vendredi 30 mars 2012

LE MONDE SELON GARP de John Irving (1978) par Luc B.



Voilà un roman tout à fait épatant, formidable, gourmand, drôle et tragique à la fois. Paru en 1978, il a fait la fortune de son auteur, l’écrivain américain John Irving, qui jusque-là se contentait de succès d’estime. C’est à la fois un hymne à l’imagination, et une œuvre largement autobiographique, l’auteur parsemant son histoire de détails et situations vécues.

L’histoire commence en 1942, dans un cinéma de Boston, où l’infirmière Jenny Fields se débarrasse d’un GI trop entreprenant à coups de scalpel. Halte à la concupiscence ! Tel sera le mot d’ordre de cette jeune femme, qui scandalisera son entourage en annonçant qu’elle souhaite être mère, sans pour autant vouloir d’un homme dans sa vie. Le hasard laissera sur sa route un mitrailleur blessé à la tête, qui avant de trépasser lui fournira la matière première à une fécondation ! Une scène d’anthologie (parmi  tant d’autres) ! Neuf mois plus tard, nait le petit Garp. Jenny élèvera seule son fils, ira travailler dans un collège, où Garp découvrira la lutte, et surtout, Hélène, la fille de son entraineur. Plus tard encore, la mère et le fils s’expatrieront à Vienne, en Autriche (autre scène d’anthologie avec les prostituées) avant de revenir aux États Unis. Jenny Fields et Garp ont un point commun. L’écriture. Elle racontera son expérience dans un récit autobiographique intitulé « Sexuellement suspecte » qui fera sa gloire, et deviendra malgré elle l'égérie des féministes les plus radicales. De son côté, Garp s’essaie aussi à l’écriture, pour séduire celle qu’il a décidé d’épouser.

Une multitude de personnages viendront compléter ce roman, aux milles péripéties. Des créations cocasses, comme Roberta (anciennement Robert,  ex-footballeur américain !), la névrosée et nymphomane madame Ralph, les Percy, ou les fameuses ellenjamesiennes, groupuscule féministe qui tient son nom de la petite Ellen James, 11 ans, violée, et dont l’agresseur lui avait coupé la langue pour ne pas qu’elle le dénonce. Ce fait divers ayant ému l’opinion, des femmes s’étaient mutilées en se coupant la langue par solidarité ! Personnages récurrents, les ellenjamesiennes donneront matières à de grandes scènes comiques. LE MONDE SELON GARP est un bouquin qui embrasse tellement de thèmes, de réflexions, qu’il est difficile à résumer, à cerner. C’est un livre sur les rapports hommes-femmes, mère-fils, sur la sexualité (halte à la concupiscence !), l’amour, la paternité, sur la vie, et sur la mort, mais aussi sur la création littéraire, et l’interaction de la vie réelle sur la vie romancée, le pouvoir de l’imagination. A plusieurs reprises, John Irving reproduit les œuvres de son héros Garp, et il est évidemment amusant de faire les rapprochements avec ce qu’il vient de nous raconter. La vie de Garp et ses écrits sont intimement liés, le moindre évènement privé, intime, est aussitôt recyclé.  

C’est aussi un livre sur la peur, sur le danger. Garp est sans cesse sur le qui-vive, maternant ses enfants, bâtissant autour d’eux un rempart contre les agressions extérieures (aussi bien les rhumes que les chauffards, ou les hypothétiques subversions des proches!). Mine de rien, on recense un grand nombre d'actes violents dans ce livre : viol, meurtre, agressions, bagarres, et mutilations en tous genre... Garp recherche la sécurité pour lui et sa famille,  à la limite du repli sur soi, difficile à expliquer, puisque lui-même n’a jamais été spécialement en danger et a grandi auprès d’une mère certes assez exclusive, mais  tolérante (sur ses fréquentations, son besoin d’émancipation, ses écrits). Ce roman a été celui d’une génération, au début des années 80, décennie qui sonnait la fin des illusions des 70’s, le retour des valeurs individuelles. On pourrait taxer Garp de paranoïaque, mais le pire, c’est que lorsqu’il a une intuition, mauvaise généralement, l’enchaînement des situations lui donne finalement raison. Je fais référence à une scène en particulier (que je ne peux pas vous raconter) avec sa femme, une voiture, et  un jeune homme braguette ouverte… Paradoxalement, mis à part le point de départ (la guerre) il n’y a aucune date dans le livre, aucun repère, l’âge des personnages reste flou, aucun élément social, politique, historique permet de relier le récit à une actualité. On traverse les années 50’s, 60’s de manière immuable, comme hors du temps. Malgré l'ironie qui parsème le livre, le ton amusé, j'hésite à cerner les réelles intentions de l'auteur : un cynique qui moque ses contemporains, ou un ultra-conservateur qui se réfugie dans les valeurs traditionnelles ? 

LE MONDE SELON GARP est aussi, et surtout un grand moment de lecture. Un livre gourmand, disais-je, car John Irving aime les mots, les manipule avec bonheur, s’en repaît, s’en gargarise. Il se laisse d’ailleurs aller parfois (rarement) comme s’il se regardait écrire. J’adore particulièrement les « Grand Dieu ! » et autres « Bonté divine ! » qui rythment les dialogues, des conversations qui tournent parfois au surréalisme le plus débridé. Les enchainements de situations qui virent au grotesque, Garp attirant à lui toutes les catastrophes et malentendus (la virée nocturne pour récupérer son gamin chez Mme Ralph !). Le style d'écriture est riche, fluide, bondissant, mais cueille au détour d’une phrase le lecteur, et le plonge, hagard, dans le drame absolu. Ce qui arrive à plusieurs reprises dans le roman, des tournants dramatiques auxquels on ne s’attend pas, où l’on sent l’humeur virer, la drôlerie disparaître, la tension monter. Je pense à un évènement en particulier, que l’on voit se dessiner lentement, tout simplement parce que John Irving ne parle plus d’un certain personnage, pendant 10 pages, 20 pages, 30 pages, jusqu’à ce que cette absence soudaine nous interpelle, et nous inquiète. John Irving balayent une trentaine d’années sous sa plume, et se joue du temps, en faisant référence au futur des personnages sitôt qu’ils entrent en scène (« ce matin-là, monsieur Bidule, qui mourra en 1975 écrasé par un tonneau détaché d’un camion de livraison …» ou « Garp fut déçu de son premier essai, comme il le sera 10 ans plus tard à la parution de son troisième roman »), ou au contraire revenant fouiller le passé, à l’improviste, pour éclairer une situation présente. C’est surtout vrai pour les 100 dernières pages, ou l’auteur brosse à la fois le présent et l’avenir de ses personnages, dans une sorte de bilan (un peu fastidieux tout de même), alors que l’intrigue n’est pas terminée !

LE MONDE SELON GARP nous offre tout ce qu’on peut attendre d’un grand et bon roman. Si vous n’êtes pas un lecteur assidu, que vous ne deviez lire que trois bouquins cette année, alors faites l’effort d’ouvrir ce livre-là. Roboratif, entier, riche, foisonnant, vous rencontrez une galerie de personnages foutraques, attachants, et un souffle romanesque débridé.







Les photos sont issues de l'adaptation cinéma, réalisée en 1982 par George Roy Hill, avec Robin Williams et Glenn Close. Je ne l'ai pas vue, mais il semblerait qu'elle ait déçu les lecteurs de John Irving.





LE MONDE SELON GARP, de John Irving. Edition Poche. 650 pages.

jeudi 29 mars 2012

ALLUMER LE FEU : Une leçon de vie à l'échelle planétaire ! par Big Bad Pete

C'est dans un souci de réhabilitation à la Chôse Littéraire et Croc-niqueuse, une tentative désespérée de le faire sortir de son mutisme pentatonique, que le Comité de Défense de la Cuistrerie Militante a exhumé des archives BBPiennes cette analyse pertinente de Big Bad Pete en espérant qu'il nous entende par delà les frontières, là où il entreprend une nouvelle croisade contre le dégoût du binaire à la sauce synthétique à base de gros seins siliconés (encore, que, finalement, c'est pas dégueu...) au fin fond des lamaseries tibétaines en attendant l'ultime révélation apocalyptico-emmerichiante de "2012, l'Odyssée des Pignoufs" abordée dans cet article



Voici une tentative d'interprétation d'un magnifique poème chanté avec force et vigueur par un Héraut Immortel, Jean-Philippe Smet, Seigneur de Wallonie, Pair de France, Suzerain d'Helvétie, Maître du Rocher.

1ère strophe :
« Tourner le temps à l'orage
Revenir à l'état sauvage
Forcer les portes, les barrages
Sortir le loup de sa cage
Sentir le vent qui se déchaîne
Battre le sang dans nos veines

Monter le son des guitares

Et le bruit des motos qui démarrent. »



« Tourner le temps à l’orage » parait ambigu.
Est-ce le constat d’impuissance du météorologiste face aux éléments et à l’ire du bas-peuple toujours méprisant de son savoir pourtant ancestral et confirmé par des modèles mathématiques complexes issus des recherches les plus abouties de la Théorie du Chaos ? Ou bien s’agit-il d’une annonce d’un sort funeste jeté à la face du monde par une divinité implacable tel le Raiden de Mortal Kombat, magnifiquement interprété par Christophe Lambert ?



Le deuxième vers « Revenir à l’état sauvage » nous confirme qu’il s’agit bien de Pouvoirs sur les Elements, car ce vers annonce une deuxième volonté ébauchée dans le premier vers.

« Forcer les portes, les barrages ».
Le but devient clair, Raiden est de retour, il n’est pas content, et on va prendre cher ! Y a du tsunami dans l’air, faut arrêter les centrales nucléaires, même si les françaises sont les meilleures du monde, loin devant les russes, les yankees, les japs.

A moins qu’il ne s’agisse d’Aang, le Maître de l’Air, le dernier Avatar.

Raiden ou Aang ? Le décor est posé. Avançons dans la connaissance de ce mystérieux et puissant personnage.

« Sortir le loup de sa cage » ou la volonté de libérer la nature de son joug. 
Nature trop souvent opprimée par l’Homme Blanc, coupé de sa Terre Nourricière dans sa recherche de Pouvoir et de Maîtrise sur les Eléments, pendant que la Femme Blanche l’attend au coin du feu et prépare un infâme ragout de racines et tubercules vaguement agrémenté de graisse de mammouth tout en maugréant à propos de son compagnon toujours occupé à jouer aux osselets avec les autres primates à gonades apparentes. Le Loup va sortir, et lui aussi n’est pas content. Libérer le Loup, c’est rendre à la Nature sa place prépondérante, reconnaître avec humilité la faiblesse du Singe Nu et retourner se planquer dans les cavernes que nous n’aurions jamais du quitter.

« Sentir le vent qui se déchaîne » montre une inclinaison naturelle vers une force toute juvénile que seul Aang peut afficher. 
L’Avatar est à l’origine de ce poème échevelé, mais aucun rapport avec les Schtroumpfs de James Cameron, on cause de l’Avatar au crâne rasé avec une flèche sur le front.

« Battre le sang dans nos veines » 
Face à l’excitation ressentie dans ce Maelström Elémentaire, le rythme cardiaque ne peut qu'augmenter, sauf chez les moines contemplatifs des lamasseries les plus reculées du Tibet qui attendent la Grande Vague prévue pour la fin 2012 comme l’a si bien pressenti Roland Emmerich dans son œuvre magistrale éponymement numérique à tous points de vue : « 2012 » (pour ceux qui ne suivraient pas).
Mais la référence culturelle aux grands classiques de l’Horreur pointe le bout de son nez et donne à ce vers une richesse inouïe : Dracula, en plus de son nez aquilin comme l'Horreur sus-nommée, pointe aussi le bout de ses canines face au Loup avec un air de défi assumé !

« Monter le son des guitares » 
N’en déplaise aux batteurs qu’il faut détruire comme le rappelait Caton le Grand à chacun de ses discours « batterum delenda est »; pas plus les bassistes avec leur pauvres 4 cordes tout juste capables de faire vomir le 1er rang, et encore moins aux pianistes infoutus de jouer debout sans se dandiner dans leurs chaussures trop petites, la Guitare, et surtout électrique, est l’instrument de rébellion qui manquait aux révolutionnaires de 68, alors qu’il leur suffisait de balancer du Jimi Hendrix et du Cream à fond à fond à fond dans la sono en lieu et place de slogans poussifs et abscons.

Donc, Aang, l’Avatar, en plus d’être un Maître de l’Air, de l’Eau, et du reste dans les quelques épisodes à venir, Aang, donc, est un motherfuckin’ guitar player. C’est sûr, ça va chier quand il va monter le son du Marshall 3 corps et triturer les cordes de la Strat… Attention à l’Eau, toutefois pour ne pas prendre le jus…

« Et le bruit des motos qui démarrent » 
Tout guitariste ayant écouté Jimi Hendrix et Eddie Van Halen sait combien il est plaisant d’imiter le bruit d’une moto avec une guitare équipée d’un vibrato à blocage ou non : 

Mais est-ce qu’une Harley peut imiter le son d’une gratte ? Hé non… Quelle tristesse, quelle désillusion, c’est peut être pour ça que les bikers affichent des mines déconfites à longueur de journée ; leurs rutilants engins ne peuvent pas faire vibrer leur fibre artistique autrement que par des rapides secousses rythmiques mais non sismiques dans la selle de leur bécane pour le grand plaisir de leurs copines qui disposent ainsi d’un sex-toy bien plus efficace que leur bedonnant compagnon.

Refrain :
« Il suffira d'une étincelle
D'un rien, d'un geste
Il suffira d'une étincelle,
Et d'un mot d'amour
Pour
Allumer le feu (bis)
Et faire danser les diables et les dieux
Allumer le feu (bis)
Et voir grandir la flamme dans vos yeux
Allumer le feu »


Le début du refrain montre bien à quel point l’équilibre fragile peut être rompu. « Une étincelle », « un rien », « un geste ». Un déchaînement d’Entropie à la portée d’une ellipse, d’un battement d’aile de papillon, autre manifestation de la Théorie du Chaos chère aux mathématiciens depuis une quarantaine d’années.
Mais que vient faire le « mot d’amour » dans ce magma en fusion vengeur ?
La « danse des diables et des dieux » célébrant le retour des Eléments Triomphants s’accomplit avec « la flamme dans vos yeux » qui grandit. Seuls les défenseurs de la Nature Bafouée seront sauvés. Vous l’avez compris, il faut voter « Europe Ecologie » ou vous allez tous crever cramés.
L’incantation « Allumer le feu » doublement scandée par deux fois trace ainsi le cadre parfait de la preuve au carré de la Victoire Future du Feu Purificateur des Défenseurs de Gaia.

2ème strophe :
« Laisser derrière toutes nos peines
Nos haches de guerre, nos problèmes
Se libérer de nos chaînes
Lâcher le lion dans l'arène

Je veux la foudre et l'éclair

L'odeur de poudre, le tonnerre

Je veux la fête et les rires

Je veux la foule en délire »



« Laisser derrière toutes nos peines »
Une prophétie est toujours l’annonce d’une rupture. Il y a un « avant » et un « après ». Il faut renoncer à notre passé pour apprécier notre vie future. Pour cela, il faut se débarrasser de nos anciens titres de gloire et de puissance (« Puissance et Gloire » comme le chantait si bien Herbert Léonard : 


C’est ce que suggère le vers suivant « Nos haches de guerre, nos problèmes », il est à noter l’assimilation entre le symbole de puissance qu’est la hache avec les ennuis sous-jacents de l’exercice du pouvoir.

« Se libérer de nos chaînes » sera la récompense de la résilience. 
Le message est clair, même pour les diminués du bulbe qui pleurent l’arrêt de « Carré Viip ».

La dernière partie de la strophe montre une opposition inusitée de deux tableaux apparemment opposés, d’un coté :
« Je veux la foudre et l’éclair
L’odeur de poudre, le tonnerre. »
De l’autre :
« Je veux la fête et les rires
Je veux la foule en délire »

La Solution passe par le Chaos Libérateur, le retour à l’Entropie Originelle du Big Bang, Source du Tout. L’acceptation de cette Loi Universelle exprimée par le 2ème principe de thermodynamique : « L’entropie ne peut qu’augmenter ».
Point de fatalisme passif, mais la reconnaissance d’une Loi Fondamentale contre qui le refus ne pourrait que nous être fatal.

mercredi 28 mars 2012

Johnny WINTER "Roots" - 2011 - (By Bibi)

Still Alive

     Après sa tournée de 2002, où Johnny Winter n'était plus que l'ombre de lui-même, devant être soutenu pour traverser la moitié de la scène et se caler sur sa chaise pour ne plus en bouger ; avec des sets écourtés, assez ternes en comparaison de la flamboyance et de l'énergie d'auparavant, personne n'aurait parié sur la pérennité de sa carrière. Lui qui subjuguait les foules par sa technique virevoltante en finger-picking, allant même jusqu'à saouler l'auditeur par des avalanches de notes, pertinentes certes, mais dont le débit semblait être inépuisables, il en était réduit à jouer des chorus parfois approximatifs et cahotants (comme s'il était atteint d'arthrose aiguë).  Son chant, auparavant si rugueux et plein de vie, se rapprochait dangereusement d'un marmonnement. On croyait la tornade blanche (son surnom dans les 70's) définitivement « cramée » par des années d'abus de substances illicites. Prêt pour une retraite anticipé (mais en avait-il les moyens ?), un pied déjà dans la tombe. Apparemment d'après de nombreux témoignages, son déclin aurait débuté dès 1996. Et effectivement, si l'on se réfère au "Live in NYC ' 97" (dont le choix des titres avait été proposé et fait par des fans), on se rend bien compte que quelque chose ne va plus. Cependant, on était encore loin de la bérézina de 2002. Il fallait entendre les commentaires chargés de déception pendant et après les concerts ; des spectateurs pensaient même qu'il ne tarderait guère à rendre l'âme. Johnny avait vieilli prématurément.
 

   Or Jeannot l'Hiver a un sursaut d'orgueil, de fierté. Il y a quelque temps, après un passage à l'hôpital, et une modification totale de son traitement, recouvrant sa lucidité, il renvoie son manager Bruce Houghton (apparemment bien filou), et reprend le chemin des studios, soutenu par Paul Nelson. Un diplômé de Berklee, ayant fait ses débuts discographiques avec le pénible Heavy-Metal de Liege-Lord. Nelson (qui ressemble assez à Jon Amor de The Hoax) reprend les choses en main. Ne faisant pas les choses à moitié, s'investissant à fond dans l'aventure, il devient le nouveau manager, soutien Johnny à la guitare et participe aux compositions.

     En 2004, sort un nouvel opus, « I'm a Bluesman » en 2004, assez bien accueilli dans l'ensemble. Un Johnny Winter diminué mais de nouveau concerné, présent.
Suivent quelques tournées le présentant en petite mais bien meilleure forme.

     Sept années passent, jusqu'à ce que l'on annonce un retour discographique. Comme pour le précédent, on espère que le projet aboutira, et qu'il sera digne de figurer aux côtés de ses précédentes réalisations.
Est-ce par un manque de confiance, un manque de créativité dû à un état de fatigue permanent, ou juste une façon d'assurer une certaine qualité, sans prise de risques, que le dernier disque de Winter ne comporte que des reprises ? Certes, l'homme n'a jamais été un compositeur prolixe, toutefois, il y avait toujours au moins deux compositions à son crédit. De surcroit, généralement du très bon. Quant aux reprises, elle savaient équilibrer le classique et l'obscur.


     Avec « Roots », mister Johnny Dawson Winter ne transige pas et fait exclusivement dans le lourd, du très lourd, des classiques éculés repris maintes fois. Néanmoins, il n'est pas certain que la jeune génération connaisse, hélas, ne serait ce que la moitié du répertoire proposé.
De plus, comme autrefois, Winter se réapproprie ces chansons en y apportant sa propre sensibilité.

     Dans cette entreprise, Johnny, et Paul, ont invité une pléiade de musiciens : un différent pour chaque pièce. Ce qui apporte des nuances biens agréables pour les esgourdes. On retiendra surtout le funambule de la slide, Sonny Landreth, l'insatiable Warren Haynes bien moins heavy qu'à l'accoutumée sur un classique dont l'Allman Brothers Band a fini par faire sien, le Telecaster-man multi-récompensé Vince Gil (sur qui le temps ne semble pas avoir de prise), le placide Derek Trucks à la SG chaleureuse, et la charmante Susan Tedeschi.
Toutefois, on peut légitimement se demander si la bonne teneur du disque ne repose pas essentiellement sur la diversité apportée par les invités. Et si donc en leur absence, l'opus n'aurait pas été plus scolaire.

     Alors oui, la voix n'a plus sa rugosité d'antan, bien que plus assurée par rapport aux années précédentes, elle manque désormais de force et semble à la limite de défaillir lorsqu'elle est forcée. Le jeu de guitare a perdu en expressivité, en mordant et en fougue, se parant d'un peu plus d'overdrive pour camoufler une vélocité déclinante. Cependant il a retrouvé une fluidité qui lui faisait défaut lors de ses prestations scéniques depuis des années. Johnny accuse son âge, 67 ans, toutefois paradoxalement, bien moins qu'à 58 ans. 
 

   Toutefois, si l'on fait abstraction de ses albums passés, « Roots » se révèle être un très bon disque de covers, se plaçant même en très bonne position
parmi la multitude d'albums du même genre dont nous sommes bombardés depuis une décennie. (Toutefois, je le jugerai inférieur à celui de George THOROGOOD. Ce dernier me paraissant plus frais).

     Les nombreux fans pourront se réjouir en constatant que Winter a retrouvé une partie de ses facultés, et, qu'à nouveau il peut se produire sur scène sans risquer le ridicule ou l’opprobre.  Evidemment, le Johnny qui débordait d'énergie et sautait dans tous les coins appartient désormais au passé.

  1. T-Bone Shuffle - (T-Bone Walker) / Sonny Landreth
  2. Further On Up the Road - (Don Robey - Joe Medwick Veasey pour Bobby "Blue" Bland) / Jimmy Vivino (un ancien de l'écurie Blues Bureau de Mike Varney)
  3. Done Somebody Wrong - (Elmore James) / Warren Haynes
  4. Got My Mojo Working - (Preston Foster ; popularisé par Muddy Waters)
  5. Last Night - (W. Jacobs) / John Popper (Blues Traveller)
  6. Maybellene - (Chuck Berry) / Vince Gill (ex-Pure Prairie League)
  7. Bright Lights, Big City - (Jimmy Reed) / Susan Tedeschi
  8. Honky Tonk - (Clarence "Gatemouth" Brown) / Edgar Winter
  9. Dust My Broom - (Robert Johnson - version Elmore James) / Derek Trucks
  10. Short Fat Annie - (Larry Williams) / Paul Nelson
  11. Come Back Baby - (Walter Davis) / John Medeski






Autre article sur Johnny  WinterJohnny Winter Live at the Fillmore East (10/3/70)


mardi 27 mars 2012

HERITAGE BLUES ORCHESTRA "And still I rise" (2012) par "Le Président" Rockin


"Heritage Blues Orchestra" est le nouveau projet du label Raisin' music après le couronné de succès et de récompenses "Chicago Blues, a living history" dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler ici ). Rappelons que Raisin' music est associé avec la ville d'Aulnay-sous-Bois et son festival de blues, une bien belle initiative dont j'aimerai qu'elle inspire d'autres municipalités, on peut rêver..

Et Hop, on continue à lire en musique:






Le maitre d'oeuvre Larry Skoller a cette fois réuni le chanteur guitariste Bill Sims Jr, accompagné de sa fille Chaney, du chanteur guitariste Junior Mack (slide, dobro), de l'incontournable batteur Kenny Smith (aussi dans Chicago blues a living history) et à l'harmonica du français Vincent Bucher et de Matthew Skoller, le frangin du boss, sur "Big-legged woman".

Mais le piment du projet c'est l'ajout d'une section de cuivres conséquentes avec un ténor sax (le français Bruno Wilhelm, ONJ), 2 trompettes (Kenny Rampton et Steve Wiseman) et au trombone, sousaphone et tuba, Clark Gayton. On notera l'absence de basse, la rythmique sera souvent assuré par les percus, voir l'harmo de Bucher.


L'idée de départ de Skoller était de mélanger dans son shake up musical  jazz, blues et rythmes africains et de sortir de la "routine" du country blues traditionnel; il y a d'ailleurs dans la démarche un rapport avec Hazmat Modine que nous avons déjà évoqué dans ces colonnes (lien ) . Bruno Wilhelm l'arrangeur des cuivres vient du jazz, Kenny Smith (le fils du légendaire Willy "Big eyes" Smith), du Chicago blues, Junior Mack tâte du gospel, Bucher a travaillé avec des musiciens africains (Boubacar Traoré, Tao Ravao) , quant à Sims il a l'habitude depuis longtemps de mêler jazz et blues, l'osmose s'est donc fait tout naturellement, et le résultat est tout simplement épatant.

Bill et  Chaney  Sims /junior Mack
Direction Clarksdale dans le Delta, la ville natale de John Lee Hooker, avec "Clarksdale moan", un titre du grand Son House qui commence comme un country blues, slide à l'appui, avant un final ou l'harmo côtoie les cuivres, le ton est donné. Puis "C-line woman", un traditionnel chanté par Chaney et sa belle voix "gospelisante", avec les choeurs masculins en réponse, porté par des percus et des claquements de mains, simple, efficace et profond, pas besoin de bidouillages electro à la con pour faire de la bonne musique..
"Big legged Woman" est aussi un blues traditionnel maintes fois arrangé et repris (Freddie King, Muddy Waters, Brownie McGhee..),  soupoudré d'une touche jazzy avec ses cuivres. Voila qui me fait aussi penser au "Jazz Blues fusion" de John Mayall.
Autre grand classique, "Catfish blues " de Muddy Waters joué sur un tempo enlevé, presque jump blues, avec de beaux traits d'harmonica de Vincent Bucher.

Vincent Bucher

"Go down Hannah" est signé Leadbelly,  une  "work song" chanté par Chaney sur un beat tribal avant "Get right church" , encore un country blues, chanté en son temps par Fred Mc Dowell avec un beau chant en choeur et une belle partie de slide.
Un petit tour à Chicago ensuite avec "Don't let ever nobody drag your spirit", signé Eric Bibb, début en boogie à la John Lee Hooker qui dégénère en  "Chicago shuffle".
 2 traditionnels à suivre, "Going updown" et "In the morning" , un gospel endiablé (sic) (rien à voir avec le "In the morning" signé Barry Bibb et repris par Nina Simone comme j'ai pu le lire ailleurs). "Levee camp holler" chanté "a capella" par Bill vient de loin, il s'agit en effet d'un chant de prisonniers, collecté en 1947 à Parchman Farm par Alan Lomax. "Chilly Jordan" est la seule nouvelle  compo, signée Junior Mack, un blues assez classique, avant de terminer avec "Hard times", encore un traditionnel , chanté par Chaney, avec au milieu une plage jazzy .

Kenny Smith



Avec ce "And still I rise", nous tenons là un des albums de ce début d'année.
Écoutons Larry Skoller pour finir: " Leur talent et leur approche contemporaine et courageuse de leur musique a donné naissance à ce remarquable ensemble. Guidés  par la légende de la musique afro-américaine ; tout en faisant leur propre musique; ces artistes ont totalement capté son âme ainsi que leur responsabilité de la garder vivante".





lundi 26 mars 2012

TOTO - " The Early Years (1977-1983) " - by Philou


La saga de TOTO ressemble à ces histoires à rebondissements faites de succès mondiaux et d’échecs retentissants, de changements de line-up intempestifs, de tragédies ( la mort de Jeff Porcaro en 1992 et la maladie de son frère Mike en 2006) et surtout d'albums où le Hard Rock se mêle habilement au Funk, au Rhythm n' Blues, à la Soul Music et même au Jazz, le tout mixé dans un West Coast Sound particulièrement léché.


Bobby Kimball, Steve Porcaro, David Hungate, David Paich, Steve Lukather & Jeff Porcaro

En 1977, après avoir bossé en studio pour une multitude d'artistes comme JACKSON BROWNE, BOZ SCAGGS, STEELY DAN, ERIC CLAPTON, DAVID GILMOUR etc..., David Paich (chant, claviers)  Jeff Porcaro (batterie) et son frère Steve Porcaro (claviers) décident de s'associer au guitariste Steve Lukather, au bassiste David Hungate et au chanteur Bobby Kimball pour former un groupe qu'ils baptisent tout simplement TOTO.



le 1er album (1978)

Leur 1er album parait en 1978 et lance le concept de la fameuse épée ("You better watch that sword that's hanging over you"), premier essai, premier coup de maitre : l'album devient rapidement disque de platine. La fine équipe a passé 9 mois en studio et après avoir travaillé pour d'autres artistes en temps que session-men où leur jeu était contrôlé et limité, les 6 amis d'enfance sont enfin libres de s'exprimer et vont aligner une série de titres imparables : l’instrumental "Child's Anthem", le ravageur et nerveux "I'll Supply The Love", le torride et funky "Georgy Porgy", les brûlots rock "Manuella Run" et "Rockmaker", sans oublier l'énorme tube "Hold The Line".

La production est remarquable (pour l'époque), la précision des arrangements est stupéfiante et Bobby Kimball est dans une forme éblouissante !

"Hydra" (1979)
En décembre 1979, l'épée ré-apparait sur l'album Hydra, tenue par un chevalier des temps modernes, dans une mystérieux brouillard bleuté.
Hydra est pratiquement un concept album où domine la personnalité de David Paich qui a écrit ou co-écrit les huit titres de ce disque extraordinaire.
Tout au long de cet opus, les envolées lyriques de David Paich, la clarté des arrangements ( Tom Knox ), la voix hargneuse de Bobby Kimball, la pureté du jeu de guitare du virtuose Steve Lukather et le groove inoubliable du regretté Steve Porcaro édifient une œuvre extrêmement riche et complexe qui intègre des influences de pop et de rock symphonique, mais aussi de musique progressive et de soul.

Le groupe imagine des morceaux plus "hard" pour ses futurs concerts et donne naissance à "All U.S. Boys", "Hydra" et "White Sister"
L'album reste ( à mon humble avis) l'ultime chef d’œuvre de TOTO et ce, malgré un accueil plus que mitigé de la part du public.....  
Je rajoute qu'avec du recul et lorsque l'on compare les différents musiciens qui intégreront le groupe par la suite ( Fergie Frederiksen, Joseph Williams, Mike Porcaro,J.M. Byron,  Simon Philips, Greg Phillinganes etc...), la qualité supérieure du Team original de TOTO est indiscutable et saute aux mirettes, enfin plutôt aux esgourdes !!! 
J'affirme haut et fort que la qualité musicale et la beauté sauvage d' Hydra ont rarement été dépassés depuis.

"Turn Back" (1981) 

Personne ne considérait TOTO comme un véritable band, mais juste comme une réunion de requins de studio qui s’arrêterait rapidement après le premier ou le deuxième essai....Pourtant, le groupe rentre en studio au début des années 80 pour sortir leur 3 ème album et pour essayer par la même occasion de faire taire les critiques qui leur reprochaient un son trop “West Coast aseptisé", trop lisse et trop propre. Le groupe va tenter de donner un son plus brut, plus rock à ce nouvel album. Le groupe fait appel à Geoff Workman (Queen, Journey, Mötley Crüe,The Cars..) pour produire ce nouveau disque et donner au sextet un son un peu plus "heavy".


Jeffrey Thomas Porcaro (1954-1992) RIP



Dès le 1er titre "Gift With A Golden Gun", le ton est donné : gros riff et batterie marteau pilon...c'est carrément du hard-rock !!! La plupart des titres suivent cette nouvelle orientation musicale ("English Eyes", "Live For Today", "Goodbye Elenore").






Les guitares de Steve Lukather sont volontairement mises en avant, au détriment des claviers pour tenter d'effacer le coté trop lisse du groupe.  Malheureusement, la production n'est pas aussi luxuriante que celles des deux précédents albums, elle est trop molle, pas assez dynamique et ne met pas vraiment en valeur les chansons de l'album qui prendront une autre dimension sur scène, notamment sur en 2003, sur la tournée du 25 ème anniversaire où les réactions des fans prouveront que cet album n'est pas à sous estimer....bien au contraire.


Toto IV (1982)


Malheureusement le succès attendu pour "Turn Back" n'est pas au rendez-vous et le groupe sous la pression de sa maison de disques, doit absolument relancer sa carrière....
Le groupe retourne en studio pour donner naissance à son 4ème bébé "Toto IV", qui sera l'album de la consécration.
Après avoir durci le ton et simplifié sa musique, les californiens vont revenir à leurs vrais valeurs musicales : la sophistication et le mélange des styles.
 Le groupe, détesté des rockers et des critiques musicaux, va aligner tubes sur tubes : "Rosanna", "I Won't Hold You Back", "Afraid Of Love", "Waiting For Love", "Make Believe" et le grandiose carton international "Africa".
Tous les musiciens rivalisent de précision, les voix de David Paich et Bobby Kimball se mélangent avec bonheur, les claviers sont moelleux mais pas envahissants, la section rythmique déborde de groove et les (trop rares) interventions de Luke à la guitare sont étincelantes.
 



On regrette juste que le groupe ne lâche pas un peu plus les chevaux et un peu plus longtemps pendant les parties instrumentales, cette lacune sera largement comblée sur scène pendant la tournée de l'album et en particulier un certain soir d'automne 1982 à Paris, le 24 septembre à l' hippodrome de Pantin où le groupe m'avait foutu une sacrée claque ! Foi de Philou !!!





L'album récoltera finalement six Grammy Awards ( meilleur album, meilleur producteur, meilleur single, meilleur arrangement instrumental, meilleur arrangement vocal, meilleure prise de son) et se vendra comme des petits pains dans le monde entier, cerise sur le gâteau, un certain M.J. les contactera quelques semaines plus tard pour l'aider à mettre en boite son album "Thriller" .....

NB: la suite, c'est avec Vincent et c'est ici : discographie Toto part 2
A lire également :  Toto Live in Poland

"Hydra" Live in Japan




Bon d'accord, ça date de 1990, mais c'est une version très "hot" de "English Eyes" de l'album "Turn Back" sorti en 1981.....Mr Luke est impressionnant ....et la choriste (Jenny Douglas McRae)  à point !!!!

dimanche 25 mars 2012

LADY LINN - "No Goodbye At All - " (2012) par Luc B.

 
Lady Linn est une chanteuse belge qui sévit depuis plus de 10 ans. Elle grandit dans un univers plutôt rock par ses parents, elle apprend le piano, écoute Michael Jackson, mais elle bifurque quand elle se trouve des affinités avec la musique jazzy des années 40, très joyeuse et rythmée, celle de Anita O’Day, dont elle va étudier très précisément, presque scientifiquement les chansons. Dès 2003 elle sort un mini CD de 5 titres, et deux ans plus tard, elle le complète de deux autres chansons. Le premier disque HE WE GO AGAIN arrive dans les bacs en 2008. Lady Linn propose des chansons jazzy très ancrées dans l’univers des chanteuses soul, doo woop des Andrew’s Sisters, la voix est trainante, parfois grave comme Sarah Vaughan, et un son bien root. Évidemment on pense à Amy Winehouse, et toute cette ribambelle de chanteuse roots qui fleurissent ici et là, comme si le fait de chanter et d’arranger ses titres avec un son jazzy était un gage de qualité, et d’authenticité par rapport au errembi ambiant… Bien souvent les producteurs sont les mêmes, et arrosent le créneau. On pense à la blonde botoxée Lana del Rey, aussi vite célébrée que décriée après une prétendue prestation foirée à la télé. Comment faire le tri, et essayer de faire la part des produits bien marketés, des opportunistes, et des purs et durs ? Il semblerait que Lady Linn soit de la seconde catégorie. Elle chante ainsi parce qu'elle aime ça, et pas parce que cela fait bien...

Les mercenaires qui l’accompagnent, The Magnificient Seven, (Yves Fernandez, Marc De Maeseneer, Frederik Heirman, Sara Meyer, Christian Mendoza, Koen Kimpe en Matthias Standaer) tiennent le trio rythmique (batterie, contrebasse, piano) et les quatre autres sont aux sax, trompette et trombone. Ce jazz swinguant séduit, sa reprise de « I don’t wanna dance » de Eddy Grant a son petit succès, la Lady se fait connaître, gagne des prix. Craingnant sans doute que l'étiquette jazz ne lui colle à la peau, Lady Linn souhaite personnaliser sa musique, être moins dans l’hommage, dans le « à la manière de », et avec le producteur Renaud Letang, elle se rapproche d’un univers pop. Précisons qu'elle écrit toutes ses chansons.

Par rapport au son des premiers enregistrements, ce nouvel album NO GOODBYE AT ALL sonne plus contemporain, le piano bastringue n’est plus de mise, c’est plus… propre. Mais cela reste une musique aux forts relents 60’s, où les mélodies sont clairement mises en avant. Le chant sonne plus pop aussi, sur « Anything for you » on pense un peu à Lily Allen.  D’ailleurs je trouve cette chanson assez agréable, et au bout de deux écoutes, j’étais persuadé de la connaître depuis 10 ans. Signe qu’elle avait été appréciée, intégrée et digérée rapidement !  « Cry baby » débute bien l’album, claquement de doigts pour le tempo, cuivre en avant, et ce beau son profond du baryton. On est plus dans le ton des albums précédent sur cette chanson d’ouverture.  Ensuite, l’auditeur va revisiter des univers différents, les chansons restent cohérentes mais chacune teintée de nuances.  « Good old Sunday blues » va sonner plus folk dans les intonations de la voix, quand  « Love song » sera nettement pop, avec plaqués d’orgue, batterie binaire, bref une chanson plus passe partout, mais avec une petite touche baba mélancolique pas désagréable. Le ton est plus grave sur « Nina », une chanson piano-voix en hommage à Nina Simone. Sur des chansons a priori moins passionnantes, il y aura toujours un  petit passage qui nous fait tendre l’oreille, comme le chorus piano et flute dans « Didn’t known what to say ». Retour au jazz bluesy avec « Always shine », un piano –voix (avec craquements 78 tours ?!), quand l’énergique « First snow » renvoie à la Motown, à Martha and the Vandellas ou Diana Ross.  L’album se conclut sur le titre éponyme, guitare-voix, teintée de musique brésilienne.

Au final, il est certain que le disque ne restera pas un souvenir impérissable, comme dit Rockin’ ca ne révolutionne rien, mais c’est plaisant tout de même ! De toutes façons, si on en cause, c’est que cela nous a plu, et est susceptible de vous plaire. Et puis surtout pour cette chanteuse à la très jolie voix, pour ce groupe qui fait bien sonner l’acoustique, pour cette production dépouillée de tout effet superflu, entre jazzy et pop. Et pour quelques-unes des chansons, réussies. 

Voici le titre "Cry baby" qui ouvre cet album. Dans cette version live, il est pas mal rallongé, avec une longue intro au sax, chorus de batterie, et c'est tant mieux !


Lady Linn "No goodbye at all" 
11 titres - 43 minutes

samedi 24 mars 2012

BODY AND SOUL de Robert Rossen (1947) par FreddieJazz


Synopsis du film : Charlie Davis (dit Charlie Tiger) est boxeur amateur. Il est vite repéré par un agent qui le pousse à continuer dans cette voie. Alors, bien sûr, Charlie persévère, d'autant plus qu'il hait de toutes ses forces la pauvreté de son quartier et de sa famille. Ses amis, la femme qui l’aime, ne pourront le dissuader. Il va s'en remettre à un autre organisateur de combat peu scrupuleux. On lui promet la lune. Il peut devenir professionnel et se faire un max de tunes. La tentation est trop belle... Comment tout cela va-t-il finir? 

BODY AND SOUL (Sang et Or en français...) n'est pas vraiment un film sur la boxe à la manière d'un RAGING BULL ou d'un ROCKY BALBOA, mais plutôt un film noir autour du "noble art". La boxe n'est qu'un prétexte à cette étude sociale sur la pauvreté new-yorkaise des années 40. Quand Robert Rossen tourne ce film en 1947, il est sérieusement épaulé par une bande de jeunes copains qui deviendront à leur tour de sacrés cinéastes : Robert Aldrich est assistant à la réalisation et Abraham Polonsky le scénariste. Quant à son acteur, John Garfield (le Gabin du Bronx), c'est peut-être là son plus beau rôle avec FORCE OF EVIL (article à suivre...) tourné l'année suivante, ou encore LE FACTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS. Mais BODY AND SOUL est vraiment à part. Sa poésie en fait un chef d'œuvre absolu. 

Tout est parfait dans ce film, tant il est traversé par la grâce... Mon affection est donc sans commune mesure pour ce fleuron du septième art. Outre les raisons évoquées plus haut, c'est aussi l'alchimie du couple John Garfield/Lili Parker, d'une beauté à couper le souffle, dont chaque réapparition me fait dire ceci : oui, voilà pourquoi j'aime le Cinéma : un casting impeccable un sens de la dramaturgie exceptionnel, de l'humour, une belle histoire d'amour et cette dose d'humanisme, autant de qualités qui rendent ce films si précieux.

Ensuite, John Garfield, comme Abraham Polonsky, Jules Dassin, Fred Zinnemann et bien d'autres encore ont été black-listés peu de temps après la réalisation de ce long-métrage. Rossen s'en sortira beaucoup mieux que Polonsky. Mais pas Garfield qui décèdera d'une crise cardiaque en 1952. La chasse aux sorcières lancée par la commission des activités anti-américaines du sénateur McCarthy n'en épargnera pas beaucoup. Un vrai traumatisme. Cela dit, ni Robert Rossen (mort en 1966) ni Ab Polonsky (1910-1999) n'auront cette amertume et ce sentiment de vengeance à l'égard d'Hollywood. Ils entretiendront vis à vis de l'industrie du cinéma, et de la politique en général, une certaine distance de bon aloi... Enfin, BODY AND SOUL, est avec THE SET UP/NOUS AVONS GAGNE CE SOIR (de Robert Wise) l'un de ces rares films noirs où triomphe la force morale des personnages, alors qu'au début, on ne donnait pas cher de leur peau. Rien à voir avec un happy ending superficiel, imposée par la Production. Seulement, des personnages qui arrivent à se remettre en question à une étape décisive de leur vie. Magistral. Bref, voici un film dont la liberté de ton a de quoi surprendre. BODY AND SOUL serait peut-être le premier film indépendant (il n'a pas été produit par une major mais par le mythique studio Enterprise).
Et pourtant, le classicisme de la réalisation est évident, l'étude des personnages exceptionnelle (brillamment soutenue par la photographie de James Wong Howe). La mise en scène est un modèle du genre, à commencer par ce long travelling avant, pour le générique, où l'on suit Garfield dans son sommeil, en plein cauchemar. Cadrages rigoureux, ombres pesantes et lumières striées, plans séquences d'une qualité bluffante, comme cette scène finale de cinq minutes sans coupure, sur le ring... Un savoir-faire prodigieux. A noter, enfin, la musique très jazz de BODY AND SOUL, standard immortalisé par Coleman Hawkins. Le thème traverse tout le film sans le plomber, bien au contraire... Quand il réalise ce film, Robert Rossen n'a pas quarante ans. Mais il a derrière lui une sacrée expérience : théâtre, scénario. A la Warner, ses talents d'écrivain, la solidité de ses constructions dramatiques font de lui un personnage incontournable. Il fait aussi partie de cette génération (avec Abraham Polonsky, Jules Dassin et Elia Kazan) bien décidée à exprimer leur point de vue politique et social. Après avoir réalisé L'HEURE DU CRIME (polar lui aussi indisponible), il réalise ce chef d'œuvre qui sera source de polémique. A la différence de Fritz Lang, et parce qu'il travaille pour une production indépendante, il aura l'occasion rêvée d'avoir un acteur noir qui jouera le rôle du coach de Charlie Tiger (Canada Lee).

BODY AND SOUL de Robert Rossen (1947)
Noir et blanc  -  1h45







Freddiejazz c'est notre M'sieur Eddy à nous... alors tout de suite, un deuxième film avec John Garfield  !


Jeune avocat de Wall Street, Joe Morse (John Garfield) possède un réseau de connections avec le monde souterrain du jeu. Il travaille aussi pour un mafieux, Joe Tucker. Peu satisfait de son salaire, il est prêt à tout pour toucher un gros pactole. Pour cela, il lui faut convaincre les concurrents de Tucker  de laisser tomber les affaires. Parmi les concurrents, il y a un récalcitrant. Son frère, Leo…  

L'amour du pognon, vouloir gagner plus, tout en ayant la peur au ventre, est-ce ainsi que les hommes vivent? C'est un peu le sujet de ce FORCE OF EVIL, film noir magistral réalisé en 1948 par Abraham Polonsky, cinéaste maudit suite à l'affaire MacCarthy... Mais s'arrêter là serait bien dommage. Parce que FORCE OF EVIL est une oeuvre singulière à nulle autre pareille, trempée de cynisme ravageur, loin des normes établies (le film n'est en rien conventionnel), puisqu'il dénonce aussi, avec brio, le cynisme de la réalité américaine. Une réalité basée sur le rêve américain et le culte du fric. Bref, un film terrible sur les illusions et l'enfer de la corruption... C'est enfin un très beau film sur l'amour (d'abord, entre deux frères, puis entre un homme et une femme...).
A première vue, ce film pourrait paraître austère (un côté froid, quasi-documentaire, comme dans les premiers films de Jules Dassin et d'Anthony Mann), mais le ton est si juste, il touche si bien là où ça fait mal qu'on se pince pour le croire. Passée la première vision, celle de la découverte, à la deuxième, on ressort grandi, tant ce film est d'une force morale inouïe. Mieux encore, ce film est remarquablement écrit (un côté littéraire), d'une poésie qui laisse pantois. D'ailleurs, l'une des phrases clés est celle au cours de laquelle John Garfield se confiant à Beatrice Pearson, déclare : "sometimes I feel like midnight"... La mise en scène fait corps avec le propos. Abraham Polonsky a toujours avoué être écrivain avant d'être cinéaste. Et si FORCE OF EVIL est son premier film, il est parfaitement maîtrisé. Voix off du narrateur (John Garfield), qualité indéniable au niveau des dialogues, mise en scène efficace et diaphane, plans inoubliables (l'entrée des flics dans l'appartement de Leo, le frère de Garfield) liberté de ton inouïe, FORCE OF EVIL annonce les films de Martin Scorsese (je pense notamment à MEAN STREETS et LES AFFRANCHIS...).

Aliénation de la ville, comme lors de cette scène inouïe où l'on voit John Garfield déambuler seul dans les rues désertes de Wall Street, avec la Trinity Church en arrière-plan. Mais aussi critique de l'argent sale, des jeux de hasard, FORCE OF EVIL est le dernier film de Polonsky première période, puisque, figurant sur la liste noire de la commission des activités anti-américaine, il dut s'exiler et momentanément interrompre sa carrière... Plus tard, il réalisera WILLIE BOY, un western avec Robert Redford et Katharine Ross. FORCE OF EVIL est un film à part, assez méconnu, mais aussi un film surprenant qui gagne en maturité au fil des visions. Une perle rare.

FORCE OF EVIL d'Abraham Polonsky (1948)
Noir et blanc  -  1h20






Voici une scène de FORCE OF EVIL, admirez la tension, les ombres des clients sur les murs, la sécheresse du montage en fin de séquence, la violence frontale (pistolet dans l'axe du spectateur)...