vendredi 22 mars 2019

LE CHANT DU LOUP d'Antonin Baudry (2019) par Luc B.


C’est un sous-genre du film de guerre : le film de sous-marin. On pense à des réalisations comme DAS BOOT, U571, A LA RECHERCHE D’OCTOBRE ROUGE, USS ALABAMA… Le cinéma français aborde peu le film de guerre/politique, et le projet est d’autant plus original, que c’est un premier film, d’un autodidacte, Antonin Baudry, diplomate de profession et scénariste de bédé. Un parcours peu commun…
Ce type de film ne peut se faire sans la collaboration de l’armée. On y voit des hélicos, des frégates, des sous-marins, tout étant très documenté, et j’imagine que la moindre ligne du scénario a été relue par les galonnés. Le but avoué est de faire un cinéma réaliste, qui techniquement ne peut pas être pris en défaut… Et pourtant… C’est là que le bât blesse, parce qu’on a l’impression que tout est improbable dans ce film. Quand c’est Stallone qui abat un hélico au lance-roquettes dans RAMBO II ou III, bon ben c’est Stallone, on ne se pose pas de question. Quand c’est Reda Kateb, commandant d’un sous-marin, qui sort lui-même sur le massif pour dézinguer l’hélicoptère ennemi, on tique un peu… Mais quand en plus son engin s’enraye, on se marre ! Ainsi, l’Armée française aurait cautionné un film avec du matos défectueux ? La honte… Bon, le truc s’enraye, et il fait quoi le commandant ? Il ordonne à un matelot de tirer à bout portant avec son fusil automatique sur le lance-roquettes (toujours tenu en main par Kateb) histoire de remettre le bastringue en état de marche… Pas sûr que Stallone aurait osé.
Pourtant, la première séquence est joliment troussée. On ne comprend pas tout des dialogues, des trucs techniques, mais c’est pas grave, ça fait même sérieux. Ce sous-marin au large des côtes syriennes qui tente de récupérer un commando, nous met aussitôt en immersion (sic). Mais la mission est entachée par une erreur de l’opérateur sonar, Chanteraide, surnommé Oreille d’Or. Il pense entendre un sous-marin russe, mais comme le modèle ne semble pas exister (2 pales, 4 pales ?) il déclassifie l’alerte. La boulette ! Revenu à terre, Chanteraide est mis à pieds, mais poursuit son enquête, persuadé que sa première impression était la bonne.
L’affaire se gâte, tendance DOCTEUR FOLAMOUR. L’état-major s’affole : un missile nucléaire soviétique est détecté, et il nous arrive en plein dans le mille. Le Président ordonne la riposte, sauf que... mais, ménageons le suspens...  Et voilà que Chanteraide s'invite au coeur du dispositif militaire. Je ne pensais pas qu’on pouvait entrer comme ça, hop, dans le bunker du commandement général, apparemment si. Et puis plus tard, le même Chanteraide, de nouveau en odeur de sainteté, et carrément hélitreuillé à bord d’un sous-marin français en compagnie d’un amiral (Matthieu Kassovitz) qui est rien d’autre que le commandant de la force océanique stratégique ! Pourquoi pas le ministre, aussi ?!!
La dernière partie est de la pure action, du pur suspens, circonscrite à l’intérieur du sous-marin (intérieur fermé reconstruit à l’échelle 1, donc la mise en scène est au plus près des protagonistes). Bonne tension dramatique, pas de blabla psychologique. Mais encore des actions qui me semblent improbables, comme cette sortie 500 mètres de profondeur, ou ce sacrifice final assez ridicule, et pour le moins surréaliste. Encore une fois, si c’est Bruce Willis dans un DIE HARD, ça passe, c’est rigolo, mais là tout est très sérieux. Si Antonin Baudry veut la jouer réaliste, hyper documenté, reconstitution ad-hoc, okay, mais il aurait fallu que le scénario fût de la même veine.
Et puis il y a aussi un autre souci, est de taille. Z’avez vu le casting ? Et bien ils sont tous aussi mauvais les uns que les autres, Kassovitz et Kated (pourtant excellents d’ordinaire) ne semblent pas croire une seconde à leurs personnages (et donc le spectateur non plus), Kateb n’a rien à jouer, il reste assis, spectateur, et subit la situation. Son seul moment de bravoure est le fameux coup du lance-roquettes. La palme (et le tuba) revient à Omar Sy, commandant de navire qui n’irradie aucune autorité, peine à rentrer dans le costume (l’uniforme en l’occurrence), on a toujours l’impression qu’il va débouler dans les couloirs du sous-marin en poussant le fauteuil de François Cluzet, et se mettre à danser sur Earth Wind and Fire. Et un détail : il fait un salut militaire paume vers le sol. Donc, à l'américaine ?     
Projet ambitieux, plutôt gonflé, surtout pour un premier film, les images sous-marines sont superbes, le rythme est bon. L’amourette entre Oreille d’Or est sa bibliothécaire est tout de même longuette, et n’est là que pour justifier une scène, celle du joint, j’en dis pas plus… Mais ça ne colle pas, c’est bancal, boiteux, on reste le cul entre deux fauteuils de cinéma. Il est surprenant qu’Alain Attal, producteur, avec ce budget conséquent, n’ait pas resserré davantage les boulons.
Et puis franchement, choisir l'acteur François Civil pour jouer un militaire... ça partait déjà mal !
couleurs  -  1h55  - scope 1:2.35   

3 commentaires:

  1. J'ai passé 3 jours dans un SNLE (Sous-Marin Nucléaire Lanceur d'Engins) et ai travaillé sur le SYDEREC (Système de Dernier Recours), bref l'apocalypse à la Terminator. Chut ! Top Secret…
    Bel article Luc sur une montagne d'invraisemblances… La marine doit bien se marrer… Tout est bidon dans la B.O. à part les matelots qui court dans une coursive étroite (on ne peut pas mettre un pied devant l'autre tellement tout est exiguë et sans se fracasser le crâne tellement les portes étanches sont basses (casques obligatoires).
    Quant à la phrase "Le président de la république me commande de lancer une frappe…" prononcée par Reda Kateb, c'est à hurler de rire… L'ordre arrive en VLF cryptée, sur quoi ? Combien ? Personne n'en sait rien à bord pas même le commandant. Les coordonnées sont exploitées par le bateau (on ne parle jamais de vaisseau ou de navire) pour lancer le missile. L'équipage n'a la responsabilité que du fonctionnement correct pour le tir au moment x. On dirait que Reda Kateb vient d'avoir Macron sur son portable et sous l'eau où la UHF ne passe pas :o) En plus, il dit cela comme si c'était pour une soirée Mac Do !
    En général, plus ce genre de film essaye de faire réaliste (genre documentaire sur la guerre nucléaire) moins c'est crédible. Exception "Le bateau" de Wolfgang Petersen que tu cites.
    Par contre, en jouant la carte de la fiction dans un sous-marin qui possède autant d'espace qu'un rafiot de croisière MCS, on se fiche de tout cela et le film devient un thriller sympa. Exemple : Octobre rouge avec James Bond portant une belle barbe :o)
    Je verrai ça sur le câble…

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    1. Tss Tss, pas la B.O., la bande annonce. J'ai le cerveau qui prend l'eau ce matin...

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  2. Sans avoir ton expérience de terrain, il me semblait aussi qu'on nous prenait parfois pour des cons... Si c'est vendu comme un pur divertissement d'aventure, pourquoi pas, mais ce n'est pas le cas... Je ne peux pas spolier, mais sur la fin y'a une scène avec Omar Sy à mourir de rire !

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