), quelques sons (issus d’une caméra) et des
répliques glaçantes comme « moi je n’ai rien fait de mal, je ne faisais
que filmer ».
A
réserver à un public pas trop sensible (et certainement pas familial !),
adepte d’étrangeté, d’originalité. Beaucoup de thèmes foisonnent, c’est un film
qui remue, suscite les réactions, tant mieux.
couleurs - 1h50 - format scope 1:2.35
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