mardi 19 juillet 2022

Hubert-Félix Thiéfaine : - Dernières balises (avant mutation) (1981) - par Pat Slade


Un des albums qui marquera la carrière d’Hubert-Félix Thiéfaine, avec des hits qui sont des incontournables sur scène.


Le Lautréamont du XXème siècle


A la fin des années 80, Hubert-Félix Thiéfaine se pose des questions. iI ne comprend pas comment il a pu être le clown provocateur. C’est l’époque de la rupture avec lui-même, il se remet en question ; finis les accessoires et les déguisements sur scène, il se coupe les cheveux et se montre d’une austérité totale sur la scène du printemps de Bourges en 1981. Ce sera le début du divorce avec Tony Carbonare et le groupe Machin. Il est dans la tourmente où tout se barre en cacahouète, que ce soit sentimentalement ou personnellement. Même si il a la reconnaissance du métier et du public, le choix entre la vie et la mort s’entrechoque dans sa tête. La dope fait son apparition : «…Je n’ai jamais été junkie. Il y a eu cette courte période, ça a duré un mois, si j’avais continué une semaine, je l’aurais été». Après une cure d’oxygénation (Il est parti sac au dos marcher une semaine à 2000 mètres), il revient sur Paris, fait table rase du passé et va écrire son triptyque, les trois albums de sa renaissance. «Dernières Balises (Avant Mutation» ou la plongée dans la détresse ; «Soleil Cherche Futur» La remontée au grand jour et «Alambic Sortie Sud» La Vie du Futur.     

«Dernières Balises Avant Mutation» pourrait être considérée comme l’œuvre au noir d’Hubert. Une rupture complète avec son passé d’hurluberlu de la chanson française, «De l’amour, de l’art ou du cochon» est loin derrière, Machin encore présent sur l’album prendra bientôt une route différente. Après une première trilogie plutôt loufoque, il rentre dans une nouvelle ère plutôt post-punk. 

«Dernière Balise Avant Mutation» Le guignol de la maison Borniol va devenir le dingue et le paumé d’une redescente climatisée. Moins d’humour et un son plus rock avec l’arrivé de Claude Mairet à la guitare. Une pochette réalisé par Max Ruiz et Anne Carlier (Et non par Jean-Baptiste Mondino comme j’ai pu le lire), une image bien glauque d’une petite fille habillé comme une prostituée (pour rester poli !) une clope au bec dans une ruelle sordide avec à ses pieds une bouteille de bourbon «Four Roses». Le verso n’est pas mal non plus, une autre petite fille souriante en tenue de princesse tenant dans ses mains un cœur (humain ?) planté d’une seringue. A l’intérieur du trente trois tour, un dépliant avec les paroles et des photos. Un album plutôt court, 37 minutes pour dix titres, mais c’est le gratin des classiques d’Hubert.

claude Mairet -  Thiéfaine @ Pat

«113e cigarette sans dormir» et sa guitare guillerette et carillonnante et son chœur féminin où chantait Carole Frédéricks avant qu’elle ne rejoigne Jean-Jacques Goldman. «Narcisse 81» le titre qui va faire de Thiéfaine le nouveau rocker de la chanson française des années 80. La guitare de Claude Mairet apporte un souffle nouveau et les paroles sont à double sens, Hubert joue sur les mots : «Narcisse, balise ta piste, Y a des traces de pneu sur ton flipp et ta p'tite sœur qui s'tape ton fixe». «Mathématiques souterraines» un des plus gros tube de Thiéfaine, il sera l’ambassadeur de l’album. Même si ça parle de sexe, on s’en fout !  La musique est sublime et en live le public ne se gène pas pour chanter le refrain. «Taxiphonant d’un pack de Kro» malgré des paroles d’une noirceur flagrante encore un titre en live qui fait mouche (La version au Zenith sur l’album «En concert vol.2» en 1986). « Scènes De Panique Tranquille» un téléphone qui sonne occupé, des bruits divers, Thiéfaine démarcheur en drogue divers et un chœur de jeunes filles « fais-moi une place dans ton linceul, quand y en a pour un y en a pour deux..» et Hubert qui termine : «Pour un coup de dents j't'arrache les yeux..» Glaçant !

Léo et Hubert
«Cabaret Sainte Lilith» dans la continuité du précédent titre, je pense que l’on n’a jamais fait mieux dans le rock français, pour les paroles on reste dans le même délire.  Hallyday et Eddy Mitchell pouvaient-ils retourner dans leurs placards plus soft à l’époque ? « Photographie-tendresse» une très courte intro (0.49), un bébé, une voix électronique qui est enchainé par «Une fille au rhésus négatif» un délire entre sexe et nazisme un morceau complètement barré, du jamais entendu ailleurs. «Exil sur planète-fantôme» encore un classique qui est surtout meilleur en live (Bercy 1999) tout comme «Redescente Climatisée» qui commence doucement, un beau solo de saxo et de guitare et une fin apocalyptique, la version au Bataclan en 2002 sonne comme du Ferré (les deux artistes étaient très amis).

«Dernière balise avant mutation» est un best-of à lui tout seul. Certifié double disque d’or en 1989 pour 200.000 exemplaire vendus, il est le 48e meilleur album de rock français de l’édition française du magazine Rolling Stone.

Hubert-Félix Thiéfaine a commencé sa mutation, bientôt le soleil cherchera le futur.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire