En cette année 2008, après une longue incursion dans un Punk-rock des plus sauvages, mâtiné de Hard-rock débridé, The Bellrays confirme le virage amorcé avec leur précédent opus, "Have a Little Faith" ; à savoir une immersion, plus profonde et nette qu'auparavant, dans la Soul Black des 60's et 70's ; celle chargée de chaleur moite, de sensualité, de tension, et d'électricité, évoquant celle du couple terrible d'Ike & Tina Turner.
Ils ne renient pas pour autant leur Rock survolté marqué au fer rouge par la motor city, Detroit ; bien au contraire. L'aura du MC5 n'est jamais très loin, planant même sur certains titres Soul, à tel point que l'on peut parler d'omniprésence. Certains titres sont d'ailleurs de véritables brûlots qui n'auraient pas dépareillés au milieu des brûlots constituant « High Time ». Mais Lisa KeKaula n'est-elle pas le pendant féminin de Rob Tyner ?
Mais il serait bien réducteur de limiter l'horizon de ce groupe à la seul musique de Detroit, même s'il en a le parfum, d'autant que leurs goûts affichés vont de Cheap Trick aux Beatles, en passant par Led Zeppelin, Phil Spector, Radio Birdman, Nashville Pussy, et bien sûr la Soul et le Rhythm'n'Blues. Sur cet album, le riff d' "Infection" est même carrément un lick récurrent de feu-Leslie West époque Mountain. En aparté, le combo a aussi repris "Les Cornichons" de Nino Ferrer (en single en 2006).
Dorénavant, à partir de cet album, Bob Vennum abandonne la basse pour prendre la guitare, ou plutôt la reprendre. Car initialement, c'était lui le guitariste, avant que Tony Fate (aka Tony Bramel), producteur du deuxième essai (et de The Rosethorns), ne s'installe confortablement en 1996 à ce poste. Pour son retour à la six-cordes, Bob a par la même occasion évincé les soli qui s'apparentaient parfois plus à des orgies sonores qu'à de véritables chorus, parvenant ainsi à atténuer l'impact (à gâcher ?) de titres pourtant remarquables. L'erreur corrigée, les BellRays, qui n'ont jamais cessé d'évoluer, de mûrir, accouchent alors de leur meilleur album. "Hard Sweet and Sticky" pourrait même représenter un aboutissement. Toutefois, les années suivantes, bien que moins productives, vont libérer deux chaudes et savoureuses galettes pas piquées des hannetons : "Black Lightning" et "Punk Funk Rock Soul - vol. 2".
Le disque démarre avec prudence, après un faux départ à la Who, sur un titre laid-back drapé dans un orgue Hammond en extase religieuse. "The Same Way" exhale un lourd parfum de Rock-soul d'où émanent des sentiments antagonistes ; la plénitude ne parvenant pas vraiment à prendre le pas sur l'incertitude. Peut-être une chanson personnelle du couple, une remise en question perpétuelle devant tant d'efforts, d'abnégation sans jamais de juste récompense. Une chanson d'amour à la sauce Rock'n'roll. "Je t'ai entendu chanter hier, (et) tous mes problèmes ont été emportés. Il n'y avait rien que je puisse dire ou faire. Je pleurais aussi... Je ne vis pas sans toi. Entendre mes rêves se réaliser (et) me dire que tu me veux toujours".
Cependant, dès la seconde piste, "One Big Party ", le quatuor enclenche directement la cinquième pour un heavy-soul rock, carburant au high-octane (rock'n'roll), rognant le bitume et expulsant flammes et étincelles sur son passage. Une pièce récupérée du matériel de Rosethorns, la formation d'avant les Bellrays, ici copieusement épaissie et agrémentée d'une morgue et d'une hargne nouvelles. Entretenant l'excitation avec "Infection" (avec une inclinaison plus 70's) et finissant la course dans les dérapages (in)contrôlés de l'étourdissant "Coming Down", dernier sursaut de Rock échevelé où crépite de toutes parts l'électricité comme d'une turbine électrique folle, le groupe change son fusil d'épaule et entre dans une Soul authentique et savoureuse.
En commençant par la résurrection de "Footprints on Water", repêché de "In The Light of the Sun". Leur second album, enregistré en 1992, et vendu dans un premier temps seulement en cassette. Une version à peine réarrangée, plus feutrée et chaleureuse. Ce que Lekaula, a au fil du temps et à force de s'époumoner sans compter dans son micro, a perdu en puissance, elle l'a compensée en ardeur, en effervescence. Finissant de patiner sa voix par une douce rugosité. "Blue Against the Sky" suit le même chemin, bien que penchant plus vers le rhythm'n'blues.
Néanmoins, les BellRays restent les Bellrays, fidèles à eux-mêmes, ils portent le même et indéfectible amour à la Soul et au Rock le plus nerveux. Ainsi, à la suite de ce duo ouaté, "Psychotic Hate Man" déboule comme un bolide fou dans un halo de poussière, perdant boulons et huile dans son sillage, punks hurlants et grimaçants aux fenêtres, résignés à la mort imminente devant immanquablement les cueillir à la fin d'une course à tombeau ouvert.
Dans un contraste plus que surprenant, pouvant dérouter ceux qui se délectent des sensations fortes, après le brusque arrêt précédent, "The Fire Next Time" s'ouvre à un smooth-jazz, version garage de Sade (Adu). Une composition de Chris LeRoy, l'ex-compère claviériste des Rosethorns. Et puis rebelote, avec une autre chanson de Rosethorns dynamitée pour l'occasion. "That's Not The Way It Should Be" s'attaque au punk-rock comme s'il y était né, renvoyant au bac à sable la grande majorité des punk-rockers des USA, rendant hommage aux Ramones dans un prisme où se mélangent Blondie, The Dictators, MC5 et The Distillers. Le final "Pinball City" est de la même essence. Flot cathartique de clôture, où le groupe expulse ses dernières cartouches.
Mais auparavant, "Wedding Bells" impose un nouveau climat envoutant, sur un lit de de smooth-jazz (sweet) ; divagation opiacée d'une âme tourmentée "Des ombres sur ma fenêtre s'assombrissent avec le froid. Pourquoi résonne cette chanson de mon vieil amour d'hier ? Il sait où va le soleil parce qu'il le cache de la neige. Ces faibles cloches de mariage, pleurant au loin pour que mon amour soit... Avec tout ce que je garde à l'intérieur, pourquoi je ne crie pas ? L'amour va comme les vents soufflent... Pourquoi les cloches de mariage crient la chanson de mon amour ?". Encore une chanson sortie du placard et rhabillée pour la séance ; à l'origine, elle faisait partie du répertoire acoustique de leur tournée intimiste, en duo, dont une date a été immortalisé sur l'unique disque de Bob & Lisa : "Rosethorns", capté à La Maroquinerie de Paris. Même lorsque Kekaula s'attaque au Jazz, elle s'en sort avec brio. Rien de plus normal puisqu'avant d'être embarquée dans la tumultueuse aventure des BellRays, elle officiait dans une formation jazz.
Après l'entrée "hard sweet" et les trois rugissements soniques suivants, les compositions alternent entre Rock furieux et concis du meilleur tonneau, et Soul Bluesy organique et pur. Rien que du Rock et de la Soul purs, parfois agrémentés de nappes d'orgue Hammond (et de piano autiste pour le coda final). Toutefois, il est évident que même si cela rajoute un nappage goûteux, ce n'est guère essentiel, tant il émane du duo (du couple) Vennum-Kekaula une intensité rare et naturelle. Pour ainsi dire, ces deux là ne jouent pas du Rock, ils en sont partie intégrante. Ils en sont une pure émanation. Même lorsqu'ils respirent, ou ronflent, ça sonne intensément Rock'n'roll ! La qualité indéniable des compositions et des interprétations ne faisant qu'accentuer l'évidence.
Un des meilleurs disque de l'année 2008. Magnifique ! « Maximum Rock'n'Soul »!
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Autres articles / The BellRays (lien) : 👉 "Black Lightning" (2010) 👉 "Punk Funk Rock Soul" (2018)
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