Dans LE CHANT DU LOUP (Antonin Baudry, 2019 => index cinoche) le héros qui travaillait dans un sous-marin sauvait le monde grâce à son oreille bionique. Ici, c’est pareil mais avec des avions. Mathieu Vasseur est acousticien au BEA, le Bureau d'Enquêtes et Analyses de l'aviation civile. C’est lui qui écoute les bandes audios des crashs aériens pour trouver des indices expliquant l’accident. Il a l’oreille fine, capable de détecter que tel écrou était mal vissé. Un peu comme notre Bruno qui en écoutant un solo de guitare de Leslie West sait que le micro XXT 485 a été décalé de douze millimètres sur la Gibson.
Victor Pollock dirige les enquêteurs, mais laisse l’agent Mathieu Vasseur sur la touche quand il s’agit d’enquêter sur le crash d’un vol Dubaï-Paris qui a fait 300 victimes. Dans les débris de l’avion, on retrouve la boite noire, qui est en réalité orange fluo. Le BEA commence l’analyse des sons et voix du cockpit. Le réalisateur montre avec détails l’opération sous haute surveillance d’un agent de la PJ, des avionneurs et représentants de la compagnie aérienne, les manipulations minutieuses pour récupérer la carte informatique.
L’expertise peut commencer, mais le lendemain matin, Victor Pollock ne vient pas bosser. Disparu sans laisser de trace. Le directeur du BEA, le toujours excellent André Dussolier, confie donc le dossier à Mathieu Vasseur. Les premières analyses vont dans le sens d’un attentat terroriste, Vasseur identifie un « Allah akbar » tendant à prouver qu’un homme a pénétré dans le cockpit avec de mauvaises intentions. Vasseur est un pointilleux, un maniaque, qui va aussi chercher à comprendre la disparition de Pollock. Des investigations qui vont l’amener à revoir les conclusions de son enquête…
Si je voulais résumer mon avis sur BOITE NOIRE, je dirais que le film est meilleur sur le papier qu’à l’écran. Le réalisateur Yann Gozlan, qui avait fait UN HOMME IDEAL (2015, pas mal, avec déjà Pierre Niney) opte pour un thriller ultra réaliste, très documenté. Des premières séquences d’analyses audio à la scène où Vasseur erre dans le hangar avec les débris de l’avion, reconstituant les déplacements des passagers à bord grâce aux photos prises par leurs téléphones ou aux messages envoyés, tout cela est très bien rendu.
Le scénario part sur une
idée originale, l'enquête rebondit au gré des nouveaux
indices, la disparition de Pollock fendille les certitudes de Vasseur. Bonne idée que l'exploitation de la petite caméra-voiture de Pollock : le film bascule d'une enquête technique à criminelle. Vasseur s'interroge sur son entourage proche, imagine des complots partout, doute de sa hiérarchie, de sa femme, finalement de lui-même.
L’histoire est bonne, les acteurs sont bons (des seconds rôles en veux-tu en voilà) est-ce que ça suffit à notre bonheur ? Pas tout à fait... à cause d'une mise en scène un peu passe partout, et d'un manque de rythme.
L’entame est fameuse, plan séquence en travelling arrière depuis le cockpit de l’Atrian 800 (tous les noms sont fictifs) jusque dans la soute arrière - on y voit et entend des éléments cruciaux pour la future enquête - puis recadrage en fin de mouvement sur la boite noire, logée à l’arrière, où statistiquement elle a le plus de chance de ne pas être endommagée lors d’un crash.
Suivent les premières analyses, premiers comptes rendus, c'est tendu, intéressant, et puis patatras, Yann Gozlan enfile ensuite ses gros sabots, filmage
convenu et musique
dramitico-tonitruante ultra forte (pour un film basé sur la subtilité des sons,
fallait l’faire !) qui surligne maladroitement ce que l’image est
incapable d’évoquer. L'ingénieur se métamorphose en détective privé amateur, seul face au danger
tapi dans l’ombre. On est dans le registre des thrillers paranos américains des années 70 comme LES
TROIS JOURS DU CONDOR, ou plus récemment THE GHOST WRITER de
Polanski, auquel on pense pas mal.
Polanski réussissait à troubler le spectateur par la seule force de ses images, ses seconds plans étrangement révélateurs, des petits gestes, attitudes ambiguës, une mise en condition visuelle où le doute s’immisçait, un sentiment de paranoïa et de danger infusait le récit. Gozlan ne réussit pas dans ce registre qui demande du tact. BOITE NOIRE manque de subtilité, d'atmosphère, trop appuyé, souligné au marqueur. C'est dommage, par exemple, de ne pas avoir écrit avec plus de soin les scènes avec la femme de Vasseur, suspecte car partie-prenante professionnellement de l'enquête sur le crash. Elle est pourtant bien jouée par l'exquise Lou de Lâage, mais le couple ne semble pas exister réellement à l'écran.
On pourrait aussi tiquer sur la non-enquête officielle concernant la disparition de Victor Pollack (y'a pas de flics dans le film ?!). Il semblerait que seul Matthieu Vasseur s'en préoccupe, il agit en franc-tireur, cherche et trouve tout, tout de suite. Vous allez me dire, normal, c'est le héros du film. Tout de même, il y avait là aussi des trucs à développer, à insinuer, ce n'est pas le temps qui manquait : 2h10. On ne s’ennuie pas, mais on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent pendant tout le milieu du film.
Le dernier quart d’heure rehausse le niveau, il y a urgence à faire éclater la vérité, on prend évidement parti pour le héros. Mais la scène finale, devant un parterre d’invités de marques est d’un classicisme qui étonne (qui effraie ?) on a vu ça mille fois, dommage.
On passe un bon moment devant cette BOITE NOIRE, Gozlan avait un bon matériau entre les mains, on sent qu’il s’est dit : trouvons le début, trouvons la fin, et on verra ce qu’on fait au milieu. Sauf que le milieu est long, aussi long qu’un vol Paris-Dubaï.
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