- Mais Claude, ce n'est pas Yuja Wang, certes une jeune pianiste asiatique en
mini-jupe de nouveau… Tu deviens fétichiste ? collectionneur de
lycéennes ? Ou la demoiselle est-elle encore une vraie musicienne avant
l'heure ?
- Mouais, tu te rattrapes au dernier moment Sonia… Je suis surpris que
tu ne te rappelles pas que Kate Liu était l'un des deux interprètes que
j'avais retenus pour la chronique sur le premier concerto de Chopin
exécuté au Concours éponyme de Varsovie en 2015…
- Heu, maintenant que tu le dis… Mais c'est la robe plus courte sur la
photo que lors du concours guindé qui…
- On s'en FICHE de ses fringues Sonia, quoique cette jeune fille ait
tout pour elle je l'admets, surtout un talent précoce et diabolique
irritant pour un pianiste raté… En dehors des deux chefs-d'œuvre
interprétés, je veux revenir sur la notion de prodige évoquée en fin
d'année et qui suscitait débat… Sur cette photo, elle vient de fêter ses
17 ans…
Revenons en fin d'année 2021
(Clic). Comme chaque année avant les fêtes, la TV publique nous proposait une
émission de télécrochet, Prodiges, sur deux soirées pendant lesquelles des apprentis danseurs(ses),
instrumentistes, et chanteurs(ses) se confrontaient pour remporter la
première place et un pécule financier pour les aider à suivre une formation
musicale plus solide. Car il faut bien le dire, l'émission,
Prodiges, ne tenait pas réellement les promesses sous-entendues par son titre
aguicheur. Coup d'œil au dictionnaire :
Prodige
nom masculin. : "Personne exceptionnellement douée : Cet enfant est un petit
prodige.". Or, le syntagme adverbial
exceptionnellement douée n'était
pas du tout respecté. Aucune méchanceté ou crânerie… une réalité
indubitable.1
Le jeune clarinettiste lauréat en fin de session 2021 pouvait
prétendre à ce qualificatif, et de plus, étant d'un milieu modeste, le prix
avait des chances d'être bien utilisé ! Une jeune fille avait chanté "Casta Diva", un air d'opéra hyper difficile extrait de
Norma
de
Bellini, plutôt une spécialité de
la Callas
que d'une adolescente. Cependant, malgré des hauteurs de notes hasardeuses,
il y avait une âme dans sa performance sympathique qui me suggéra la
rédaction d'un billet dans le blog à propos de l'émission et de
Norma.
1 – Donc prodige nom masculin : Victor Hugo, Paul Langevin, Louis Pasteur, Claude Debussy, mais en aucun cas Marie Curie, Marguerite Yourcenar, Barbara, George Sand, désolé mesdames. J'en appelle à Mme Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française pour faire évoluer le dictionnaire comme elle a euthanasié à juste titre l'idéologie féministe mais irréaliste sur le plan linguistique d'imposer l'écriture inclusive (Clic). Je crée dans cet article un néologisme, je transgresse la grammaire, à savoir, j'écrirai : Une prodige !
Pardon Sonia ? Ah… Prodige ? toi ? on réfléchira avec les autres gars et Nema…
Je ne remets pas tout le couvert à propos de
Prodiges, ayant développé mon point de vue dubitatif sur l'intérêt culturel de
cette succession de gosses dont certains pouvaient espérer progresser dans
un métier artistique, assurément, et d'autres, après m'avoir agressé les
tympans, devaient à mon sens ressortir leurs consoles de jeu, ou continuer
leur pratique artistique sans prétention pour leur simple plaisir, ce qui
est déjà "prodigieux" en soi. (Sont-ils manipulés par des adultes pas
forcément bien intentionnés et France Télévision qui fait son beurre
?)
Concours 2011 à Cleveland ; prix 500 $ (6ème) |
Détail important :
Gautier Capuçon, éminent violoncelliste, membre du jury, encourageait au mieux et par
altruisme les candidats, même après des prestations parfois, disons…
"éprouvantes" 😳. Inversement, son frère
Renaud, violoniste ayant décliné l'invitation, avait exprimé sur France Inter son
désaccord de diffuser de telles émissions ayant l'objectif (non atteint) de
passionner le public pour la musique classique. Je cite de mémoire "la qualité n'étant pas du tout au rendez-vous et les
soi-disant prodiges encore moins". Une opinion tranchée qui avait choqué l'univers des bien-pensants
militants présupposant que tout marmot est un
Mozart
qui s'ignore.
Gautier
et
Renaud
ne sont pas frères ennemis, d'autant que chacun à sa manière soutient de
jeunes artistes dans diverses associations ou initiatives dans des quartiers
défavorisés.
Après écoute sélective sur les sessions depuis 2014, mon avis
oscillait entre chèvre et chou : un miroir aux alouettes pour ces jeunes
(pas d'avis pour la danse, je n'y connais que dalle), tromperie d'un public
sensé adhérer ainsi de façon bon enfant à l'univers classique, etc. le vrai
faux débat ! Quand on aime la forme dite classique on en écoute
spontanément, cette "inter-ville" musicale sur France 2 ne changera
rien… Les goûts et les couleurs n'évoluent pas radicalement ou rarement, ils
sont dans nos gènes. Je ne raffole pas du jazz ou du rock malgré la
fréquentation assidue d'experts mondiaux comme Pat Slade ou
Bruno. Pourquoi ? Mystère absolu… Je suis certain que le programme du
jour ennuierait à mourir nombre de leurs lecteurs, ça n'en fait pas des
ignares pour autant, que je sache !!!!
Ok, je radote, et j'ai donc cherché un ou une prodige pour me convaincre de
ce jugement très réservé et de nouveau brocarder une certaine programmation
démagogique sur le service public. Ô pas difficile, mais encore fallait-il
disposer de la bonne personne et de la démonstration musicale pertinente
justifiant l'adjectif ou la dénomination "prodige". Un mot toujours
masculin, débile !
~~~~~~~~~~~~~~~
Ravel en 1910 |
La prodige du jour sans ambiguïté est la jeune pianiste américaine
Kate Liu
originaire de Singapour et 3ème Lauréate du concours Chopin de
Varsovie en 2015 à l'âge de 21 ans. 21 ans ? Sonia retorquera que ce
n'était plus vraiment une gamine… Exact, mais la première vidéo qui suit
date de 2010,
Kate Liu
étant née en 1994, mademoiselle joue sans difficulté
Gaspard de la nuit
de
Maurice Ravel
à 16 ans, l'âge des vedettes de Prodiges. (Pour rappeler un bon
souvenir aux copains, la violoniste
Hilary Hahn
jouait en complicité avec
Lorin Maazel
le
concerto
de
Sibelius
à 15 ans à Munich. Ah les filles…)
Gaspard de la nuit, le chef-d'œuvre d'une difficulté inouïe qui terrorise des pianistes même
confirmés. Ravel
lui-même ne le jouait pas en public, faisant appel à son ami virtuose
espagnol
Ricardo Viñes. En dehors de la célèbre voire insensée virtuosité exigée, les trois
pièces (Ondine,
Le Gibet
et
Scarbo) se réfèrent aux courants stylistiques suivants :
impressionnisme, romanticisme, néoclassicisme et expressionnisme,
etc. La jeune fille a déjà intégré la pensée de
Ravel
!!!
Stop, écoutez l'adolescente dans sa jolie robe soyeuse, et pour tout
apprendre à propos de
Gaspard de la nuit, un petit détour par la chronique concernant le disque de
Ivo Pogorelich
s'impose
(Clic). Observer le jeu acrobatique des mains dès le début de
Ondine.
En 2019, Kate a 25 ans. Quand on maîtrise
Gaspard de la nuit
à 16 ans,
Beethoven
ne fait plus peur, même son étrange
sonate n° 31 Opus 110
qui de sonate ne porte que le nom.
Beethoven
la compose en 1822 après avoir traversé deux années de souffrances
atroces et de maladie. Il ne compose pas pour la postérité (personne ne peut
jouer cette partition à l'époque), mais pour lui-même, pour exister,
survivre. Elle ne porte pas de dédicace,
Beethoven
compose une pièce mélancolique et rageuse, ce n'est pas antinomique, un
testament artistique. Trois mouvements seulement avec de nombreuses
sections.
1 – Moderato cantabile molto espressivo
2 – Allegro molto
3 – Adagio, ma non troppo – Fuga ; Allegro, ma non troppo
Pas de commentaire sur cette sonate, une chronique verra le jour plus tard…
Kate
s'approche du piano vêtue de son éternelle robe longue élégante mais
discrète, s'assoie. Comme souvent, la pianiste rigolote en privée se
concentre, s'échappe dans un monde sans décor ni public, comme en hypnose,
attendant la venue de
Beethoven
comme l'affirmerait Pat, notre medium attitré. Lentement les mains se
posent sur le clavier et la musique se développe dans toutes les
dimensions…
Voilà une prodige, une vraie. Inutile d'être jaloux ou envieux, le
devrais-je ? Bien sûr que non ! À quoi bon, la pianiste m'apporte le bonheur
que mes mains, et sans doute ma tête m'ont refusé, mon statut social dans
les années 50 aussi (trop facile à affirmer)… Des fâcheux pourraient dire
que je pratique l'élitisme. Non, j'adore écouter des jeunes combattre les
notes, chercher un sens avec plus ou moins de talent aux portées. Ce sont
des ados lors d'un concours en jouant avec une habileté variable une valse
de
Chopin
au choix qui m'ont enfin fait aimer ce compositeur… La clé : leur plaisir,
leur effort, la passion. Et basta les critiques verbeuses et humiliantes de
la présidente du jury, une pianiste française clone de la Castafiore dont je
tairai le nom par charité chrétienne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire