- Des cordes M'sieur Claude ? Je connais une Mme Cat qui devrait être
contente…
- Oui Sonia, en dénichant cet album pour le concert de cette chronique
estivale, je pensais justement à notre amie…
- Schoenberg ! Houlà, ce n'est pas de la musique moderne un peu intello
là ?
- Non Sonia, la Nuit Transfigurée a été composée bien avant la période
dodécaphonique et l'École de Vienne. Elle date de l'époque
romantique…
- Et les Métamorphoses de Strauss, ce sont des valses ?
- Non, absolument aucun rapport. Richard Strauss est bavarois, le nom est
juste un homonyme, c'est le dernier compositeur romantique. Metamorphosen,
une œuvre magnifique mais qui peut donner le blues par la nostalgie qui
s'en dégage…
- Ah ça, Mme Cat, le Blues, elle connaît… hi hi hi…
D'abord quelques mots sur cet orchestre français
les dissonances
sans doute pas très connu. Cet orchestre est né de la volonté du violoniste
David Grimal
d'élargir son univers artistique. Cet artiste, qui vient de fêter ses jeunes
40 ans, a été un élève de
Régis
Pasquier
et a reçu des conseils, pour son art et sa carrière, des plus grands comme
Isaac Stern
ou
Shlomo Mintz. Il crée
Les Dissonances
en 2004 pour étendre ses
activités de soliste international.
Les enregistrements de
David Grimal
avec son ensemble ne sont pas légions mais remarquables. Et ce très beau
disque, qui réunit deux œuvres essentielles de la littérature musicale pour
cordes, est une aubaine par sa cohérence pour un article estival, article où
je souhaite limiter mon texte au bénéfice de la musique. À noter que ses
disques reçoivent systématiquement des récompenses de la critique
spécialisée.
David Grimal
a donné des concerts au bénéfice des sans abris… Un grand artiste et un type
bien ! Il ne dirige pas, il est le premier violon. Pas de chef !
Et puis petit secret personnel, sur l'album Deezer, les deux ouvrages sont
proposés en une seule plage chacun. Ce qui permet de les écouter dans leur
continuité. La
Nuit Transfigurée
découpée en 6 plages de 5', ce n'est pas cool à suivre…
Écrite initialement pour sextuor à cordes, la
Nuit transfigurée
(Verklärte Nacht
dans la langue de Goethe) a été déclinée pour orchestre de chambre et grand
orchestre. C'est, comme je le disais à Sonia, une œuvre de jeunesse
de
Arnold Schönberg, au style romantique. Elle voit le jour en 3 semaines en
1899.
Schönberg
(clic) s'inspire d'un poème tiré du recueil
La Femme et le monde
du poète Richard Dehmel. En un
mot : Lors d'une promenade nocturne, une jeune femme bouleversée avoue à son
fiancé qu'elle attend un enfant d'un autre homme. Le jeune homme lui
pardonne et la rassure en disant que la vie à une grande importance, et
qu'il acceptera cet enfant à naître comme le sien… Vous savez quoi ? Le
sujet fit un scandale lors de la création en
1902 ! Tu m'étonnes... Et puis
son écriture, même d'écoute aisée, préfigure les audaces à venir du futur
inventeur du sérialisme et du dodécaphonisme. Ici le classicisme est encore
de mise. L'ouvrage fait la part belle à des passages contrastés, violents ou
sensuels qui évoquent les affres des deux jeunes gens. Nous l'écoutons par
David Grimal
et des membres de
Les Dissonances
en version sextuor, une interprétation enflammée :
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ENTRACTE ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Je n'ai encore jamais consacré une chronique spécifique à
Richard Strauss
(1864-1949), le dernier des géants de l'époque romantique et postromantique.
C'est prévu, au moins pour son
Don Quichotte
pour violoncelle et orchestre (Rostropovitch-Karajan) et son opéra
Salomé
sur un livret d'Oscar Wilde.
Car même si
Strauss
n'a jamais suivi l'avant-gardisme de l'École de Vienne (Schoenberg), il s'est bien éloigné de l'écriture en vogue au XIXème
siècle. Au fait, le générique
de
2001 Odysée de l'espace… ça vous dit quelque chose ? Et bien c'est le début de son poème
symphonique
Ainsi parla Zarathoustra…
On a reproché à
Richard Strauss
son silence pendant la tragédie nazie. L'homme, déjà très âgé, est un
compositeur adulé qui continue son travail de musicien… Il enverra pourtant
ch**er Goebbels quand celui-ci
lui demandera de retirer des affiches des opéras le nom de
Hugo von Hofmannsthal, son
librettiste génial d'origine juive… "Dans ce cas, on annule la représentation". 13 Février 1945 : 3 raids meurtriers des alliés transforment la ville
non stratégique de Dresde en
enfer de feu. Les partitions originales du maître partent en fumée. Et
surtout… 135 000 morts.
Strauss
prend enfin la mesure de la folie qui ravage son pays et, plus encore, de la
disparition de toute une culture qui fit la grandeur de l'Allemagne et de
l'Autriche. Un champ de ruines intellectuelles et de pierres
calcinées.
C'est pendant cette apocalypse du IIIème Reich agonisant qu'il compose, à
la demande du chef d'orchestre et mécène suisse
Paul Sacher
(clic) les
métamorphoses pour 23 cordes, un long adagio monolithique avec un développement central plus offensif.
Ce n'est pas une œuvre triste, un requiem orchestral, une lamentation comme
les ouvrages qui fleuriront dans les années de reconstruction (Penderecki,
Gorecki…).
Strauss
écrit un songe nostalgique, une errance qui le replonge dans son pays dont
la musique a baigné sa jeunesse en citant
Beethoven
(la symphonie héroïque), ou
Wagner
(Tristan). La pensée de Goethe est
omniprésente : la réflexion et la recherche de la sagesse comme bouclier
contre la barbarie…
Ce sont plutôt les tonalités et l'harmonie qui se transforment sans cesse
qui donnent à ce chef-d'œuvre son style fluide, sans thème précis, facile à
écouter. Une vague nostalgique nous porte vers les souvenirs d'un passé
heureux… In memoriam écrit
Strauss
sur la dernière page.
Il existe un nombre important de grandes versions (Klemperer,
Barbirolli). Ici,
David Grimal
avec
les dissonances
propose moins de gravité et plus d'intimité et de fougue… Oui,
Strauss avait le blues, mais gardait l'espoir d'une renaissance… Désolé, avec le
temps, l'album n'est plus disponible sur Deezer. Cela dit restons dans le
très haut de gamme avec l'interprétation de
Giuseppe Sinopoli à la tête de l'orchestre de la Staaskapelle de Dresde, justement... (Mise à jour de 2017)
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Clap Clap Clap Clap ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
En complément de programme et avant de se quitter : une vidéo présentant
l'orchestre
Les Dissonances. Les trois premiers exemples sont des extraits de symphonies de Bruckner et de Chostalovitch et d'un concerto de Brahms...
La Nuit transfigurée par Les Dissonances. dirigé par David Grimal....
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