J’aurais adoré annoncer à tous les p'tits n'enfants qui
nous lisent (allez, un dernier article de tonton Bruno sur Alice Cooper, et après, au lit) :
pour les vacances de Noël, courrez voir ZOOTOPIE 2 ! Sauf que cette suite,
sans être complètement ratée, est surtout paresseuse dans l'intention, voire inutile.
De toutes façons, que j’en
pense du bien ou pas, le film cartonne en salle. J'comprends pas pourquoi Disney, sur ses sorties mondiales, ne tient pas compte de mon avis, pour rectifier le tir.
ZOOTOPIE (2016), qui a la particularité d'être le dernier film de notre index "cinoche" (mémo : pensez à chroniquer ZULU) j’en ai dit ici beaucoup de bien. Un film
formidable, malin et surtout très drôle. Et comme ce fut un succès, on s’attendait
à un numéro 2 assez rapidement. Etrangement, non. Comme si les gars n’avaient
pas trouvé la bonne idée et s’étaient dit : on va attendre 10 ans, comme ça
y’aura une nouvelle génération de mômes à qui pour pourra resservir la même soupe réchauffée. Quant aux adultes, on s’en tape, ce n’est pas le cœur de cible.
Rappel
des faits : Zootopie est une ville où vivent en bonne entente tous les animaux,
ou presque, de la création. La lapine Judy Hopps était la première de sa race
à obtenir son diplôme de police, et menait une enquête périlleuse avec Nick
Wilde, un renard escroc. Elle devait faire avec le mépris de son commissaire
Bogo le buffle, les moqueries des collègues rhinocéros, le machisme ambiant, mais aussi la
pègre, les gangsters, les trafiquants et la corruption généralisée à la mairie…
ZOOTOPIE
2 reprend exactement les mêmes motifs, les mêmes thèmes, rien n’a évolué, sauf la relation entre
Judy et Nick, qui va tourner à l’amourette convenue. Cette fois, au cours d’une opération
anti-contrebande, Judy trouve une mue de serpent. Or, il n’y a pas de serpents
à Zootopie, bizarre... Toujours contre l’avis de leur chef, le couple lapin & renard
va mener l’enquête pour élucider ce mystère, en s’introduisant aux festivités
du centenaire de la ville…
L’intrigue vaut ce qu’elle vaut, un peu simpliste, au sujet d’un vol de brevet usurpé à la famille de Gary De’Snake par Ebenezer
Lynxley (un lynx). Côté animation rien à redire, personnages et décors valent le coup, très colorés. Les grands studios ont des armées de graphistes compétents et les moyens pour faire du bel ouvrage. Le doublage français est impeccable. Ce
qui va faire la différence, à mon sens, entre deux films, animés ou non, c’est
la mise en scène.
On retrouve Jared Bush aux manettes (il était co-scénariste du premier), mais son travailse fond maintenant dans le tout-venant. Les situations sont décalquées sur le
premier opus, le montage est hyper rapide. A tel point
que nombre de gags, dont certains sont rigolos, passent presque inaperçus car tout va trop vite. Même pas le
temps d’apprécier un plan qu’on passe au suivant. Chaque scène est conclue par son moment d'action, de poursuite, c'est presque lassant. Mais comme il en faut aussi pour
les grands, Bush fait quelques clins d’œil rigolos.
Au détour d’un
plan de poursuite dans les cuisines d’un restaurant, la coiffe d’un chef s’envole
pour découvrir en dessous le rat de RATATOUILLE. On retrouve la secrétaire brebis corrompue Miss Bellwether du premier épisode, cette fois en prison en mode Hannibal Lecter du SILENCE DES AGNEAUX. Et une scène entière reprise de SHINING, le Lynx vindicatif trainant la patte dans un labyrinthe enneigé, travelling
kubrickien ad-hoc et thème musical en prime. Honnêtement, je le voyais venir dès lors que l’enquête devait aboutir à un hôtel fermé pour l’hiver…
Le nouveau
maire cheval Brian Winddancer avec crinière peroxydée est plutôt bien vu, on
retrouve la gazelle (Shakira, avec une nouvelle chanson qui ressemble à toutes
les autres), on retrouve aussi le parrain du crime Mister Big la musaraigne, et
ses gardes du corps ours polaires. Après la fabuleuse séquence du paresseux dans le 1, on savourait à l'avance comment les auteurs allaient faire revivre le personnage. Grosse déception (p'tain, les mecs, vous n'avez trouvé que ça ?). Heureusement, un nouveau bestiaire rigolo, castors malins et
éléphants de mer.
Ce qui est horripilant, c’est le discours archi-convenu et
rebattu « nous sommes différents, mais si on va au-delà de nos
différences, on pourrait être ami »… Oui je sais, c’est la morale de 99% des dessins
animés de ce genre, on ne va pas apprendre aux gamins à monter-démonter une kalach. Mais peut-on faire passer le message avec humour
et subtilité, sans sortir les violons larmoyants ? Ca comprend beaucoup de choses un gamin. Dans ce 2, c’est juste lourdingue et barbant. La scène
post-générique de fin montre Judy Hopps trouver une plume (y’a pas d’oiseau
à Zootopie... bizarre, bis), qui annonce déjà une suite (dans 20 ans ?) avec qui cette fois, une poule ou une pie ostracisée en
lieu et place de la vipère ?
Autant le premier ZOOTOPIE sortait
du lot et nous faisait franchement marrer, autant le second donne dans le réchauffé, recycle, se
regarde poliment, permet entre deux soupirs d’esquisser un sourire. L’effet de surprise
n’agit plus, forcément, seuls les très jeunes y trouveront leur compte.
- Je consulte l'index Claude. Tu nous as déjà présenté 11 concertos
de Wolfgang depuis tes débuts dans le blog. Certains dans deux
interprétations différentes. Il y en a 27 ! tu crois parcourir
l'intégrale ?
- Je me suis surtout intéressé et les lecteurs aussi j'espère aux
concertos de l'époque viennoise Sonia (N° 11 à 27), ceux qui donnent
au genre leurs lettres de noblesse pour les temps futurs, y compris de
nos jours.
- Le numéro 9 est donc une œuvre de jeunesse ? Et comme le pianiste
Andreas Staier a complété son album avec le 17, les viennois comme tu les appelles seront bientôt tous disponibles… la dernière chronique
remonte à 2022…
- Oui, il a tellement de belle musique à découvrir, notamment celles
de compositeurs oubliés, que le temps passe vite. La période des fêtes
me semble propice à des musiques relaxantes haut de gamme…
- Andreas Staier joue sur un piano forte, enfin… il me semble…
- En effet et c'est ce qui a guidé mon choix, en dehors et de la verve et de la virtuosité déliée de ce pianiste… Et c'est en cela que ce disque se
distingue d'une légion d'excellents enregistrements sur piano moderne,
et entre dans mon jardin de disque de légende.
Partie 1 : Le concerto d'un grand adolescent vs celui d'un homme de
caractère
Mozart en 1777
Seulement 7 ans séparent l'écriture des deux concertos écoutés ce jour.
Andreas Staier
ne pouvait pas mieux sélectionner ces deux œuvres pour un programme
contrasté. Critiques et musicologues considèrent le
Concerto N°9
comme le premier vrai concerto classique de l'histoire. Ils appuient cette
affirmation sur sa durée d'exécution : 30 à 35 minutes, les précédants se
limitent à 20 minutes environ. Le concerto présente par ailleurs des
nouveautés structurelles et virtuoses plus ardues.
Le
concerto N°9
dit "Jeunehomme" date de 1777.
Mozart a 21 ans et réside encore à Salzbourg. L'œuvre vivifiante destinée à une jeune
virtuose française justifie l'usage d'un piano forte au son plus
incandescent que celui d'un piano moderne qui permet des legato injustifiés
dans le style mozartien.
Mozart
sort de l'adolescence. Le
Concerto N°17
sera celui d'un homme libre et adulte…
Le
Concerto N°17
date de 1784. C'est le
7ème concerto
composé après le départ pour Vienne. Les tracas affectifs d'un
Mozart
en rupture avec son père et son employeur ont conduit le grand
Mozart
à assumer seul l'entrée dans la maturité et à abandonner la désinvolture
indisciplinée de jeune virtuose insouciant. Il nous confiera pendant les
sept ans qui lui restent à vivre, à travers une inventivité compositionnelle
très aboutie et très avant-gardiste, d'un côté ses affres, mais surtout le
meilleur de son art : l'affirmation que l'âge classique s'éloigne
définitivement du baroque tardif.
Ajoutons que jouer les concertos 1 à 4 (simples adaptations de sonates) et
les 5 à 8 sur un clavecin ne pose aucun problème technique (les
enregistrements sont rarissimes). Précision : à partir du
N°12 de 1782,
Mozart
ne composait plus de concertos jouables sur un clavecin. N'oublions pas que
le clavecin est encore très utilisé par les claviériste du XVIIIème
siècle mais ne permet pas de jouer des notes longues…
Andreas Staier
n'a pas gravé d'intégrale des concertos de
Mozart, préférant peaufiner quatre partitions pour deux CD Teldec (9,17,18,19). Plutôt qu'un orchestre moderne, il préfère se fait accompagner par un
ensemble familier des sonorités des instrumentations des XVIIe et XVIIIe
siècles, en l'occurrence le
concerto Köln.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Partie 2 : 40 chroniques sans biographie même concise depuis 15 ans…
M'Enfin !
Mozart en 1782
Avec plus de quarante chroniques consacrées à
Mozart, inutile d'aligner de nouveau des éléments biographiques trop développés.
Certes, pour chaque œuvre, les circonstances historiques ou affectives de sa
vie, ont influencé la création et sont donc explicitées dans chaque
chronique. Mon inspiration non chronologique dans mes publications ont
conduit à un éparpillement des péripéties d'une existence singulière, et le
mot est faible. Pour ceux qui s'intéresseraient à une vision d'ensemble, je
ne peux que conseiller la lecture de sites dédiés, des récits
courts
ou
expansifs
(en allemand, mais le traducteur chrome s'avère performant, pour les non
germanophones)😊. Revenons succinctement sur les cinq grands épisodes de la
vie de
Wolfgang, pour la plupart sans doute déjà connus des mélomanes débutants ou
confirmés.
1 –1756-1773 :
Naissance à Salzbourg en janvier de
Wolfgang Mozart
qui aime changer de nom.
Amadeus
est un ajout ultérieur. Enfant prodige et précoce (Asperger ?), il apprend
avec son père le piano et le violon dès ses cinq ans et commence à composer.
Ses dons stupéfiants : une oreille absolue innée, une mémoire eidétique, une
virtuosité instrumentale acquise avant la maîtrise accomplie de la lecture
et de l'écriture. Né en Autriche,
Wolfgang
se revendiquera toujours comme allemand 😊.
Son père l'exhibe comme gamin savant dans toutes les cours d'Europe :
Munich, puis Vienne, puis une tournée européenne éreintante : de nouveau
Munich, Augsbourg, Mannheim, Francfort, Bruxelles, Paris, Versailles, Londres, La Haye, Amsterdam, Dijon, Lyon, Genève et
Lausanne. La croissance physique de l'enfant épuisé en sera altérée, ce qui
explique sa mauvaise santé
future. Il rencontre
Johann Christian Bach
avec qui il découvre : le piano forte, la symphonie et l'opéra italien… À
dix ans il a déjà composé
onze symphonies et d'autres pièces ! Entre 1770 à 1773, il voyage en
Italie : Vérone, Florence, Rome, Naples, Lorette, Bologne, Venise et surtout
Milan.
À 14 ans,
Wolfgang
entend le
Miserere
d'Allegri de 1638 : une polyphonie sacrée à cinq voix réservée aux offices de
la semaine sainte dans la Chapelle Sixtine. Le Vatican interdit toute
adaptation (sous peine d’excommunication… Euh… une légende digne de Dan
Brown). Dès le lendemain,
Wolfgang
aurait transcrit de mémoire cette pièce redoutablement complexe… Mais sans
le manuscrit original, n'est-ce donc pas qu'une légende due à l'imagination
de ses admirateurs…
2 –1773-1777 : Premier
séjour à Salzbourg où le prince-archevêque Colloredo, homme de
culture et passionné de musique prend les choses en mains et met fin aux
pérégrinations de
Leopold Mozart
et de son fils qu'il trouve arrogants de par leurs célébrités ! Bonne idée,
car la carrière de compositeur de
Wolfgang
s'élance vraiment dans tous les genres : concertos et symphonies montrent
déjà une dimension psychologique dépassant les limites du style galant et du
divertissement. Il se lie d'amitié avec
Haydn. Les tensions avec le prince-archevêque s'envenime… Il démissionne,
une révolte insupportable digne d'une hérésie à l'époque 😊.
Constance Weber-Mozart vers 1782
3 –1777 – 1779 : Un tel
comportement nuit à sa carrière. Il cherche un job stable en vain à Munich,
Augsbourg, Mannheim et Paris… Il tombe amoureux de la
cantatrice Aloysia Weber (sœur de Constance, la
future Mme Mozart) à la grande fureur de son père. Il s'initié à la
Franc-Maçonnerie. Sa mère meurt.
Wolfgang
prend conscience d'une impasse dans sa vie de musicien et d'homme adulte que
ces épreuves ont forgé.
4 -1779-1781 : Retour à
Salzbourg où le Prince Colloredo, accepte de nouveau ses services grâce à
une négociation avec son père.
Wolfgang
déteste Salzbourg, compose peu mais quelques chefs-d'œuvre : la messe du
Couronnement, trois symphonies, la sérénade Cor de Postillon et la symphonie
concertante pour violon et alto. Colloredo doit partir pour Vienne et
entraîne avec lui un compositeur qu'il traite comme un laquais. Avril
1781,
Wolfgang
refuse de retourner à Salzbourg. La guerre totale entre les deux hommes
éclate ; le prince-archevêque traite en public "Mozart de débauché, de gueux
et de crétin" et le congédie. Wolfgang
écrit à son père "Je ne veux plus rien savoir de Salzbourg, je hais
l'archevêque jusqu'à la frénésie." La rupture est plus que consommée,
Wolfgang
s'installe à Vienne qu'il ne quittera plus.
5 -1781-1791 :
Mozart est libre de la tutelle paternelle qui sera longue à s'apaiser et d'un
commanditaire autocratique. (Il faut dire que comme souvent avec les génies
conscients de l'être,
Wolfgang
est ingérable.) cette période de dix ans sera la plus riche comme
compositeur. Il rencontre Da Ponte, librettiste de génie. Vienne apprécie
ses concerts et sa musique innovante, succès encore plus marqué à Prague… Il
compose des opéras en langue allemande, un crime dans cet empire rétrograde.
Voici le temps de
Les Noces de Figaro
censuré, de
Don Giovanni
boudé à Vienne, encensé à Prague, les dernières et modernistes
symphonies… et le
Requiem
inachevé. Etc.
Il a épousé Constance Weber le 4 août 1782 sans l'aval
de son père. Ils auront six enfants, seuls deux fils survivront.
Financièrement, la situation restera plus ou moins critique jusqu'à la mort
de
Mozart
en 1791. Même si l'histoire du petit chien suivant le corbillard est
une allégorie de l'abandon de
Mozart
par les Viennois, l'enterrement de
Mozart
dans une fosse commune, sans croix (!) semble bien réel.
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Partie 3 : Clavicorde, clavecin, piano "forte" ou piano tout court…
Jeune fille au clavicorde (1529)
Jan Sanders van Hemessen
Clavecin,
clavicorde, papa du
piano forte (pourquoi "forte"
d'ailleurs ?) et piano tout court, même
pour un
Steinway de concert D-274 (2,74m). Les
facteurs d'instruments sont inventifs et ont offert des perspectives de plus
en plus larges et virtuoses aux compositeurs pour le clavier… J'enfonce
quelques portes ouvertes, veuillez me pardonner pour ces rappels…
Le clavecin fut très en vogue du XVIème au XVIIIème siècle et encore de nos jours (Poulenc,
de Falla…). Le roi des instruments à cordes pincées, pincées sèchement, en
l'occurrence par le plectre ou
bec constitué de l'extrémité d'une
plume de corbeau ou de bernache du Canada (haut de gamme). Les plus beaux
instruments possèdent deux voire trois claviers de 56 notes pour varier les
timbres. Hélas, un touché délicat de damoiselle ou brutal d'un lutteur de
foire produira toujours le même son en terme de puissance. Inutile de
chercher les signes de nuance p, mf ou f dans les partitions de
Scarlatti. Il n'y en pas… Idem chez
Bach
ou les pièces de jeunesse de
Mozart. (Fandango du Padre Soler par Staier).
Ah le clavicorde est un piano aux cordes disposés de manière latérale et
frappées par un marteau associé à la touche. Inventé en même temps que le
clavecin, la longueur des cordes limitée à la largeur de la caisse restreint
la tessiture à 4 octaves, encore un jouet pour petites marquises 😊. Par
contre, en frappant énergiquement, on nuance la force du son, on peut jouer
forte mf ou f …
D'où, l'idée de ne plus plumer les corbeaux (à la demande des écolos) et de
remplacer le système complexe du
clavecin par un marteau en feutre mû
par un mécanisme guère plus complexe qui renvoie ledit marteau à sa place
dès la frappe. Un étouffoir éteint la vibration lors du relâchement de la
touche… Sur le piano moderne, le
marteau ne fait que s'écarter de la corde pour permettre de jouer les
trilles à une vitesse folle.
Et là, vous avez compris, on effleure la touche ou on la frappe jusqu'à la casser (Liszt) et ainsi jouer des nuances sonores autorisant le jaillissement ou la
sérénade de mélodies beaucoup plus éclatantes ou poétiques ! D'où
l'appellation de Piano forte. Ainsi encore timidement
Mozart
note pp, p , fp et f dans son
concerto Jeunehomme
; et
Liszt
plus furieusement des nuances de pp à
fff dans sa
sonate.
Liszt
qui apportait plusieurs pianos lors des concerts en cas de touches
brisées 😊.
Partie 4 :Andreas Staier, le grand maître du clavecin et du piano forte
Andreas Staier (2025)
Andreas Staier
serait-il fier de mon exposé ? l'artiste maitrise tous ces instruments et a
voué sa carrière à construire un répertoire pour le
piano forte historiquement informé
(pour utiliser le langage ad 'hoc) : principalement celui de l'époque
classique, de
Mozart, ou
Haydn, joués de nos jours quasi systématiquement sur des pianos de concert
survitaminés, avec talent faut-il le préciser.
Göttingen, 13 septembre 1955,
Andreas Staier
voir le jour… Ses biographies sur le web sont riquiquis ! 300 mots ; 9300
pour
Julio Iglesias
😊.
- C'est qui ce Julio Claude ? Encore un baroqueux à venir…
- Heu non Sonia, un crooner espagnol "souriez Gibbs" des années
70, ex footballeur, un peu oublié mais… une jolie voix, 40 albums en 14
langues… tu n'étais pas née…
Blague à part, il étude ardemment le piano et le clavecin à
Hochschule für Musik de Hanovre et au
Conservatoire d'Amsterdam. Ses
professeurs :
Lajos Rovatkay,
Gustav Leonhardt
et
Ton Koopman. Il quitte surdiplômé ce parcours en 1982.
Anton Walter (1752-1826)
Entre 1983 et 1986, il assure la partie de clavier de
Musica Antiqua Köln. L'un des orchestres baroques européens les plus en vue, réputé pour sa
vivacité (Chronique Bach
– Vidéo 3 : le clavecin est bien présent, pas uniquement une décoration
musicale) avec le
Freiburger Barockorchester
auquel il apporte sa contribution…
À partir de 1986, il commence sa carrière solo tant au clavecin
qu'au piano forte. De 1987 à 1996, il enseigne le clavecin à
la Schola Cantorum de Bâle. Bien
entendu il enregistre, notamment sur une copie de piano-forte d'Anton Walter, instrument qui avait la faveur de Mozart et Beethoven (voir photo plus
loin). Il travaille avec des facteurs d'instruments de ce type.
Le compositeur français Brice Pauset a enrichi en collaboration avec Andreas Staier le répertoire… (Clic)
Il a enregistré les Variations Goldberget le
clavier bien tempéré
de
Bach, les
Variations Diabelli
de
Beethoven
ou les
dernières œuvres
pour piano de
Brahms
et bien d'autres y compris comme accompagnateur de
Christoph Prégardien
dans des
lieder
de Schubert. Le disque
Mozart
de ce jour est un must,
Andreas Staier
dirige lui-même le
Concerto Köln depuis le clavier.
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Partie 5 : Concerto N°9 "Jeunehomme" K 271 (1777)
Jean-Georges Noverre
Bien que la chose soit d'intérêt modeste, on épiloguait depuis plus deux
siècles sur la personnalité de Mlle Jeunehomme, la dédicataire de ce
très beau concerto, le premier de
Mozart
à préfigurer ceux écrits à Vienne et qui influenceront
Beethoven
jusqu'à son 3ème composé en 1800, juste avant le virage
vers le romantisme.
Jean et Brigitte Massin dans leur "bible" des années 70 ne
s'attardaient pas sur le sujet, notant que
Mozart, chaud-lapin (les Massin utilise une formule plus élégante 😊)
aurait pu fréquenter de manière éphémère une jeune pianiste portant ce nom
énigmatique… depuis 2005, le mystère est résolu. Et nous voilà
confronté à une simple facétie orthographique caractéristique des noms
propres qui se métamorphosent de missives en missives. Merci au musicologue
Michael Lorenz d'avoir levé le voile.
Wolfgang
écrit à son père Leopold en janvier 1777 qu'il vient d'achever
un
concerto
destinée à une pianiste nommée "Lenomy". Leopold lit, comprend mal et écrit "Madame genomai". Dénaturation du nom de Mlle
Louise Victoire Jenamy, fille de Jean-Georges Noverre, ami de
Mozart
et célèbre danseur des Lumières. (1727-1810 - maître de ballet et
créateur du ballet moderne.)
L'orchestration est légère : 2 hautbois, 2 cors et les cordes. Trois
mouvements :
1 - Allegro, en mi bémol majeur
: À l'époque classique, les plans des ouvrages sont normés. Ainsi on introduit
le mouvement initial par un exposé instrumental des thèmes, un peu à la
manière des ouvertures des opéras.
Mozart
innove et à cette règle préfère une joute entre l'orchestre et le soliste !
Beethoven
reprendra à son compte cette incartade formelle dans son
concerto N°4. Donc : un motif décidé, sur un temps, (une blanche et un arpège de 4
croches, main gauche au piano, orchestre à l'unisson), affronte en duel un
second motif rythmé et facétieux sur deux temps énoncé au piano seul ! Le
piano poursuit son jeu (main gauche seule, notes piquées discrètes)
accompagné par les cordes ; un principe compositionnel exploité pendant la
quasi-totalité de l'allegro. Ce dialogue constitue le premier bloc
thématique.
[0:46] Le second thème contraste avec la scansion de l'introduction par son
esprit plus mélodique et tendre. [1:56] Reprise I. Le développement se
distingue par son allégresse et sa fantaisie [5:54] Reprise II. [8:48] la
cadence, d'une difficulté et d'une vélocité redoutables dans les premières
mesures évolue vers un passage plus rêveur. [10:15] la courte coda déborde
d'énergie. On pensera à une écriture trépidante héritée de la technique du
clavecin… L'absence de répétition marquée, voire académique, explique
l'opinion répandue que ce "Jeunehomme" inaugure la série des concertos géniaux
de la maturité de Mozarttant dans l'inventivité que dans le foisonnement de la thématique. Le thème A
resurgit uniquement pour relancer le discours à la manière de variations qui
cachent leur nom…
Piano Forte Walter de Mozart (copie)
2 - Andantino, en do mineur +cadence : Le musicologue
Alfred Einstein parlait de "l'héroïque de Mozart" à propos du concerto "Jeunehomme". Le point commun entre la symphonie de
Beethoven
et le concerto de
Wolfgang
étant un virage significatif dans la carrière des deux compositeurs. Il
argumentait en mettant en exergue l'ampleur révolutionnaire des partitions
tant par leurs durées que leurs pouvoirs émotionnels. Certes le critique
musical, affichait là un enthousiasme presque excessif dû à son admiration
pour
Mozart
dont il révisa le catalogue Köchel.
(mais Tout est relatif aurait pensé son cousin Albert 😊.) Le
virage pour
Mozart
est individuel et manifeste qu'il veut tourner le dos à la musique de pur
divertissement pour un style plus sentimental. L'ambition de
Beethoven
se révèle universelle, la décision sans retour d'imposer le style romantique,
à savoir l'expression de la douleur, de l'amour, du tragique, du combat… Le
classicisme encore souvent signe d'académisme est ainsi mort en
1808 lors de la création de la symphonie "héroïque" épique et funèbre !
Et en effet, l'andantino se développe
sur plus d'une dizaine de minutes alors que ceux des 22 autres
concertos, sauf le 17, quel hasard, (on ne compte pas les quatre premiers)
limitent ce passage voué à la méditation à une moyenne de
six minutes ! De plus, le choix de la tonalité
do mineur impliquant un climat morose
fait apparaître un besoin de nous confier, musicalement parlant, sa
réflexion intérieure, ses joies, ses angoisses, plutôt que d'insérer un
moment de détente entre les mouvements extrêmes plus allants…
L'andantino débute par une procession martiale aux cordes, violons I et II
en sourdine, on ne peut nier une certaine gravité à cette introduction.
[0:26] Cors et hautbois noté f à l'unisson accentuent le
sentiment de solennité. [1:09] le piano s'invite suivant la même thématique
martiale à l'allure de déambulation onirique. [1:36] Reprise A, le piano se
trouvant de plus en plus isolé. [2:10] Introduit par les hautbois voici un
second bloc thématique qui retrouvera doucement le lyrisme et la scansion
initiales. Nous écoutons un
Mozart
méditatif dans le sens charmeur et… osons le dire, romantique. [4:10] Le
développement envoûte malgré deux timides accès de révolte. Il nous
hypnotise en maintenant ce délicat cantabile dans un dialogue
complice entre clavier et orchestre… Un duo fusionnel, sans rupture de ton
marquée, prend la place dans l'andantino
de l'habituelle joute conflictuelle prisée dans les concertos baroques et
destinée à mettre en valeur la virtuosité hédoniste du soliste. [8:26] La
cadence ne rompt pas le discours élégiaque malgré quelques tentatives
d'égayer un ciel gris, accelerando et trilles [10:04]. Dieu que
Mozart
s'ennuie à Salzbourg…
Mozart a écrit deux cadences sur la
partition, au choix…
3 - Rondo (Presto), en mi bémol majeur
:
Mozart
devait connaître le talent brillant de Mlle
Louise Victoire Jenamy devenue Jeunehomme lors des contacts
amicaux avec son père. On reconnaîtra la vélocité inhérente au jeu du
clavecin encore très utilisé en l'an 1777.
Mozart
nous a bouleversé dans l'andantino. Le rondo évoque une chevauchée. Cavalcade que le piano élance seul suivi
d'une réponse de l'orchestre. [2:19] Reprise en complicité avec l'orchestre
de l'introduction virevoltante qui semblait, humour oblige, s'assoupir.
[3:36]
Mozart
abandonne la précipitation un peu folle pour insérer un menuet noté
menuetteo cantabile qui semble écrit
pour un enfant. Le piano se voit confronté à des pizzicati et même à une
intervention effrontée des cors. Le piano se métamorphose dans toute cette
partie à l'écriture fantasque en un personnage instrumental d'opéra bouffe.
Que de surprises dans ce K 271 ! [7:18] La thématique initiale fait son
retour en conclusion suivant un mystérieux passage
adagio achevant le menuet…
Il est plaisant d'écouter le
Concerto N°8 de 1776 qui malgré une chatoyante poésie côtoie l'univers de la
sérénade. Le final semble bien banal en comparaison de la facétie débridée
du rondo du concerto "Jeunehomme" avec menuet intégré. Le
Concerto N°10
de 1779, composé à Vienne, pour deux pianos et un orchestre rutilant
confirmera le désir de considérer le concerto pour piano comme un genre
privilégié par
Mozart.
Maison de Mozart à Vienne
Partie 6 : Concerto N°17 K 453 (1784)
Mozart
vit à Vienne en famille depuis 1781, libéré de l'autocratie
paternelle et choisissant aussi la liberté créatrice en ne dépendant plus des
subsides de son protecteur (Cf.
partie 2). Depuis la composition du concerto N°10 pour deux pianos qui clôt son
séjour à Salzbourg, il compose sans relâche dans ce que je désignais comme
son genre privilégié, le concerto dont six écrits en 1784. Depuis le "jeunehomme" choisi volontairement par
Andreas Staier,
Mozart
apportera définitivement ses lettres de noblesse au
concerto pour piano forte, au même titre qu'à la symphonie et à
l'opéra.
On pourrait parler de stakhanovisme, mot bien péjoratif car synonyme de
production en masse peu qualitative. Le 13ème datait de mars
1783. Un an plus tard,
Mozart
en compose quatre en 2-3 mois (chaque partition comporte une soixantaine de
pages). On croit rêver, trouver l'idée mélodique, la coucher à la plume
d'oie, décliner l'orchestration sur dix portées ! Il ne dormait jamais
Mozart
? Ne disait-il pas lui-même "Ils vous mettent en nage"… en parlant des
N°14
à
N°16. La liste suivante laisse sans voix. Les connaissant bien, tous exigent une
grande virtuosité.
- no 14
en mi bémol majeur, KV. 449 (9 février 1784 dédié à
Barbara Ployer)
- no 15
en si bémol majeur, KV. 450 (15 mars 1784)
- no 16
en ré majeur, KV. 451 (22 mars 1784)
- no 17
en sol majeur, KV. 453 (12 avril 1784 dédié à
Barbara Ployer)
- no 18
en si bémol majeur, KV. 456 (30 septembre 1784)
- no 19
en fa majeur, KV. 459 (11 décembre 1784)
- no 20
en ré mineur, KV. 466 (10 février 1785)
- no 21
en do majeur, KV. 467 (9 mars 1785)
Dès les années 1780, il existe désormais une génération de jeunes virtuoses du piano forte, instrument capable d'un jeu
dynamique, à l'inverse de la sonorité colorée et allègre mais sans nuances
du clavecin. C'est le cas de
BarbaraPloyer
(1765-1811), jeune fille de bonne famille et élève de
Mozart
à laquelle il dédicace deux œuvres ; l'enseignement en privé est devenu l'un
de ses rares gagne-pains.
étourneau sansonnet
Cette chronique s'allonge mais je ne peux me résoudre à zapper sur une
charmante anecdote. Mai 1784,
Mozart
acquiert un étourneau sansonnet comme animal de compagnie chez un oiseleur (Papageno de la flûte enchantée ?). 🐦⬛Cette espèce peut imiter une voix ou une mélodie.Mozart
décide de lui enseigner le thème joyeux du 3ème
mouvement 🐦⬛ de son concerto N°17
achevé le 12 avril et sans doute en cours de répétition. Il y aurait réussi,
ce qui donnait ceci :
Comparez avec le thème 🐦⬛joué par
Andreas Steir, la similitude, hormis un point d'orgue improvisé par le volatile, est
bluffante… Réelle ou pas, l'histoire est attachante. 🐦⬛L'oiseau vivra
trois ans,
Mozart
organisera ses obsèques et lui écrira une épitaphe
(Clic).
Orchestration : 1 flûte, 2 hautbois, 2 bassons, 2 cors et les cordes. Trois
mouvements
(Partition)
:
1 - Allegro, en sol majeur, à 4/4
: ne cherchons pas la moindre intention sentimentale dans l'ouverture
disons… virile. La jeune Babette est dédicataire et non source de désir
fantasmé.
Mozart
écrit depuis plusieurs années en privilégiant son introspection au badinage
dans les concertos. Il réserve son attrait pour le marivaudage aux opéras.
L'introduction sublime la forme symphonique. Le discours se déploie
fermement, épique, avec des vents très présents destinés à vitaliser cette
longue ouverture. [1:10] Une second motif plus léger, legato, s'immisce pour
adoucir le dialogue. Une conclusion moins virulente en termes de nuances
précède l'entrée du piano.
[2:19] Au faste orchestral succède une péroraison moins austère du piano
mêlant la double thématique initiale. [3:21] troisième thème introduit
par le piano solo. Stylistiquement, nous écoutons là une esquisse du style
romantique avec des contrastes mélodiques oscillant entre joie et
tourment. Mozart
a franchi le pas d'un classicisme plus émotionnel qu'il suivra jusqu'au
concerto 27.
Demoiselle au clavier (non, pas Babette)
La richesse de l'allegro d'une douzaine de minutes m'impose une
interruption. Après un passage centrale à la fois poétique, secret et
tendre, des reprises énergiques et concertantes nous conduiront à la cadence
[9:44]. Mozart improvise une énigme sous forme de motifs diversifiés isolés par des
pauses interrogatives. [11:12] Coda. Vertigineux !
2 - Andante, en do majeur, à ¾ : Quelques mesures cadencées aux cordes invitent les bois à un
colloque. De nouveau une longue entrée en matière orchestrale fait écho au
futur dialogue poétique beethovénien, celui de la symphonie "pastorale".
[1:20] L'orchestre sort de sa rêverie. [1:52] Le piano expose un thème âpre
et solitaire en sol mineur, une tonalité affligée. Tout le mouvement se
développera dans un climat crépusculaire teinté de sérénité néanmoins. Les
virevoltants divertimentos sont désormais des souvenirs de
l'enfance, Mozartpratique l'auto-psychanalyse musicale. [7:42] Mozart insère une cadence, absente à l'avenir. Il recourt à toute la
tessiture du clavier, des notes les plus graves aux trilles dans l'extrême
aigu. [9:33] Coda avec de nouveau une participation conséquente des
bois.
3 - Allegretto, en sol majeur, à 4/4 : Mozart, le compositeur de toutes les surprises, de tous les contrastes. Si
l'andante psalmodiait une cantilène méditative, l'allegretto énonce au piano
une phrase primesautière dominée par la flûte soutenue aux cordes. Quelques
motifs guillerets des bois s'insinuent de-ci de-là. Ce bloc introductif est
repris in extenso. [0:46] Le piano s'élance dans un solo lyrique cantabile
construit sur la thématique initiale. Il est rapidement rejoint par les
cordes qui se veulent éthérées. Les bois ont pris congé. Mozart s'amuse à enchaîner les variations. [1:34] Flute, hautbois, cor et
basson jouent à l'unisson aux soldats de plombs (p), une marche drolatique pendant, qu'indifférent le clavier monte et
descend des arpèges 😲. Le génie mozartien s'exprime tout à fait dans cette
espièglerie. Je vous laisse découvrir les autres variations. On appréciera
la prise de son du basson spatialisé avec précision, à [3:30] par exemple.
[3:58] À mi-parcours du final, l'orchestre et en vedette, les cors, s'élancent en rugissant pour introduire une grande coda au lyrisme opératique.
Utilisant un virulent thème complémentaire, l'orchestre et le piano
s'unissent pour enflammer la conclusion du concerto avec… d'étonnantes
trilles des cors.
Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que
conseillée.
Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la
musique…
INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool.
Dans le chapitre de la "à la poursuite des perles perdues des années 70", copieusement fourni en perdants magnifiques qui n'ont jamais été vraiment récompensés à leur juste valeur - par malchance, concours de circonstances, découragement, ou encore en raison de mauvais choix assez souvent assortis d'escrocs -, il y a... "il y aaaaa.... il y a la nuit, le soleil et touaaaa .... "
.... 😏 .... désolé ... on a entamé les festivités ... Et demain soir, ce sera particulièrement chaud (on dormira dans la voiture). Rhoooo... si on ne peut plus rigoler... Luc met la pression... il veut son article... au moins le sujet...On reprend ... C'est donc encore un truc obscur, sauf pour les accros au Rock des années 70. Sinon, les fondus de southern-rock, plus particulièrement ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie, connaissent probablement déjà ce sextet. Cette fois-ci, la bande est parvenue à aller jusqu'à une seconde galette. Les deux étant quasiment aussi bonnes l'une que l'autre. Toutefois, généralement, c'est le premier essai qui est mis en avant. Il est surprenant qu'en dépit de la maîtrise des musiciens et de la haute tenue des compositions, le groupe n'ait pas réussi à prendre son élan (commercial) pour voler à la même altitude que les grandes formations américaines de l'époque. Il s'en est peut-être fallu de peu...
C'est pourtant grâce à sa réputation scénique, qui débordait largement des frontières de Saint-Louis, et même du Missouri, que des cadres d'Atco Records (filiale d'Atlantic - Ahmet Ertengun les avait maintes fois rencontrés et les avait assurés, verbalement, de son appui) ont fait le déplacement pour lui proposer un contrat d'enregistrement. Il en résulte un premier et bel album, enregistré en 1974 et sorti en 1975. Un album éponyme qui ne rencontra pas, en dehors du Missouri, le succès escompté. Certains ont reporté en partie la faute sur le producteur imposé, Arif Mardin (Tom Dowd s'était proposé, mais ne fut pas retenu par Atco). Évidemment plus connu pour avoir maintes fois travaillé pour Aretha Franklin et les cartons du premier disque de Norah Jones et de "Saturday Night Fever". Effectivement, on peut suspecter sur ce premier ouvrage - et plus encore sur le suivant - une certaine volonté d'une forme de canalisation, de dégraissage, d'abrasion des aspérités rock pour rendre le "produit" plus commercial, plus facile à placer sur les ondes (radiophoniques et télévisuelles). Le groupe lui-même, fut surpris et déçu de ne pas y retrouver l'intensité qu'il développait sur scène. Ce qui pourrait effrayer les amateurs de Molly Hatchet, de Blackfoot et autres Point Blank. Soit la branche dure du southern-rock millésime 70's. Au contraire de ceux qui se délectent des Atlanta Rhythm Section, Marshall Tucker Band, et même du début de REO Speedwagon. À bien y regarder (écouter), "Mama's Pride" (le disque) rivalise sans forcer avec les meilleurs ouvrages de l'ARS et du MTB.
Et d'entrée, "In The Morning" brille tel un soleil printanier chassant les dernières manifestations de l'hiver, faisant jaillir de la terre une flore avide de ses rayons. Même les guitares semblent gazouiller telles des piafs ravis de pouvoir à nouveau réchauffer leurs plumes - on pense parfois au meilleur de Dickey Betts. Un morceau plus proche de la Floride que du "Cave State", dont sont originaire les membres. Voire de la Caroline-du-Sud et des morceaux enlevés du Marshall Tucker Band (étant alors quasiment dépourvus de country et d'instruments à vent). De même que leur tube, "Blue Mist" (du Eagles commercial) et le beau "Laurie Ann", ballade sudiste semi acoustique à l'humeur mélancolique. "La nuit dernière, alors que je dormais, je t'ai entendu pleurer dans la nuit. Tes larmes tombant régulièrement sur mes épaules. C'est alors que j'ai su que quelque chose n'allait pas. Oooh dis-moi, que vais-je faire quand Laurie sera partie ? Comment vais-je agir ? Pourrai-je continuer ? Ou serai-je victime de mes chansons tristes ? ... Soupirerai-je ? Pleurerai-je ? Me recroquevillerai-je en boule et mourir ? Tenterai-je d'aimer à nouveau ? En serai-je capable ? Ou garderai-je mon cœur brisé, restant un homme amer ?". Dans le genre ballade, la gentillette "Young And Free" fait plutôt dans la nostalgie, s'échappant du terrain "southern" pour s'accointer avec une pop US, insouciante et de bon aloi "Hier, c'est ce dont je me souviens. Tout a commencé fin septembre à regarder la neige tomber sur Forest Park. Oooh, comme elle brillait dans l'obscurité. Maintenant, je sens la nostalgie venir car chaque année, à peu près à la même période, elle revient... Je ne suis plus jeune, du moins pas autant qu'avant, mais le passé me manque encore. Oooh, comme j'aurais voulu qu'il dure. Je me souviens d'une petite fille aux cheveux bruns. On aurait dit qu'elle était mon univers... Un jour, je retournerai peut-être dans mon petit monde. Qui sait ? Je pourrai revoir cette petite fille aux cheveux bruns, mais je te garantis, si jamais j'y retourne, je ne partirai plus ".
Comme tous les groupes dits de southern-rock qui se respectent, Mama's Pride sait aussi se distinguer avec des morceaux où fusionnent le blues, le boogie et la country, avec un élan de mustang épris de liberté, galopant dans des plaines où l'homme n'est qu'un fragile étranger perdu dans la nature sauvage. Où toute véhémence semble écrasée par une chaleur moite, bien que des scories d'une juste exaltation se manifestent néanmoins à travers d'ardents soli. Sur cet album, "Who Do You Think You're Foolin' ", est l'un des meilleurs exemples, ronronnant comme un V6 sur la route 66 (1) roulant tranquillement, sans monter dans les tours. "Missouri Sky Line" développe un southern-rock bien rythmé, mâtiné de funk nerveux, entre Wet Willie et l'Allman Brothers Band. De même que "Kind Lovin' Woman", bien que plus dur et râpeux - presque hard. Une affiliation avec les Allman, qu'on retrouve également sur le chauvin "Ole St. Louis", après une première baignant dans des eaux bien colorées de funk. Une chanson gentiment provocatrice, clamant que si on veut écouter du Blues, et du bon, c'est à Saint-Louis qu'il faut se rendre. Ben voyons.
Il n'y a rien à jeter sur ce disque, surtout pas ce "Where Would You Be" copieusement saupoudré de soul, montant doucement en puissance et en émotion, Pat Liston finissant par déployer toute sa force vocale dans des râles, des cris provoqués par des poussées d'adrénaline. Ce qui d'ailleurs a fait que l'on va parfois la comparer à Gregg Allman. À Saint-Louis, Pat Liston, principal compositeur et chanteur, guitariste, organiste et slider, est resté, en dépit d'une carrière des plus erratiques, une personnalité de la ville.
Alors pourquoi ce groupe si prometteur a-t-il fini aux oubliettes ? D'abord c'est la faute de la malchance, sachant que Ronnie Van Zandt voulait produire le troisième disque des gars, et les inviter ensuite à assurer leur première partie sur une tournée, histoire de leur offrir un coup de pouce mérité (il était notamment ami avec Pat Liston). Hélas, Ronnie décède peu après. Ensuite par de mauvais choix, notamment celui de servir de groupe d'accompagnement pour Gregg Allman, au lieu de continuer à se produire pour s'affirmer sur une scène où la concurrence ne manque pas - cependant, de l'avis même de certains membres du groupe, ce fut un grand moment, et, à ce titre, ils ne semblent rien regretter(2). Et puis, il est vrai que les années 80 sont une période difficile pour les groupes de Southern-rock. La grande majorité subissent une étonnante et unanime pression afin de polir suffisamment leur musique pour la faire rentrer dans des formats "FM". La majorité n'y survit pas. Dont Mama's Pride. Toutefois, malgré une discographie des plus congrues, le Missouri ne les a pas oubliés et le groupe revient sur la scène en 1992, après dix ans de séparation, avec un troisième opus, "Guard Your Heart" ... qui, avec ses chœurs formatés et ses synthés envahissants, semble tout droit sorti au milieu des années 80. Un disque qui est plus à mettre au crédit du frangin Danny Liston.
Dans les années 2000, le groupe se reforme régulièrement pour des concerts certes limités au Missouri, mais affichant généralement complet. Ce sera l'occasion, en 2006, de sortir un double live : "Alive and Well".
À l'instar de groupes tels que Doc Holliday, Wet Willie ou Allman Brothers Band, ce sont deux frères, Pat et Danny Liston, qui fondent le groupe. Ils baptisent la formation Mama's Pride en hommage à leur mère, Lucille. Également musicienne, elle avait fait le choix d'arrêter toutes activités musicales pour se consacrer à la famille, à ses enfants. (ce n'est pas la dame présentée sur la pochette).
++
(1) le Missouri est le deuxième état par lequel passe cette route quasi mythique.
(2) Gregg aurait avancé que c'était le groupe avec lequel il s'était le plus amusé. Que c'étaient aussi les meilleurs avec lesquels il se soit produit. Il existe sur le net des extraits de cette période qui témoignent d'un groupe au taquet, et plus rock'n'roll qu'en studio.