CARAVAN Au Pays du Gris et du Rose


Le chien aboie, la caravane passe
CARAVAN Au Pays du Gris et du Rose
Le chien aboie, la caravane passe
Sonia rentre de mauvaise humeur, marmonnant "JDM". Nema la regarde, très surprise car il était prévu que Sonia passe la journée avec une de ses meilleures copines :
- Qu’est-ce qui t’arrive ? demande Nema
- Pire qu’une porte de prison. Fermée à tout. Rigide. Maussade. Inquisitrice…
- Ta copine Flavie ??? interroge Nema,
- Non. On est tombé sur sa mère. L’horreur. Elle critique absolument tout ce que fait sa fille. Une porte de prison.
- Une prison et une mère, mais qui au contraire de celle de Flavie, fera tout pour son enfant... Cela me fait penser à un roman au titre un peu bizarre : "Un tesson d’éternité". Roman très fort.
Sonia n’écoute déjà plus, Patouillou, le chat blanc de Madame Portillon, est venu sur ses genoux la consoler.
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Derrière une femme parfaite se dévoile une mère qui n’a peut-être pas
toujours été suffisamment à l’écoute de son enfant. Une mère qui va se
trouver confrontée au souvenir de sa jeunesse et à la transformation d’un
enfant en homme à la suite d’un épisode de vie dramatique passant par la
case prison. Voici en gros ce qui se cache derrière le titre intrigant de ce
roman.
Anna est pharmacienne au
Village. Imaginez une petite bourgade hyper-bourgeoise dans l’arrière-pays
au-dessus de la Méditerranée.
Hugues, son époux, est responsable culturel à la mairie. Quand ils se sont
connus, il était journaliste pour la presse locale.
Léo, leur fils, est en terminale. Il a dix-huit ans. Jeune, beau, sportif,
ayant de bons résultats scolaires, on imagine une sorte de stéréotype
parfait du lycéen tel que tout parent rêve d’en avoir.
Ils habitent dans une somptueuse villa avec piscine que les parents de Hugues, membres de la "upper class" du midi, leur ont laissé. Hugues et Anna sont, de fait, attentifs à satisfaire les membres de cette haute société en participant notamment aux dîners du très élitiste Club de tennis (et en forçant leur fils à jouer au tennis pour côtoyer les enfants de la Haute bourgeoisie). C’est ainsi qu’ils se sont liés d’amitié avec Alix et Géraud, le patron du palace local, et que leur fils Tim est le copain de Léo. Anna roule dans un luxueux 4X4, est toujours parfaitement coiffée et maquillée. Son sourire est impeccable et son amabilité avec les clients de la pharmacie sans faille. Elle sait recevoir et être agréable dans les réunions mondaines. Le paraître est pour elle la clé de voute de sa vie.
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Une notoriété de bon aloi, sauf que... |
Un grain de sable dans cette petite vie tranquille, dans ce cocon de
bien-être et de douceur friquée : l’arrestation de
Léo par les gendarmes un petit
matin de printemps. Crac ! tout s’effondre en deux temps trois
mouvements. Léo aurait agressé
violemment un gendarme lors d’une manifestation ! Mais qui est donc ce
Léo ? Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas pensable.
Léo lui-même raconte les
faits : c’est un mauvais concours de circonstances qui lui a fait
croiser la route d’une manifestation, et pour défendre sa copine prise à
partie, il a malheureusement utilisé son sac à dos dans lequel il y avait
une chaîne d’antivol à vélo… Bref, case prison.
Anna ne lâchera rien pour son fils, même si ce terrible évènement lui montre la fragilité de sa situation dans ce monde qui n’est pas le sien. Bien entendu, il n’y a plus d’amis dans ces cas-là. Fini les relations avec Alix. Même le mari, le père de Léo doute de son fils et pense que c’est de la faute d’Anna. Car Anna vient d’un milieu très modeste. Et on découvre petit à petit ce qu’elle a vécu dans son enfance et dans son adolescence. Humiliations, blessure profonde d’une enfant harcelée et maltraitée, peu protégée par des parents trop préoccupés à survivre avec leur petite épicerie. En effet, il y a dans l’école primaire une bande de sales mômes dirigée par le Serpent, le type même du petit meneur, grande gueule mais lâche dès qu’une plus grande gueule l’affronte. Anna est une fillette un peu gauche, un peu niaise et peureuse. Tant pis pour elle. Elle sera la victime de tous leurs caprices. Et puis au collège, ça continue et ça empire. Alors oui, la seule solution passera par le travail, l’ambition d’une jeune fille intelligente et studieuse et finalement la réussite. Une pharmacie. Une notoriété de bon aloi.
Côté Hugues, très déstabilisé par cette rencontre avec la police et la justice, il
restera quand même (après quelques hésitations) aux côtés de sa femme et de
son fils. Mais de loin. Pas trop de visites à la maison d’arrêt.
Léo comprend vite l’ambiance de
la prison. Il se battra, se disciplinera, trouvera de quoi tenir… C’est en
allant à ces visites qu’Anna
reprendra contact avec le monde pauvre, le monde de la vraie vie qui ne se
cantonne pas à l’univers feutré du Village. Ce monde gris et terne, à
l’odeur de sueur, de violence, de drogue et de peur, qu’elle pensait avoir
définitivement gommé de son esprit. Dur, très dur. Même si
Léo s’en sortira convenablement.
Avec Valérie Tong Cuong, nous entrons petit à petit dans Anna, oui, nous quittons l’image parfaite de la très jolie femme au visage de poupée, pour retrouver une femme blessée, meurtrie, qui se rend compte de la fausseté de sa vie et de tous les silences et mensonges accumulés. Elle aura la force de tenir et d’agir pour Léo mais ensuite, quel effondrement. L’autrice a un style incisif, un sens de la description des choses simples du quotidien, ainsi que des émotions, qui nous font entrer dans le roman mieux que dans un film. Pas étonnant qu’elle ait reçu, de nombreux prix et que ses œuvres soient traduites dans 19 langues.
Bonne lecture !
270 Pages – Libra difusio
MERCREDI : il n’y a pas que l’écolier en short et Gibson SG à faire du rock en Australie, il y avait aussi The Angels dont le « Two minutes warning » n’a pas toujours bonne presse, une production trop américaine. Bruno s'insurge, c’est une de leurs meilleures galettes !
VENDREDI : du dessin animé, et du meilleur, avec la seconde réalisation de Hayao Miyazaki, mais distribuée sur le tard en Europe, « Nausicaä de la vallée du vent » est un formidable récit d’aventures SF riche en action, batailles aériennes, qui rassemble les thèmes qui forgeront l’œuvre du maître japonais.
👉 La semaine prochaine, dès lundi, on aura plaisir à retrouver Nema pour un roman de Valérie Tong Cuong, en musique on écoutera les groupes Caravan avec Pat, Grand Funk Railroad avec Bruno et Tangerine Dream avec Benjamin. Au cinéma on découvrira les coulisses de "A bout de souffle" grâce à Richard Linklater.
Et bien sûr, Diane Keaton était madame Michael Corleone dans les trois volets du PARRAIN. Parmi toutes les scènes mémorables, je retiens celle où elle avoue à son mari, Al Pacino, qu'elle a avorté plutôt que de donner naissance à un potentiel monstre. Et le plan final du premier épisode, congédiée du bureau, désormais sanctuaire des hommes de la famille.
Miyazaki veut s’atteler à la réalisation, mais les producteurs, un peu frileux, préfèrent d’abord éditer l’histoire en manga, s’appuyer sur un éventuel succès de librairie pour ensuite lancer la production du film. Miyazaki s’exécute, publie deux volumes (il y en aura sept en tout, de 1982 à 1994) avec cet ajout au contrat : il pourra laisser de côté la publication du manga pour réaliser son film, dont le scénario ne sera pas une simple déclinaison de la version papier.
Raison pour laquelle NAUSICAÄ est moins connu, parfois moins apprécié. Parce qu'entre temps les techniques d’animations ont évolué, et parce que les thèmes qu'il aborde seront repris dans de futures réalisations. Donc y'a comme une redite. Ce n'est pas NAUSICAÄ qui ressemble à MONONOKE, chronologiquement, c'est l'inverse. Il y a aussi la frustration des spectateurs qui avaient lu le manga 10 ans plus tôt et qui ne retrouvent pas la complexité de l'intrigue, et pour cause, cinq volumes ont été dessinés après la sortie du film.
Les premières séquences nous montrent Nausicaä voltigeant sur son planeur, en parfaite harmonie avec la nature. Elle parle aux plantes, aux animaux, elle collecte des mues d’Omus, un matériau précieux. L’univers décrit est assez proche du futur AVATAR de Cameron, avec ces pollens phosphorescents. Puis Nausicaä va à la rencontre de Yupa, héros local, valeureux guerrier qui revient d’expédition avec des nouvelles inquiétantes : le peuple Tolmèques s’organise pour repartir en guerre. Lorsqu’un de leur vaisseau s’écrase dans la vallée du vent, les Tolmèques prennent les armes et envahissent le royaume pour récupérer une mystérieuse cargaison…
Hayao Miyazaki nous décrit un monde gangréné par la violence, la corruption, la stupidité des puissants (le général Kurotawa). Il y a dans les tenues, les épées, des références médiévales. La Terre semble être revenue à une organisation féodale de petits seigneurs de la guerre. Il y est aussi question de résistance, de sacrifice, perte d’idéal. Nausicaä, frêle jeune fille en apparence naïve, comprend qu’il faudra faire couler le sang.
On va comprendre que la forêt devenue toxique, mortelle, par la faute des Hommes, a la capacité de se regénérer, de purifier l’air. C’est l’aspect fable écologique, toujours d’une brulante (sic) actualité. Détruire la forêt toxique par le feu (le plan des Tolmèques) serait donc contreproductif.
On retrouvera beaucoup de scènes aériennes dans les autres Miyazaki, contemplatives, poétiques. Le vol est évidemment synonyme de liberté, d’émancipation, Nausicaä sur son planeur prend de la hauteur sur les événements, adopte un autre point de vue. Mais ici les scènes aériennes sont surtout des scènes de combats, le danger peut surgir à tous moments, les vaisseaux sont des cercueils volants, sans cesse pris pour cible. Si la technique du calque sera améliorée, plus précise, on est déjà bluffé par la fluidité des mouvements, des angles de prises de vue.
NAUSICAÄ DE LA VALLEE DU VENT est un formidable film d’aventures, riche en réflexions et en actions - sans doute trop rempli, pas toujours explicite - d’un pessimisme noir, qui pose la première pierre (précieuse) d’une œuvre future…