C’est
ce qu’on appelle un classique. Ce film a d’ailleurs fait l’objet de trois
remake, par Philip Kaufman en 1978, Abel Ferrara en
1993, et Oliver Hirschbiegel en 2007 avec Daniel Craig. Mais là on cause de la
première version, celle de Don Siegel. Un réalisateur que j’adore, connu pour
ses collaborations avec Clint Eastwood, L’INSPECTEUR HARRY c’est lui, comme LES
PROIES, L’EVADE D’ALCATRAZ, SIERRA TORRIDE, mais aussi A BOUT PORTANT (remake
de LES TUEURS de Siodmak), TUEZ CHARLEY VARRICK (superbe !) ou LE DERNIER DES GEANTS,
ultime film de John Wayne. Bref un pro, un vrai, sans chichi, de l’efficacité à chaque
recoin d’image.
serre, serre, ouvre-moi ! |
Le
film est un long flash-back, mais moi, j'vais remettre tout ça à plat. C’était
d’ailleurs le vœu de Siegel, on y reviendra… L’histoire est celle du docteur
Miles Bennell, de Santa Mira en Californie, à qui des proches relatent des comportements étranges parmi la population. Les gens sont comme devenus aseptisés, trop avenants, neutres, sans aspérités. D’autres se plaignent que leur
entourage a changé. Un gamin ne reconnait plus sa mère... Bref (ma bonne dame) les gens ne sont
décidément plus ce qu’ils étaient ! Avec son ami et confrère Dany Kaufman, Bennell va
découvrir d’étranges cosses géantes, qui à maturité font naître des êtres
humains, des répliques, des clones d'habitants. Bon sang, mais y's passe quoi à Santa Mira ?
Depuis
qu’Orson Welles avait mis en onde l’adaptation radiophonique de LA GUERRE DES
MONDES (1938) c’est toute une flopée de films fantastico-parano qui sont apparus sur
les écrans dans les années 50, à l’instar de LA CHOSE d’Howard Hawks (remake de Carpenter), LE JOUR
OU LA TERRE S’ARRETA de Robert Wise, LE VILLAGE DES DAMNES de Wolf Rilla (remake bis de Carpenter). L’Amérique
est en pleine chasse aux sorcières, le maccarthysme** est censé éradiquer la menace
communiste. Ajoutés à cela les développements de l'arme nucléaire et les essais secrets, la Zone 51, Roswell, les p'tits GI's qu'on envoie en Corée, la jeunesse en proie au démon Elvis le Pelvis... C'en est trop ! Comme
aurait dit Roger Gicquel s’il avait bossé à CBS : l’Amérique a peur ! Peur
des ennemis invisibles qui viennent distiller leur venin anti-démocratique. L’INVASION
DES PROFANATEURS DE SEPULTURES est un pur produit de cette tendance paranoïaque.
Curieusement,
le film a trouvé écho dans les deux camps politiques. Ces extraterrestres (on
le suppose) adeptes du grand remplacement, sont pour la droite dure une
parabole de la menace communiste. Si vous pactisez avec les cocos, vous perdrez
votre identité de bon américain, et votre liberté de penser (que Pagny, lui, a malheureusement gardée). Mais pour les progressistes,
le film s’apparente à une dénonciation du conformisme ambiant, une Amérique qui
engendre des moutons sans opinion, justes aptes à consommer, dans leurs maisons bien alignées, toutes bâties sur le même modèle.
Tout
en étant une formidable histoire à suspens, le film est aussi une jolie
réflexion. Comme le dit Dany Kaufman à Bennell, le concept qui consiste à
remplacer les hommes par des répliques physiquement exactes, mais privées de
sentiments, est une bénédiction pour le monde. Si l’amour, la foi, le désir, l’orgueil,
la jalousie disparaissent des consciences humaines, la vie quotidienne n’en
sera que plus facile. C’est un point de vue… Auquel Miles Bennell n’adhère pas.
Les opinions, la personnalité, la subjectivité, sont au contraire tout ce qui
fait un Homme.
moulage de l'actrice Dana Wynter, pour son clone ! |
Seule issue : la fuite. Bennell
et Driscoll partent dans les montagnes, poursuivis par les habitants
de la ville. Non pour échapper à la vindicte, mais au contraire pour ne pas céder à la tentation de devenir comme eux, des photocopies sans âme. Ne pas céder aux arguments, à la fatigue, au sommeil... Et devant témoin, circuler sans jamais
trahir ses émotions (la scène du chien !). Belle scène de suspens au
cabinet médical où Bennell simule d’obtempérer pour mieux fuir ses ennemis. Et
la scène sur une autoroute surchargée de voitures est juste sublime, une caméra
aérienne qui descend vers Bennell, hurlant et pointant
du doigt le spectateur, prophétisant : « le prochain, c’est vous ! ».
Mais n’est-ce pas trop tard ?
C’est là que Siegel souhaitait conclure. Le studio s’oppose à la fin trop flippante,
de même qu’il efface la voix off d’Orson Welles, pourtant une bonne idée,
reliant LES PROFANATEURS à LA GUERRE DES MONDES, qui avait foutu les jetons à
la nation entière ! On voit bien que l’ultime séquence de cadre pas. Elle
a été rajoutée pour atténuer le propos, apporter un happy end. On est presque
dans un film de zombies avant l’heure, avec ces hordes de pantins vides d’émotions,
cherchant à rallier le reste de l’humanité à leur triste sort.
Le titre français est un peu con, au sens où personne ne profane de sépultures, mais ça fout les jetons. Le jeune Sam Peckinpah a collaboré vaguement au
scénario, mais aimait à dire, pour booster sa carrière débutante, qu’il en
était quasi l’auteur ! Le syndicat des scénaristes, très puissant, a mis
un terme à la polémique (Victor).
Un
classique de la série B horrifique, d’une parfaite maîtrise technique et
narrative, un must !
Je crois savoir - par Sonia qui était avec lui - que Bruno a revu récemment "La Maison du diable" de Robert Wise (1963), autre fleuron horrifique en noir et blanc. Chronique à suivre...
** pas de bol, l'acteur principal s'appelle Kevin McCarthy !
Je crois savoir - par Sonia qui était avec lui - que Bruno a revu récemment "La Maison du diable" de Robert Wise (1963), autre fleuron horrifique en noir et blanc. Chronique à suivre...
** pas de bol, l'acteur principal s'appelle Kevin McCarthy !
noir et blanc - 1h20 - format 1:1.66
Luc, je suis inquiet...
RépondreSupprimerCe matin, ne voyant pas Sonia, je suis allé dans son bureau, elle n'y était pas ?! A la place, un cornichon géant sur le bureau ! tu penses que... ça a déjà commencé ?
Plus concrètement, j'ai revu le film il y a peu sur le câble.
Oui le titre français est très con. On pense à celui d'un nanar de la Hammer. Souvent l'anglais permet des titres courts et flash. THEM traduit par "Les monstres attaquent la ville". Une histoire de fourmis géantes à cause des essais nucléaires dans le Nevada. Sympa d'ailleurs...
"Them" est exactement dans le même registre, j'aurais pu le mentionner effectivement ! Concernant Sonia... Cela a commencé depuis un bout de temps, hélas... Gros cornichon me semble assez proche de la vérité !
RépondreSupprimer(ça me rappelle cette histoire "drôle"... C'est la maman du sprinter Ben Johnson (positif au dopage) qui sort dans son jardin chercher quelques tomates. Elle revient avec une tomate de 3 kilos, grosse comme un ballon de foot. Elle appelle son fils, furieuse : Ben ! Je t'ai déjà dit de ne plus pisser dans le jardin !!!
Un sprinter dopé, on appelle ça un pléonasme ...
SupprimerSinon, ce film je suis sûr de l'avoir vu, mais plus de souvenirs ...
Par contre, La maison du Diable, chef-d'oeuvre total ... comme à peu près tout ce qu'a tourné le très éclectique Wise ...
Comme tu y vas... "West side story" est tout de même assez chiant...
RépondreSupprimerje viens de revoir celui de 78 avec Donald Sutherland, c'est assez flippant mais celui qui m'avait terrifié quand j'étais gamin c'est "le village des damnés" d’autant que j'avais un camarade de classe qui leur ressemblait un peu...
RépondreSupprimer