LUNDI :de
la lecture avec Nema et ce beau roman « Vapore » de
l’italien Marco Lodoli, qui jongle entre rêve, poésie et dureté
des années de plomb, raconté dans le cadre calme et serein d’une
villa entourée de champs.
MARDI :du
cinoche sanglant et rigolo avec Pat, qui a revu pour nous « Shaun
of the dead », la comédie-zombie de Edgar Wright (et son pote
Simon Pegg) franche réussite adoubée par George A.
Romero.
MERCREDI :Bruno
a remisé pour un temps ses guitares pour un petit détour vers la
pop progressive de Kate Bush, qui avait épaté son monde dès son
« The kick inside », collection de pépites d'une pureté
rare.
JEUDI :Benjamin
a poursuivi son voyage dans le « Southern rock »,
s’intéressant notamment à Lynyrd Skynyrd, hélas rapidement
décimé, mais aussi Outlaws et Blackfoot.
VENDREDI :on
a vu « Les Aigles de la République » la charge politique
de Tarik Saleh contre le régime égyptien, qui pourrait bien clore
sa trilogie sur la corruption. Farce irrévérencieuse basculant dans
le drame, du cinoche engagé et efficace.
👉La
semaine prochaine,
ont
confirmé leurs présences en renvoyant dûment rempli le bulletin prévu dans nos invitations, Jimi Hendrix en mode posthume, le maestro Karl
Richter dans un disque légendaire consacré à J.S. Bach, et Jodie Foster dans un film
français. On attend une autre confirmation pour mercredi…
Et puis un dernier salut à Udo Kier, acteur allemand, 81 ans aux iris, dont le regard clair et perçant nous avaient effrayés dans quelques séries du genre Dracula & Frankenstein, mais pas que, un CV long comme le bras. Et puis à Jimmy Cliff, 81 ans au oinj, illustre auteur de "Many rivers to cross" et "The harder they come", et plus tard interprète de "Reggae night" et "I can see clearly".
Après la corruption policière dans
le formidable LE CAIRE CONFIDENTIEL (2017), les tambouilles
politico-religieuses dans LA CONSPIRATION DU CAIRE (2022), voici
l’opus qui pourrait clore une trilogie, LES AIGLES DE LA
RÉPUBLIQUE, qui s’attaque au pouvoir en place, celui du très
sympathique président Abdel Fattah al-Sissi. Inutile de préciser
que Tarik Saleh n’a pas tourné en Egypte, mais en Turquie, ce qui
n’est pas moins surprenant.
D’abord un superbe générique, sur
fond de vieilles affiches de série B au technicolor flamboyant, genre OSS, et un beau plan en transparence vieillotte. Un homme et
une femme en voiture joignent le bout de leurs cigarettes, comme
un baiser de substitution. « Coupez ! » hurle le
réalisateur. Nous sommes dans un studio de cinéma. La star George
Fahmy et sa partenaire Rula achèvent le tournage de leur dernière
production à succès. Dont le montage doit maintenant passer la censure, trois
femmes voilées, visages chagrinés par tant de débauche…
Dans sa
première partie, LES AIGLES DE LA RÉPUBLIQUE adopte un ton
résolument léger, voire comique, irrévérencieux, avec le bagou du célèbre
acteur George Fahmy, héros de la nation, fervent défenseur des
valeurs morales, dont évidemment la vie privée n’a pas
grand-chose à voir avec ses rôles. Comme lui dit son fils
« pourquoi tes p’tites copines ont le même âge que les
miennes ? ». La copine Donya est jouée par la délicieuse
Lyna Khoudri (rôle peu étoffé) la star par le formidable
Fares Fares (un cousin de Miou Miou ?) déjà dans les deux premiers
opus.
Séquence hilarante lorsque Fahmy achète en douce du
Viagra dans une pharmacie paumée (« C’est pour un ami... »)
évidemment reconnu à la seconde par l’apothicaire qui réclame un selfie, et vante d’autres produits plus efficaces. Situation
inextricable. Une fois la pilule bleue avalée, il se rend chez
Donya, qui, mauvais timing, vient d’apprendre une triste nouvelle à propos
de son père. Sanglots, câlins, elle se blottit contre Fahmy, s'effondre sur lui. On sent le bonhomme très mal à l’aise, tentant de contenir sa chimique érection ! Donya : « Mais tu bandes ? Je t’annonce que
mon père est mort, et ça te fait bander ? » !
George
Fahmy sera poliment invité à jouer le rôle du président Al-Sissi dans un
biopic tout à sa grandeur. Comme dirait Don Corleone, c'est une proposition que vous ne pourrez pas refuser... Al-Sissi est aussi rondouillard, dégarni, court sur patte, que Fahmy tape son mètre 90 tout sec. Risible, mais malheureusement très sérieux. Le tournage est contrôlé par le docteur Mansour,
exécuteur des basses œuvres, qu’on n'aimerait pas avoir pour
ennemi, qui intervient pour corriger la moindre intonation d’une
réplique. Situation insupportable pour l’acteur, mais on lui conseille de mettre son insolence et ses convictions en veilleuse. Dans une scène, on lui demande de rejoindre un comité pro-président. Il décline poliment : « Quelle drôle d'idée ! Dans ce pays tout le monde aime notre président, tout le monde est heureux, libre, vit bien et travaille... »
Le film montre le
rôle du cinéma dans la propagande d’état, l’engrenage de la
corruption, la coercition, les aspects peu reluisants des gens de pouvoir, le
donnant-donnant. Fahmy ne s’en rend pas compte encore, mais le
spectateur voit bien le piège se refermer. Le ministre de
l’intérieur accepte d’intervenir pour sortir de taule telle
relation de Fahmy, mais en échange du 06 de Rula. La
violence qui va éclater dans la seconde partie du film est en fait
déjà présente, mais insidieuse, masquée par l’humour et les
sarcasmes. Fahmy pense que sa popularité le
protège, il ne saisit pas bien l'engrenage dans lequel il a mis les doigts. Mais avait-il le choix ? Ce con entreprend même de
draguer la femme du ministre, jouée par la très belle et troublante
Zineb Triki, découverte dans LE BUREAU DES LÉGENDES.
Avec une très
belle texture d’image, qui renvoie aux années 60, et une mise en
scène élégante, Tarik Saleh agence ses multiples personnages sur
son échiquier (on s’y perd parfois) il mêle vaudeville et
thriller politique. Mais à un moment, fini de rire, il faut montrer
la réalité d’un tel régime. Et le film bascule, à l’occasion
d’une cérémonie hommage où George Fahmy est invité
à prononcer un discours devant le président et toute sa clique, les
aigles de la République. On retrouve alors ce qui faisait le cinéma
d’un Costa Gavras, un peu rentre-dedans mais pour la bonne cause.
Voir la scène dans l’hélicoptère avec Mansour. Et de découvrir que dès le départ le jeu était pipé, filatures, écoutes, disparitions suspectes, toute la panoplie de la dictature.
Il faut voir LES
AIGLES DE LA RÉPUBLIQUE comme une mascarade tragique, sans doute un brin démonstrative par moment. Tarik Saleh qui avait opté pour le
refus du spectaculaire dans LA CONSPIRATION DU CAIRE, rendant un film très froid, semble se
lâcher en sens inverse, et propose cette fois du spectacle. On objectera le manque d'épaisseur des rôles féminins, quelques
intrigues secondaires qui auraient pu être coupées, ou mieux intégrées au récit.
Ce
furent de majestueux sanctuaires, des temples que le groupe bâtissait
en souvenir de sa propre grandeur. Quelques semaines après la triste
disparition de Duane Allman, une bataille rangée annonça la genèse
percutante de sa relève. Face à face, les musiciens et les
producteurs se toisèrent haineusement, bien décidés à imposer
leur vision.
Dans les rangs de Lynyrd Skynyrd, la musique était une
beauté sacrée. Des mois durant, dans les bars les plus crasseux et
devant les pires alcooliques, le groupe roda les morceaux qu’il
allait enregistrer pour son label. Alors, lorsque les producteurs
voulurent imposer leurs idées saugrenues, le ton monta au point
qu’il fallut régler le différend par une bagarre. La bataille
commença, les producteurs évitant toutefois de se mesurer à l’ours
Van Zandt, dont les gros poings
s’abattirent au hasard sur le premier malheureux venu.
Né de cette
tension, l’album « Pronounced Lynyrd
Skynyrd »
célébra paradoxalement les fiançailles de la tradition musicale
américaine et de la modernité anglaise. Fasciné par le groupe
Free, le gang de Jacksonville multiplia les refrains qui sont autant
d’hymnes de stade, dota le boogie blues des majestueuses dorures de
la pop anglaise. Puis il y eut également et surtout « Free
bird », grand crescendo lyrique explosant sur un chorus
éblouissant. Devenant rapidement le titre le plus diffusé sur les
radios américaines, « Free bird » plaça Lynyrd Skynyrd
sur le toit du monde, actant ainsi le rapprochement entre le rock
américain et la perfide Albion.
Ce rapprochement engendra un petit
mouvement de résistance, qui fut incarné par les bien nommés
Outlaws. A la violence de l’Angleterre et à la trivialité du
blues, le groupe préféra un country rock illuminé par la douceur
des harmonies vocales inspirées du rêve Californien. Ainsi naquit un
premier album incontournable et un live dont l’intensité virtuose
et la profondeur patriotique n’ont rien à envier au « Live
at Fillmore » des frères Allman. Malheureusement pour ces
résistants, les grands albums de Lynyrd Skynyrd déclenchèrent un
véritable raz de marée sudiste, une horde de ces américains
anglophiles venant redorer le blason des terres du général Lee.
Formé par Ritchee Medlocke, dont les ancêtres firent parties des
fiers guerriers cheyennes, Blackfoot publia trois charges rock qui
feraient passer la bataille de Little Big
Horn
pour une sympathique fête foraine. Si le blues s’inspira dès ses
débuts des battements réguliers des locomotives, celle de Blackfoot
fonçait tel un TGV en surchauffe. « Gimme, gimme, gimme », « Every man should now », « Wishin
well », furent autant de riffs éruptifs portés par les rails
d’une rythmique incandescente.
Grace à cette violence mélodique,
ces sudistes s’attirèrent les faveurs des hordes hard blues. Plus
raffiné que Status Quo
tout en se montrant moins excentrique que Led Zeppelin,
la tribu de Medlocke permit au rock sudiste de devenir le refuge d’un
néo blues en perte de repères. Le heavy blues et ses millions
représenta une manne qu’un rock sudiste frappé par le drame ne
tarda pas à exploiter.
Ce fut un triste jour d’automne 1977, Lynyrd
Skynyrd s’embarqua dans l’avion devant le conduire à sa
prochaine tournée triomphale. Le ciel fut gris comme une pierre
tombale, mais le temps étonnement calme ne laissait rien deviner de
la catastrophe qui allait advenir. L’avion décolla calmement,
chaque musicien prenant ses aises, loin de se douter que ce vol le
conduirait à la mort. Quelques minutes après que l’appareil ait
atteint l’altitude où il devait avancer, un de ses réacteurs prit
feu. Ne faisant que s’aggraver, l’incendie menaça rapidement
l’équilibre de l’appareil, qui se mit à piquer du nez tel un
canard touché par un tir de chevrotine. Les pilotes furent alors
dans la pire situation qu’ils puissent imaginer, celle du
conducteur tentant de rattraper les défaillances de son engin en
marche. Ne contrôlant plus rien, les pilotes ne purent limiter la
violence du crash, qui tua la majeure partie des passagers.
Ce crash
annonça la fin d’un certain âge d’or du rock sudiste, dont les
héros survécurent en s’insérant dans les rangs du hard blues,
avant de se compromettre dans la pop la plus sirupeuse.
« Tomcattin », « Marauder »(Blackfoot),
« Beatin the odds »,
« Take no prisoners »(Molly
Hatchet),
tous ces disques constituèrent le tonitruant chant du cygne d’un
courant qui parvint à unir les traditionalismes des deux
rives.
Purisme américain rehaussé par l’excentricité
spectaculaire anglaise, la virtuosité de ce mouvement fut ensuite
portée par le swing stonien des Black Crowes, la profondeur planante
de Gov’t Mule
et le country folk rock de Blackberry Smoke,
symbole d’une terre fière de sa culture musicale.
Est-ce que les fées existent ?
Sir Arthur Conan Doyle en était persuadé, tout comme son père
Charles Altamont Doyle, qui en fit un sujet de prédilection pour ses
peintures. Esquissant parfois suivant les souvenirs de ses propres
expériences – quand même, il paraît que le père Doyle ne buvait
pas que de l'eau. Plus généralement, pour les gens de la
campagne (profonde), c'était une évidence. Comme l'existence
d'autres curieuses entités qu'il ne valait mieux ne pas contrarier.
Mais depuis les temps ont changé, et, entre le cinéma et la
télévision l'imaginaire n'a plus à être stimulé. Les
réalisateurs le font dorénavant à la place des gens, imposant
leurs rêves et leurs cauchemars à une foule perméable. Le bruit et
la fureur urbaines quasi permanentes ont également contribué à se
détacher du « monde de la nature ». Désormais, en général,
les gens craignent le silence, et appréhendent la possibilité de se
perdre dans la nature profonde, à l'abri du tumulte. À l'heure de
l'internet et du téléphone en permanence, disponibles à tout instant
et en tout lieu, le décrochement n'a fait que s'amplifier. -mais
pourquoi donc les masses de touristes, qui s'empressent de quitter des
villes qu'ils jugent aliénantes et bruyantes, ont un besoin viscéral
de faire du tapage pour avoir l'impression d'exister ? -.
Alors, forcément, depuis le vingtième siècle, depuis l'expansion
tentaculaire de l'industrie, il est plus que jamais difficile de faire
leur rencontre.
Et pourtant, il y a maintenant plus de
quarante ans, il y en a une qui s'est dévoilée au monde.
Probablement, de façon bien naïve, dans l'espoir de le rendre un tant soit
peu meilleur, moins sombre. De donner un peu de chaleur aux pauvres hères. Cependant, bien que charmés, rares sont ceux qui reconnurent
en elle son essence. Une essence qui doit toucher à la divinité,
sinon à des mondes parallèles oubliés. Comment pourrait-il en être
autrement quand une jeune fille qui n'a encore rien enregistré, dont
l'expérience scénique est des plus limitée (une demi-douzaine
de prestations dans des clubs où la clientèle est plus attirée par
la bibine que par la musique), parvient à se faire remarquer entre le
début du déclin du punk et l'émergence de la NWOBHM ? Alors
que sa musique est plutôt en opposition avec ces deux mouvements
bercés par des décibels, de la fureur, des guitares crépitantes et des cris de
rage, elle réussit à séduire même les plus rustres.
Déjà, avant la parution de son
premier album en février 1978, et de son premier « 45 tours »
en janvier de la même année, suite à l'indiscrétion d'une radio
qui décida de passer (en dépit des recommandations d'EMI) leur
exemplaire de ce single, elle affola les ondes. Et le standard de la
radio indocile fut assailli d'appels. La chanson, « Wuthering
Heights », dont la clarté et les arrangements détonent
singulièrement avec les tendances musicales populaires de cet hiver
1977, fait déjà parler d'elle avant même d'être commercialisée.
Rapidement, elle va conquérir les ondes et traverser les océans. La
jeune Catherine Bush n'a pas encore vingt ans, n'est encore jamais
partie en tournée, ni fait de télévision, quand le succès se saisit
d'elle. Tellement qu'elle en sera effrayée. Elle qui n'avait en
tête que de réaliser un disque, d'enregistrer sa musique comme elle la
concevait. Évidemment, avec l'espoir qu'on l'apprécierait, mais
elle n'avait pas la prétention de faire un tel éclat.
David Gilmour décelât immédiatement son potentiel lorsqu'il écouta, en 1973, une démo de cette
jeune fille, alors âgée de quinze ans. À tel point qu'il se rendit
chez ses parents pour rencontrer le phénomène et l'écouter (en
direct live). Pourtant, les maisons de disques, elles, n'y sont
aucunement sensibles. Il faudra attendre que Gilmour, las de la
surdité des labels, décide en 1975 de financer lui-même une
session d'enregistrement, avec des professionnels, et qu'il remette
lui-même à un ponte d'EMI le fruit de cette session. Cette fois-ci,
la réponse ne se fait pas (trop) attendre et miss Bush obtient son
premier contrat (début 1976). Cependant, plutôt que se précipiter,
EMI propose à la jeune artiste de s’affûter avant de débuter le
moindre enregistrement. On a peine à croire qu'un label ne cherche pas à
rentabiliser plus tôt son investissement, d'autant qu'il lui verse
en guise d'avance une somme rondelette (pour l'époque). Il fallait
bien que les huiles de la boîte soient sûres de leur coup, mais
l'appui permanent de Gilmour n'y est certainement pas pour rien.
Visiblement, tout laisse à croire que
des entités de l'ombre, ou plutôt de la lumière, ourdissaient pour
que cette musique inonde le monde de ses saines vibrations. Serait-ce le
pouvoir des fées... 😉
L'album est une petite constellation de
pépites d'une pureté rare. Des morceaux étranges et charmants, charriant des flots d'onirisme, de poésie, de progressif, de rock, d'innocence et de candeur. Des décennies plus tard, ce premier album n'a rien perdu de sa fraîcheur ou de son originalité. Une merveille inclassable. D'entrée, avec "Moving", invité par cette voix de soprano d'une expressivité rare, on entre dans un monde à part ; un univers parallèle propice aux contes et légendes. L'orchestration est toute en retenue, n'étant là que pour soutenir le piano et la voix, les voix, de la damoiselle. Orchestration à peine plus copieuse pour "The Saxophone Song", alternant avec des passages plus chaloupés et des courtes envolées de saxo jazzy. Mais plus franchement rock sur "James and the Cold Gun", où l'on sent la marque d'un glam-rock arty à la Roxy Music. Tandis que le magnifique "Them Heavy People" déstructure le reggae pour en faire quelque chose de plus léger, pop. Sur un air détaché, miss Bush dévoile un besoin de spiritualité, une quête de vérité qui transparaîtra régulièrement sur ses compositions futures. "ils ouvrent des portes que je pensais vraiment fermées. Ils m'ont lu Gurdjieff et Jésus. Ils construisent mon corps, me brisent émotionnellement ; ça me tue presque, mais quelle belle sensation. J'adore le tournoiement des derviches. J'aime la beauté d'une rare innocence. ". "Kite" joue également avec le reggae pour l'entraîner autre part, le teindre légèrement d'une couche progressif. "Viens et sois un cerf-volant. Belzébuth me fait mal au ventre..." 🥵 Shocking. La miss, bien que de réputation timide, ne semble pas avoir froid aux yeux pour parler de sexualité, comme l'atteste aussi le charmant "Feel It", dont le texte aurait très pu être intégré à une chanson de Whitesnake 😉
Cependant, c'est bien lorsque l'orchestre se fait plus modeste, (relativement) feutré, mesuré, que le talent de la jeune Kate Bush irradie, illumine les nuits sans lune et ravive les cœurs.
Avec "Strange Phenomena", où elle parle des cycles féminins comme d'un pouvoir lunaire et insère le mantra de la compassion du bouddhisme, on est projeté dans un lieu lumineux et féerique. Endroit secret du petit peuple de la forêt, où les conflits et la malveillance semblent honnis des mœurs et du langage. Tandis que sur "L'Amour Looks Something Like You", elle chante comme le ferait un oiseau céleste babillant à la gloire du renouveau, de l'éclosion du printemps. "Oh To Be in Love", qui démontre le talent, la maîtrise précoce de la composition de Kate, avec une première partie intimiste, où seuls résonnent son piano et sa voix, suivi d'une lente progression où se greffent d'autres instruments, jusqu'à la troisième partie plus enlevée, mais toujours empreinte de délicatesse -, avec l'appui de chœurs masculins, tranchant avec sa voix haut perchée.
Seul "The Kick Inside", inspiré de la ballade classique "Fair Lizzie" (également nommée "Lizie Wan"), obscurcit les cieux avec son histoire d'inceste, où le frère tue sa sœur enceinte, avant de disparaitre à jamais.
Et puis... et puis il y a cette chanson... cette chanson qui, en dépit des ans et de son dépouillement, des innombrables écoutes, me file à chaque fois des frissons : "The Man With a Child in his Eyes". Mais pourquoi donc est-elle si courte ? C'est pour que tu la réécoutes plus souvent, mon enfant. Dans le but de l'enrichir, le producteur, Andrew Powell, s'est échiné a essayer différentes recettes sur cette chanson. Finalement, rien n'y faisait, sinon de l'étouffer, de la souiller. Résigné, il revint simplement à la première version de 1975, celle avec David Gilmour. Celle où Kate n'avait pas encore atteint sa dix-septième année. Et aussi, évidemment, l'incontournable succès international : « Wuthering Heights ». Oui, oui, inspiré par les "Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë, mais initialement par la sérié télévisée. La miss ne lira le livre qu'un plus tard. À la fois étrange et charmant, éblouissant et magique, véritable chant de sirène, hypnotique et captivant.
Aujourd'hui, on qualifiera prestement cet album de foncièrement féministe, mais Kate, elle, ingénue, ne fait que livrer, simplement et avec candeur, ce qu'elle ressent. Avec ses doutes et ses interrogations. Sa sincérité touchante et la qualité de ses compositions font qu'avec cet album, elle devient la première Britannique autrice, compositrice, musicienne et interprète à gravir aussi facilement les marches abruptes du succès. Jusqu'à se placer, à vingt ans, au sommet. Cela en dépit de quelques articles condescendants et d'interviews déplacées s'intéressant plus à la plastique et à la sexualité de la demoiselle - y'a des cuistres partout.
Indubitablement, Kate Bush est une grande dame. Ou une fée ? Ou une sirène ? Quelle qu'elle soit, c'est une femme de caractère, qui va mener comme elle l'entend sa carrière, sans compromissions, en assumant ses choix et ses erreurs.