lundi 23 mai 2022

B.O.F – LES SEPT MERCENAIRES – Musique d'Elmer BERNSTEIN (1960) – par Claude Toon

 

- Musique de Western Claude… J'adore le film de Sturges, Le beau Steve McQueen, tous les autres et l'infâme Eli Wallach, le truand dans Sergio Leone et cette musique trépidante et…
- Tout doux Sonia, sinon tu écris le papier à ma place. Dans la période B.O.F. pour le blog, impossible de faire l'impasse sur un compositeur majeur de musique de films, j'ai nommé Elmer Bernstein…
- Cette B.O. qui vous engloutit d'entrée est la plus célèbre de sa production, il en a écrit beaucoup d'autres ?
- Environ 250 et dans tous les styles, drames, Westerns, comédies. De formation classique, il n'a vraiment composé que pour le cinéma, mais la liste des films mythiques auxquels il a participé est stupéfiante…

Nota : "Magnificent" peut se traduire par "magnifique" et divers synonymes. Je pense que le titre original suggère le comportement tout compte fait désintéressé et "flamboyant" des sept personnages au service des villageois, alors que chacun a plutôt une raison pécuniaire ou orgueilleuse de leur venir en aide au début du film… 


Elmer Bernstein (1922-2004)

En vous proposant l'écoute de cette musique de film culte, je m'interroge sur quelques points. Connaissant notre lectorat fidèle depuis une douzaine d'année, existe-t-il un membre qui n'est jamais vu ce western ? C'est peu probable 😊 mais possible, je rappellerai donc le synopsis général pour faciliter l'écoute d'une musique qui est tout sauf un fond sonore, mais une suite orchestrale digne d'une suite symphonique épique et d'essence classique telles celles titrées "Une vie de héros" de Richard Strauss ou "Lemminkäinen" de Jean Sibelius… pour taper dans le très haut de gamme. Les compositeurs de musique de films sont-ils si bien connus que cela ? Ne sont-ils pas qu'un simple nom perdu dans le générique de début (au mieux à l'époque), ou de fin, soit un menu déroulant infini et aux caractères microscopiques (de nos jours) ? Il y a des exceptions comme Leonard Bernstein ou Michel Legrand, mais là nous sommes dans l'univers particulier des comédies musicales… Il y a aussi bien des B.O. oubliées car oubliables…

Pour mieux connaître John Sturges, réalisateur de ce western génial (à mon sens), vous pouvez relire un papier de Luc à propos de Un homme un passé de 1954 avec Spencer Tracy (encore un grand moment de l'histoire de l'ouest mais après la guerre) et un autre, de moi-même, Joe Kidd de 1972, un western survolté et truffé d'humour dans lequel Clint Eastwood peaufinait son personnage de cowboy mystérieux, dégingandé, insolent, cool, sans pitié… L'école Sergio Leone produisait ses effets avant l'époque inspecteur Harry dans les années 70 et surtout ses propres chefs-d'œuvre crépusculaires de cavalier solitaire, justicier et masochiste dans les années 80, de Pale rider à Impitoyable

Si Sturges privilégie le western dans son œuvre, n'oublions pas en 1963 La grande évasion, un rebond sur le succès des sept mercenaires avec un casting lui aussi haut de gamme, Steve Mc Queen ayant le diadoque important qu'il estimait ne pas avoir eu dans les sept mercenaires, son premier film marquant… Les relations avec Yul Brynner était pour le moins orageuses parait-il… James Coburn et Charles Bronson étant encore de la fête. Bref, on pourrait citer beaucoup de films majeurs !


Rappel du scénario :

On peut considérer ce film comme un remake à l'américaine des sept samouraïs, film culte de Akira Kurozawa tourné en 1954, chroniqué en 2013 par Luc. Notre rédacteur estimait que le temps passant, le film de Sturges avait pris des rides par ses temps morts et une photographie certes en couleurs et en cinémascope, mais et la beauté visuelle ni le lyrisme de la mise en scène du film japonais. C'est défendable d'autant qu'il souffre objectivement d'une compétition entre des "stars" masculines de l'époque. le film n'échappe pas un manque de réalisme. Nos mercenaires semblent également fréquenter assidument le coiffeur et la blanchisserie chinoise tandis que les péons sont déguenillés et négligés. Le film fut tourné au Mexique et en Arizona. Les autorités mexicaines froncèrent les sourcils à voir, de nouveau, comme dans Vera Cruz de Robert Aldrich en 1954, leurs paysans filmés comme des arriérés. Ils imposèrent un "censeur" sur le plateau.

Cela dit, je rédige une chronique sur la B.O.. les japonais encense aussi la musique de Fumio Hayasaka, compositeur célèbre à l'époque, déjà mourant de la tuberculose. D'après certains, Hayasaka tente, de nourrir sa bande-originale du style symphonique hollywoodien (c'est très vite dit). La partition impersonnelle confond héroïsme martial et rythme lancinant ; ah ce générique qui n'en finit pas. Certains passages fleurent bon le night-club 😊. À la réécouter, je m'ennuie à mourir, par contre elle a le mérite de ne pas faire d'ombre à la narration et à la plastique de la photographie, la quintessence du film de Kurozawa. En un mot, elle n'offre guère d'intérêt lors d'une audition isolée. (Deezer)

Ce western tragique met en scène un village misérable au milieu d'un espace désertique à la frontière mexicaine. Une bande de quarante desperados mexicains sous la coupe de Calvera (Eli Wallach, acteur de génie, films au hasard : Les désaxés, le bon, la brute et le truand, cinquante ans de carrière et mort à 99 ans), un psychopathe qui ne vit que de rapine, vient régulièrement piller les maigres ressources des villageois. Ceux-ci réunissent quelques économies pour acheter des armes dans un village où séjournent des pistoleros désœuvrés.

Chris Adams (Yul Brynner) leur conseille de faire appelle à un groupe de professionnels qui évitera une hécatombe et viendra les protéger lors du prochain pillage. Sont réunis : Vin Tanner (Steve McQueen), Bernardo O'Reilly, un métis (Charles Bronson), Britt (James Coburn), Lee (Robert Vaughn), Harry Luck (Brad Dexter) et Chico, le benjamin qui assurera la romance du film (Horst Buchholz).


Calvera (Eli Wallach)

Leurs intérêts sont évidents : tous sont sans un sou ou, bravaches voire suicidaires aiment jouer de la gâchette comme d'autres jouent au golf… Ils forment au tir les paysans et organise la défense. Calvera essuie un échec humiliant lors de la première attaque… Mais Chico comprend qu'il reviendra se venger et que le combat sera plus rude. En effet, quatre des "mercenaires" y laisseront leur vie ainsi que Calvera qui rendra son âme torturée d'incompréhension par le sacrifice de ces mercenaires pour des paysans méprisables… des hommes qui avaient peut-être des cadavres dans le placard, et cherchant à se racheter (sans jeu de mots macabre).

À partir de cette trame riche en rebondissements, Elmer Bernstein reprend la bonne vieille recette d'un Wagner, des leitmotive associés aux paysages, au folklore latino, aux fantômes qui hantent l'esprit d'hommes usés avant l'âge, aux fusillades. La thématique du héros qui vient au secours de la veuve et de l'orphelin est pour le moins récurrent dans les westerns. Randolph Scott en fit presque un job.

En 2016, Antoine Fuqua réalise un remake du film réalisé en 1960 Seven Angels of Vengeance. En vedette, Denzel Washington joue un chasseur de prime. Comme trop de film actuel, le montage est frénétique et la psychologie plus caricaturale que dans la mise en scène de John Sturges, que dire par rapport à Kurozawa. On n'échappe pas à la violence outrancière de mise à Hollywood désormais. Ce n'est plus une bataille telle qu'il y en avait dans l'Ouest, mais un bain de sang digne de la tuerie de Stalingrad. Une reprise bien accueillie néanmoins mais qui m'a profondément laissé indifférent… Ce sera la dernière B.O. De James Horner qui meurt après le tournage, une petite consolation, car rien de neuf musicalement parlant sous le soleil de plomb de l'Arizona.

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Elmer Bernstein voit le jour en 1922 à New-York. Je n'ai guère d'info sur sa jeunesse mais avoir étudié à la Julliard School et fréquenté Aaron Copland témoigne d'une formation musicale pointue et solide. Il s'oriente dès les années 50 vers le monde du cinéma et fait évoluer la musique de film de "simple décor" sonore (ce n'est pas systématique, je pense à Max Steiner et à la musique flamboyante de Autant en emporte le vent).


John Sturges et Yul Brynner sur le tournage

En 1955, il compose une musique remarquable pour L'Homme au bras d'or d'Otto Preminger. Il innove dans la maîtrise de l'osmose entre écriture classique et Jazz dans une B.O. Ce premier succès lui ouvre les portes des projets importants puisqu'en 1956 Cecil B. de Mille lui confie l'écriture du pharaonique Les dix commandements. Comme pour tous les péplums, le cahier des charges impose un style quelque peu sulpicien et grandiloquent. Malgré tout, Elmer Bernstein se montre très inventif et délicat dès que la scène le permet. Écoutez à ce sujet la danse égyptienne à l'orchestration orientaliste gracile par le choix de percussions scintillantes et d'une petite harmonie aux jolis timbres désuets…

La composition de la musique pour les sept mercenaires le fait entrerdans la légende hollywoodienne. Le générique tant par son graphisme que par l'énergie orchestrale sans concession a marqué toutes les générations d'amateurs de B.O.

Elmer Bernstein composera 250 musiques pour le grand et le petit écran et dans tous les genres : du drame à la comédie, la liste est disponible sur le web. Il n'arrêtera de compose qu'en 2002, 2 ans avant sa disparition à 82 ans. Il n'obtiendra qu'un seul Oscar pour Millie, une comédie musicale de George Roy Hill sortie en 1967. En 1961, la B.O. des sept mercenaires est nominée mais l'Oscar récompensera celle de Exodus d'Ernest Gold.

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Le générique est conçu pour nous plonger à bras le corps dans l'aridité des lieux et la férocité des événements qui vont suivre dans cette plaine écrasée de soleil où un calme torride devrait s'imposer. Un bout de désert en super cinémascope, le titre et le casting principale qui occupent toute la largeur de l'écran, des lettres rouge police 300.

Il y avait une mode dans les génériques des westerns légendaires des années 50, pas systématique mais fréquente, poussez la chansonnette, quelques valeurs sûres : la rengaine "Ok Korèèlchantée virilement par Frankie Laine et son accent country dans Règlement de compte à OK Corral, du même John Sturges qui fait ici appel à Dimitri Tiomkin, autre compositeur célèbre qui attend son heure dans le blog. "Do Not Forsake Me Oh My Darling" un chouia liquoreux dans le Train sifflera trois fois de Zinnemann en 1952, encore Dimitri Tiomkin et chanté par Tex Ritter (Oscar 1953 de la meilleure chanson). Côté féminin, Peggy Lee susurrera sur un ton érotisant "Play the guitar, my Johnny" dans le superbe film éponyme de Nicholas Ray en 1954, musique de Victor Young… Elle est chouette ma liste, non ? Ah j'oublie "Love me tender", superbe niaiserie sucrée chantée par Elvis Presley ("- Sonia, prend un mouchoir") dans Le cavalier du crépuscule de Robert D. Webb en 1956, un mélo franchement série Z dans lequel, le King qui espérait rivaliser à l'écran avec Brando ou James Dean n'est promu que faire valoir musical par exigence du cher colonel Parker soucieux de garder son poulain qui rime avec gagne-pain… 

Ciné-----ma----scope 

Elmer Bernstein ne surfe pas sur la balade langoureuse peu appropriée à ces conflits sanguinaires entre hommes. Non, il fait exploser une caisse de dynamite sonore d'entré, explosif dont joue si bien James Coburn (encore lui) dans il était une fois la révolution de Sergio Leone en 1971. Cinq accords en tutti vous sautent à la tronche, KO ! Des traits syncopés des cordes suggèrent une chevauchée épique avant la reprise des accords (la forme sonate au fin fond de l'Arizona !?). [0:17] Un second motif avec une floppée de cordes élargit l'espace sonore, l'espace sans frontière de l'Ouest, une thématique et une orchestration souvent entendus dans les films sur l'ouest… Quand je vous dis qu'une musique de film partage avec les musiques classiques la possibilité d'être analysée de manière identique. [1:22] pendant la reprise des thèmes initiaux aux bois, quelques notes de guitare, un film Mexicanos sans guitare serait une hérésie. Elmer Bernstein, comme dans une symphonie, assure un développement et une reprise. [1:42] Le lyrisme fait place au drame dans un groupe de nouveaux leitmotive plus tragiques… En quelques minutes Bernstein propose une variété d'idées qui nourrira toute la B.O. Je ne détaille pas…

On pourra s'amuser à chipoter sur la vraisemblance musicale en regard de la culture mexicaine. La musique de la "fiesta" (6) aurait plutôt sa place dans péplum 😊. Mais où sont les mariachis ? D'autant que l'on entend ces sonorités folk et divertissantes dans (2), castagnettes comprises.  On badinera pudiquement au son d'une jolie romance (16).

 

BONNE ÉCOUTE 

1.         Main Title and Calvera

2.               Council

3.               Quest

4.               Strange Funeral After the Brawl

5.               Vin's Luck

6.               And Then There Were Two

7.               Fiesta

8.               Stalking

9.               Worst Shot

10.            The Journey

11.            Toro

12.            Training

13.            Calvera's Return

14.            Calvera Routed

15.            Ambush

16.            Petra's Decleration

17.            Bernado

18.            Surprise

19.            Defeat

20.            Crossroads

21.            Harry's Mistake

22.            Calvera Killed

23.            Finale

 

1.        Générique et Calvera

2.               Conseil

3.               Quête

4.               Étranges funérailles après la bagarre

5.               La chance de Vin

6.               Et puis il y en eut deux…

7.               Fête

8.               Traquer

9.               Pire tir

10.            Le voyage

11.            Torô

12.            Entrainement

13.            Le retour de Calvera

14.            Calvera en déroute

15.            Embuscade

16.            Déclaration amoureuse de Pétra

17.            Bernado

18.            Surprise

19.            Défaite

20.            Carrefour

21.            L'erreur d'Harry

22.            Mort de Calvera

23.            The end

 


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