mercredi 2 juin 2021

DIRTY TRICKS " Dirty Tricks " (First - same) (1975), by Bruno

     Dirty Tricks est un quatuor bien connu des collectionneurs de vieilleries millésimées années 70. Rien de particulièrement percutant ni fulgurant, surtout pas novateur, ce groupe de rosbeefs a néanmoins laissé une trace dans la mémoire des amateurs, avec trois albums de bonne tenue. Trois galettes de qualité, faisant preuve d'un souci d'évolution. Même si c'est le premier qui remporte le plus de suffrages. Cependant, à vrai dire, aujourd'hui encore, des passionnés se crêpent le chignon pour imposer leur préférence. Bien que chaque est différent, reconnaissable dès les premiers notes de guitares et surtout le chant relativement singulier (parfois, un peu plaintif).


     Lorsque John Fraser Binnie et Kenny Stewart s'accoquinent en 1974 dans le but de former un quartet marchant dans les traces prfondes des Bad Company, Mountain et Black Sabbath, tous deux ont déjà un passif qui remontent aux années soixante. Ils ont fait le tour des divers styles qui ont résonné dans le swinging London - de la Pop au Blues, en passant par la Soul et, évidemment, le Hard-blues. C'est sur ce dernier idiome qu'ils se fixent, trouvant enfin la musique qui leur sied. 

     John Fraser, guitariste, et Kenny, chanteur, raccordent à leur projet Terry Horbury à la basse et John Lee à la batterie. Au cours de leurs pérégrinations, les musiciens se sont déjà croisés. Kenny et Terry jouent pour la première fois ensemble en 1970, dans une obscure formation, Aegis. Ils se retrouvent ensuite, par hasard, dans ce qui doit être la dernière incarnation de Sam Apple Pie, groupe de British-blues - Heavy-boogie. Seul John Lee est un parfait inconnu. Normal puisqu'il est fraîchement débarqué d'Australie. En fait, sa famille émigre aux Antipodes lorsqu'il a quatorze ans (comme de nombreuses familles du Royaume-Uni dans les années soixante, fuyant un futur sans avenir). Cela faisait un an qu'il s'était pris de passion pour la batterie. Le dépaysement ne lui fait pas abandonner les fûts ; au contraire, il fait ses classes et devient professionnel en intégrant Blackfeathers (1) puis The Dingoes (mais n'aurait enregistré qu'avec ce dernier). Deux combos qui, en dépit de plusieurs disques et de leur popularité nationale, ne parviennent pas à rayonner au-delà des frontières. Il profite d'une tournée en Europe avec Ariel, un groupe de Pop-rock assez ennuyeux qu'il a alors intégré depuis peu, pour revenir en Angleterre. Pour cela, il quitte simplement le groupe à la fin de sa tournée. Par une chance étonnante,  le jour même de sa défection, il est contacté pour une audition en vue de la formation de Dirty Tricks.

      Avec leur expérience, quelques mois leur suffisent à se constituer un solide répertoire, le roder sur scène, décrocher un contrat d'enregistrement avec Polydor,  rentrer en studio et en sortir avec un single et un 33 tours sous le bras.


   Le disque est produit par Roger Bain, l'homme des premiers Black Sabbath et Budgie. Ce qui augure d'un son brut, cru, mat et relativement lourd. Ce qui est bien le cas, et pas qu'un peu puisque parfois, ça frôle le Stoner. Aussi pesant que Black Sabbath et Buffalo. Bien des amateurs de Desert rock aimeraient bien savoir quel était le matériel que John Fraser Binnie et Terry Horbury utilisaient. Toutefois, ce serait plutôt du côté de chez Bad Company qu'il conviendrait de se tourner pour l'entrée en matière. En effet "Wait Till" Saturday" est un solide Hard-blues relevé à la manière d'un Moxy. Un riff basique, en power-chords glissés sur le manche, copieusement arrosé de fuzz (style Big Muff), avec une  basse qui rajoute une couche de gras. La voix de Kenny, qui dérape dans les aigues dès qu'elle hausse le ton, contraste foncièrement avec l'orchestration bien lourde, parfois quasiment proto-stoner. (Toutefois, rien de comparable, au niveau contraste, avec Ozzy et Buke Shelley). "Too Much Wine" s'égaye également dans cet univers de Heavy-rock bluesy à la Bad Co, avec toutefois un tempo et une basse plus virulents, qui le ferait presque dériver vers Foghat. D'ailleurs, le jeu de questions-réponses entre le chant et la guitare du break est indéniablement tiré des boogiemen.  Alors que "Mavella" avec sa basse débordant de fuzz, aurait pu être une jam entre Bad Co et Mountain. On pourrait aussi mentionner Incredible Hog, - autre formation anglaise (👉 lien) -, dont l'unique galette sortie deux ans avant, est en phase avec ce premier effort.

   Cependant, "Back Off Evil", lui - après un cours, futile et maladroit solo d'apprenti shredder -  œuvre bien dans l'univers de Black Sabbath. Et question lourdeur, avec "High Life" le quatuor gagne le pompon. Bien que débutant comme un blues sulfureux proche d'un Robin Trower plombé, le morceau glisse dans un gouffre profond où règnent des créatures chtoniennes, qui tentant de rejoindre la surface, luttent en vain contre la lumière.  Tandis qu'avec "Sunshine Day" la frontière entre Sabbath et Bad Co est des plus floues, d'autant que suivant les mouvements, - on oubliera l'intro foireuse -, la chanson passe d'une massue proto-Heavy-metal à un souffle chaud et moite de Hard-blues. 

   Pour contrer les mauvaises langues, Dirty Tricks n'est pas (qu'un) groupe de bourrins se délectant de décibels et de grasses distorsions, comme le prouve la belle (et trop courte) ballade acoustique "If You Believe To Me". Une chanson qui aurait pu s'inviter sur le "III" de Led Zep ou sur l'un des premiers disques de Rod Stewart.


   Après trois albums forts d'un certain potentiel mais auxquels il semble toujours manquer un petit quelque chose pour en faire réellement de grands disques, le quatuor jette l'éponge et chacun part vaquer à d'autres affaires. Trois des protagonistes vont se retrouver plongés au cœur d'un tsunami de Metal qui va submerger une partie de l'Europe, la NWOBHM. Du reste, pour beaucoup leur dernier essai, "Hit & Run", est l'un des chaînons manquants entre le Heavy-rock 70's et la NWOBHM. A savoir que ces musiciens ont été la première incarnation du Blizzard of Oz d'Ozzy Osbourne, jusqu'à ce que ce dernier, espérant échapper au fisc, quitte précipitamment l'Angleterre. 

    Terry Horbury est chaleureusement accueilli en 1984 par Steve Zodiac, au sein de son power trio, Vardis (en remplacement du bassiste historique, Alan Selway. On le retrouve sur le dernier disque de Vardis des 80's : "Vigilante". Jusqu'à ce que Zodiac, passablement déçu des turpitudes de l'industrie musicale, raccroche. Terry et Steve remonte le groupe en 2014. Tristement, Terry se sent de plus en plus fatigué et fait des malaises. On lui diagnostique un cancer pendant les sessions de "Red Eyes", dernier album du groupe. Il est hospitalisé et décède à 65 ans, une quinzaine de jours plus tard, le 15 décembre 2016.

   John Fraser-Binnie forme avec l'Irlandais et ancien punk, Jim Lyttle, le groupe de Heavy-metal Rogue Male, auteur de deux disques violents, crasseux et brutaux. Le groupe compte beaucoup sur l'image pour se distinguer de la cohue bruyante, et adopte en conséquence un look à la "Mad Max II". 

   John Lee, lui, ne s'éternise pas. Il quitte le groupe l'année suivante pour rejoindre The Dingoes qui s'est maintenant installé aux USA. Dans les années 80, il est amené à composer ou à enregistrer avec Bobby Tench, Steve Marriot, Maggie Bell, Ian McLagan, Rick Danko, Nick Lowe, Doris Troy. Il retrouve l'Australie dans les années 90 et s'installe à Melbourne. Ne parvenant pas à se défaire de son alcoolisme, il décède à 45 ans, d'une insuffisance hépatique en 1998.

   Kenny Stewart galère à travers divers groupes, tels que French, Kiss, Informer et Sidewinder, et puis vers la fin des années 90, il retrouve Horbury, Fraser-Binnie et Adrien Bennie (le remplaçant de Lee à la batterie). Ils se réunissent pour arpenter à nouveau ensemble les scènes du Royaume-Uni, non pas pour ressusciter vingt ans plus tard Dirty Tricks, mais monter un des "tribute bands" les plus appréciés du Royaume-Uni, Starway to Zeppelin, uniquement dédié au répertoire du dirigeable. Pour l'occasion, Horbury joue également des claviers et de la mandoline (2).

     Enfin, en 2009, Stewart et Fraser-Binnie remettent le couvert et réalise le quatrième et dernier album de Dirty Tricks, "Up At The Nine Count". Un album aux couleurs prononcées d'un AOR couillu et millésimé 80's (Sabu, Giuffria, King Kobra, Def Leppard) avec quelques résurgences - encore - de Bad Company. Toutefois, celui des années 80-début 90, sans Rodgers.

     En 2010, bien tardivement, Stewart fait un premier pas vers une carrière solo avec "The Brains Behind The Scam". Un pur disque de Heavy-metal moderne. En 2012, il en remet une couche avec "Skullthuggery", pour développer sa vision d'un Metal-indus, avec l'aide des copains de galère, Horbury, Fraser-Binnie et Adrien Bennie.

(1) Groupe populaire en Australie dans les 70's, avec trois disques dont un live (capté au festival de Sunbury), œuvrant dans le Rock-progressif avant d'épouser la cause d'un Boogie-rock festif. Le live recèle une excellente version du "Still Alive and Well" de Johnny Winter (écrit par Rick Derringer). John Lee n'est présent sur aucun de ces albums.

(2)  Aujourd'hui, cette formation se produire encore, mais sans aucun membre d'origine.



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