Sonia rentre d’une longue promenade en bord de Seine. Elle est toute contente d’avoir longé le fleuve :
- Trop bien ma balade le long de la Seine ! On a même regardé les marques des différentes crues avec ma copine : c’est dingue comme l’eau peut monter et heureusement redescendre !
- Ouaip ! la Seine est pourtant bien « domestiquée » dit Nema. Même à Saluggia, village d’origine de ma famille dans le Piedmont, le fleuve Pô a toujours eu des caprices terribles passant de la sècheresse à l’inondation en un rien de temps. A ce sujet, je viens de finir un roman qui se passe justement dans le bassin du Pô mais vers Parme et Cremone.
- Le Pô ? connais-pas trop répond Sonia…
- Plus de 650km des Alpes à l’Adriatique, un immense bassin hydrographique de 71.057 Km2, soit près du quart de la surface de l’Italie, reprend Nema, qui ajoute : toute cette eau qui s’étale entre des digues, pas étonnant qu’il y ait de la brume en hiver… Je viens de finir de lire un roman bien poisseux : La Maison du commandant…
La Maison du commandant est un roman policier, dont le commissaire Soneri est le héros. Et nous voilà partis pour une enquête dans la Bassa. La Bassa est une zone bien particulière au sud du Pô dans la province de Parme. « Terre d’en bas », qu’on imagine sablonneuse, boueuse et brumeuse en hiver, mais aussi fertile et riche sous le soleil. Terre où le Pô s’étale depuis toujours en crues récurrentes, mais malheureusement de plus en plus fortes et brutales depuis quelques années. La Bassa est le domaine du Pô, et le Pô est l’un des personnages de ce roman.
Dans cette région sévissent des braqueurs de banques depuis quelques temps. Par hasard, le commissaire Soneri, qui est en contact téléphonique avec l’inspecteur Juvara, se retrouve au volant de son Alfa poursuivant une Polo blanche qui file à vive allure. Il la perd de vue. Ou plutôt la brume l’oblige à la perdre. Mais, soudain, il la voit garée au centre nautique de Sacca, petit bourg où il ne se passe jamais rien. S’en suit une tentative de poursuite sur le fleuve car un bateau vient d’être volé, probablement par les passagers de la Polo. Soneri monte à bord de l’embarcation de son ami Nocio : pilotage compliqué par un fort courant, la brume, le jour qui baisse et un trafic fluvial relativement important. Rien. Impossible de savoir où les bandits sont passés.
Le Pô, la brume... |
Malheureusement, au retour à Sacca, en plus du problème des fuyards pilleurs de DAB, on trouve un cadavre. La gendarmerie est là. Tout se complique : qui doit faire quoi, entre la questure, le commissariat, les gendarmes… Pour Soneri il y a peut-être un lien entre le cadavre et les pilleurs de DAB. Pour s’éclaircir les idées, il chemine sur le chemin de halage jusqu’à la maison du commandant Libero Manotti. Maison isolée, modestement blottie dans ce coin perdu. Le commandant était un ancien partisan qui défendait la cause des communistes à la fin de la guerre. Soneri découvre que le vieux commandant est mort. Chez lui. Tout seul. Depuis déjà un certain temps. Deuxième cadavre.
Qui est le cadavre tué par balle et retrouvé dans la boue du fleuve à Sacca ? un jeune Hongrois. Il y a des bandes de Hongrois et d’autres personnes d’Europe centrale venues dans la Bassa car le fleuve regorge de silures, et les silures sont très prisés dans ces régions. Les Hongrois vivent en général dans des caravanes et se déplacent au fil du temps. Pour Capuozzo, le chef de Soneri, les Hongrois font du trafic d’armes. Mais pour Soneri, il n’y a rien qui le prouve. De même que rien ne prouve que ce Hongrois, jeune homme de 22 ans nommé Gabor, ait un lien avec la bande des pilleurs de DAB.
Jambon culatello
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Soneri se rend au centre nautique, puis au restaurant le Stendhal pour bavarder, prendre le pouls de Sacca. Des propos virulents sont parfois prononcés contre ces Hongrois et d’une façon plus générale contre tous ceux qui viennent piller les ressources du Pô. Car on entend (la nuit surtout) des excavatrices qui extraient du sable, et même des chercheurs de trésor… Les jeunes n’ont pas d’avenir dans ce bled. Carega, un des piliers du restaurant, essaie de justifier la rage de Caretti, un petit délinquant du coin, en analysant de façon très critique le capitalisme ainsi que la compétitivité, et en tempêtant contre les politiques qui sont des nuls. Heureusement, pour Soneri qui est passablement gourmand, il y a les moments où l’on se régale avec un bon verre de vin rouge, des tranches de culatello, ou avec des aneloni au bouillon… Et il y a Angela, sa compagne et amante, avocate à Parme, mais qui va s’intéresser à la captivante Bassa. Elle ira même jusqu’à se faire passer pour sa secrétaire pour l’accompagner dans ses investigations.
L’affaire s’est très complexifiée quand Soneri découvre de vieux papiers chez le commandant. De vieux documents qui laissent penser qu’un trésor de guerre se trouve dans le coin. Côté des DAB, pas grand-chose avance. Quant au pourquoi de la mort de Gabor, rien. Personne ne dit rien chez les Hongrois. Il y a bien des armes retrouvées dans la maison du commandant, mais cela ne correspond pas à celle qui a tué Gabor. Alors quoi ? Il y a quelque chose de louche autour de l’agence sanitaire régionale et de deux personnes, amateurs de hors-bords de course. Et toujours le fleuve et ses mystères, le fleuve qui se rebelle, qui prend et qui redonne, et qui par temps de fort vent et de pluie mugit comme un baryton d’opéra de Verdi, le grand compositeur de la Bassa.
Soneri s’interroge beaucoup sur la période dans laquelle il vit, sur l’intérêt de son travail, sur les faiblesses humaines et sur les valeurs auxquelles il est attaché. Non, en aucun cas la mort de Gabor n’est excusable.
Valerio Varesi est né à Turin en 1959 mais de parents parmesans. Écrivain et journaliste italien dont les romans policiers sont traduits dans de nombreuses langues. Traductrice, Florence Rigollet.
Nota : Autre roman de cet auteur, « Les ombres de Montelupo » a été chroniqué par Nema en novembre 2019 (Clic).
Bonne lecture !
307Pages
Editions Agullo
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