- Sacré Claude, tu en as encore beaucoup dans ta poche des compositeurs
de derrière les fagots ? Au moins Arne c'est court, pas d'aujourd'hui,
tu l'as découvert récemment ?
- Oui, en 1969 ! Thomas Arne est l'un des rares compositeurs anglais du
siècle des lumières, pas vraiment de premier plan mais ces concertos
sont virevoltants, et puis Jean Guillou a marqué l'histoire de l'orgue
français…
- On sort des sentiers battus à l'évidence… Heu, tu n'as pas déniché un
disque encore plus ancien, genre… 78 tours, rouleaux de cire ?
- Très drôle Sonia. Cette gravure n'a qu'une concurrente chez Chandos…
Ok Arne n'est ni Haendel ni Bach, deux allemands, mais hormis Purcell
mort à 36 ans, on se demande pourquoi les compositeurs anglais de
l'époque sont si rares…
- Par contre j'associe Jean Guillou aux orgues de Saint-Eustache, je me
trompe… d'Eustache, ha ha ha ?
- Poilant Sonia !!! Logique, il a été titulaire de cet Orgue pendant 52
ans !!! En plus d'être compositeur, romancier, facteur d'ordre et j'en
oublie…
Thomas Arne (1710-1778) |
Ah les souvenirs de jeunesse… 1969, je prépare le bac en
musique. Je ne peux pas encore acheter beaucoup de disques mais la
médiathèque de Suresnes me permettait de découvrir les dernières
parutions vinyles, dont ce disque. (Nota à l'époque on disait
bibliothèque municipale pour tous les supports.) À 17 ans, ma culture
se limitait à
Beethoven,
Mozart,
Berlioz,
Schumann,
Brahms
mes premiers
Bruckner
ou
Mahler… La pochette était hideuse, voir plus bas, mais la gentille dame
savait acheter des disques récompensés par la presse. La location
était de 1 franc, et j'essayais d'emprunter les disques les plus
récents, rapport aux crachouillis… Si jeune et déjà
maniaque 😊.
Thomas Arne
ne me disait rien… N'ayant aucun a priori avant écoute, je reviens
poser la galette sur mon électrophone La voix de son maître. J'ai
l'impression de copier le style de Pat, notre conteur attitré 😊.
Musique plaisante qui évoque
Bach,
Haendel
et
Vivaldi. D'ailleurs
Jean Guillou enregistrera des transcriptions de concertos de
Vivaldi par
Bach…
Hormis quelques infos sur la pochette,
Thomas Arne
restera un inconnu. Sa discographie ne prendra jamais de place dans ma
discothèque. Je n'ai aucun CD concernant ce compositeur sur 2500 CD.
Nous écoutons aujourd'hui une reprise sur CD des enregistrements de
Jean-Gillou
en début de sa carrière.
Et enfin, pour clore cette évocation, vers 2010 j'ai trouvé
d'occasion le vinyle originel chez Paypal ou Rakuten, je ne sais plus
trop, sauf que la transaction avait été homérique avec un particulier
disons… particulier 😊.
En mars, nous avions écouté une intégrale des concertos de
Haendel pour orgue et orchestre à cordes ; 3 CD certes. Des jolis moments de
divertissement destinés à servir d'intermèdes lors de l'exécution des
oratorios qui consistaient l'essentiel du travail créatif de
Haendel
en fin de carrière. Des concertos destinés à être joués sur des orgues
positifs posés sur le sol. Le seul grand orgue existant se trouvait
dans la cathédrale Saint-Paul de Londres. N'oublions pas que nous
sommes à l'époque du baroque tardif et que les orgues gigantesques
modernes (Cavaillé-Coll) ne verront le jour qu'au XIXème siècle.
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Jean Guillou en 1968 |
"Thomas Arne, né et mort à Londres (1710-1778), n'est plus guère aujourd'hui
connu que de quelques musicologues […] il mérite d'être
ressuscité." Ainsi débutait le texte de présentation de Louis Cognet sur
la pochette du disque paru en 1968. Louis Cognet a-t-il
été exaucé ? Pas sûr à voir la maigreur de la discographie de ce
contemporain de
C.P.E. Bach, sa vie s'étendant sur deux périodes, le baroque tardif comme
Haendel
et
Bach, mais aussi l'âge classique qui débute vers 1750 avec des
noms illustres comme
Mozart
et
Haydn.
Thomas Arne
voit le jour en mars 1710 (la méconnaissance du jour exact
témoigne déjà du manque de sources très précises sur cet homme.) Il
est fils d'un tapissier catholique, un handicap dans l'Angleterre
anglicane. Papa Arne décide que son gamin sera avocat ! Fiston préfère
la musique pour laquelle il montre jeune des dispositions certaines.
Il suit en cachette des cours de clavecin et de violon. L'un de ses
professeurs arrivera à persuader le paternel ombrageux que
Thomas pourrait faire carrière bien que toute haute fonction lui soit
interdite de par sa confession vaticane… No comment ! Il enseigne à sa
sœur et à son frère le chant et le trio commence une carrière
musicale, prenant en charge les rôles de son premier opéra
Rosamond
créé en 1733. La partition est perdue comme la plupart de la
production de ce compositeur.
L'Angleterre, en ce début du siècle des lumières vit à l'heure de l'opéra. J'avais déjà mentionné ce goût à propos du parcours de Haendel qui préférera se tourner vers l'oratorio vers 1710 justement. Les anglais se lassent vite de tous ces opéras englués dans d'éternels sujets mythologiques ou inspirés de l'histoire ancienne. Néanmoins, Thomas Arne en composera une trentaine dont le plus connu reste Artaxerxès de 1762, encore une adaptation de la vie du roi perse comparable sur le fond à Xerxès, chef-d'œuvre de Haendel de 1738. Il existe au moins une gravure, celle de Roy Goodman. Autre passion de Thomas Arne pour les "masques", des spectacles scéniques de cour, à la mode depuis le règne de Elisabeth Ière. On lui doit aussi des symphonies, des concertos dont six pour orgue, des sonates, des mélodies, en fait un catalogue important mais qui a pratiquement disparu faute d'édition sérieuse sans doute.
Orgue de la Lutherkirche |
Célèbre à l'époque voire adulé du public,
Arne
avait la réputation d'un fâcheux. Il épouse
Cecilia Young
en 1736, chanteuse et fille d'un organiste élève de
Geminiani, petit maître italien proche de
Haendel. Un fils naîtra mais le caractère emporté du compositeur conduira à
une "séparation de corps" longue de vint ans ! (Voir Paris match dans
les années 1750.) Même habitude avec sa sœur et comme souvent :
réconciliations générales au seuil de la mort en 1777.
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Jean Guillou
appartenait à la grande école française de l'orgue, César Franck
(belge d'origine), Vierne, Widor, Dupré, Cochereau, Messiaen, Alain
père et fille, etc. Né à Angers en 1930, il sera l'élève de Marcel
Dupré pour l'orgue et d'Olivier Messiaen pour la composition. Son
activité revêtira un large éclectisme : organiste, pianiste,
compositeur et improvisateur, expert auprès des facteurs d'orgue,
écrivain d'ouvrages spécialisés mais aussi poète.
Son orgue d'attache, si je puis me permettre l'expression, sera
l'orgue de l'Église Saint Eustache près des halles. Un
instrument de prestige, très haut car niché dans une nef étroite.
Jean Guillou
fera installer la console au fond de la nef sur une petite estrade. Il
jouera sur de nombreux instruments en Europe jusqu'à l'âge de 87 ans,
un an avant sa disparition en 2019.
Dès les années 50, il enregistre pour le label Philips des
gravures originales comme ces trois concertos pour orgue.
Contrairement à une idée reçue, il joue non pas à Saint-Eustache,
l'instrument de type romantique souvent restauré et fort de 101 jeux
étant inadapté à un ouvrage d'essence baroque. Il préfère l'orgue de
la LutherKirche de Berlin, plus modeste avec ses 40 jeux, donc
plus proche en termes de sonorité d'un instrument baroque.
Sur cet orgue,
Jean Guillou
enregistrera aussi l'Offrande musicale
de
Bach, ou encore les quatre concertos
de
Bach
transcrits d'œuvres de
Vivaldi, travail fréquent à l'époque.
Il est accompagné pour ces réalisations de l'orchestre brandebourgeois de Berlin
dirigé par
René Klopfenstein, directeur du festival de Montreux, mort tragiquement dans un
accident d'avion. (1927-1984)
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Les
concertos pour orgue et orchestre ITA23
de
Thomas Arne, au nombre de six, sont des œuvres charmantes. L'orchestre se limite
comme celui de
Haendel
pour ses concertos identiques
(Clic)
à deux hautbois et à un ensemble de chambre de cordes. Aucune
inventivité musicologique majeure révolutionne le genre, mais un don
pour de jolies mélodies variées caractérise le discours. Le jeu de
l'orgue est léger, la pédale, peu ou pas employée – de toute façon
très peu d'orgues anglais en possèdent à l'époque. Le touché pétillant
de
Jean Guillou
magnifie cette musique festive.
Jean Gillou a enregistré les trois derniers. Le style galant très apprécié du public est omniprésent. Un chouette moment de musique guillerette… La playlist comporte une vidéo par mouvement.
Concerto No. 4 en si bémol majeur, ITA 23.4 |
Concerto No. 5 en sol mineur, ITA 23.5 |
1. Largo, ma con spirito 2. Minuetto 3. Giga (Moderato) |
1. Largo 2. Allegro con spirito 3. Adagio 4. Vivace
|
Concerto No. 6 en si bémol majeur, ITA 23.6 |
|
1. Allegro moderato 2. Minuetto - Variations I-III |
|
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Compléments discographiques
Une
intégrale des six concertos
pour orgue avec
Roger Bevan Williams
à la console a existé… Chandos devrait la rééditer. Elle est
introuvable !
Adrian Shepherd
est au pupitre de l'orchestre. Disponible sur
YouTube,
je trouve l'interprétation moins gaillarde que celle de
Jean Guillou, voire maniérée ; simple impression après une première écoute,
chacun se fera un avis (Chandos – 3/6 – indisponible)
Nous reparlerons de
Thomas Arne
dont la discographie est bien moins pauvre qu'en 1968. Petit
bémol, les labels ne maintiennent pas leurs publications très
longtemps à leurs catalogues. Trois suggestions disponibles sur le
marché de l'occasion, parfois en neuf :
Un album de quatre symphonies enregistrées de nouveau par Adrian Shepherd en 1985 pour le label anglais Chandos. C'est sous ce label que l'on trouve un grand nombre de gravures permettant de mieux connaître ce compositeur sans doute ronchon, mais dont la musique se révèle charmante même si sans grande profondeur métaphysique comme chez Bach ou Haendel.
L'opéra
Artaxerxès
dispose de deux intégrales. J'avoue rester sur ma fin à l'écoute de
cette musique en regard des ouvrages majeurs de
Haendel. Pour les fans, comme cité plus haut, l'enregistrement de
Roy Goodman
est préférable (Hypérion – 3/6)
Christopher Hogwood
s'est passionné dès les années 1970 pour ce compositeur. Un
album de sonates n'a jamais été réédité, dommage. Le disque paru
initialement en LP en 1974, proposant
8 ouvertures
bénéficiant d'une orchestration colorée, a été réédité en CD. À défaut
d'une imagination mélodique folle, on appréciera la vivacité et la
maestria du style galant typique du milieu du XVIIIème siècle (Oiseau-Lyre – 4/6)
(Deezer)
Il existe de nombreuses anthologies comportant des airs et chansons de Thomas Arne, souvent en complicité avec ceux de Haendel, des récitals de chanteur(e)s spécialistes du baroque. On fera son marché au gré des disponibilités…
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