mercredi 20 juillet 2022

"LITTLE MONSTERS" de Abe Forsythe (2019)



     On l'a déjà relevé dans ce blog, le cinéma Australien, bien que ne possédant pas le dixième de la toute puissance d'Hollywood, propose régulièrement depuis quelques années de bien sympathiques longs-métrages, pas piqués des hannetons et joués avec justesse. Au passage, profitons en pour recommander à nouveau l'émouvant "Red Dog" que l'ami Rockin' nous avait dégoté (👉 lien).


   Dans le genre fiction et fantastique, par faute de moyens financiers limités, ce cinéma des antipodes compense un déficit en effets spéciaux par de bonnes histoires, souvent décalées, nanties d'un humour aussi noir que l'antre et l'esprit de Cthullu (ou que son fion). De bonnes séries B qui ne cherchent pas à révolutionner le genre, mais par contre prennent un malin plaisir à jouer avec les codes.

     Parmi eux, il y a un film qui se détache particulièrement : "Little Monsters" d'Abe Forsythe.

     Cela aurait pu être simplement une romance, une histoire d'amour impossible entre deux êtres que tout semble séparer. Une histoire débutant par le cheminement tumultueux d'un jeune écervelé nombriliste. Dave (Alexander England) est en couple depuis longtemps, mais ne cesse pas de se chamailler avec sa compagne. Un couple pour le moins électrique, chacun campant sur ses positions, s'invectivant même en public, devant leurs amis. Jusqu'au point de rupture. C'est que Dave ne fait aucun effort pour trouver un quelconque emploi, persuadé qu'un jour ou l'autre, il va faire carrière dans la musique. Avec son talent, forcément, un jour ou l'autre, le destin va frapper à sa porte et le prendre par la main pour le présenter au monde. Lui, le leader, auteur, compositeur, guitariste, hurleur et frontman des God's Sledgehammer. En attendant, il joue et chante seul dans la rue, équipé de son petit ampli à transistors criard et de sa copie de Flying V noire (imitation Jackson). Incompris, il ne récolte que rarement une petite pièce, son Death-metal-garage low-fi en mode tronçonneuse ne récoltant que regards inquiets ou incrédules. De plus, il chante comme s'il était l'objet d'atroces souffrances, sans se soucier d'être dans le rythme.

     Obnubilé par sa "carrière", il refuse catégoriquement d'envisager un enfant. Il finit par se retrouver à la rue, n'ayant pas d'autre solution - sinon de bosser quelque part - de débarquer chez sa grande sœur, Tess (Kate Stewart). Celle qui a sacrifié une partie de sa jeunesse pour s'occuper de son petit frère après le décès prématuré des parents (c'est gai). Après pleurs et mises au point, il promet que ce n'est que du provisoire, le temps de trouver un job... Et par la même occasion, de prendre soin de son neveu. Un menu petit blondinet qu'il adore, Felix. Guère épais et sérieusement allergique au gluten et toutes autres cochonneries injectées dans les produits de grande consommation, il est la risée de certains camarades de classe. Même un handicapé devant se déplacer en déambulateur n'a guère de respect pour lui. Mais Dave lui apprend la vie, par le truchement de films violents et en l'initiant à la console de jeux. Evidemment, sur des jeux où l'on doit dézinguer toutes sortes de monstres assoiffés de chair et de sang, ou latter copieusement son prochain. 


     Débordant de judicieuses idées, Dave le persuade de se déguiser en Dark Vador (le gosse est un grand fan), pour aller taper à la porte de son ex, et faire usage de ses pouvoirs psychiques (suivant la méthode de Vador ;  cela fait des plombes que Felix s'entraîne quotidiennement ... ) pour aller présenter un message singulier d'amour à Sara, son ex. Manque de pot, Felix tombe sur son ex-tata nue, à califourchon sur un nouvel amant... lui aussi nu comme un ver. Mais, qu'est ce qu'ils font ?? Tata est malade ?

     Le train-train. Jusqu'au jour où il accompagne Felix à l'école. C'est là que le film opère un nouveau tournant, et que les choses sérieuses commencent. Dave craque littéralement devant la pétillante institutrice, miss Caroline (Lupita N'yong'o [1]). Miss Caroline est toute dévouée à ses élèves, sachant les gérer avec douceur et fermeté. Une classe peu nombreuse d'une douzaine d'adorables bambins, avec uniforme de rigueur (nous sommes en Australie), et avec quelques stéréotypes nécessaires pour pimenter une section bien sage. Dont fait partie Max, le bouboule de service, égoïste au possible, inquiet à l'idée de sauter son goûter, et toujours prêt à martyriser Felix. 

     Dave est en pamoison, et ne sachant quoi faire pour profiter de la présence éblouissante de Miss Caroline, il profite du désistement d'un parent d'élève, pour se proposer de l'assister lors de la petite excursion prévue à un parc de loisirs animalier.


     Manque de pot, la route passe par une base américaine, ultra-sécurisée, où, dans les sous-sols, il se passe de bien drôles de choses. Là, bizarrement, au lieu de sauver le monde des vilains extra-terrestres, des communistes, des terroristes, des montres radioactifs et autres zombies, comme à l'accoutumé,  les amerloques s'évertuent à faire des expériences sur des êtres humains. Dans le but de créer de super-soldats ignorant la pitié et la douleur. Ils n'avaient pas déjà réussi leur coup vers 1940-1941 ? Bon, c'est un peu loupé. Toujours au stade expérimental, il n'en sort que des zombies (encore !?!) totalement abrutis dont le peu de neurones restants ne sert plus qu'à la recherche de chair frétillante et juteuse.

     La suite coule de source : juste le jour où la classe de Miss Caroline part visiter le parc d'attractions animalières, survient un incident à la base américaine qui se retrouve rapidement débordée. Les résidus de laboratoire et autres contaminés partent en randonnée, baffrant, dépeçant et contaminant tout sur leur passage (du moins ceux qui peuvent encore tenir debout, suivant le degré de grignotage auquel ils ont été soumis), jusqu'au parc où là, il y a de quoi faire bombance. Bipèdes et quadripèdes à profusion, et de tous les âges. Il n'y a que l'embarras du choix. Il n'y a qu'à se servir.

     Dave, quant à lui, s'emmerde ferme depuis le début de la journée, soit dès le début du trajet en véhicule scolaire, entouré de gniards qui se mettent à chouiner lorsqu'il envoie avec force et ferveur sa meilleure chanson (vague histoire de tuerie), et devant par contre supporter celles que les petits monstres entament avec passion. En particulier, comble de l'horreur, le "Shake it Off" de Taylor Swift sur laquelle ils font une fixette ; Miss Caroline comprise. Dave n'y était pas préparé et regrette amèrement sa stupide décision. Plus tard, au parc, la présence de l'animateur Teddy (Josh Gad), star de la télé infantile, au regard lubrique et aux mains baladeuses, et le trajet dans le parc dans une bétaillère, sont à deux doigts de l'achever définitivement. 


   Jusqu'au moment fatidique où il prend conscience de l'inconcevable cauchemar qui a pris d'assaut le centre. Dave se révèle alors un tout autre homme. Sans quitter sa guitare, il va désormais incessamment risquer sa vie pour protéger les enfants. Avec une attention particulière pour son neveu Felix et Miss Carolina. Avec cette dernière, afin de préserver la santé mentale des gamins, ils font passer tout cela pour un vaste jeu d'équipe, où chaque groupe est en compétition. En fait de groupes, il ne reste plus que le leur, et l'enrobé Teddy qui n'a que faire de la santé d'autrui. Gamins compris. Chacun pour soi. Tout le monde peut crever dans d'atroces souffrances, tant que lui reste à l'abri, avec à disposition nourriture et boissons. 

     Pour Dave, bien malgré lui, cette aventure est une rédemption. Quasiment un ardu et mortel chemin initiatique où il va pouvoir se révéler. Muer, mûrir. Museler son ego, se débarrasser de ses a priori et de sa carapace. Devenant un nouvel homme, il redécouvre la vie et un bonheur qui était à portée de main.

     Parmi d'autres scènes cocasses, il y a celle où Felix se souvient des encouragements de son oncle quant à ses efforts pour développer les pouvoirs de Dark Vador. Ainsi, Felix enfile son costume de Vador (qu'il avait emporté avec lui, pour une urgence, justement) et s'éclipse furtivement de l'abri commun pour partir au milieu des voraces pestiférés, afin d'aller chercher le tracteur attelé à la bétaillère.

     Malgré le sujet, "Little Monsters" est un film frais, "bon enfant", presque "familial", délivrant quelques bons sentiments comme une pommade régénératrice. Bien sûr, vu le sujet, les invraisemblances sont nombreuses, mais il s'agit avant tout d'un film décalé, qui tente de fondre la simple et légère comédie sentimentale avec le film d'horreur ; cela en y mêlant de pauvres chérubins, par essence fragiles et désœuvrés, face à une implacable aberration cauchemardesque. Encombrante présence infantile qui fragilise l'adulte qui doit alors se mettre en danger pour préserver ces petits êtres sans défense. Instinct humain dont ne sont pas nécessairement pourvu tous les hommes (voir Teddy). Ainsi, la présence des zombies, et en dépit de ce qui avait été parfois écrit à la sortie, n'est qu'un accessoire. Les plans gore et les tueries sont réduits au strict minimum (n'importe quel film de baston actuel est bien plus sanglant et violent). Le réalisateur met surtout le doigt sur les relations enfants-adultes, et comment ces derniers redoublent d'efforts pour les préserver.

A classer entre "Shaun of the Dead" et "Zombieland" (👉 lien).


[1] Vue dans "Us", "Black Panther", "12 years a slave",  "Stars Wars VII, VIII et IX"




💀💕

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