lundi 8 octobre 2018

JOE KIDD de John Sturges (1972) – par Claude Toon



- Et bien M'sieur Claude… Vous vous prenez de passion pour le monde du western, c'est M'sieur Rockin qui vous a refilé le virus ?
- Oui, il y a de ça Sonia, depuis son papier sur Django, le nanar italien culte et poilant, pas celui de Tarantino. Ça me change des polars, thrillers SF, comédies ou drames…
- Le grand Clint Eastwood en vedette et John Sturges à la réalisation, ça doit être un must à tous les coups.
- Non, pas vraiment. Mais en 85 minutes tout est dit… Évidement, de Sturges on attend beaucoup, sans doute trop… Et puis la photographie est magnifique, soirée sympa !

Joe aime boire sa bière peinard...
Petite soirée télé… John Sturges ! Le réalisateur des 7 mercenaires (Yul Brynner, Steve McQueen), de règlement compte à Ok Corral (Kirk Douglas et Burt Lancaster), la grande évasion… La liste de ses films de légendes est longue, et j'oublie l'un de mes préférés du cinéaste : Un homme est passé en 1954 avec Spencer Tracy. Joe Kidd ? Je ne connais pas. Casting : Clint Eastwood et Robert Duvall. Les critiques sur allo ciné sont moyennes. Je tente quand même.
Le scénario reprend vaguement le synopsis des 7 mercenaires. La situation est inversée. Des colons Yankee - plutôt une bande tueurs - sous la coupe réglée de Frank Harlan (Robert Duvall), veulent s'emparer des terres d'une communauté mexicaine, et cela par tous les moyens, de préférence les pires. Contrairement aux vulnérables fermiers du chef-d'œuvre de 1960, les mexicains ne s'en laissent pas compter et ont pris le maquis, armes à la main et sous le commandement du charismatique (pas tant que ça) Luis Chama (John Saxon) soutenu par Helen Sanchez (Stella Garcia). Question suspens, c'est maigre, l'affaire est entendue : une lutte sans merci et sans doute Frank Harlan six pieds sous terre avant le générique de fin. Rien de bien original.
Au sujet des copier-coller et des remakes de scénarios (ici, on le doit à Elmore Leonard), j'ai vu la semaine passée les 7 mercenaires de 2016. Bof ; budget pharaonique, acteurs cosmopolites au top certes, mise en scène nerveuse, photographie léchée, mais… 160 morts sur 200 protagonistes et 34 527 cartouches. Ce n'est plus un western, c'est la bataille sanguinaire d'Austerlitz à son paroxysme. En un mot les dérives outrancières de notre temps, côté violence.
Bref, reprenons le film à son début.

Helen et Joe qui a changé de camp
Joe Kidd (Clint Eastwood) cuve son vin dans une prison au fin fond du Colorado (je suppose). Il doit comparaître pour braconnage, trouble à l'ordre public, etc. En ces années où le western à l'ancienne (John Ford), sérieux, flamboyant, épique, a laissé la place à un style plus loufoque grâce à Sergio Leone, l'acteur est devenu incontournable. Il enchaîne les rôles sans trop se soucier de composition originale dans le style de son interprétation. Dégingandé, un passé flou de chasseur de primes, pas de futur, cynique, en un mot : le modèle estampillé "Le bon" (tu parles) chez Sergio Leone. La condamnation tombe : 10 $ ou 10 jours de travaux d'intérêt général au service du shériff, à savoir : balayage, récurage des chiottes. Il doit être très fauché le vaniteux Kidd, il choisit l'option 2.
Beau gosse, fine gâchette et sans aucun scrupule. Eastwood cultivait ce profil en ces années 70, un personnage rebelle standardisé, tant dans les westerns, que pour la série des inspecteurs Harry. Il avait tourné deux ans avant Sierra Torride ou le dilettante et caustique cow-boy faisait équipe avec Shirley Mac Laine, une pseudo religieuse qu'il sauve d'un viol en réunion = 3 macchabées. Une aventure pittoresque tournée par Don Siegel et émaillée de saillies dignes d'un Audiard. Siegel qui persuadera Eastwood de passer de l'autre côté de la caméra. Excellent conseil qui nous apportera des perles, de Pale rider à Impitoyable, des modèles du western crépusculaire avec un  Eastwood métamorphosé en héros solitaire, dépressif et justicier, certains diraient sadomasochiste.
Un détachement de mexicains survoltés menés par Luis Chama et Helen Sanchez déboule en ville en défouraillant à tout va pour libérer deux prisonniers, membres de leur bande, et qui partageaient la cellule du Kidd. Suite à une embrouille à coup de gamelle de soupe sur la gueule qui a eu lieu lors de l'incarcération, l'un des ex taulards humilié par Joe file alors au saloon pour lui régler son compte. Mauvaise idée. Joe a horreur qu'on le dérange quand il sirote une bière. Il l'abat, ce qui lui attire la haine de Luis Chama qui a ainsi perdu l'un de ses comparses. Chama ira se venger dans la ferme de Joe, torturant son ami et tuant ou volant ses chevaux… Seconde Mauvaise idée ! Joe avait refusé la proposition de Frank Harlan de lui servir de guide pour débusquer Chama et l'abattre contre le paiement de l'amende de 10 $ et surtout une prime de 1000 $. Il change d'avis, et Joe, Frank et ses porte-flingues crétins partent à la chasse à l'homme.

Frank (Robert Duvall) le mauvais tireur !
On devine la suite : course poursuite et fusillades en tous genres. Joe prendra conscience qu'au bal des pourris, Frank est un monstre et un lâche, n'hésitant pas à menacer de tuer des otages pris parmi les villageois. Joe change de camp - Eastwood pense peut-être à ses rôles de justicier à venir…

Pas vraiment d'originalité, mais il ne faut pas jeter ce western aux orties. Tournées en cinémascope, les images sont magnifiques, la reconstitution des villages yankee ou mexicains étant très élaborée. Et puis le film apporte son lot de surprises. Robert Duvall en psychopathe ; l'acteur n'a pas souvent tenu de rôle de fripouille (même dans Le Parrain, il est mesuré). Le personnage incarné par Eastwood conserve cette insolence teintée d'humour noir, sans compter les répliques picaresques qui font mouche, tout ce qui construisit la légende du bonhomme. Si Sturges a un peu perdu la main, la narration est rigoureuse. Quelques idées insolites : les fusils à lunettes de visée. Nous sommes en 1896, oui, j'ai vérifié, l'invention date de 1835-40. Et puis le gag digne d'un western spaghetti : la locomotive colorée qui traverse de part en part le saloon 😀. L'idée de la cruche pendulaire pour assommer un garde émerge d'un western italien, à l'évidence.
Une bonne soirée, un film très honorable et mené tambour battant. Il est bien réédité en DVD et même en Blu-Ray, c'est un signe. Quant au shériff pourtant intègre, il prendra un bourre-pif conclusif pour avoir osé embastiller Joe. Le Clint ne changera jamais… On raconte qu'il était dépressif lors du tournage. Ça ne se voit pas.

La bande annonce en VO et quelques plans choisis :




4 commentaires:

  1. Robert Duvall, dans Mash, il repart quand même avec une camisole de force après avoir cédé aux provocs de D Sutherland, s'être fait ridiculisé au pieu avec lèvres en feu et s'être dédouané de la mort d'un patient...

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  2. Waouh Juan... Je n'ai pas vu Mash depuis... 40 ans voire plus...
    Robert Duvall a reçu un Oscar pour son second rôle dans "Apocalypse Now" dans lequel il balance "j'adore respirer l'odeur du napalm le matin"
    En effet, peut-être pas que des rôles de bon père de famille :o)
    Merci et bonne journée.

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  3. Ah le nettoyage de la plage dans Apocalypse Now pour pouvoir surfer...Le Clash a fait une chanson qui s'en inspire: Charlie don't surf, sur l'album Sandinista, ça fait partie de mon classique à moi...
    Bonne soirée Claude

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