- Ah Claude, suite de la saga des disques légendaires… Je viens d'écouter les deux vidéos de répétition. Le M'sieur Toscanini, il n'était pas un peu… cinglé ?
- Tu es bien insolente Sonia vis à vis de l'un des chefs les plus célèbres du XXème siècle… Mais il est vrai que Louis de Funès alias Stanislas Lefort répétant Berlioz est un moment de détente et de calme par rapport aux cyclones verbaux des vidéos… hihi…
- Drôle de type, pas cool pour les musiciens ! Pourquoi cet ensemble Brahms de 1952 ?
- Cette année-là, l'orchestre de studio Philharmonia n'a que cinq ans
et son créateur Walter Legge sillonne le monde pour débaucher ou inviter
les plus grands maestros pour constituer un début de catalogue
discographique haut de gamme sensé doper les ventes de galettes EMI…
- Et ça marche ?
- Oui. Curieusement on croyait cette intégrale oubliée car enregistrée en Live. Le label Testament l'a remasterisée et éditée. Brahms que certains prétendent sirupeux vont changer d'avis… J'avoue que de nos jours, aucun orchestre n'accepterait un tel chef colérique à sa tête sans déclencher une grève illimitée…
Vidéos : Les répétitions volcaniques de Toscanini et de Stanislas Lefort
Avant de découvrir l'épopée des disques du maestro italien colérique mais
génial, voici deux échantillons de ses célèbres répétitions homériques. Le
son est ingrat (orchestre de la NBC années 40) mais ça donne
une idée du style hystérique des vociférations du maître. En prime
Louis de Funès dirige
Berlioz… J'ignore si les instrumentistes conspués puissance dix s'amusaient autant
que les spectateurs du film de Gérard Oury ? Le portrait du maestro
moustachu et frisotant (Fusain et craie sur papier) date de
1934 et est signé
Samuel Johnson Woolf (1880-1948).
Dans l'ordre de la playlist : Les premières mesures de Mort et transfiguration de Richard Strauss suivi de la 2ème symphonie de Brahms, précisément. Et Stanislas Lefort qui gesticule plus qu'il ne dirige, mais toujours un plan séquence Berliozien hilarant 😅 .
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Partie 1: La discographie évènementielle
😊 Ça ne veut rien dire, mais ce style rhétorique étant à la mode, ça jette !
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| Toscanini vers 1950 |
Il y a deux semaines, une introduction détaillée précisait les règles de la nouvelle rubrique "Disque légendaire". Pour inaugurer cette saga, je vous invitais à écouter la 9ème symphonie de Mahler écrite en 1910 et dirigée ici en 1938 à Vienne par Bruno Walter qui en avait assuré la création en 1912 ! Composition "dégénérée" suivant les critères nazis et chef juif. Deux mois plus tard, débute l'Anschluss et la horde des criminels et butors nazis achevait de laminer des siècles de culture… Walter brocardait le régime inique par une direction hallucinée, mélancolique, et surtout sarcastique voire funèbre. Pressé dès 1940 en Angleterre, ce disque apparaît tel un réquisitoire musical contre une barbarie qui conduira à l'indicible… (Clic)
Un an après un premier refuge en France Walter partait pour les USA où son confrère Toscanini l'attendait comme ami et chef d'opéra réputé. Si ce concert ultime à Vienne fustigeait la bestialité, tel un acte de révolte politique, les disques mythiques sont en fait déjà nombreux dans l'index du blog, mais souvent par leur grande qualité artistique dans une discographie parfois pléthorique.
Certaines gravures peuvent avoir vu le jour dans diverses circonstances
inhabituelles. Pour ce second épisode, place au pittoresque
Arturo Toscanini
qui traversa l'Atlantique pour Londres pour proposer au public du
Philharmonia
les quatre symphonies de
Brahms
en deux soirées !!! Quoi de surprenant et zarbi dans cette affaire ? Qu'une
interprétation flamboyante captée sur des bandes magnétiques de radio ait
végété pendant cinquante ans dans un placard 😞. Comme demanderait Sonia ou
Nema, que s'est-il passé pour que les discophiles amateurs de
Brahms
(j'en suis) soient privés d'apprécier ces deux soirées jusqu'en l'an
2000 ?
Merci au label Testament d'avoir ressuscité cet évènement (il existait semble-t-il de rares disques pirates au son pourri).
Partie 2 : Walter Legge : du phonographe de papa à producteur de disques…
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1961 : En jury de concours de chef, quelques dirigeants :
O. Klemperer, Sir A. Boult, Walter Legge et C.M. Giulini
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Plusieurs évènements se sont conjugués pour empêcher la commercialisation
de cette intégrale
Toscanini. Je proposerai une théorie personnelle dans ce qui suit.
J'invite le lecteur à parcourir un "préquel" à cette série
d'articles ne se limitant plus à présenter le contexte créatif d'une œuvre
et de son ou ses interprètes et comportant une analyse-guide pour les
néophytes.
En août 2025, une chronique sur l'histoire de la reproduction sonore depuis les inventions de Charles Cros et Edison à la fin du XIXème siècle parcourait les diverses évolutions technologiques jusqu'à la mise en vente en 1954, par RCA, des premiers disques stéréophoniques. Des galettes LP 33T dont la qualité sonore n'a guère évolué depuis, notamment en numérique, parfois bien au contraire. Le billet se concentrait sur les enregistrements des deux concertos de Brahms sous les doigts d'Arthur Rubinstein.
Dans cette course vers la perfection audiophile, une personnalité hors du commun se distinguera au XXème siècle. Ni compositeur, ni instrumentiste, Walter Legge, né en 1906, mettra ses talents de technicien, de producteur, d'homme d'affaire et de négociateur persuasif avec les vedettes du Show-biz classique au service de la discographie d'exception.
Comme pour tous les personnages hyperactifs, conter la vie de
Walter Legge par le menu nous écarterait trop du sujet du jour :
Toscanini
–
Brahms
–
Philharmonia. N'y voyez pas de la paresse, mais plutôt qu'une biographie déséquilibrée
de mon cru, je suggère l'écoute de cinq épisodes d'une heure sur
France Musique, en streaming (France-Musique) Il y a aussi un article dans Wikipédia. Voici un court résumé à
lire si ces deux options gourmandes en temps ne vous séduisent pas… petit
résumé :
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1909 : naissance de Walter Legge dans une famille de tailleur installée dans la banlieue de Londres. Le jeune Walter se révèle sans doute un élève brillant dès sa petite enfance car il réussit le concours d'entrée à Latymer Upper School (cycle collège-lycée). Cet établissement privé, fondé en 1624, s'enorgueillit avec raison d'une réputation d'excellence et même d'élitisme. L'adolescent brille en latin, et en français, surement dans d'autres disciplines littéraires, mais ne suit aucune formation musicale alors que l'école dispose d'un bon "conservatoire" (de nos jours en tout cas).
Musicalement, grâce au phonographe familial, l'enfant se passionne tôt pour la musique classique malgré, on s'en doute, la maigreur des catalogues discographiques. Son père l'encourage avec succès à écouter Richard Wagner et Walter apprend ainsi l'allemand. Une initiative qui dopera sa carrière de producteur lors de la fondation du Philharmonia. Toujours en autodidacte, il travaille le solfège et le déchiffrage des partitions. Il ne jouera d'aucun instrument (peut-être la longue durée et le travail ingrat pour maîtriser violon, piano ou autres l'a démotivé).
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Artur Schnabel (1882-1951) |
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| Sir Thomas Beecham (1879-1961) |
1927 : Walter est recruté par la firme "His master's voice". Il a 21 ans. En regard de sa vaste culture générale, on lui confie la
rédaction du journal interne de la firme. Rédacteur, discophile passionné,
sa puissance de travail et son sens du management lui permettent d'accéder
dès 1933 à la fonction de producteur…
1929 : Pour Walter, rien de mieux qu'assister à de nombreux
concerts et de parcourir l'Europe et notamment fréquenter les capitales
musicales que sont Berlin et Vienne… Il se rend à Berlin en 1929 où,
pour une série de concerts, se sont réunis cinq maestros parmi les plus
célèbres et talentueux. Sur la photo : Bruno Walter (Directeur de l'Opéra de la ville de Berlin), Arturo Toscanini (codirecteur de l'Orchestre philharmonique de New York
et invité régulier de Berlin), Erich Kleiber (chef d'orchestre de
l'Opéra d'État de Berlin), Otto Klemperer (le géant, 😊chef d'orchestre de la filiale de l'Opéra d'État de Berlin au Kroll Theater*) et Wilhelm Furtwängler (chef d'orchestre de l'Orchestre philharmonique de Berlin). Tous ces maestros ont été invités dans au moins une chronique
(Index). Comment Pour Walter Legge ne pas avoir envie de faire
partager leur art avec un large public par le disque encore bien
confidentiel et au son médiocre ?
1933 – 1945 : Dans la décennie qui suit sa promotion chez
HMV devenu EMI, la grande dépression puis la seconde guerre
mondiale ne profitent guère à l'industrie du disque. Walter Legge,
jamais à court d'idées, invente à la fois le disque en souscription
(paiement d'avance pour un projet consensuel de la part des mélomanes) et
concentre les productions sur des très grands classiques interprétés par des
très grands et renommés artistes en espérant assurer de très grandes
ventes…
Deux réalisations deviendront légendaires : l'intégrale de l'œuvre pour piano de Beethoven sous les doigts d'Artur Schnabel (captée pendant les années 30) et la Flûte enchantée de Mozart à Berlin en 1937 sous la direction du pittoresque so british Sir Thomas Beecham, avant la fureur guerrière. Le maestro invitera Legge à participer comme conseiller technique à l'enregistrement… (YouTube). Concerto N°5 de Beethoven en 1932 par Artur Schnabel et Malcolm Sargent (YouTube). 10 faces !!!
(*) Pendant le république de Weimar, Klemperer programme de nombreux ouvrages modernes de Paul Hindemith et Arnold Schoenberg, Kurt Weil… Cette orientation moderniste sera interdite comme "art dégénéré" et son chef de confession juive sera évidemment chassé en 1933 à l'arrivée des nazis qui réquisitionneront le théâtre pour en faire le nouveau Reichstag après l'incendie du bâtiment officiel…
Partie 3 : Walter Legge le père fondateur du Philharmonia
Pendant le conflit planétaire, Walter Legge n'a pas les budgets
pour de nouveaux projets d'envergure. Par ailleurs, la venue de grands
artistes germaniques est compromise, j'y reviendrai… Il est réformé à
cause de sa mauvaise vue mais participe à sa manière au soutien moral des
troupes britanniques en organisant des concerts sur tous les théâtres
d'opération de la planète !
Sir Thomas Beecham, lui propose d'utiliser la logistique de l'ENSA (Entertainments National Service Association), un organisme chargé de divertir les combattants ; le répertoire est
plutôt orienté variété disons… populaire, les comiques troupiers 😊.
Walter Legge s'assure la collaboration du pianiste
Solomon
et des maestros Sir
Adrian Boult
et
John Barbirolli, concerts diffusés par la BBC.
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| Magnétophones 1945 |
Depuis sa prise de fonction chez EMI, Walter Legge s'est
intéressé aux progrès des technologies discographiques : le remplacement de
l'enregistrement par pavillon par micro(s) vers 1927, le magnétophone
à bandes à oxyde de fer (1936-1941), donc des techniques de gravure
plus performantes grâce aux montages… même si les bandes sont lourdes,
chères et fragiles…
En ces années d'après-guerre Walter Legge reste insatisfait des
limitations imposées par la technique. Il est difficile de proposer un
catalogue varié : la faute au retournement du disque toutes les cinq
minutes… 10 faces pour le
concerto
"Empereur" par
Artur Schnabel
et
Malcom Sargent, et 40 faces pour
la flûte enchantée
de 1937 (sans les récitatifs) 😊. On comprend qu'en art lyrique, des
récitals de chanteurs célèbres soient privilégiés à des intégrales. Même en
ne proposant que des œuvres du grand répertoire parmi les plus appréciées,
le disque reste un produit réservé à la classe aisée. Avant l'usage fin des
années 40 des magnétophones, on usine dans la cire cassante des concerts en
live et quelques interprétations de musique de chambre jouées en petit
comité.
De ce constat frustrant naîtra une idée géniale. Pour la musique symphonique et l'opéra, l'enregistrement dans un grand studio permettrait de peaufiner la qualité des interprétations, faire des reprises lors des couacs. Impossible que Walter Legge ne soit pas au courant des recherches sur les microsillons. Columbia a commercialisé le premier 33T LP en 1948, le concerto pour violon de Mendelssohn joué par Nathan Milstein et Bruno Walter en 1945. La durée par face atteint 25-30 minutes et la bande passante s'élargit notablement, d'où une belle fidélité des timbres instrumentaux dues aux harmoniques enfin audibles.
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| Richard Strauss dirige le Philharmonia en 1947 |
Walter Legge décide de créer un orchestre dédié à la prise de son en
studio, finis les toux et bruits divers et les ingénieurs du son qui n'ont
pas la possibilité des reprises… Très malin, il imagine une procédure :
l'orchestre répète et donne un ou deux concerts, il est alors fin prêt pour
la captation sans réitérer les répétitions. Legge convainc des
musiciens de se lancer dans l'aventure en touchant des gratifications voire
rien, pas de contrats, certains sont encore militaires et ont été repérés
lors des activités de l'ENSA !
Sir Thomas Beecham
ouvre le bal le 27 octobre 1945 (son cachet : un cigare).
L'excentrique maestro est milliardaire (Le laboratoire pharmaceutique
Beecham fondé par son grand-père, devenu Glaxo… etc.). Il
refuse de prendre en charge le
Philharmonia
nouveau-né pour fonder sa propre phalange, le
Royal Philharmonic
Orchestra
en complicité avec le jeune chef
Malcom Sargent. L'ambitieux
Beecham
a atteint son but. Il n'abandonne pourtant pas Legge, les deux hommes
s'échangent leurs instrumentistes…
Après la venue de quelques chefs expérimentés comme Richard Strauss pour une soirée, il tente de séduire un faiseur de miracle à temps complet. Le gagnant sera Herbert von Karajan. Le chef autrichien dénazifié en 1947 est persuadé de correspondre à ce profil, on s'en doute😊.
Partie 4 : Walter Legge ou l'art de réunir des castings prestigieux
La photo ci-dessus de 1929 réunissant cinq demiurges de la direction d'orchestre est un beau mais triste souvenir de l'époque où l'Allemagne et l'Autriche dominaient le monde musical du postromantisme et de la révolution stylistique du XXème siècle…
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| Furtwängler déprimé pendant son procès |
Après la capitulation, les monceaux de gravats, ceux des logements et des
salles de spectacles entre autres et les millions de morts donnent une image
du désastre de la vie artistique en Allemagne si intense avant 1933.
Bruno Walter
et
Otto Klemperer, juifs, ont dû fuir aux USA (voir article précédent pour
Walter) ; quant à
Klemperer, il a joué aux USA le pigiste cabochard et a subi l'excision d'une tumeur
cérébrale qui l'a laissé hémiplégique mais toujours talentueux ("je dirigerai avec les genoux", humour juif).
Kleiber
a poursuivi sa carrière en Argentine après 1937. Il ne tolérait pas
que Goebbels lui interdise de jouer
Wozzeck, opéra sérialiste et antimilitariste du compositeur
juif
Alban Berg.
Seul
Furtwängler, bien que détestant l'idéologie nazie, a pu diriger jusqu'en 1945 à
Vienne pulvérisé par les bombes russes d'un côté, pourchassé par
Himmler de l'autre, le Reichsfürher étant persuadé que le vieux
maestro était impliqué dans l'attentat de Juillet 44. Il trouvera asile en
Suisse en février 45 grâce à un douanier bienveillant face à ses
faux-papiers !
Toscanini souvent présent à Berlin ou à Londres avant les années 30 est accueilli aux USA après avoir mis sa vie en danger en insultant le Duce et le Führer à parts égales…
Les alliés ont imaginé le concept de "responsabilité collective" de tous les allemands pour juger à tout va : les vrais démons à Nuremberg
mais aussi des intellectuels simplement restés fidèles à leur pays
martyrisé. Il est vrai que la découverte des charniers de Buchenwald ou
Bergen-Belsen n'aidait par à la mansuétude vis à vis de tout un peuple
fanatisé et complaisant.
Furtwängler
eut à subir un procès en dénazification. Tout cette affaire est à lire dans
la chronique dédiée à sa
seconde symphonie
écrite dans cette période terrible
(Clic). Il fut soutenu dans cette épreuve par nombre de grands-maitres juifs
exilés tel
Schoenberg
qui lui conseilla de rester pour "sauver l'honneur de la musique allemande". Vaguement "acquitté" comme simple "suiviste" en 1946, il fut
néanmoins rejeté par la communauté musicale notamment aux USA où une tournée
en 1948 donna lieu à des polémiques ; on est surpris à lire la liste
des protagonistes, beaucoup d'anciens amis 😞mais des soutiens réels
heureusement
(Wikipédia).
Herbert von Karajan qui aurait vendu son âme au diable pour assouvir sa passion absolue de diriger, bien que détesté par Hitler, subit le même sort. Son opportunisme ne joua pas en sa faveur.
|
| Walter Legge travaille avec Herbert von Karajan |
Walter Legge profitera de l'inactivité temporaire de ces parias pour
les débaucher afin de démarrer son projet
Philharmonia
avec brio. En 1948,
Wilhelm Furtwängler
et
Herbert von Karajan
(le premier méprisant le second au point de l'appeler Msieur K.)
donnent les premiers concerts suivis d'enregistrements en studio. On ne peut
pas tout citer, sauf des moments historiques :
Kirsten Flagstad
et
Furtwängler enregistrent en studio en 1952
Tristan et Isolde
en… microsillon ! (Pour certains Le must indétrônable -
Clic) ; ça se discute). Le 22 mai 1950 et avec la même soprano
norvégienne le chef assure la création des
quatre derniers Lieder
de son ami
Richard Strauss*. (Nommés président et coprésident de la
Chambre de la musique du Reich de Goebbels en 1933, ils en sont exclus sans déplaisir en
1935 pour refus actif d'antisémitisme.)
(*) captation inécoutable hélas !!
Elisabeth Schwarzkopf
donnera les premières versions de ce testament au son correct (Strauss
est mort en 1949) … en 1953 avec Otto Ackermann.
Elisabeth Schwarzkopf, sympathisante nazie et proche de Hans Frank ☠ et de
Goebbels réussira à passer sans ennui entre les gouttes de la
dénazification. Comprend qui pourra !!! Elle deviendra
Mme Legge en 1953. Un de ses meilleurs amis et
accompagnateurs favoris était :
Furtwängler
! Vraiment une époque bizarre.
- Dis Claude et Toscanini dans Brahms…
- Hein ? Heu ? Disons que je préparais le terrain, mais tu as raison, j'y viens comme un acteur parmi d'autres des premières années du Philharmonia. Une autre chronique plus ciblée lui sera consacrée en dédommagement…
|
| Otto Klemperer... le commandeur |
Après ces débuts prometteurs, Legge désigne
Herbert von Karajan
comme chef principal. Il trouva un mentor artistique précieux pour ne pas
dire indispensable pendant et après la période de disgrâce du chef
autrichien acquitté en … 1948 (une difficulté : que
Karajan
et
Furtwängler
ne passent pas la même porte en même temps 💣 !)
En 1955,
Herbert von Karajan
obtient le poste de directeur de la
Philharmonie de Berlin
après un quart de siècle d'intrigues ;
Sergiu Celibidache
perd son job partagé avec
Furtwängler
de retour entre 1952 et 1954, date de sa mort… Karajan reste un fidèle du
Philharmonia
jusqu'en 1960 et constitue une discographie que d'aucun préfère à
celle pour DG, un style éloigné du legato hédoniste des années 60-70,
élégant assurément mais parfois entaché de pathos. Karajan
très modeste promettait de faire de cet orchestre le meilleur du monde… Vu
de l'Angleterre, avouons que le contrat sera quasiment rempli, sachant que
le chef travaillera de la même manière à
Vienne
et à
Berlin…
En 1959,
Otto Klemperer
revenu handicapé mais actif des USA, devenu ami de Legge
est nommé chef à vie de l'orchestre. Il règnera avec autorité jusqu'en
1973 constituant un catalogue de référence du classique au romantisme
de
Bach
à
Mahler…
En 1964, Legge
trop conservateur dans sa programmation sent SON orchestre décliner, perdre
des clients chez les disquaires. Il préfère démissionner et dissoudre
l'orchestre !
C'est sans compter sur le désaccord total des musiciens et d'un quarteron
de maestros célèbres :
Otto Klemperer, le jeune
Carlo-Maria Giulini
et
John Barbirolli
s'opposent à ce gâchis tout comme Sir
Adrian Boult qui, lors d'un discours de vingt minutes exhorte le public à poursuive
l'aventure grâce à une floppée de concerts joués à guichet fermé… Pari
gagné, le
New Philharmonia orchestra
voit le jour…
Legge est en rage, mais ceci est une autre histoire… Triste final pour cette folle entreprise…
Partie 5 : Toscanini et la disparition mystérieuse de ses symphonies de Brahms
- Mais dis donc Sonia, c'es quoi ces hurlements en italien dans le bureau du Toon ?
- Houlà M'sieur Pat, c'est le fantôme d'Arturo Toscanini qui invective Claude pour avoir attendu le 3000ème mot pour parler de lui…
- Mouais, il est vrai que ce récit de la vie musicale entre 1920 et
1964 est passionnant… Attends Sonia… ça semble se calmer…
- D'autant qu'on attend avec impatience l'affaire à la Dan Brown de ces disques… Il y a une pochette pourtant…
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Toscanini souriant !!! (1952) |
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La Scala en 1900 |
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| Le Metropolitan Opera vers 1920 |
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| Toscanini à Londres en 1952 |
Je viens de me prendre la rincée du siècle… Enfin, le maestro spectral m'a
laissé une bouteille de chianti… comme quoi ! Mes articles récents abordent
désormais un sujet de réflexion sur l'histoire de la musique et un disque
réalisé ou édité lors d'un événement pas banal. Aujourd'hui, la visite
éclair du maestro italien à Londres pour soutenir le début en fanfare du
Philharmonia. Hors de question d'écrire une biographie détaillée de cet homme
stupéfiant. Voici quelques repères biographiques, un autre article doit être
envisagé…
Toscanini
aimait les nouveautés techniques lui aussi… ces disques sont légions…
Remontons le temps en 1867.
25 mars 1867 : Naissance à Parme. Le père de famille comme celui de
Walter Legge est tailleur ! Garibaldien (disons social-démocrate,
anticlérical…) et fredonne gaiement des airs de bel canto.
1876 - 1885 : Poussé par son père vers le
Conservatoire Arrigo Boito de Parme,
Arturo
obtient une bourse par concours. Il démontre des dons exceptionnels, dont
une mémoire eidétique qui favorisera sa connaissance au # près de centaines
de partitions… Il étudie le piano, le solfège, l'harmonie et le violoncelle,
son instrument de prédilection. Les conditions de vie sont spartiates, la
discipline rigoriste, les dortoirs dignes de ceux d'une caserne, la
nourriture frugale. Il supporte cette austérité, mais il y a plus douloureux
: ses parents ne lui rendent jamais visite et ne viendront jamais assister à
ses premiers concerts.
Certains psychologues attribuent ses futures crises caractérielles à ce
déficit affectif cruel.
Arturo
apprend trop jeune à affronter la solitude, à s'imposer sans soutien.
1886 : premiers concerts comme violoncelliste et maestro. Il se rend
à Rio de Janeiro comme violoncelliste pour une représentation de
Aïda. Il doit remplacer le chef
Superti, inapte et hué par le public (Arturo
connait la partition par cœur, inutile de répéter). Il confirme son génie
et… son irascibilité. La critique publie "la naissance d'un chef" !
1886-1898 : violoncelliste puis chef, il se produira sans relâche
dans le répertoire vériste et assure quelques créations. 1895 : À
Turin, il fait creuser une fosse d'orchestre et peut ainsi programmer
Wagner
en Italie :
Götterdämmerung
et
Tristan. Le vigoureux orchestre wagnérien, ne couvre plus les voix… Les dames
doivent retirer leurs chapeaux pour ne pas gêner la vue de la mise en scène.
Le public accepte facilement cette nouvelle donne imposée par
Arturo. 1896 : création de
La Bohème, de Puccini.
1898 : Depuis un an, la municipalité de Milan a fermé
La Scala
faute de budget ! Divers donateurs de la noblesse permettent sa réouverture
sous la direction à poigne d'Arturo Toscanini. Le maître a 31 ans mais comprend que le style des spectacles doit
s'adapter pour rendre la vénérable institution rentable. La programmation a
pourtant évoluée : tout
Verdi, certes, mais
Berlioz,
Massenet,
Gounod
et
Wagner, etc. y sont joués dans des conditions inappropriées.
Toscanini
applique les innovations expérimentées à Turin : On joue l'œuvre en continu
(finies les soirées mondaines avec des pseudo entractes), obscurité dans la
salle, pas de bis en fin de représentation, pas de chapeau, pas
d'interprétation prétentieuse des chanteurs… pas… pas de… L'opéra… c'est du
sérieux 😊. Il n'obtiendra la fosse d'orchestre qu'en 1907 !
Puccini
débute et fait scandale… Ah la nouveauté… les pour, les contres…
Toscanini
opiniâtre ne lâche rien malgré un salaire symbolique. Malgré tout, certains
soirs les mauvaises habitudes resurgissent : les bis, la phobie de
Toscanini
qui claque la porte en 1902…
1906-1908 : Il accepte de revenir, mais complots et conflits d'ego
reprennent. Il crée enfin
Wagner
et
Debussy
grâce à la fosse enfin achevée, se brouille avec
Richard Strauss
et claque la porte de nouveau plus par lassitude qu'aigreur. Les critiques ?
Il est blindé…
1908 – 1915 :
Arturo
accepte la direction artistique du
Metropolitan opéra de New-York
malgré une hostilité de critiques yankees, et la codirection de la
Philharmonie
New-Yorkaise
alors sous la coupe de
Gustav
Mahler.
1919-1929 :
La scala, le retour épisode III : À 53 ans, son autoritarisme s'accentue encore au
bénéfice de la qualité des spectacles.
1929 : Depuis 20 ans, le fascisme a gangréné l'Italie et en
Allemagne le nazisme débute sons ascension. Socialiste dans l'âme,
Toscanini
avoue une petite séduction pour les premières lois sociales du Duce.
Mais en 1922, après la marche sur Rome et le début de la dictature de
Mussolini, il n'a pas de mots assez durs contre le
Duce jusqu'à l'insulte. Il refuse de jouer l'hymne fasciste à la
Scala ou ailleurs… "C'est la scala ici Monsieur, pas une guinguette". (Le dire en hurlant). Un soir, il est presque lynché par des faisceaux
italiens. Partir en Allemagne ? Pays allié où il a dirigé souvent y compris
à
Bayreuth
en 1930 serait possible. Mais avec Hitler qui approche du
pouvoir ?... Même pas en rêve. Il doit sauver sa peau, celle de sa femme et
de ses quatre enfants… Toscanini
l'humaniste.
1928-1936 : Toujours en contrat avec la philharmonie de New-York,
Toscanini
s'installe définitivement aux USA.
1937-1954 : Le groupe audiovisuel NBC crée un orchestre pour Toscanini âgé de 70 ans. Admiré par Pierre Monteux et d'autres maestros de renom, passionné d'évolutions techniques, considéré comme le meilleur chef et le plus innovant de la planète malgré ses sautes d'humeur délirantes… il constitue avec NBC et RCA une discographie issue de concerts diffusés à la radio… On reparlera. Il s'éteint épuisé en 1954 à 87 ans…
Avec le
NBC orchestra
conçu exclusivement pour lui,
Toscanini
interprétait souvent
Brahms, notamment au début des années 50. La Columbia utilisait des
micros RCA très performants. Le label RCA ayant
l'exclusivité de la publication…. Il est invité à Londres en
1952 pour ajouter une "perle" à la discographie du
Philharmonia. À la fin de sa vie
Toscanini
ne quittait guère les USA que pour diriger à
La Scala. Pourtant il accepte et vient en Angleterre pour la dernière fois de sa
vie pour donner les
quatre symphonies
en deux soirées en concert public.
Le chef italien proposait un
Brahms
étincelant et bouillonnant, débarrassé des oripeaux d'un romantisme
grassouillet. Le compositeur allemand ne revendiquait il pas un modèle de
composition postclassique en plein siècle romantique, un héritage plus
beethovénien que wagnérien ?
Pourtant les disques ne seront jamais fabriqués !
Comme à l'accoutumée, les concerts diffusés en Live avec le
Philharmonia
tiennent lieu de répétitions avant les captations en studio pour
débarrasser le son des bruits parasites, voire reprendre des passages
insatisfaisants. Imparfaits mes concerts ? Une notion qui pouvait n'avoir
aucun sens pour
Toscanini
et par ailleurs une méthode contraire aux pratiques de la NBC.
Aucun témoignage ne donne d'explication à l'absence du maestro dans le
studios n° 1 d'Abbey Road, au
Kingsway Hall, au
Royal Albert Hall, ainsi qu'au
Royal Festival Hall (où avait eut lieu
le concert !), choix dépendant de la taille de l'orchestre et du planning.
Questions : La défection ou le refus de repasser sans changer de
salle par l'épreuve "studio" a-t-il irrité Walter Legge ?
Herbert von Karajan, directeur artistique, a-t-il mis un veto à l'écoute de cette
interprétation opposée au style germanique élégiaque à la mode pour la
musique de
Brahms. Pensait il graver une intégrale de son cru en mono ? ce qu'il fera vers
1957 ? C'était sans compter l'interprétation d'Otto Klemperer
en 1958, en stéréo de qualité, une vision très haut de gamme et
dans la tradition "pseudo romantique"… Elle demeure la version toujours
rééditée régulièrement du catalogue…
J'avais promis une théorie, choisissant ce mot car, on l'aura compris, je
ne sais absolument pas pourquoi il a fallu attendre l'an 2000 pour
entendre ces exécutions raffinées et épiques. Je ne précise aucun détail
sur le jeu assez extraordinaire de clarté et de conviction de
Toscanini. Écoutons simplement…
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Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |

















Quand je vois la photo de Sir Thomas Beecham (qui fera un enregistrement magnifique de "Peer Gynt" de Grieg avec le Royal Philharmonic Orchestra en 1959) je ne peux m'empêcher de penser a une anecdote le concernant. Le gentlemen connu pour son humour légendaire demandait le matin s'il n'avait pas reçu un télégramme de Mozart. Un chef qui comme Pierre Monteux n'avait pas besoin d'hausser le ton comme Toscanini pour que l'orchestre fonctionne bien. Le parallèle avec Stanislas Lefort ne pouvait être mieux choisis.
RépondreSupprimerPas tout compris, mais je vois qu'en musique comme dans d'autres domaines, le dénazification a montré ses limites. Ce n'est pas vraiment surprenant non plus.
RépondreSupprimerEn effet Shuffle... Juger l'anti nazi Furtwängler (pièce de théâtre et film passionnant) et ne pas envoyer au piquet quelques temps Mme Schwarzkopf qui batifolait semble-t-il avec deux des pires monstres laissent interrogatif sur ce concept "tous coupables"... Quand on voit le score du RN... Ô pardon pas de politique dans le blog...
SupprimerOuch ! Y'a de quoi alimenter aisément une ou deux séries télés, riches de trois saisons.
RépondreSupprimerPar contre... on parle beaucoup d'Allemands et d'Autrichiens, mais il ne me semble pas avoir jamais lu, ici, un truc sur les frères Marcello. Aaaahhh ?
RépondreSupprimer- c'est Arturo qui m'y fait penser - 😁
Une découverte due à une émission sur France Musique - hélas prise en cours -. De mémoire, les œuvres diffusées étaient celles d'Alessandro.
Numériquement et talentueusement parlant, Allemands et d'Autrichiens dominent la musique classique pendant deux siècles... Un fait historique .
RépondreSupprimerOui Alessandro Marcello est une bonne idée pour changer des chroniques fleuves... On ne croule pas sous les enregistrements cela dit...😁
Okay. Je ne connaissais rien des Marcello, et ce que j'ai pu écouter à la radio était plutôt rafraichissant et enjoué. Un peu dans la mouvance d'un JS Bach. Alors, curieux, j'ai voulu en apprendre un peu plus. J'vais sur Le Blog (le Déblocnot', évidemment), et plonge dans la rubrique.
SupprimerJe fouille, je fouille, trifouille, et... rien. Y'a pas de Marcello. Consternation... 😲😁
Maintenant, s'il n'y que deux ou trois singles (un 78 tours) à son actif...