- Aïe ! Crotte ! J'me suis planté ! J'ai toujours cru que l'album était de 1978. Peut-être était-ce la date de la sortie européenne. Trop tard pour faire machine arrière ...
Les monstres sont lâchés ! Mais rien de terrifiant, bien au contraire. C'est d'ailleurs parfois proche de la caricature ; si proche que la frontière en est ténue. Un show à l'américaine dans toute sa démesure, son absence de subtilité et de profondeur. Fier de leurs excès en phase avec leur esprit de conquérant à la sensibilité d'un rouleau compresseur. Il faut toujours en faire plus, être plus fort, plus bruyant, plus flashy. Tous les moyens sont bons pour se démarquer, se faire remarquer. En cela, Kiss avait réussi son coup avec un show "larger than life", très visuel et chorégraphié, indécemment ponctué de flammes et d'explosions. Même la guitare d'Ace Frehley se mettait à cracher des étincelles et de la fumée, tandis que Gene Simmons était devenu maître dans l'art de cracher le feu (après un premier essai sur scène qui faillit lui coûter son épaisse chevelure). Sacré numéro que ce Simmons qui déroulait une langue digne d'un suppôt de satan et vomissait des flots de sang comme s'il venait de faire l'indigestion de quelques groupies crétines avant de monter sur scène. Un spectacle de Kiss, c'était la rencontre du cirque Barnum avec l'univers du Hard'n'roll sauce USA ;c'était une exacerbation du Alice Cooper Group, en prenant soigneusement soin de gommer toutes les choses pouvant heurter ou être subversives pour se recentrer sur une insouciance post-adolescente à deux doigts de vanter le capitalisme de l'Oncle Sam, et un esprit libidineux ; c'était du Glam-rock porté par des super-heros d'opérette échappés de l'univers de Marvel.
Les quatre lascars New-Yorkais, soutenus par leur management, avaient réussi leur coup. Car le public se constituait aussi bien de fans, de simples amateurs friands de musique dure, que de curieux attirés par le spectacle et sa mise en scène. En quelque sorte de la même façon qu'un film à gros budget au synopsis et scénario des plus pauvres, peut remplir les salles par ses effets spéciaux et ses scènes d'action.
Alors oui, il est fort probable, voire certain, que Kiss n'aurait jamais atteint son phénoménal succès - on parle de kissmania - sans ses spectacles haut-en-couleurs, faisant entrer à jamais la pyrotechnique - généralement pour le pire - dans les accessoires impératifs aux grandes messes du rock lourd (et pas que). Cependant, les témoignages live démontrent que même si Kiss n'a jamais été le meilleur groupe de (hard-)rock du monde (loin de là), le groupe assure aussi sur scène, se livrant à 100 % , offrant des versions plus musclées et rugueuses de leurs chansons. Certaines y gagnant une nouvelle jeunesse, une nouvelle peau, les extrayant parfois d'un format gentillet, parfois proche d'un format pop-rock anémié, pour les introniser au sombre temple d'un Hard-rock carré et accrocheur.
Quelques années auparavant, le "Kiss Alive" avait permis aux grimés de sortir d'un tout relatif anonymat. Live traînant derrière lui la suspicion d'ETRE un faux, fait d'enregistrements effectués en studio, au mieux de morceaux certes captés en concert mais copieusement réarrangés en studio. Ce premier double reprend le meilleur des trois premiers opus. Ce second volume, celui des trois suivants. Soit de "Destroyer" et de "Rock and roll Over" de 1976, et de "Love Gun" de 1977. Pour beaucoup, "Kiss Alive II" clôture une période dorée. Deux ans plus tard, après une pause faite d'albums solo et d'une escapade dans au cinéma avec le nullissime " Kiss meets the Phantom Park " ("Kiss contre les Fantômes" pour la version française), Kiss va se fourvoyer avec l'album controversé "Dynasty" et le méga-disco-tube "I Was Made For Lovin' You".
Si Kiss présente indubitablement un attrait scénique, qu'en est-il vraiment de leurs disques live ? Si on se réfère à ce "Kiss Alive II", indéniablement les membres du quatuor ne sont pas que des clowns costumés et maquillés, mais bien d'honnêtes musiciens assurant sur scène. C'est que consciencieux, opportunistes et surtout ambitieux, depuis le début de leur carrière, le groupe ne rechigne aucunement à courir dans tous les sens pour se produire dans toutes les salles voulant bien lui ouvrir ses portes. Et dès lors qu'il gravit les marches du succès grâce au premier double live, le combo assaille continuellement le nouveau monde, ne laissant respirer le public que lors des périodes de compositions et d'enregistrements. Ainsi, par la force des choses, les musiciens sont affûtés, tout comme leurs chansons. Ce n'est pas sans raison que cet album va accrocher ceux qui n'avaient pas été vraiment convaincus par les précédents albums - à part peut-être les deux derniers.
Les pièces issues de "Destroyer", débarrassées des arrangements relativement audacieux de Bob Ezrin - salués par les uns, conspués par les autres -, prennent une tournure nettement plus heavy. "Detroit Rock City", hommage à la ville du Michigan qui accueilli si bien le groupe dès ses débuts qu'elle devint une seconde maison (au point où le groupe fut parfois jeté dans le lot des groupes de rock de la Motor City), ouvre le bal, devenant désormais un classique incontournable du groupe. Le groupe manque de s'enliser lors d'un second break pataud (avec les guitares à l'unisson résonnant comme un devoir d'écolier) mais redresse vite la barre. Le quasi enchaînement avec "King of the Night Time World", aux réminiscences Stoniennes amenées par la guitare rythmique, témoigne d'un pacte fait avec les dieux du métal lourd - probablement débuté avec "Rock and Roll Over". Les morceaux du quatrième opus resurgissent sur la troisième face avec "Shout It Out Loud" en clôture, véritable hymne de heavy-glam-rock aux paroles stupides mais entraînantes, chanté en duo avec Stanley et Simmons plus guttural que jamais. Et avec "Beth", la ballade sirupeuse pour midinettes, heure de gloire pour Peter Criss qui lâche temporairement ses baguettes pour aborder le devant de la scène micro à la main. Là, exceptionnellement, les arrangements sont présents, dégoulinant d'une bande, cliché de violons langoureux et de petites notes de piano tristounet. Comme pour effacer des mémoires ce dérapage gênant, Simmons déboule avec une basse pachydermique et une voix graveleuse pour un "God of Thunder" brutal et martial. Hélas, il est coupé dans son élan par un solo de batterie manquant cruellement de swing - juste là pour épater une galerie conciliante (cette multitude de fûts juste pour ça ? Pour la frime ?).
Pour le reste, Kiss s'emploie à délivrer la meilleure version possible de leurs titres les plus durs, heavy et rock'n'roll ; si l'on excepte "Hard Luck Woman" où Peter Criss refait des siennes avec cette chanson un brin folk-rock, aussi incongru que "Beth" au milieu d'un répertoire plutôt viril. Chanson qui aurait plus convenu à Rod Stewart. Et pour cause, Stanley avait voulu la lui refourguer mais Rod "The Mod" n'en voulut point. Qu'à cela ne tienne, ça fera l'affaire de Criss dont la voix légèrement éraillée est adéquate - et rappelle d'ailleurs parfois celle de Stewart.
D'autres pièces d'artillerie, dans le style "furieux et enlevé", bravache et pré-heavy-metal, égrènent la compilation. Dont "Makin" Love" (dont le riff a dû autant marquer Rudolf Schenker que nombre d'apprentis gratteux qui vont participer aux chaudes heures de la NWOBHM) et "I Want You" (tous deux du solide "Rock and Roll Over"), et le tonitruant "I Stole Your Love". Sans oublier "Love Gun", en comparaison plus modéré, à la structure proche d'un Scorpions et aux refrains "pré-FM" - mais non efféminés.
Simplement rock'n'roll avec "Tomorrow and Tonight", dans le style assez respectueux d'un Brownsville Station. Sincèrement Glam avec deux pièces du sombre baron Simmons : "Ladies Room" et surtout "Calling Dr Love", qui prend ici du poids, tant par la basse lourde mais assez fluide, que par les guitares crachotantes déroulant un gros riff arrachant le bitume. Ou encore avec le controversé mais ô combien entraînant, presque dansant, "Christine Sixteen" qui frôla la censure des radios (pourtant bien moins sulfureux que "Lolita" ; cependant, bien que les paroles soient ridiculement modestes, résumées en cinq lignes, on parle bien d'un adulte émoustillé par une jeune fille sortant du lycée).
Moment de gloire pour Ace Frehley et son "Shock Me" où l'on comprend pourquoi il ne chante pas plus souvent, son rythme au chant étant si laconique qu'il donne l'impression qu'il est prêt à s'endormir sur son micro. Son coda dynamité par un explosif solo de guitare, où il esquisse un tapping (vaguement brouillon - peut-être en utilisant le tranchant du plectre) prouve pourtant le contraire.
Conclusion : un très bon album live, peut-être un peu surestimé mais indéniablement l'une des meilleures productions du Kiss de la décennie. Malgré un public parfois trop omniprésent, envahissant. Au point où on peut se demander si l'engouement de ce public n'a pas été artificiellement boosté en studio - mais sinon, quel est l'intérêt de crier comme cela en quasi permanence ? 😳. Surtout qu'on apprendra plus tard que "Hard Luck Woman" a été enregistré certes live, mais dans une salle sans public. Ce dernier ayant été ajouté par la suite. Et puis le public paraît souvent déborder d'enthousiasme aux moindres paroles de Paul Stanley, lorsqu'il vend "son groupe" comme un virulent présentateur de foire, un Monsieur Loyal.
Autre curiosité : la quatrième face est intégralement vouée à des inédits studio. Dont aucun ne s'infiltrera dans la set-list scénique, même pas le sympathique "Larger Than Life" et le très bon "All American Man" ; encore moins dans les annales. Pourquoi donc, avec six albums studio derrière eux, ne pas avoir inclus d'autres pièces live ? N'y avait-il rien d'autre de satisfaisant ? Ou rien d'autres des trois disques précédents qu'ils maîtrisaient suffisamment pour être inclus ?
👄👉 Autres articles (lien) : 👄 " Kiss Album " (First - same) 1974 👄 " Sonic Boom" (2009)
Ma première rencontre avec Kiss
RépondreSupprimerC'est loin d'être un chef d'oeuvre, juste l'histoire du label Casablanca avec quelques scènes qui mettent Kiss en scène https://dl-protect.link/acff289e?fn=U3Bpbm5pbmcgR29sZCBbQkRSSVBdIC0gRlJFTkNI&rl=a2
RépondreSupprimerAaahhh... merci l'ami.
SupprimerEn regardant "en diagonale" - par sauts de puce, en zappant quoi -, on dirait qu'il y a quelques anachronismes et un choix d'acteurs... surprenant (et ce maquillage de Gene Simmons qui le ferait presque passer pour une drag-queen).
Mais l'histoire de Neil Bogart paraît intéressante. D'autant qu'il n'est pas né une cuillère d'argent dans la bouche. Un certain regard sur l'industrie du disque. Dommage que le quintet Angel soit omis - mais ça fait déjà 2h15...
👍👍 Merci