- Petite question Claude… tu avais dit ou suggéré détester Paganini… Et
là, au bout de dix ans, deux concertos pour le prix d'un… Une révélation
tardive ?
- Détester n'est pas le mot Sonia ; un manque de passion pour cette
musique oui. Mais souvent, il faut attendre de tomber sur l'interprète
qui… te touche enfin !
- Et c'est le cas apparemment avec ce violoniste inconnu du Blog :
Alexander Markov, russe à tous les coups. Un disque récent ?
- Et inconnu de moi jusqu'à ce que j'écoute à tout hasard ces vidéos…
et achete ce CD, une réédition d'une gravure de 1992, donc près de
30 ans !!!!
- C'est vrai que le jeu du violon paraît diabolique et vertigineux ; mal
joué ça doit-être éprouvant pour les tympans tous ces arpèges suraigus…
- Ô que oui, et c'est cela qui me vrille les oreilles habituellement. Ici
on a la virtuosité élégante avec en prime… de la musique, pas du sport de
haut-niveau de l'archet !
Paganini |
Je ne pensais pas écrire un jour un article à propos du génie du violon
italien
Nicolo Paganini. Pourquoi ? Difficile à expliquer. L'impression d'écouter une musique
criarde et sans grande imagination.
Les goûts et les couleurs… etc. pour
écrire une banalité absolue. Maggy Toon ne peut pas "encadrer" la musique de
Richard Strauss
dont je raffole. Même en concert, les chefs-d'œuvre comme
Don Quichotte
ou
Une vie de héros, elle n'encaisse pas.
Et cela me gênait de ne pas trouver un beau disque à proposer à mes
lecteurs, ne serait-ce qu'à titre de découverte. Ô ce n'est pas la première
fois que je découvre un compositeur célèbre tardivement grâce à une
interprétation qui me séduit et inverse de manière aussi radicale mon
intérêt pour un style musical… Très jeune (14-15 ans), mes références se
nommaient
Beethoven,
Mahler,
Bruckner,
Dvorak. Du symphonique lourd, sans ironie… La découverte de
Mozart
et
Bach
surviendra vers mes 25 ans. Pour
Mozart, merci à
Joseph Krips
et
Alfred Brendel, Et pour
Bach
: merci à
Michel
Corboz,
Hermann Scherchen
et même Fritz Reiner… Plus de quarante ans plus tard, mes interprètes de prédilection sont très
nombreux dans des styles différents de ceux de ces artistes de l'ancien
temps, que les langues de vipères méprisent à tort…
Paganini
est le dernier dans la liste des compositeurs majeurs à pénétrer dans mon
jardin musical secret grâce à la complicité d'Alexander Markov
et
Marcello Viotti.
En regardant les portraits, gravures et même un daguerréotype de
1840 de notre compositeur du jour, je ne peux que trouver une grande
similitude entre la physionomie du violoniste légendaire et celle de
Valentin le désossé immortalisé à sa
manière par Toulouse Lautrec.
Valentin le désossé : le danseur et
contorsionniste squelettique du Moulin rouge à la fin du XIXème
siècle, l'âge d'or du French-cancan. (Le peintre avait une vision très personnelle de l'artiste qui, photos à
l'appui, n'avait ni la maigreur ni le nez busqué tels qu'ils
apparaissent sous le pinceau de Lautrec – juste une petite note en
passant, vous connaissez ma passion pour la peinture.)
Me voici en galère pour proposer un portrait exhaustif mais concis de
Nicolo Paganini. Entre le paragraphe étique quoique pertinent de la pochette du disque
signé Alain Cochard et l'article expansif et romanesque digne
d'Alexandre Dumas dans Wikipédia, quid de l'essentiel ? Pour
Beethoven
ou
Mahler, j'avais des décennies de lectures d'ouvrages et d'articles au compteur
pour m'inspirer. Mais là… sachant que je hais le copier-coller scolaire.
Alexander Markov |
Historiquement, mon inconscient situait
Paganini
au début du XIXème siècle dans le fil de l'histoire musicale ; en
deux mots un contemporain de
Mendelssohn
en ce début de l'époque romantique dont
Beethoven
posa la première pierre en 1803 avec la
symphonie héroïque. J'imaginais le compositeur comme ayant révolutionné le jeu du violon par
l'invention de prouesses techniques extrêmes et modernistes, mais aussi un
virtuose nous léguant un patrimoine d'œuvres plus vertigineuses
qu'émouvantes… Du vrai, et beaucoup d'apriori donc d'erreurs…
Avant toute chose, il faut remonter d'un bon siècle au milieu du XVIIème
où, en Italie, un luthier nommé Antonio Giacomo Stradivari (alias
stradivarius) perfectionne tel un magicien les violons au son encore
râpeux et échappant à toute norme de fabrication. Né en
1644 (l'artisan vivra 93 ans !!) avec ses élèves, le plus connu étant
Andrea Guarneri, Stradivarius produira un millier
d'instruments dans son atelier dont 600 violons qui sont encore les Rolls
des virtuoses, 300 environ ont disparu, et quelques altos et violoncelles et
même trois guitares.
Ce perfectionniste entré dans la légende répond par son art à un besoin
nouveau : l'émergence du groupe de violons dans les orchestres, les premiers
concertos grosso. L'instrument acquiert sa forme standard, gagne en
puissance pour jouer dans des salles de plus en plus vastes et la beauté des
sonorités résulte d'un choix rigoureux des essences de bois, des colles et
des vernis dont la composition reste encore mystérieuse…
Depuis le Moyen-Âge, le violon n'est guère considéré que comme un
instrument criard destiné à accompagner danses de village ou de cours. Une
tradition qui perdure chez les tziganes. Un premier saut qualitatif au début
de l'époque baroque, celle de
Monteverdi
vers 1600, offre au violon un premier essor. Les luthiers italiens
vont le propulser au premier rang ; citons
Bach
et ses sonates et partitas ou encore
Vivaldi
et ses centaines de concertos. Si
Mozart
l'utilise dans l'orchestre en multipliant les effectifs, il se passionne
plutôt pour le piano forte en lieu et place du clavecin pour ses ouvrages
les plus profonds psychologiquement parlant.
Après les instruments à clavier un peu clinquants dont disposait Mozart, le piano ne cesse de se perfectionner, tant pour sa tessiture qui s'étendra de 5 octaves pendant le siècle des lumières à 7 octaves et demi cinquante ans plus tard. En 1821, Erard invente le levier de répétition (ou double échappement) qui permet d'enchaîner à une vitesse folle les quadruples croches, prestissimo. Chopin puis Liszt, virtuoses à la sensibilité géniale ouvrent le bal des chefs-d'œuvre du répertoire pianistique ; Ravel, Debussy, Rachmaninov ou Prokofiev ont poursuivi cette route au XXème siècle… Paganini serait-il le Chopin du violon ?
Pourquoi cette digression ? L'expansion de l'art pianistique a eu lieu
grâce à des améliorations importantes des mécanismes des claviers à la
demande des pianistes (Sonate
Hammerklavier
de
Beethoven). À l'opposé, l'enrichissement de la technique très virtuose du violon est
le fruit de la dextérité ingénieuse et hors norme d'un
Paganini
ne modifiant en rien des instruments d'une facture définitivement parfaite
depuis un siècle… Deux processus résolument inverses.
Antonio Giacomo Stradivari |
Il me semblait que
Paganini
pouvait revendiquer à lui-seul la découverte d'une dextérité totalement
folle, d'une difficulté inouïe réservée à une élite. Étudions cela. Grande
différence avec le piano,
Paganini
ne modifie pas les merveilleux instruments de Stradivarius, non, ce
sont ses doigts qui vont discipliner les cordes et moderniser la technique
au-delà du possible !
Niccolò Paganini
voit le jour en 1782 à Gênes et nous quittera en 1840. Deux
dates qui répondent à mes interrogations. 1780, l'âge d'or de
l'époque classique ;
Mozart
entre dans sa dernière décennie de vie, la plus innovante, mais aussi la
plus douloureuse sur le plan matériel, minée par la perte de reconnaissance
du public frivole de Vienne et une santé qui se dégrade.
Beethoven
n'a que dix ans mais
Haydn
est au faîte de sa gloire. D'origine modeste, le père est docker et
gratouille de la mandoline,
Niccolò doit apprendre le violon sous les coups de triques du paternel autoritaire.
Le bonhomme agit suite à une illumination de son épouse qui a vu l'enfant
jouer du violon en prodige… Gamin surdoué, il maîtrise le violon dès sept
ans et se produit en public à onze ans. Des fausses notes et paf : privé de
repas ! Ah les bonnes vielles méthodes, le Mozart du violon ! À huit ans il a composé sa première sonate dont le
manuscrit est perdu.
Comme tout futur virtuose,
Niccolò doit suivre des cours. L'affaire est presque comique dans le sens où il va
collectionner, pour ne pas dire démoraliser, maints professeurs qui, un à
un, vont jeter l'éponge car moins talentueux que leur jeune élève… Sur ce
parcours chaotique, je préfère vous conseiller la lecture sur Wikipédia ; la
pluralité du casting éducatif laisse pantois 😊. Pendant l'adolescence, Paganini suivra les cours de composition de
Ferdinando Paër, petit maître italien surtout connu pour ses 55 opéras oubliés de nos
jours.
Ce parcours initiatique conduit Paganini
à s'accoutumer à d'incessants voyages. Lors de la prise de Gènes par les
armées napoléoniennes, la famille se réfugie en Italie du nord et le jeune
virtuose âgé de 18 ans fait bouillir la marmite en se produisant dans des
concerts où son exceptionnelle virtuosité le rend rapidement célèbre.
Paganini sera l'un des premiers compositeurs-interprètes à gérer à la manière du
show-biz sa carrière… Et cela peut expliquer sa réputation de violoniste
privilégiant un jeu spectaculaire par rapport à l'expressivité émotionnelle,
comme celle d'un Mozart ou d'un
Beethoven. Le musicien stupéfie par ses techniques de jeu "diaboliques" (le violon
du diable) dont il garde le secret.
Marcello Viotti |
On pense que
Paganini, comme Liszt, Rachmaninov
ou encore Lincoln et le Général de Gaulle, était atteint du
syndrome de Marfan. Les symptômes de
cette pathologie rare : grande taille, allure élancée, des mains extensibles aux
articulations très souples. Ce syndrome est encore mal connu et le seul
aspect dangereux est le risque hémorragique. Les écarts dans les partitions
de Rachmaninov
sont tels que des pianistes de petite taille comme
Maria-João Pires
ne peuvent les jouer. Voir la vidéo de
Yuja Wang
dans le début du
2ème concerto
de Rachmaninov. Les huit accords initiaux à la main gauche défient la morphologie des
mains de la jeune chinoise. Des années de travail sont nécessaires pour
compléter des prédispositions ethniques.
Tout cela pour en arriver aux caractéristiques de prestigiateur du jeu de
Paganini
: vélocité, précision, délicatesse, mais surtout la capacité de jouer à la
main gauche à la fois des pizzicati tout en continuant le jeu mélodique avec
l'archet, n'utiliser pour un morceau que la corde de sol (la plus grave),
insérer des demi-tons dissonants avec élégance, il invente aussi des
positions corporelles et une gestuelle spécifique, etc. pour l'essentiel.
Ajoutons une oreille absolue. Il jouait avec autant de talent de la
guitare.
Jusqu'à la trentaine il vit à Lucques en Toscane mais assure des tournées
en Italie. Le succès sera toujours au rendez-vous. Paganini, à lire les chroniques n'est guère un type sympathique. Hâbleur et
querelleur, Il méprise et brocarde ses concurrents moins habiles. Homme à
femmes sans scrupule, ses frasques le conduiront même à la case prison en
1814 (au violon 😊). Quand je parlais de Dumas. Il se produit dans des centaines de
concerts et accumule une fortune colossale. (Il possédera 11 stradivarius.)
L'Empire Napoléonien s'est effondré et toutes les grandes villes de la
Péninsule lui ouvrent les portes avant son départ pour l'Autriche. Parmi des
aventures galantes (qui lui permettent de contracter la syphilis), celle
avec Antonia Bianchi dure quatre ans, le temps que naisse
Achille Ciro Alessandro, son unique enfant, encore une liaison
éphémère qui s'achève en procès. Toujours aussi excentrique, il séjournera
en Autriche (à Vienne bien entendu), en Allemagne, en Pologne et en
France.
"Il Cannone" du luthier |
Ses voyages offrent à
Niccolò l'opportunité de rencontrer les grands compositeurs de l'époque comme
Berlioz
qui lui proposera un concerto devenu
Harold en Italie car
Niccolò ne l'interprétera jamais. Les dernières années, minées par la maladie et
un cancer de la gorge, il se fait plus discret. On lui refuse des obsèques
religieuses du fait de sa vie dissolue et de la rumeur qui le poursuit
qu'il aurait passé un pacte avec le diable pour jouer aussi bien. Cela
dit, pendant l'agonie, un évêque le visite et balance "Alors hein, c'est fini de jouer du crin-crin", quel tact, quel miséricorde Monseigneur !
Paganini
revit juste le temps de le foutre à la porte. Sa dépouille ne sera inhumée
en terre consacrée qu'en 1876 (je simplifie, le cercueil lui aussi
"vivra" – elle est bien bonne – un
drôle de périple). Laissons ici le romanesque style Paris Match.
Paganini
atteint la postérité plutôt par son inventivité hors norme dans l'emploi
du violon que par son catalogue d'œuvres entièrement composé d'ouvrages
pour violon et ou guitare. S'y côtoient tous les genres de la musique de
chambre :
sonates,
quatuors,
pièces diverses
pour solistes,
duos… Aucune œuvre symphonique pure. Paganini
a cependant écrit
six concertos. Les
deux premiers
ont leur place dans le grand répertoire, les quatre suivants n'apportent
rien d'original et sont rarement joués. Le monument issu de sa plume
demeure les
24 caprices
qui complètent ce disque et ont été composés entre 1802 et
1817. Ils sont enchanteurs mais seuls quelques virtuoses sont
capables de les jouer. Certains violonistes d'orchestre renoncent à tenter
l'intégralité du recueil. Ils réunissent toutes les innovations et
difficultés possibles, mais au-delà de la prouesse technique, le charme
artistique est bien présent, quand même.
Alexander Markov
est brillant mais
Julia Fischer
touche au sublime (YouTube).
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Les intégrales des gravures des
six concertos
sont rares ; l'un d'entre eux ayant été orchestré au XXème
siècle par Federico Mompellio. Le coffret les réunissant sous
l'archet de Salvatore Accardo en complicité avec Charles Dutoit dirigeant le Philarmonique de Londres
reste une forme de référence malgré un son un peu pâteux (DG -
1975). Les deux premiers
concertos font le bonheur des virtuoses. Qui sont les interprètes du jour
?
Alexander Markov
est un violoniste yankee d'origine russe né en 1963. Son père étant
également violoniste, papa et fiston se produiront en duo et en concert
après les années d'études. Alexander Markov
est sans conteste un spécialiste reconnu de
Paganini
; il a remporté le
Concours international de violon Niccolò Paganini
en 1987. Concertiste invité dans les salles de renom et par les
orchestres les plus prestigieux, il est surtout connu pour avoir interprété
en une seule soirée les 24 caprices, prouesse qui a donné lieu à un la
parution d'un DVD filmé par Bruno Monsaingeon. (1H20 non-stop.)
Citons
Yehudi Menuhin
: "Il est, indéniablement, le plus brillant et le plus inspiré des
violonistes actuels…
". Il a adopté la nationalité américaine en 1982.
Helvète de naissance (1954), Marcello Viotti
n'a guère eu le temps d'atteindre la célébrité, un AVC l'ayant terrassé à
l'âge de 50 ans en pleine répétition en 2005 de
Manon
de
Massenet. Il venait de prendre en 2002 la direction du Théâtre de la Fenice à Venise, une promotion enviée et prometteuse d'une carrière exceptionnelle. Il
avait créé à ses débuts un orchestre de vents et enregistré une rareté :
l'opéra
le roi Arthus
de
Chausson
; Viotti
: un artiste qui aimait sortir des sentiers battus. Il dirige pour ce
disque l'orchestre de la Radio de Sarrebruck.
Paganini par Ingres |
Concerto N°1 opus 6 en ré majeur
La composition date de 1817-1818. Ce n'est donc en aucun cas une œuvre de
jeunesse.
Paganini
a déjà imaginé routes les diableries techniques qui émaillent le jeu pour le
moins fantasque et brillant de l'ouvrage. La partie orchestrale paraît plus
académique mais possède une certaine galanterie. Inutile de chercher à
établir pour ce second point le parallèle entre la dizaine des derniers
concertos pour pianos de Mozart
et les trois derniers de Beethoven
dans lesquels la partie orchestrale revêt des dimensions symphoniques dans
le sens le plus noble du terme, la métaphysique faisant jeu égal avec
l'introspection distillée par le soliste. Pour Paganini, l'orchestre accompagne le soliste qui a la vedette, mais avec un certain
brio, reconnaissons-le !
L'orchestration définitive épouse la forme à la mode depuis les symphonies
de
Haydn
et les concertos de
Beethoven
mais enrichie sensiblement en percussions : 2 flûtes, 2 hautbois, 2
clarinettes, 1 basson + 1 contrebasson, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones,
timbales, cymbales, caisse claire et cordes. La partition originale était
plus légère. Il y a eu lors de la publication un micmac au niveau des
tonalités originelles (voir Wikipédia, c'est confus).
Comme tout concerto classique, la forme est en trois mouvements (trois
vidéos YouTube enchaînées pour chaque concerto) :
1 - Allegro maestoso – Tempo giusto :
Ah quelle introduction volubile et guillerette ! Nous cheminons bien en
Italie, loin des brumes des forêts viennoises. On pensera à
Rossini. La thématique ne prend pas aux tripes comme chez
Beethoven
mais se mémorise facilement. Pas de passion foudroyante mais de la bonne
humeur… [0:00] Un accord hautain ff est suivi de l'exposé d'un motif
martial et espiègle. La cymbale rythme ces mesures festives. [0:30] La
seconde idée est plus galante mais non moins animée. Marcello Viotti
amuse par la vitalité du phrasé. [3:09] Le violon fait son entrée après
cette ouverture qui fleure bon celui d'un l'opéra-bouffe. Du violon de
Paganini
jaillissent fantasmagorie et sensualité, des arpèges montants ou
descendants vertigineux. Le son de Alexander Markov
m'a séduit par son manque d'acidité, de "crincrin" comme balançait ce prélat d'une grossièreté ahurissante face au maître
agonisant… Je ne commenterai pas cette œuvre mesure par mesure comme
souvent, une analyse passionnante à rédiger mais sans doute ennuyeuse à lire 😉. ("Mais non Claude, ne te laisse pas influencer par Luc".) Apprécions cette belle
musique au phrasé aisé à suivre car spontané, sans dramaturgie.
L'architecture paraît simple, c'est ce que le public du virtuose
attendait, mais ne cède en rien à la facilité. Le violon virevolte tel un
lutin facétieux. Une musique pétillante me dit Maggy Toon. La cadence est, on pouvait s'y attendre, diabolique de virtuosité… Waouh !
"Le violon de Paganini", tableau de |
2 – Adagio :
Le mouvement lent est court et débute sur des "accords arpégés" puissants de
tout l'orchestre, en tutti. Un effet tragique familier du style de
Verdi
(Rigoletto) que
Paganini
appréciait.
Rossini
dans l'allegro,
Verdi
dans l'adagio, l'influence de l'âge d'or de l'opéra italien est indéniable.
Le discours très loquace du violon, l'incroyable variation du récit musical
notamment par ses ruptures de rythme évoque un air de bravoure chanté par un
héros de la scène lyrique. Chaque accord est suivi d'une mélodie énigmatique
syncopée des cordes puis des bois à laquelle le violon répondra de manière
mélancolique.
Paganini
abandonne les exploits violonistiques qui font sa fierté pour privilégier
l'écriture d'une pièce méditative et contrastée. Le solo de violon est
tendre et sensuel, féminin ; ce qui justifie un bref dialogue avec le viril
basson. [2:26] le développement est en forme de reprise avec variations. Une
soirée étoilée en Toscane… [3:44] L'adagio se prolonge dans un climat plus
grave avec les trombones qui obscurcissent un temps le propos avant une coda
affligée.
Paganini
pensait n'être qu'un piètre compositeur… Fausse modestie ?
3 - Rondo : Allegro spirituoso – Un poco più presto :
Après cet adagio langoureux, retour au marivaudage. Le violon retrouve son
alacrité vertigineuse. L'orchestration est plus "fonctionnelle". Ah, il en
raffole
Paganini
de ses combinaisons arco (archet) et pizzicati de concert (sans jeu de
mot). Une soirée festive où s'imposent des figures techniques surréalistes
[1:39] arpèges chromatiques à l'octave, merci pour la chanterelle…
[5:09] La seconde partie ne dédaigne pas l'humour avec une sinueuse et
ironique ligne de chant qui fera grincer des dents… quand le violoniste
n'est pas en forme. Un rondo très acidulé quoiqu'un soupçon répétitif. (Partition)
Concerto N°2 opus 7 en si mineur
Paganini
écrit son second concerto huit ans plus tard en 1826. Les progrès
sont fulgurants. Le violon dans le premier concerto s'imposait à la première
place jusqu'à l'hédonisme. Le travail sur l'orchestre se limitait à un
accompagnement certes coloré et sans mièvrerie mais répétitif. Dans ce
premier essai,
Paganini
se faisait ostensiblement plaisir à avantager la virtuosité. Le tissu
orchestral se révélera ici plus allégé en recourant à une orchestration
moins percutante : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 1 basson + 1
contrebasson, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones, clochette (La Campanella) et cordes. La disparition des cymbales, des timbales et de la caisse
claire me plaît bien. La sonorité n'en est que plus poétique, presque
chambriste.
Clochette d'orchestre |
1 - Allegro maestoso : L'introduction se démarque de la gloriole solennelle de celle du 1er concerto par un inquiétant frémissement dans le groupe des cordes p<f ; des trilles de doubles croches piquées. Nous émergeons du ravin infernal du récent Freischütz de Weber… (1821). (Paganini ajoute une corde à son "arc"het dans son contingent d'influences après celles des maîtres italiens.) Quelques pizzicati énigmatiques et voici l'exposé d'un premier thème d'une belle prestance. Les cordes dominent le dialogue musical, cool : la percussion a disparu, l'orchestre de Sarrebruck* confirme sa réputation de bel ensemble pour une phalange régionale. Paganini nous plonge dans le climat le plus romantique qui soit. [2:55] Entrée du violon mais sans emphase, un jeu moins spectaculaire que lors de son premier essai. Une partie de violon très volubile tout de même. On ressent un petit vent épique dans cet allegro aux accents héroïques. [7:16] Le développement s'annonce par des trilles facétieuses du groupe des bois, une transition pour le moins inhabituelle. On retrouve la mélodie extravagante du violon, opposant des sauts harmoniques vertigineux à une mélopée d'une grande poésie. J'aime de plus en plus… [11:56] Une idée me traverse la tête en écoutant la cadence, à savoir l'impression d'entendre un duo voire un trio de violons en savourant la multitude délirante de notes. [13:24] L'arpège descendant en trilles d'une myriade de notes laisse "baba" ; rien de surprenant que l'on suspecta Paganini d'organiser des messes noires pour bénéficier des largesses de Satan pour atteindre un tel niveau de technique (Heureusement que les bûchers de l'inquisition étaient passés de mode 😊).
(*) l'orchestre de Sarrebruck a déjà été présenté dans le blog dans la chronique consacrée à la
symphonie N°1
de Bruckner
dirigée par Stanislaw Skrowaczewski
(Clic). Le chef polonais y réalisa une intégrale Bruckner
de référence.
2 – Adagio
: L'appel des cors au fond des bois et le chant des oiseaux aux flûtes dans
les ramures. Encore une similitude frappante avec l'ouverture du
Freischütz. On ne peut plus douter que
Paganini
s'inscrit dans l'époque romantique, celle de cet opéra nourri des sombres
forêts et sorcelleries du moyen-Âge. Nota :
Paganini
était présent le 28 juin 1821 lors de la création de l'opéra… Une
phrase pleine de noblesse s'élance aux cordes, phrase suivie du retour des
cors et de la flûte. Le violon amorce une mélodie séduisante appuyée par de
légers pizzicati, un troubadour charmant une donzelle ? Ce matériau
thématique est repris à la manière d'un conte, avec de charmantes
péripéties, une page très gracieuse.
3 - Rondo à la clochette
: Campanella, soit clochette en italien : un surnom qui provient de l'emploi par
Paganini
d'une petite clochette d'orchestre qui marque le début des divers épisodes
du rondo final (une forme sonate avec diverses variations commençant par les
mesures du motif initial). Un air très connu, joyeux et chorégraphique qui
achève dans l'allégresse ce beau concerto ; le violon retrouve son
droit à se jouer des pires artifices et difficultés… (Partition
– peu lisible, désolé.) La coda, inattendue, dépeint une fête de cour royale
avec le violon qui se promeut bouffon du roi. Mille merci à
Alexander Markov
et
Marcello Viotti
de m'avoir enfin enchanté avec cette musique pétillante et cocasse.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Suite à cet engouement récent, j'ai cherché d'autres enregistrements avec
lesquels le plaisir d'écoute serait enfin au rendez-vous. Donc, cette
sélection est pour le moins subjective. Des amateurs de longue date pourront
la compléter et même la critiquer (positivement, merci 😊)
Si
Menuhin
début des années 60 pour EMI en mono propose une lecture de grande
classe, l'orchestre (pas de nom) et son chef méritent un licenciement
collectif. Pu**ns de cymbales, ce n'est pas un défilé militaire ce
1er concerto
!!
Salvatore Accardo
et son intégrale pour DG toujours au catalogue est surtout connu pour
son affinité avec
Paganini. Mais un coffret de 5 CD… Je préfère ne serait-ce que pour la clarté du
son ses enregistrements des années 60 avec l'orchestre de Baden-Baden dirigé par le chef français
Ernest Bour, un maestro à redécouvrir qui fit sa carrière en Allemagne et fut un
chantre de la musique moderne (SWR – 5/6). La poésie qui se dégage
concurrence celle de l'album de ce jour. Un son de violon lumineux, logique
pour ce virtuose italien. En prime le
24ème caprice.
-
Sonia, Luc, Pat, Rockin, Bruno, arrêtez de vous foutre de moi !!!!!!
Explication à cette "Hilaryté" : me revoilà avec ma petite violoniste
chérie
Hilary Hahn. Son jeu tout en délicatesse ne pouvait que me séduire, subtile et
féminin, sans artifice, mais bizarrement un chouia désengagé… Et, deux fois
hélas : le
1er concerto
seulement (plus le
8ème
de
Sphor
à écouter en faisant la vaisselle) ; autre handicap, la direction pataude de
Seiji Oue, pourtant un bon chef ; des tempos trainards et un
orchestre de la radio suédoise
lourd et lisse mal servi par une prise de son qui privilégie les graves.
Uniquement pour le fan club de la fée de l'archet (DG – 4/6).
- Ben oui un disque moyen pour Hilary, inutile de se poiler comme ça,
bande de rigolos !!!!!!
Dernier CD pour la route. Le violoniste israélien
Ivry Gitlis
(1922-2020) grave en 1967 les deux premiers concertos pour
Philips accompagné par
Stanislaw Wislocki
dirigeant l'orchestre de la philharmonie nationale de Varsovie. La lisibilité et la dynamique de l'orchestre est fabuleuse, la
précipitation de
Gitlis
montre quel virtuose était cet artiste, mais cette cavalcade manque dans les
accelerandos de pétulance ; voilà la barrière qui m'a laissé si longtemps
dubitatif à l'écoute de
Paganini. Un beau témoignage de cet homme sympathique qui nous a quittés il y a
peu, à 98 ans. (Philips – 5/6).
Ivry Gitlis
était aussi comédien de second rôle (Histoire d'Adèle H, Maigret et l'homme tout seul…) et très présent sur le petit écran pour contribuer à la vulgarisation de
la musique Classique par une complicité fréquente avec
Jacques Chancel ("Le Grand Échiquier").
Et en bis pour ceux qui ont eu le courage de lire ma prose, le
24ème caprice
par
Julia Fisher
dans l'interprétation extraite de celle du cycle complet pour
DECCA qui remporta "haut la main" une confrontation entre six
gravures lors d'une émission "
La tribune des critiques de disques" sur France Musique en décembre 2018.
Claude, fait une recherche sur Google image, tape "Blonde on blonde"... tu verras qui est réellement ton violoniste !
RépondreSupprimerProbablement le premier musicien à avoir gagné la légende d'un pacte avec le diable. Bien avant donc Robert Johnson 😊.
RépondreSupprimerPaganini est une grande influence pour certains guitaristes de heavy-metal ; notamment ceux qui sont férus de musique classique, et qui s'en inspire largement pour leurs propres compositions (le Métal néo-classique). [ceux qui irritent les oreilles sensibles du Toon] Le plus connu devant être le Suédois égocentrique Yngwie Malmsteem.
Waouh un caprice de Paganini à la guitare (le 24ème et dernier, le plus difficile car en thème et variations) ; il faut oser !!!! surtout avec ce tempo d'enfer. https://www.youtube.com/watch?v=F74Tw99qfRg
SupprimerYngwie Malmsteem est un sacré virtuose pour ceux qui doutent des talents des instrumentistes Rock... Phrasé un peu sec quand même histoire de la ramener coûte que coûte :o)
Pardon Sonia ? Oui j'enfonce une porte ouverte et quoi encore... Oui Luc a raison : Alexander Markov est le petit frère de Dylan ; tout à fait mon petit...
Virtuose, Malmsteem ? Probablement. Et il se considère comme tel. Il a une très haute opinion de lui-même... �� Et il se sent malheureusement obligé d'en faire des tonnes, de surjouer, de faire des démonstrations incessantes "prouvant" qu'il serait le plus rapide. Au détriment de l'émotion. Un peu comme un exploit sportif. Intéressant, au début, et puis, ça lasse rapidement. C'est même fatiguant, d'autant plus que trop souvent, ses chansons paraissent n'est qu'un décor pour ses "majestueux" soli. ��
SupprimerAlors qu'avec juste un peu de simplicité et de sobriété, il n'en paraîtrait que meilleur. Voir ci-dessous.
https://youtu.be/6QvOp2zLcGo
https://youtu.be/BPPrAYwKVqY
https://youtu.be/5QiJNmMrC7s