mercredi 2 novembre 2022

KISS " First / Same " - " Kiss Album " (1974), by Bruno



   - Retour de mon article... pour la simple raison qu'il ne serait pas en phase avec la période... C'est tellement injuste. Il faudrait quoi ? Un truc horrifique, bien malsain, alors qu'à l'origine les fêtes d'Halloween (Samain) ne l'étaient nullement. C'était juste le moment où le passage entre le monde des défunts et le notre était ouvert. Ce que l'on retrouve d'ailleurs encore dans certains pays d'Amérique Centrale - dont le Mexique - et du Sud. Alors quoi ? Une nécrologie ? Ou un truc raccord avec les costumes, les masques ? Pourquoi pas ? Et quelles sont les gueules d'enfarinées les plus célèbres de la culture Pop, rock ? De plus doublés d'as de l'accoutrement ? Hmmm ? Ben, c'est évident : KISS. Le quatuor New-Yorkais qui doit avant tout sa notoriété mondiale, dépassant allègrement les limites de l'univers du Rock, à son grimage.


      Kiss
... Ce groupe a bien réussi son coup. Presque un hold-up dans le sens où - avant tout le tralala du "tomber les masques", de la valse des musiciens, et du retour du grand cirque - lorsqu'on voyait leurs invraisemblables costumes de scènes échappés d'un imaginaire piqué à Marvel, les clous, les bracelets de force, le lourd maquillage, sans omettre un spectacle faisant honte à bien des 14 juillet de petites communes, on s'attendait à un hard-rock du style puissant. On s'attendait à un barouf à faire trembler les montagnes, à faire douter les Mountains, Nugent, Sabbath, Purple et autres Cactus. Mais non. En comparaison, ça pouvait sonner mou du g'nou. Pop même pour les plus endurcis. A moins de commencer un peu plus tard avec le double live " Alive II". Là, c'est une autre histoire. 

      Il faut tout de même admettre que le maquillage de ces loustics est un coup de génie. Bien évidemment directement inspiré d'Alice Cooper et de l'univers Marvel, mais aussi, d'après les dires des têtes pensantes et dirigeantes de messieurs Paul Stanley et Gene Simmons, des New-York Dolls. Tous deux étant fans. Ce qui est corroboré par leur première image de scène qui n'est qu'une pâle imitation des New-York Dolls. Ils ont ainsi réussi à créer des personnages de fiction derrière lesquels ils pouvaient préserver leur anonymat - jusqu'à ce que la soif de reconnaissance ne soit trop forte. Bien pratique pour un timide comme Paul Stanley, qui souffrait d'un handicap, qu'il mettra d'ailleurs des années à révéler.

     Alors, est-ce que les membres de Kiss ne sont que des clowns se cachant derrière des costumes et un show "bigger than life" ? Non. Ce sont bien, à l'origine, d'authentiques musiciens voués au rock'n'roll. Certes, ils recherchent aussi la gloire et leurs prestations sont aussi du pur entertainment à l'américaine, qu'ils vont ériger en modèle XXL - ce qui va être une source d'inspiration pour les shows de rock à venir. Une nouvelle façon d'appréhender un concert, d'en faire un spectacle entre cirque Barnum, Grand Guignol, Disney Land et l'imagerie Marvel (1), le tout à une puissance sonore inaugurée par Grand Funk Railroad et Mountain. Probable aussi que cela soit une façon de cacher les lacunes. Mais qu'importe puisque le Rock, pour qu'il soit bon, nécessite avant tout du cœur et des tripes, la technique restant secondaire. Au début, c'était surtout un moyen imparable pour se démarquer et percer au milieu d'une rude concurrence. Toutefois, les premières prestations ne sont spécialement bien accueillies. Au contraire, parfois elles choquent le public, et la presse s'empresse d'en faire ses choux-gras et de les lyncher. Qu'importe, doté d'une forte opiniâtreté, confiant en son potentiel, le groupe s'accroche, travaille, évolue (de même que les maquillages et les tenues), et fait le tour des labels et des studios New-Yorkais. Stanley en particulier fait le forcing pour enregistrer à l'Electric Ladyland studio. La légende raconte que c'est après avoir exprimé sa frustration et sa déception au patron du bar que fréquentait assidument Kenny Kerner, pour qu'il le lui rapporte, que le studio les contacte.


   Parce que la carrière de ces olibrius ne prend son envol qu'avec le "Alive !", leur premier "live" et quatrième sortie, les disques précédents sont souvent boudés, délaissés. Sauf pour les afficionados - d'autant que les frappadingues du groupe sont parfois atteints de collectionnite aigue. La faute aussi à une production qui ne parvenait pas à restituer le son du groupe. Mais est-ce bien la seule faute du duo de producteurs ? Pourtant, le premier essai est un très bon disque de Rock'n'roll. Plutôt que d'en faire 
des tonnes, de jouer sur l'esbrouffe, le groupe s'emploie à délivrer de bons titres de Rock, souvent plus glam que hard. D'un Glam nettement plus British que du cru. Sweet et en particulier Slade semblent avoir marqué les esprits. Notamment dans cette optique d'essayer d'incruster des refrains mémorisables sur une musique dure et teigneuse. Sinon, certains aspects de "Cold Gin" laisseraient entendre que Free a eu aussi un poids non négligeable sur le style des peinturlurés.

     "Strutter", qui ouvre l'album, porte déjà en lui tous les attributs propres au groupe. Notamment le chant un peu particulier de Paul Stanley, un poil rocailleux et semblant lutter pour ne pas défaillir. La chanson demeure un classique du groupe et va aisément traverser les ans. Tout comme "Deuce", qui se pare déjà d'ornements "métôls", et surtout qui invite une "force démoniaque" à investir notre dimension à travers Gene Simmons. Son chant viril, sombre et écorché, ce chant de "petit Godzilla", frôlant parfois la caricature, se marie fort bien avec les tonalités Hard et rock'n'roll, invitant le groupe à fouler du pied des lieux plus obscurs. Sur le mordant "Cold Gin", sa façon de chanter avec morgue et dédain, - l'histoire d'un couple toxique -, va faire école, en particulier sur la côte ouest dans les 80's. 


 Autre "trademark Kiss" avec "Firehouse", qui a cette particularité de jouer son riff en le traînant. Presque comme si c'était le travail du rythmicien, crispé, suant sur son manche, s'appliquant à jouer son riff avant de passer à la vitesse supérieure - sans jamais oser passer la quatrième. Tout comme sur le surestimé et pompeux "Black Diamond", qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose, avec Peter Criss s'y égosille comme un fada dans une camisole de force.

   De son côté le rythmé "100 000 Years", lui, trace dans le granite les premiers pas du groupe dans le Hard US. Un titre taillé pour fissurer les murs des stades.

   "Kissin' Time", l'une des rares reprises du groupe, témoigne d'un attachement au Rock'n'roll qui ne date pas de la veille. Il s'agit d'un vieux hit de 1959, un rock'n'roll sans tache, fait pour plaire à toute la famille, que les affreux ont transformé en vilain Glam-rock aux effluves de Sweet et d'Alice Cooper. De plus, carrément brutalisé par un coda en forme du furia Heavy (hélas, écourtée par un fade). Un titre probablement sorti du placard par Peter Criss, généralement le plus sensible aux tonalités foncièrement rock'n'roll - c'est aussi le plus âgé. Criss qui partage ici le chant avec Paul et Gene. Il en est de même sur le fringuant "Nothin' to Lose". "Let Me Know" maintient cet attachement au rock'n'roll, mais cette fois-ci en se passant de Peter au micro. Si Ace Frehley n'est pas un guitariste de la trempe d'un Blackmore ou Page, il s'y entend pour sonner radicalement Hard-rock avec un minimum de notes. Tout dans le son et le placement.

   Il reste par contre une énigme : le ridicule instrumental "Love Theme from KISS". Mais qu'est-ce qui est passé par la tête des musiciens et des producteurs pour placer cette erreur au milieu de tous ces bons morceaux ?

     Ce "Kiss Album" se retrouve majoritaire sur le premier live, avec sept morceaux dont la plupart feront régulièrement partie de la set-list des concerts ; jusqu'à ces dernières années. Pas mal pour un premier disque parfois boudé. Sinon, on remarque que l'esprit de Paul Stanley, de même que celui de Gene Simmons, sont déjà pas mal obnubilés par ce qui se passe en dessous de la ceinture. Tous deux jouent au macho de bas étage, et certaines paroles sont plutôt affligeantes. Ce qui est surprenant, c'est qu'à l'époque de la chasse aux sorcières organisée par les dames de la P.M.R.C., Kiss sera dans leur collimateur, non pas pour bon nombre de leurs chansons basées sur la sexualité et la domination masculine, mais pour les messages subliminaux que comporteraient leurs disques. Mais oui, car KISS serait l'acronyme de Knights In Satan's Service...

    Un premier disque qui a dû être sérieusement disséqué par Nicke Andersson (Entombed, Hellacopters, The Solutions, Lucifer) pour alimenter son Imperial State Electric. Mais il est loin d'être le seul. 


   Grand Guignol, carnavalesque, bouffon, et bien d'autres épithètes du genre sont devenus récurrents dans les papiers de la presse sur le quatuor New-Yorkais grimé. Certes, il y a un peu de ça, mais Kiss est aussi un groupe sachant composer de bonnes chansons, et il le prouve dès son premier disque. Que certains d'ailleurs n'hésitent pas à placer sur le podium.


TitreAuteurs CompositeursChanteur(s)Durée
1.StrutterStanley - SimmonsPaul Stanley3:10
2.Nothin' to LoseGene SimmonsStanley, Simmons, Peter Criss3:27
3.FirehousePaul StanleyPaul Stanley3:17
4.Cold GinAce FrehleyGene Simmons4:22
5.Let Me KnowPaul StanleyPaul Stanley, Gene Simmons2:58
6.Kissin' TimeKal Mann, Bernie LowePaul Stanley, Gene Simmons, Criss3:52
7.DeuceGene SimmonsGene Simmons3:06
8.Love Theme from KissStanley, Simmons, Criss, Frehley(y'a pas)2:24
9.100,000 YearsPaul Stanley, Gene SimmonsPaul Stanley3:22
10.Black DiamondPaul StanleyPeter Criss, (Stanley: intro)5:13

(1) Aussi étonnant et incongru que cela puisse paraître, mais Kiss sera mis en image par Marvel, dans un comics à leur nom, où les membres font offices de super-héros. Avec un premier numéro où le sang des "héros" aurait été mélangé à l'encre d'impression (sous contrôle d'huissier). Ils se frittent même contre le Dr Fatalis, et en platforms-boots ! Ce n'est pas resté dans les annales - le flipper a eu bien plus de succès. C'est sorti à l'époque où Marvel était mortellement en panne d'imagination...

     


👄👉  Autre article (lien) : " Sonic Boom" (2009)

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