En plein débat sur la taxe Zucman, le film de Thierry
Flika tombe bien à propos. L’affaire Bettencourt reconstituée (en partie) à l’écran,
mais avec d’autres noms (pourquoi tant de pudeur ?). Liliane Bettencourt est devenue Marianne Farrère, sa
fille Françoise Bettencourt-Meyers devient Frédérique Spielman, et François-Marie
Banier est rebaptisé Pierre-Alain Fantin. Les personnages ont aussi été
rajeunis.
Pour cette chronique, j’utiliserai les véritables patronymes (même pas peur)
Résumé
rapide de l’affaire. En 1987, pour redorer sa communication, la patronne du
groupe l’Oréal, Liliane Bettencourt, accepte de faire la une du magazine "Egoïste" (rebaptisé Selfish...),
photographiée par François-Marie Banier. Le photographe fantasque entre dans la
vie de la milliardaire comme une tornade qui dévaste tout sur son passage, une relation
ambiguë se noue entre eux, il devient son confident, elle devient son mécène,
il lui soutirera pendant des années des sommes astronomiques. Françoise
Bettencourt-Meyers, qui a senti l’escroc à plein nez, finira par porter plainte
pour abus de faiblesse (l’affaire a été jugée, Banier condamné).
Il y avait
deux angles pour raconter cette histoire. Un Boisset, un Chabrol auraient
choisi le pamphlet politique, Thierry Flika opte pour la comédie tendance
vaudeville de luxe, du moins dans sa première partie. Et ça fonctionne très
bien, grâce à l’abattage des comédiens, notamment Laurent Lafitte très en verve en dandy mondain choucrouté, grande folle en surchauffe, aux répliques graveleuses, obscènes, souvent irrésistibles. Sa manière de moquer le style vieux jeu, d'insulter le personnel de l’hôtel particulier est assez
réjouissante, « Raus la bonnicherie ! ».
Personne ne bronche, car la reine mère trouve le personnage amusant,
l’inverse des cire-pompes qu’elle côtoie au quotidien. La vieille reprend goût
à la vie, s'ouvre au monde. On émettra tout de même des réserves quand l’héritière de l'Oréal s'encanaille jusqu'à sniffer des poppers en boite de nuit, même jouée par le stradivarius Isabelle
Huppert. Etonnant chez elle cette façon de la jouer facile, sans se forcer, et de surprendre au détour d'un regard, d'une intonation, pour caractériser son personnage. Je lui ai trouvé d’ailleurs de faux airs de Catherine Deneuve, qui
aurait pu s’acquitter du rôle. Marina Foïs se tient plus en retrait, mais son rôle le veut, fille rejetée, voire humiliée, affublée d’une coupe de cheveux abominable. André Marcon n’en est pas à son
premier rôle de grand bourgeois dépassé par les évènements, il assure le job, Raphaël Personnaz est troublant à souhait en
majordome zélé, Mathieu Demy excelle en gendre falot.
On aura compris que les
dialogues aux petits oignons servis par cette troupe chevronnée est l’atout du film, plus que la mise en scène un brin proprette.
Thierry Klifa croque avec délice les dérèglements
de cette famille d’ultra riches. Une des répliques récurrentes de Bettencourt
est « c’est mon argent, j’en fais ce que je veux ». Pour la bar
mitsva de son petit-fils, elle lui offre un chèque : « tiens mon grand,
ton premier million » ! Scène d'autant plus délectable que sous le vernis bourgeois ressurgit (ah, ces journalistes !) le passé bien enfoui de l'antisémitisme de M. Bettencourt. Qui doit céder sa place au conseil d’administration à son genre, la
caution juive de la famille.
Et le poison s'immisce insidieusement, la comédie s’assombrit. Un Banier de plus en
plus offensif qui profite des pertes de mémoires de Liliane, Laurent Lafitte inquiète, regard noir, obnubilé par la perte de sa poule aux œufs d’or. A mon sens, Klifa ne
pousse pas assez loin les curseurs, il mordille plus qu'il ne mord, reste dans le
registre de la comédie bourgeoise, trop bienveillant à mon goût. Dans sa deuxième partie, il aurait fallu
dépasser la simple reconstitution des faits, s'en servir de tremplin vers un jeu de massacre vitriolé. Puisque le film est inspiré de... autant y allait carrément. On sent l'empathie du réalisateur pour ses personnages, mais l'empathie ça va deux secondes, à un moment, faut leur rentrer dans le lard.
Le film finit par ronronner gentiment, qui
aurait pu être relancé par le pan politique de l’affaire (le financement de la
campagne présidentielle de Sarkozy en 2007), un aspect évacué, dommage. De même,
un François Ozon (avec un Melvil Poupaud ?) aurait injecté du malaise, une
dimension sexuelle, tout juste efflorée ici (Banier / Bettencourt, le mari / le
majordome), notamment lors des scènes en Grèce, à la manière du THEOREME de Pasolini.
LA
FEMME LA PLUS RICHE DU MONDE se regarde avec plaisir, du bel ouvrage, labélisé qualité
française. On regrettera une mise en scène trop classique, sage, inévitables champ / contre champ aux moindres dialogues. Un style qui sied
parfaitement au début de l’intrigue, symétrie des cadres pour traduire le corsetage social, mais qui n’évolue pas, et au final manque
d’audace.
Nous
sommes en Amérique, dans un de ces quartiers de plaisir où la mafia
fit sa richesse en exploitant les vices du petit peuple. Des ouvriers
exténués noyaient leur spleen dans les bars locaux, d’autres se
roulaient dans le stupre des boxons. Puis vous aviez les doux
rêveurs, ceux qui imaginaient se sortir de la pauvreté sur un coup
de poker. Il est naturel de chercher à dépasser sa condition, de
rêver aux lendemains qui chantent. Lorsque l’homme ne sut
développer aucun talent particulier, lorsque son impatience et sa
paresse ne lui permirent pas d’entreprendre ou d’économiser, il
ne lui reste plus que les rêves d’argent facile offerts par le
jeu.
C’est là que le piège se referme, l’adrénaline provoqué
par l’incertitude de l’issue du jeu finissant par compter plus
que les gains. Le joueur aura alors beau gagner des fortunes, il les
remettra toujours en jeu jusqu’à les perdre. Dans ces bars où
certains courent après la fortune alors que d’autres courent la
gueuse, une musique chaude et sensuelle servit de fond sonore aux
turpitudes du voyageur dépravé. Jazzmen et bluesmen se succédaient
sur ces scènes, où ils se saluèrent souvent avec un profond
respect. Ces musiciens eurent la même histoire, vécurent les mêmes
infortunes, ils étaient des naufragés du rêve américain accrochés
à la bouée de leur art musical. Leur mission fut dure, les tauliers
des bars où ils jouaient ne tolérant pas les notes approximatives
de débutants prétentieux. Les habitués de ces lieux de débauches
virent bien souvent de jeunes impudents se faire jeter dehors après
quelques fausses notes.
Au-delà du respect que certains eurent de la
tradition musicale, la mauvaise musique risquait de faire fuir les
clients, même l’homme le plus dépravé ayant un certain respect
pour les belles mélodies. Pour le jazz, le blues sera toujours comme
un vieil aïeul que l’on visite parfois pour trouver un refuge en
des temps troublés. Toutes les beautés musicales produites par
l’Amérique ont un lien avec le blues, c’est le big bang
originel, le saint père de sa tradition musicale. Le blues et le
jazz furent, dès leur origine, deux traditions musicales destinées
à se rencontrer et à s’influencer pour prolonger l’histoire de
la grande musique américaine.
Duane Allman à Muscle Shoal, accompagnant Aretha Franklin
Un peu plus loin, dans ces décors
champêtres chers à Steinbeck, des paysans subissant une
marginalisation liée à l’essor des villes et aux humeurs de la
bourse inventèrent leur « blues de blanc ». Plus nerveuse que la
musique de John Lee Hooker, avec laquelle elle partageait une
certaine fascination pour la monotonie rythmique, la country
immortalisa les joies, les peines, les croyances et les mythes des
oubliés du rêve américain. Toutes ces traditions musicales ont en
commun d’avoir profondément marquées les terres du sud, où le
blues et le jazz se développèrent de l’enfer bétonné des
grandes villes aux décors bucoliques des champs de coton. Ces
mélodies furent destinées à s’unir, Elvis ayant annoncé leur
union dès les premières notes de « Jailhouse
rock ».
L’influence du jazz se perdit, le King ayant jugé que
les rythmes frénétiques d’un country / blues hystérique étaient
plus aptes à exorciser la violence des pulsions de la jeunesse. Le
rock fut d’abord une gigantesque crise d’adolescence, une force
primaire portée par trois accords et des refrains révoltés ou
libidineux. Puis vinrent les sixties, décennie où le rock eut une
soudaine prise de maturité. Les solos s’allongèrent, les mélodies
se parèrent de dorures symphoniques, les paroles se firent plus
poétiques.
Dans ce cadre, sous l’influence des musiciens jazz, les
rockers étirèrent leurs compositions dans de longues
improvisations. Haut lieu de cette virtuosité rock, le Fillmore
accueillit plusieurs fois une bande de mélomanes sudistes que les
hippies prirent en affection. Régulière et lancinante, la rythmique
des mélodies hypnotique du groupe servit de rampe de lancement aux
chorus nuageux d’un certain Duane Allman.
Synthétisant la
profondeur du blues et la douceur psychédélique, le jeu de celui
que l’on surnomma Skydog semblait fabriquer un véritable opium
auditif plongeant ses auditeurs dans une douce volupté. L’histoire
du Allman Brothers Band, ce fut d’abord celle des frères Allman,
fratrie géniale qui se battit contre l’immobilisme de la tradition
pour mieux la défendre. Ayant découvert leur vocation à l’écoute
des grands standards du rhythm’n’blues, le duo forma un groupe
qui fut vite repéré par une maison de disque.
Malheureusement pour
eux, ces producteurs eurent la même philosophie que ceux du premier
album de Bob Dylan, c’est-à-dire changer l’emballage de la
musique populaire mais pas son contenu. L’industrie culturelle
n’aime pas la nouveauté, elle ne se résout à la promouvoir que
lorsque ses poches sont assez pleines pour qu’elle ose publier des
choses plus expérimentales. Seul un public curieux et exigeant peut
l’inciter à maintenir une culture riche, chaque centime donné à
une œuvre est un affirmation d’une certaine vision de la culture
musicale. Forcés de reproduire les standards des temps présents,
les frères Allman se séparèrent pour échapper à l’emprise de
ces vendeurs de camelote culturelle.
Pendant que Gregg Allman partit
chercher fortune sous le soleil de Californie, l’Amérique
découvrait le doigté lumineux de son frère. Après avoir doté une
reprise de « Hey Jude » d’un solo le faisant entrer de
plein pied dans l’air hendrixienne, Duane Allman fut porté par une
maison de disque le poussant à enregistrer son premier album solo.
Pour se faire, les studios Muscle Shoal furent loués et un batteur
d’Otis Redding engagé. Le projet ne vit toutefois pas le jour et,
après quelques jours d’austère travail de studio, Duane rappela
son frère pour former le groupe grâce auquel tout allait
commencer.
Pris en main par le manager Phil Walden, fondateur du label
Capricorm, l’Allman Brothers Band produisit une chimère faite des
matériaux les plus nobles de la culture musicale américaine. Si
l’album « Free jazz » de Ornette Coleman fit naître le mouvement du même
nom, le premier album des frères Allman initia une certaine vision
du free blues. Loin de les rejeter, cette libération là célébra
les traditions musicales américaines. Les Allman brothers
produisirent les derniers albums de rock sudiste aux influences
entièrement américaines, le rock anglais progressant jusqu’à
modifier la musique du pays du rock’n’roll.
Il faut réécouter
« Idlewild south », « The Allman Brothers Band »
et « Live at Fillmore », se délecter de leur mojo
Hookerien, de la virtuosité Coltranienne des chorus, de cette
nonchalance sentant bon la terre des pionniers américains.
L’histoire fut trop grandiose pour bien se terminer, les grands
hommes finissant souvent leurs jours dans les bras glacés du
tragique de l’histoire. Duane parcourait alors en moto une route
paraissant déserte, la vitesse lui faisant ressentir la joie de
l’homme libre. Grisé par cette sensation, le guitariste n’eut
pas le temps de réagir lorsqu’un camion s’interposa soudain au
milieu de la route. Il le percuta de plein fouet, mettant ainsi
brutalement fin à l’âge d’or de son groupe. Devenant ensuite
une célébration permanente de ce qu’il fut, l’Allman Brothers
Band parvint toutefois à publier les excellents « Brothers and
sisters », « Shade of two words » et « Hittin
the notes ».
Crénom ! Elle a eu cinquante ans cette année. Un demi-siècle ! On n'a pas vu le temps passer. Et elle n'a pas pris une ride. Ou si peu... peut-être de fines pattes d'oie aux commissures des yeux Voire quelques rares cheveux blancs. Ce qui ne fait finalement qu'accentuer son charme. Pas nécessairement la plus éblouissante de la famille, mais le partage, la sélection est ardue. Notamment avec sa cadette moins médiatisée de 1978. Certainement moins séduisante que celle de 77 qui, elle, n'est pas loin de réunir le meilleur de toutes. L'aînée aussi dégage un certain pouvoir de séduction. Luc, c'est bien connu, n'a d'yeux que pour elle. Même s'il s'en défend.
Cette année donc, on célèbre comme il se doit le cinquantième anniversaire de "Fool For The City", la cinquième galette de Foghat - sortie en 1975. Un must-have, un classique du heavy-boogie-rock chaud comme la braise.
Si, étonnamment, le quartet n'a pas vraiment rencontré un succès à la hauteur de son talent en Europe, ni même à la maison en Europe, aux Etats-Unis, il faisait déjà partie des incontournables de la scène nationale. Suffisamment pour remplir des stades. La faute revenant aussi au groupe, qui s'est rapidement concentré sur la scène américaine, au détriment de l'Europe. À tel point que nombreux sont ceux qui ont cru, et croient encore, qu'il s'agit d'une formation américaine. D'autant que les musiciens, l'un après l'autre, s'installent carrément aux USA. Dave Peverett, bien qu'étant l'un des premiers, sinon le premier, à s'y installer, arrête les tournées et quitte le groupe en 1984 pour retourner en Angleterre. Le mal du pays ? Plus tard, au fil des départs et des décès, ce seront d'autres musiciens qui prendront les places vacantes.
Il est vrai aussi, que dès le premier album éponyme, sorti en 1972, parmi les formations vouées au Blues et au boogie, Foghat est certainement le groupe anglais à sonner le plus franchement américain. Même si ce premier essai a été enregistré au fameux studio Gallois Rockfield et produit par Dave Edmunds - ce sera le seul album enregistré au Royaume-Uni.
Cette cinquième œuvre, "Fool For the City", reste l'une des meilleures ventes du groupe. La seconde, après le fabuleux et inégalé "Foghat Live" de 1977 (qui lui, est classé double-platine rien qu'aux USA). L'album a été poussé par deux formidables singles (45 tours). Par celui de la chanson éponyme, "Fool of the City", pleine d'entrain, embrassant goulûment la vie, cavalant tranquillement sur un rythme de croisière - en quatrième sur un V8 en ligne -, à peine perturbée par deux ponts funky "Je respire tout l'air pur, assis au soleil. quand je reçois mon billet de train et me lève et cours. Je suis prêt pour la ville, pollution de l'air me voilà ! Parce que je suis un imbécile pour la ville"
Et surtout par le premier, "Slow Ride", qui doit être la chanson de Foghat la plus connue. Connue même par certains qui n'ont jamais entendu nulle part le nom de Foghat, car elle fait quelques apparitions dans des films ainsi que dans des jeux vidéos (Road Kill, Grand Thef Auto - San Andreas, Far Cry 5, et pas moins de trois simulateurs de guitares). "Slow Ride", un big-slow-heavy-blues expansif, funkysé par une basse qui ne tient pas en place, qui finit par prendre de la vitesse, jusqu'au dérapage incontrôlé, au défoulement. Comme si les gars étaient au volant d'une Mustang Shelby comme si, n'en pouvant plus de suivre les limitations de vitesse, de "can't drive 55", rétrogradent, mettent les gaz, et partent à donf. Jusqu'au crash final. La création de ce morceau phare serait le fruit de diverses jams sessions que le producteur Nick Jameson a pris soin d'enregistrer, afin qu'une pépite ou deux impromptues ne soient pas perdues, oubliées. En faisant écouter la cassette de son patchwork-musical, le groupe et lui-même (bassiste par intérim depuis le départ de Tony Stevens) ont fait bloc pour concevoir un truc qui tienne la route. Là-dessus, Peverett a rajouté des paroles plus ou moins improvisées. Evidemment, il ne s'agit pas d'une ode à la conduite pépère, mais bien d'un ébat à caractère charnel sur le vif.
Deux pièces majeures du groupe, qui resteront chevillées au répertoire scénique, même lors des différents ersatz. Des formations de l'après Price et Peverett. Cependant, l'album ne se limite pas à ces deux dernières. Il y a cinq autres cartouches qui ne sont pas là pour faire du remplissage. À commencer par la reprise des Rightehous Brothers de "My Babe", qui, entre les mains pleines de cambouis de Foghat, devient un pur boogie, rivalisant avec le meilleur de Status Quo. Autre reprise, le "Terraplane Blues" de Robert Johnson, ici forcément copieusement électrifié, mais aussi alourdi, creusant le sol comme un caterpillar en rut. Toutefois allégé par la slide aérienne de Price qui offre à l'engin des ailes... de bombardier.
Plus enjoué, "Save Your Loving (For Me)" aurait plus être plus anecdotique avec d'autres musicos, mais là, il y a la basse sautillante et funky de Jameson (gros, très gros travail sur cet album), la pulsation de Roger Earl, les guitares et bien sûr la voix puissante de Peverett, qui font la différence.
Agrémenté d'un piano honky-tonk, "Drive Me Home" s'offre au rock'n'roll fiévreux - genre Rolling Stones après une immersion dans le rock de Detroit - et à la débauche. En dehors de ses histoires éculées flattant la masculinité et bavant sur les bagnoles, Peverett aime aussi le second degré, ne reculant ni devant la parodie, ni devant la caricature. "Drive Me Home" en est un bon exemple, avec son histoire de soiffard qui, dans un moment de lucidité, se rend compte qu'il n'est qu'un sale égoïste et un saligaud au "cœur de pierre", décide de rentrer au bercail rejoindre sa douce. Malheureusement, il se fait raccompagner par une donzelle plus imbibée que lui, et tous deux finissent dans un arbre. (avec bruitage de moteur emballé et de sortie de route à l'avenant)
Avec son goût sucré et son soleil californien, "Take It or Leave It" fait office d'intrus. Et même si la troupe s'en sort très bien, au point de pouvoir prendre ce chemin menant au soft-rock - ce qui aurait probablement ravi les radios, et la maison de disques -, on préfère largement Foghat dans le giron du Blues tellurique et du Boogie incendiaire.
"Save Your Loving (For Me)" (Peverett, Rod Price) – 3:31
"Drive Me Home" (D. Peverett) – 3:54
"Take It or Leave It" (D. Peverett, Nick Jameson) – 4:49
Mais qu'est-ce qu'apporte de plus cette édition spéciale pour le cinquième anniversaire ? Outre une sérieuse remasterisation, rendant particulièrement service à la basse et aux rares instruments additionnels et arrangements, un excellent live de la même année. Et pas de la daube. Pas encore un truc récupéré d'un bootleg, ou échappé d'une émission de radio à la prise de son litigieuse. Un condensé de deux prestations données les 28 et 29 novembre 1975 à Chicago (1), au Aragon Ballroom, quelques semaines seulement après la finalisation de l'album. Soit avec encore Nick Jameson dans les murs. La captation est très bonne et rend justice au groupe, à sa générosité scénique. On n'ira pas jusqu'à dire qu'il rivalise avec le "Foghat Live" de 1977, déjà parce qu'il paraît un brin moins sous tension, et que le son aussi paraît moins ample et plus sourd - la salle est plus petite -, mais indéniablement, il s'inscrit dans les bons albums live d'un groupe qui ne les compte plus. Disons qu'il peut tranquillement côtoyer "Road Case" et "Decades Live", et supplanter tous les apocryphes, soit tous ceux souffrant cruellement de l'absence de Lonesome Dave Peverett.
Et si, évidemment, on peut regretter qu'il y ait quasiment systématiquement toujours les mêmes indétrônables, on ne peut que se réjouir d'un furieux "Wild Cherry", à l'énergie et au rythme quasi punk, et un "Maybelline" customisé en missile fou, hors de contrôle. Ouch ! Vingt dieux !! Quelle énergie ! Un final absolument décoiffant. Attachez vos ceintures. Et juste auparavant, un incandescent "I Just Want to Make Love to You", où Nick Jameson se lâche, prend ses aises, et défie les guitares pour quelques duels héroïques. À la suite de quoi, le groupe poursuit en mode slow-blues, avant de remettre les gaz. Douze minutes d'intense bonheur. Sur "Slow Ride", il s'offre également quelques instants pour faire claquer sa Fender. Et quel son ample ! Bien évidemment, "Honey Hush" n'est pas en reste. Véritable typhon stéroïdé. Son arrêt brutal, au bout de cinq minutes dévastatrices, provoque un subit manque à notre cerveau, déjà accro à ce shoot d'adrénaline auditif.
En comparaison, "Fool for The City" et "Home in my Hand" semblent faire office de tour de chauffe. Pourtant de solides morceaux de boogie-blues, carburant à un cocktail de bitume, d'alcool de maïs, d'huile de vidange et d'essence de Gibson. Mais il est vrai qu'à partir de "My Babe", la troupe suralimente la chaudière, faisant alors progressivement grimper température et vitesse. Jusqu'à mettre tout le monde K.O.
Un petit mot sur la pochette qui a intrigué bien du monde - et qui est restée dans les mémoires, jusqu'à se faufiler aux USA dans les pochettes emblématiques des 70's -. Il s'agit de Roger Earl, tranquillement assis sur une boîte pour pêcher dans une bouche d'égout de l'East Village de Manhattan. Au verso, une poignée de passants, dubitatifs - et un, hilare -, qui ont commencé à s'agglutiner, et auxquels les autres membres se sont joints. Ces derniers jouent le jeu et feignent d'essayer de le raisonner. On voit Price l'interroger. Le temps de prendre des photos, une voiture de police se rapproche. L'un des policiers baisse la vitre et demande en beuglant s'il a un permis de pêche. Avant d'éclater de rire avec son collègue. Hilares, les deux policiers prennent la pose et se font photographier avec Earl menottes aux poignets.
Un petit mot sur Nick Jameson. Il commence à travailler avec le groupe dès le premier album du quatuor en qualité d'ingénieur du son de Bearsville Records. Il est propulsé producteur à partir de "Rock and Roll Outlaws", en 1974. Il en produira une demi-douzaine - parfois en collaboration. Jouant des claviers, de la guitare, de la basse et chantant, il en vient naturellement à jouer quelques prises additionnelles, jusqu'à être intégré au groupe après le départ de Tony Stevens. Les membres de la formation diront qu'il savait, avec patience, les mettre en confiance pendant les séances d'enregistrement. Au départ de Graig McGregor, il réintègre à nouveau le groupe ; cette fois-ci pour jouer aussi des claviers - lors des années 80 - en plus de la basse. Il est à nouveau rappelé pour la reformation du groupe original de 1994 pour la production de "Return of the Boogie Men".
Par ailleurs, Jameson enregistre deux albums en solo et un avec son premier groupe, The American Dream.
Mais Nick Jameson est aussi un acteur qui a joué dans diverses séries télévisées (dont "Lost" et "24 heures chrono" pour jouer le président Russe). Prisé pour sa voix, il a été souvent sollicité pour des films d'animation, pour le cinéma (Beowulf) et pour la télévision (Spiderman, "Star Wars : la guerre des clones" pour Palpatine, Avatar).
(1) "Foghat Live" est une sélection effectuée sur un seul et unique concert.
Il y a longtemps que je n’avais pas fait une incursion dans la musique
bretonne et rien de tel que de prendre un album d’Alan Stivell de la
grande époque.
LE RETOUR AUX SOURCES
Alan Stivell
va nous offrir un album ”Fait à la maison“ dans une ferme à
Langonnet dans le Morbihan, plus exactement au hameau de Kerglazen
où il vécut un certain temps et où se trouve les origines de sa famille paternelle. Un retour au
traditionnel alors que beaucoup attendaient un album dans la même
veine que le précédent ”Chemins de Terre“ avec un son plus rock. A
contrario, ce dernier fera une musique aux sonorités bretonnes
traditionnelles mais aussi irlandaises, galloises, écossaises et
aussi de l’île de Man.
C’est aussi l’époque où il changera son apparence en laissant
pousser sa barbe pour se donner un air plus sage tel un druide.
Une pochette illustrée d’une photo du chanteur jouant de la harpe
et au verso une maison que beaucoup de fans ont longtemps cru
qu'il s'agissait de celle qu'il s'est acheté dans le village de
Langonnet alors qu'il ne s'agit en fait de la maison dite ”Castel Meur“ à Plougrescant.
”E Langonned“ est un patchwork de dix huit morceaux traditionnels,un
album unplugged, la fée électricité a été chassée de
l’enregistrement. Même si l’on retrouve ses fidèles compagnons
de scène comme
RenéWerneer et
Dan Ar Braz, ce dernier ne
jouera que de la guitare acoustique. La batterie de
Michel Santangelli sera
remplacée par des joueurs de batterie écossaise et l’orgue de
Pascal Stive est absent. Une
musique où la bombarde, le bodhràn (instrument de percussion irlandaise) et le biniou-kozh sont rois. Évidemment une instrumentation
traditionnelle, AlanStivell rajoutera sa petite
touche.
”E parrez Langonned“ (Dans la paroisse de Langonnet) : L’histoire d’un
garçon de retour du service militaire dans la marine. Tout
commence par un chant à capela et le violon de
René Werneer le rejoint à
l’unisson, la guitare se joint au duo pour conclure le
titre. ”Gavotenn Pourled“ (La Mouette Coulée) : un morceau instrumental au
biniou-kozh et à la bombarde. ”Planedenn“ (Planète et non le destin : tonkadur comme certain
pourrait le traduire) Sur des paroles du poète écrivain Yann-Bêr Piriou, l’histoire parle de l’exil des bretons vers Paris.
Stivell en duo voix avec le
biniou-kozh. ”Ne Bado Ket Atao” (ça ne dure jamais) Encore des paroles de
Yann-Bêr Piriou. Un chant
en duo en Kan ha diskan entre
Stivell et
Yann-Jakez Hasold (Que l’on retrouvera dans le même exercice sur le
titre ”Naw Breton 'so ba' prizon“ sur l’album ”Raok Dilestra“ en
1977) ; un
texte de révolte là encore contre l'exil des Bretons vers
la capitale.
”Bwthyn fy Nain“ (La ferme de ma grand-mère) : un morceau gallois nostalgique avec une longue intro à
la flûte irlandaise suivie d’un chant a capela. ”Ffarwel i Aberystwyth“ (Au revoir Aberystwyth) Un instrumental gallois, un duo cornemuse/bombarde,
rythmé ensuite par les percussions. Aberystwyth est une
ville du Pays de Galle dont le château sera détruit par Oliver Cromwell en 1649. ”Briste leathair pheadair,
Mairseal a’ chearc“ : un jig écossais avec la bombarde et les batteries
écossaises. ”Dans fisel/ Gavotenn ar menez“ : une gavotte traditionnelle des montagnes entre harpe celtique et flûte
irlandaise. ”Deus ganin-med’am bro“ (Viens avec moi dans mon pays) : un chant a capela
; l’histoire d’un garçon qui propose à une jeune fille de le
suivre dans son pays. Ce qu’elle n’acceptera que s’il
l’épouse. ”Jenovefa“ : une complainte dramatique avec voix et harpe
celtique. Un garçon contraint par ses parents à se faire
prêtre malgré son amour pour Jenovefa, la belle se suicidera
! Presque un Roméo et Juliette breton. ”Sagart O Donaill“ : un chant irlandais à capela un peu dans le même
contexte que le précédent,une mère implore son fils qui s'est fait pasteur de
revenir. ”Diougan Gwenc'hlan“ (La prophétie de Gwenc’hian) : un texte attribué à un barde du Ve siècle. Un titre en
voix/harpe/. ”Ar Voraerion“ (Les pirates) : une chanson à propos de la vie éprouvante
des marins pêcheurs.
Je voulais ouvrir une parenthèse pour dire que les
traductions de wikipédia ne sont pas bonnes, Ar Voraerion se
traduit par les pirates et non les navigateurs qui en breton
se dit merdeeriou. Une erreur déjà visible avec le morceau
”Planedenn“ comme je l’ai dit veut dire planète et non le destin.
Fermons la parenthèse.
”Faili faili oro“ : Un chant écossais toujours en voix/harpe un garçon passa sa vie sur les mers du monde pour oublier
un amour impossible. ”Oye Vie“ une courte berceuse instrumentale à la harpe de l’île de
Man.
”E Langonned“ c’est comme les embruns de l’océan que tu prends dans
la figures pendant les marées d’équinoxes, c’est le vent
de la pointe Saint Mathieu (Le bout de l’Europe) qui te décoiffe, il ne manque plus que le cri des
goéland ! Une vague de fraicheur ! Alan Stivell
reviendra aux instruments électriques sur son album
suivant le live ”E Dulenn“ (A Dublin) (clic).