mercredi 17 avril 2024

MALTED MILK " 1975 " (2023), by Bruno



      

 -    Pendant ce temps, au pays des fromages-qui-puent, une poignée de groupes du terroir sortaient des disques dans l'indifférence totale de nos médias bien plus préoccupés à interpréter (à notre place) ce qu'ont pu dire machin, chose ou trucmuche. Jeter l'opprobre sur les uns et limite idolâtrer d'autres carriéristes, comme s'ils pouvaient fournir un remède à nos maux. Il y a dans la vie déjà suffisamment d'obstacles, de choses moches, immondes, de déceptions et de désillusions, pourquoi donc s'évertuer à en créer incessamment d'autres ? Tant d'informations de malheurs, d'absurdités, de folie et d'horreurs, incitant à se recroqueville dans notre coquille, à s'isoler du monde extérieur. Certes, actuellement, ça n'est pas très rose. Ou plutôt vert... Ouais pourquoi "rose" ??  Parce qu'à moins de s'appeler Barbie ou Ken, végéter et vouloir vivre dans le rose, ça ne semble pas très sain. Alors que le "vert", c'est la vie. Et dire qu'il y a des décérébrés qui font pression pour qu'on éradique les arbres, sous prétextes que ça leur "cacherait" la vue. Etonnant ça, non ? "Leur vue", à eux. Et puis la vue sur quoi ? Sur les voisins ? Le béton ? La route ? Mais crénom, gros [ censuré ] de [ double censuré ], les arbres c'est la vie. C'est fondamental ! Bon... comme d'habitude, on digresse..

- "Mais de quoi il cause encore ???" - "Kèssekidi ??"

- "Hé, Pat ! On était bien d'accord ? Plus d'apéro au bureau, et plus de bouteilles de secours qui traînent à droite et à gauche. Hein ? Oui, même dans les kits de survie en cas d'épidémie de zombies ou d'attaque extra-terrestre

-  Ouais, bon, sinon, ce serait bien que "nos" médias nous présentent aussi les sorties musicales de nos artistes locaux. Même si ce n'est pas du désormais sacro-saint rappeharènebihélectro, et même si on ne chante pas dans la langue de Michel Audiard. Ouais, parfaitement, parce qu'on a des gars comme Arnaud Fradin et ses potos, qui depuis vingt ans réalisent de très beaux disques de Blues classieux. On est en droit de s'étonner que son dernier disque sorte dans une relative - et absurde - discrétion. On va nous parler avec enthousiasme d'une bimbo d'outre-Atlantique - ou d'outre-Manche - incapable de chanter sans autotune, mais le p'tit dernier des Nantais, peau d'balle ! Et pourtant, c'est d'la bombe (comme dirait le Gégé)


     Toutefois, les premières minutes de la chanson éponyme (qui ouvre le bal), donnent quelques sueurs froides. On assiste médusé à un mixte de Donna Summer et de Barry White (si, si), avec une pointe de Robert Palmer.  Au point d'effleurer le disco 😲 Aïe ! Ouïlle ! C'est surtout qu'on est surpris, pris à froid, sans sommations. Arnaud se la joue crooner de dancefloor, faisant son numéro de charme. Et puis ces "ah" soufflés, expirés par des corps pris sous l'étreinte du désir : ça fout les j'tons. Avec le temps, ça finit par passer crème, même si on cherche en vain le Blues et/ou la Soul d'antan, tels que délivrés avec classe depuis bien des années par le groupe Nantais. On les retrouve (la Soul et le Blues) sur le titre suivant, "A Little Bit of Soul". Cependant, certains mouvements affichent une couleur manifestement typée Funk, ou plus précisément P-Funk. Soit celui de George Clinton. Funk encore avec "I'm Possible", mais cette fois-ci, ce serait celui formé par les chaudes nuits festives de New-Orleans. 

     La raison de cette apparente immersion dans le funk est due en partie à l'implication d'un certain Marco Cinelli. Une collaboration qui débute avec le Ep "Riding High" de 2021. La présence de ce dernier peut faire craindre un polissage et une "pastellisation" de Malted Milk. C'est d'ailleurs un peu le cas avec cet Ep de cinq titres. Toutefois, depuis quelques années, depuis son installation à Londres, le travail de l'Italien au sein de The Cinelli Brothers, bien loin de ses essais solos, se recentre sur le Blues. Et c'est d'un très bon niveau, comme en témoigne le dernier opus, "Almost Exactly...".

   D'autres pièces de ce " 1975 " s'engouffrent dans une forme de Soul-blues des plus exquises - même si quelques paroles laissent transparaître une certaine amertume. Notamment avec "Love For Yourself", qui pose un regard noir sur "nos" dirigeants. Toutefois, la désillusion et le mécontentement ne sont pas exprimés dans un débit haineux, voire belliqueux, mais avec une certaine poésie, qui, de prime abord, ferait plutôt croire à la plainte d'un amoureux délaissé, mais résigné. Le ton évoque la soul des Staple Singers à l'époque de l'excellent "Be Altitude : Respect Yourself" (de 1972)". Ou encore avec "Better Now", qui conte la blessure d'une rupture amoureuse. Toutefois, plutôt que de se morfondre dans un profond spleen, Arnaud la présente comme une épreuve nécessaire, permettant d'évoluer, de grandir. Il en fait alors une éclatante pépite de Soul insouciante et guillerette. Pour sûr, dans un univers parallèle, (et plus juste ?) ce petit joyau est sur toutes les ondes et concourt pour être intronisé au cénacle des classiques immortels. Inusable.

   Pour "King Without a Crown" (composition de Hugo Deviers et Maxime Genouel), la Soul se fait plus légère, sobre et fragile, presque éthérée, semblant sur la fin se déliter comme un nuage sous l'effet d'un vent coriace. C'est alors que la basse d'Igor Pichon, se fait grave, limite fuzzy, invitant à sa suite l'orchestre. L'atmosphère se transforme, lors d'un fugace instant, en orage d'été, lourd et délicieusement menaçant. Contraste magnifique. Igor Pichon, solide lieutenant depuis 2012, également guitariste et torpillé ici dans la direction musicale, fait aussi partie du bien nommé Arnaud Fradin & His Roots Combo.  


 Pour "Do What You Must", Arnaud laisse sa place au micro, braquant ainsi le projecteur sur Laurène Pierre Magnani. Petit bout de femme aux multiples casquettes - chanteuse, batteuse dans un groupe punk, artiste solo, choriste, bassiste -, actuellement surtout connue dans la région nantaise, elle s'empare de ce morceau, lui donne une âme. La consistance de son chant lui procure une couleur afro-américaine. Sans pathos, sans pénibles et redondants effets vocaux, elle plonge le groupe dans les nuits torrides d'Harlem, ou d'un Beale Street d'antan. Mais pourquoi donc n'avoir pas étendu cette belle collaboration à une paire de pièces supplémentaires ?

   Il ne faudrait pas occulter la valeur ajoutée du duo de choristes. Depuis 2012, soit depuis l'album "Get Some", Julie Le Baccon et Julie Dumoulin consolident la musique de Malted Milk, et lui offrent cette coloration, cette chaleur Soul qui lui va si bien - encore plus prononcée sur ce disque. Ces dames, se produisent également séparément, en solo, ou ensemble, en tant que choristes, notamment pour Lowland Brothers. Tout comme, évidemment, la section de cuivres composée de Vincent Aubert au trombone et de Pierre-Marie Humeau à la trompette. Tous deux fidèles au collectif depuis la tournée de 2013 - dont une des dates, celle honorée à la maison, à Nantes, a été l'objet d'un enregistrement live : "On Stage Tonight". Avec quelques invités surprise.

   Last but not least, "Set Me Free" clôt le chapitre par une quasi apothéose de Soul-blues teinté de Rock, avec chœurs enivrants et une solide section de cuivres. Lorsque le silence retombe, on se surprend à scander inlassablement "I'm fool to hang down your tree. Set me free, set me free ! All the mean things come to me. set me free, set me free. Me, you and the devil makes three. Set me free, set me free ! ". Incrustés, indélogeables de la cabeza, ces paroles reviennent comme un mantra, et on chante malgré nous dans la rue, au boulot, en guimbarde, attirant sur soi le regard interloqué ou complaisant, voire condescendant des autres. Les autres, ceux qui n'ont pas eu la chance d'avoir entre les deux esgourdes cet album pulvérisant les idées noires, les nombreux soucis et tracas de la vie urbaine. Idéal dans les embouteillages, où le temps perdu semble se dissoudre sous les saines vibrations de " 1975 ". 

     L'album est court, trop court avec seulement trente-deux minutes pour seulement huit morceaux assez concis ; les soli - de guitares, de claviers ou autres -, sont réduits à leur strict minimum. Bien généralement, ça va à l'essentiel, et ce n'est pas plus mal. La cohésion semble ainsi accrue. Du coup, une fois enfourné dans un mange-cd, l'album tourne en continu, en boucle. La collaboration "Malted Milk - Marco Cinelli" a porté ses fruits : indéniablement, c'est un bel album. Et on en redemande. Un disque qui met du baume au cœur.



🎶🌞🍼
Autre article liée (lien) : 👉 " One Stage Tonight " (2014)

7 commentaires:

  1. Shuffle Master.17/4/24 08:56

    Désolant, en effet, ce manque de visibilité et de succès pour un groupe de cette qualité. Alors que Biolay ou Zaz remplissent les salles. On se répète, c'est sûr, mais c'est de pis en pis, comme disait une vache de mes amies. Pour tout arranger, les disques, sauf celui-ci et un ou deux autres, sont difficiles à trouver. Sur scène, c'est excellent. Vers chez nous, il y a les Supersoul Brothers qui ne sont pas mal non plus.

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    1. Supersoul Brothers : suite à une écoute chez "mon" disquaire, j'avais pris leur disque. Après quelques sérieuses écoutes, il m'avait paru inégal. Ou plus précisément, que la production, d'apparence irréprochable, ne convenait pas à certains morceaux. On sent bien que derrière, il y a un gros potentiel, mais qui est probablement étouffé dans le cadre du studio.

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    2. Shuffle Master.17/4/24 13:58

      Je suis d'accord, c'est plutôt un groupe de seconde division, mais c'est pas mal, surtout pour le Béarn, où l'indigence musicale est à son comble depuis des années (Marcel Amont, bandas...etc).

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  2. Singer les "amères loques" jusque dans les vocaux et la langue, alors que la notre est si belle et riche, je ne vois pas trop l'intérêt. Après, c'est sûr, je préfère ça aux deux énergumènes cités par SM...

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  3. Et c'est très bien, Donna Summer... Enfin, au moins Hot Stuff, Love To Love You Baby et I Feel Love. Tout comme Chic, d'ailleurs.

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  4. Le virage Funky-soul avait été déjà engagé avec l' album (Love,Tears et Gun) et c'est vrai que l'on regrette parfois leur style rhythm 'n' blues cuivré et survitaminé des exercices précédents - leur live One Stage Tonight certifiant leur grande maîtrise scénique - Arnaud Fradin si tu nous lis....

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    1. Yo, Guy. Effectivement. J'avais d'ailleurs mis de côté ce "Love, Tears & Gun", pour le réécouter plus tard - sous d'autres humeurs 😁.
      Toujours un bon album, mais un peu déçu de ne plus retrouver l'énergie et le dynamisme d'un "Get Some" ou d'un "Sweet Soul Blues".
      Petit problème : j'le retrouve plus 😲

      Perso, je remonterai le virage Soul-blues à compter de "Milk & Teen". Toutefois, on peut aussi considérer que ce n'était qu'un épisode généré par
      la collaboration avec Miss Toni Green.

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