- Mais dis donc Claude, c'est la dernière symphonie de Bruckner non
commentée ! Tu avais commencé en juillet 2012 par la
5ème…
- Et oui Sonia, dix symphonies avec la N°0 ! Et on termine par la plus
concise et optimiste, et puis cette œuvre préfigure l'art très particulier
du compositeur…
- Oui j'entends cela, c'est énergique et teutonique si je puis dire, bien
carré… À ne pas écouter à 2 heures du matin, hihihi…
- En effet ma belle, un allegro tri thématique, des mélodies élégiaques
aux cordes, des chorals de cuivres et bien entendu, une huitaine
d'éditions et de révisions…
- Tu me gâtes pour le nom du maestro : Stanislaw Skrowaczewski !
Heureusement que l'on a inventé le copier/coller, un polonais à tous les
coups, mort ou vivant ?
- Il nous a quittés en 2017 à 93 ans toujours en exercice, le doyen
absolu de la direction que ce chef d'origine polonaise en effet, mais
naturalisé américain.
Bruckner, caricature de 1885 |
Je ne reviens plus sur le pittoresque personnage : l'esprit monastique chez
un fils d'instituteur laïc né en
1824 près de Linz, le petit
bonhomme célibataire et ventripotent sans l'élégance ni le savoir-vivre
mondain tant appréciés à l'époque, dépressif et peu alcoolo, retouchant à
longueur de vie ses symphonies dont la plupart ne seront jamais jouées en
leur temps car trop virtuoses pour les orchestres du XIXème
siècle, symphonies ridiculisées par les critiques, son admiration pour
Wagner, et la reconnaissance bien tardive au crépuscule de sa vie qui s'achève en
1896. Une biographie plus
détaillée est à lire dans la chronique de 2012
(Clic), l'Index
récapitule tous les billets consacrés aux
9 symphonies
déjà écoutées.
Comme pour
Beethoven,
Schumann
et
Brahms, j'ai essayé de varier les plaisirs en commentant pour chacune des
symphonies une interprétation sous la baguette d'un chef différent. Le cycle
brucknérien n'échappe pas à cette règle. Il faut dire que si les symphonies
furent méprisées malgré des réécritures et mutilations pas toujours
bienvenues du vivant de leur auteur, depuis les années 60, elles sont à la
mode, surtout les trois dernières. Les symphonies 0, 1, 2, 3 et 6 restent
encore les parents pauvres dédaignés par les organisateurs de concerts. Les
interprétations en disques isolés de la
1ère symphonie
sont moins nombreuses que celles des 7 à 9. Et c'est dommage car, bien
dirigée, elle constitue avec ses 45 minutes une excellente initiation au
maître autrichien. On la trouve heureusement bien servie dans les
intégrales. On sera surpris du choix du plutôt méconnu
Stanislaw Skrowaczewski conduisant un orchestre guère plus célèbre, l'orchestre de la radio de Sarrebruck. Si je vous dis que lors d'une écoute comparée en aveugle de gravures de
la monumentale
8ème symphonie
par la revue Classica,
l'orchestre et l'artiste se sont hissés en tête du palmarès devant des hits
de
Karajan,
Jochum
ou
Wand, vous aurez raison d'en déduire que le succès est souvent affaire de
business et de publicité, de notoriété des labels (une certaine étiquette
jaune), etc. En plus quand vous avez un patronyme quasi imprononçable😞. J'anticipe. Parlons de la genèse de la 1ère symphonie.
Anton Bruckner
compose en réalité sa
seconde symphonie
quoique numérotée 1. La
symphonie N°0
encore parfois datée
à tort de 1869 a en fait
été composée vers 1863 à en
croire la correspondance échangée à ce sujet. Le compositeur la rejettera de
son catalogue, la trouvant datée voire dépassée, de style trop classique. Il
ressortira pour notre bonheur ce charmant "prototype" en
1895. (Wikipédia raconte des bêtises à ce sujet, désolé de le dire ; cela dit,
faire le tri entre les partitions des trois époques est difficile, le
manuscrit original est perdu).
Stanislaw Skrowaczewski |
En résumé, la
1ère symphonie
écoutée ce jour marque le virage entre la fin d'une période d'initiation
partagée entre des ouvrages religieux et des essais symphoniques encore
empreints de la tradition beethovénienne et romantique, et un style
ambitieux moderne mêlant mysticisme, polyphonie complexe et chromatisme.
Bruckner
ose tout désormais : la variété des thèmes, la brutalité des transitions,
une puissance granitique des tuttis, des proportions qui ne cesseront de
s'élargir jusqu'à la
8ème symphonie
de 1H20. Le choix de la tonalité se porte ici sur
l'énigmatique Ut mineur, celle de la
5ème
de
Beethoven. La symphonie ne reflète pas encore les profonds élans mystiques
caractéristiques des
symphonies 5,
8
et surtout de la
9ème
dédiée "au bon Dieu".
Bruckner
sera le chantre des modes mineurs les plus sombres comme le ré mineur.
L'orchestration est classique pour l'époque : 2+1/2/2/2, 4 cors, 2
trompettes, 3 trombones, timbales et cordes.
La symphonie comporte quatre mouvements avec un scherzo en troisième
position.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Quand on atteint l'âge canonique de 93 ans encore actif, on désespère votre
rédacteur chargé de rédiger votre biographie.
Stanislaw Skrowaczewski est né en 1923 à
Lwow, en Pologne devenu Lviv,
en Ukraine. Précoce, il débute sa formation de pianiste dès 4 ans et compose
à 7 ans (de la musique symphonique !!). C'est le temps du partage
germano-russe après l'écrasement de la Pologne, pays qui va connaître cinq
ans de martyr. Il apprend l'anglais en écoutant en secret la BBC et continue
de travailler son métier de musicien. Enrôlé lors de l'invasion nazie, il
est blessé à la main, sa carrière de pianiste est hélas terminée. Après la
guerre, il dirige de nombreuses formations en Pologne et obtient de venir se perfectionner à Paris auprès de
Nadia Boulanger
et d'Arthur Honegger.
En 1958, le maestro
George Szell
l'invite a dirigé l'Orchestre de Cleveland. George Szell qui règnera sans partage de
1946 à
1970 sur la phalange haut de
gamme US. Stanislaw Skrowaczewski est naturalisé américain en
1959 et de
1960 à
1979, il devient directeur de
l'Orchestre de Minneapolis (devenu
Orchestre du Minnesota). Il succède à
Antal Dorati
qui en a fait un orchestre de très haut niveau. De
1983 à
1992, il prend la direction de
l'Orchestre de Hallé
que là aussi
John Barbirolli
avait fait entrer dans la légende. Je n'énumère pas tous les orchestres
prestigieux qu'il dirigera. En plus de cette carrière de maestro
hyperactive, il compose des œuvres sur commande.
On dispose de disques chez divers labels anciens mais c'est surtout le
petit label OEHMS qui lui
offrit ses meilleurs micros. Pour son 90ème anniversaire,
OEHMS publie un coffret de 28
CD qui réunit entre autres des intégrales de symphonies gravées avec l'Orchestre de la radio de Sarrebruck, excellent ensemble formé à un large répertoire classique et contemporain
à l'école de
Hans Zender,
Myung-Whun Chung
ou encore
Günther Herbig
par exemples. Des intégrales de
Beethoven,
Brahms,
Schumann, et bien entendu de
Bruckner.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
J'ai découvert la
1ère symphonie
vers 1981 avec l'enregistrement
d'Herbert von Karajan qui terminait son intégrale
Bruckner
inégale avec la
Philharmonie de Berlin. Début du numérique aidant, j'avais à la fois apprécié d'entendre en vraie
grandeur et sans saturation la vaillante symphonie. Interprétation un peu
tapageuse que j'écoutais peu fréquemment. La réédition de l'interprétation
de
Daniel Barenboïm
avec
Chicago
puis il y a quelques années, la parution de celle d'Abbado à
Lucerne
m'avaient réconcilié avec l'ouvrage grâce à un trait fluide et subtil. Avec
Stanislaw Skrowaczewski, la donne est encore différente…
Avant toute chose, comme souvent avec
Bruckner
il existe un fouillis inextricable de réécritures, donc d'éditions proposées
par divers musicologues. Pour essayer de faire simple, on distingue quatre
périodes : Une version préliminaire de
1865-1866, une version dite de
Linz de 1866-1867, une autre
dite "révision de Linz" de
1877-1884 et enfin, au
crépuscule de sa vie, le compositeur "simplifie" son œuvre en
1891 malgré les conseils de ses
amis, mais
Bruckner, enfin reconnu, estime que c'est la meilleure. Pour les éditions cinq
spécialistes ont travaillé sur le sujet !
Doblinger en
1893 (quasiment jamais
enregistré), Haas en
1935,
Nowak en
1953 à partir des retouches de
1877,
Brosche en
1880 respectant les vœux du
compositeur de 1891, et enfin
Röder en
2016 restituant la version de
la création de 1868.
Une variété d'éditions qui rappelle les tripatouillages déments sur la
3ème symphonie. Mais attention, les différences sont plutôt des améliorations concernant
des détails solgéfiques ou orchestraux, pas des coupures ineptes comme pour
la
3ème
complètement déséquilibrée, ou des réécritures complètes comme pour la
4ème
ou la
8ème symphonie
(ajout des harpes, bois par 3, nouvelle coda du 1er mouvement).
Ce paragraphe montre deux choses : le manque de confiance de
Bruckner
laissant trop souvent des élèves ou des "amis" revoir plus ou moins à bon
escient les partitions et également un souci de perfectionner ses œuvres, de
les faire murir. L'édition
Nowak (comme aujourd'hui) est
la plus jouée mais le travail de
Brosche et de
Röder passionne de plus en plus
les chefs…
1 - Allegro
: Il y a deux semaines, nous soulignions à propos de
Schubert
composant en 1814 sa
2ème symphonie
son attrait pour les mélodies rythmées, les marches et processions, les jeux
de tonalités ; en un mot, le portrait d'un jeune compositeur romantique
tentant d'extraire la musique symphonique des règles de composition
immuables héritées du style classique. Et d'ajouter que
Bruckner
saurait s'en souvenir. L'allegro
confirme totalement cette analyse. Une marche staccato à quatre temps, des
noires pointées sur la note do, une marche obsédante aux cordes graves
notées pp qui "sonne les trois
coups". On ne peut faire plus rythmé et on retrouvera souvent ce style
d'introduction linéaire dans les symphonies suivantes, mais plutôt sous
forme de trémolos ou d'arpèges de pizzicati. [0:03] Le
thème A primesautier et nerveux, assez
long, est joué aux violons avec d'amusants échos disséminés et chantés par
les clarinettes et les cors, plus tardivement aux flûtes.
Bruckner
innove totalement avec cette rythmique appuyée. Pour certains, le
compositeur ose une originalité sans équivalent depuis l'Héroïque
de
Beethoven
en 1803. Excessif ? Non, ça se
défend. Ce premier thème A est développé dans une péroraison qui gagne
crescendo en force jusqu'à un intermède plus calme aux bois et aux cors
[1:06]. [1:22] Le thème B est réservé
aux violons qui énoncent un tendre motif mélodique délicatement articulé,
thème prolongé par les vents, donc un second thème badin contrastant
nettement avec la sévérité du premier. [2:17] Le
thème C surgit avec vaillance : une
scansion véhémente des cordes, autre signature du style brucknérien, ici
appuyée par un choral affirmé des cuivres. En quelques minutes
Bruckner
met en place les éléments esthétiques qui supporteront les 8 symphonies à
venir. L'allegro ne dure qu'une douzaine de minutes et non les 20 à 25
minutes de mise dans les œuvres futures. La suite du mouvement
enchante et surprend par un travail pointilleux et enfiévré de pauses, de
reprises, d'exclamations glorieuses.
[7:04] Bruckner
encore adepte de la forme sonate, assure une reprise des mesures initiales
et du thème A, reprise obligée mais pas da capo. Non,
Bruckner
préfère laisser la musique glisser avec poésie jusqu'à la coda toute en
majesté et affichant un contrepoint complexe, encore une nouveauté pour une
fin de mouvement introductif, le compositeur insérant même une intrigante
citation du violon solo…
Skrowaczewski
adopte un tempo vif mais jamais brutal, en rien teutonique, une mise en
place très aérée, un exploit avec un orchestre somme toute modeste mais
motivé. La légèreté agreste des premières mesures rejettent tout dramatisme
au bénéfice d'une facétie qui nous rappelle que
Bruckner
qui vit encore à Linz est un homme jeune qui n'a pas encore connu les
désillusions à venir à Vienne.
2 - Adagio
:
[11:43]
Bruckner
terminera par l'écriture de l'adagio
début 1866. Lors de la
composition des autres mouvements, il a acquis une audace et une expérience
qui vont lui permettre de composer un
adagio d'une inventivité hors de toute
norme habituelle ; innovation que l'on ne retrouvera pas avant l'imposante
5ème symphonie
dix ans plus tard. L'architecture de forme
sonate est abandonnée pour une forme
tripartite ABA, mais savamment
élaborée.
Peut-on parler de thématique ? Difficile à dire. Les premières mesures
entonnent pp une sombre phrase aux cordes graves rejointes par les cordes aiguës. Un
recueillement au propos indéfini qui fait penser au
Wagner
de
Tristan. [12:33] Un premier groupe mélodique apparaît, une mélopée crépusculaire
chantée par les trois flûtes auxquelles succèdent les clarinettes et les
cors et un très discret roulement de timbales. [14:16] Nouvelle idée : une
ritournelle des violoncelles soutient un chant pastoral des cordes. Toute
tonalité déterminée s'efface dans un
chromatisme offrant une ambiguïté
émouvante aux discours : prière, chanson populaire, nostalgie ?
Bruckner
distribue divers solos élégiaques au sein des pupitres de bois. L'ondoiement
des cordes associée aux interventions concertantes des flûtes et des bois
est l'une des pages les plus sentimentales et finement orchestrées de
Bruckner. La continuité songeuse de la poésie qui se dégage profite de l'absence de
thème structurant. Le compositeur a-t-il voulu opposer cette méditation
erratique à la rythmique incisive des thèmes de l'allegro ? [18:46] six
traits syncopés des trompettes ouvrent une section centrale plus cadencée
comportant l'ébauche d'un thème évanescent [19:39]. [21:31] La musique se
déploie, entremêlant des citations du discours précédent pour aboutir à un
climax certes cuivré, mais étrangement chaleureux, sans effet fracassant. La
coda interrompt en douceur la rêverie.
Linz : carte postale de F.X. weidinger |
4 - Finale: Bewegt, feurig (animé, ardent)
: Il y a une similitude entre le final de la
symphonie "la grande" de
Schubert et celui de cette symphonie - une fois de plus dirait-on - à savoir la
rythmique impétueuse et le recours sans appel à la nuance
ff soutenue, peu de pause, ni
pour les musiciens ni pour l'auditeur.
[32:46] Le thème d'ouverture rappelle ceux de l'allegro
: des traits musclés en arpèges descendants sur une octave, une ponctuation syncopée d'un motif
fracassant des timbales. Les violons attaquent une suite obsédante d'arpèges
rabattus, ou pas, qui vont traverser sans répit le mouvement. Les bois
dialoguent gaiement. [33:29] La reprise est plutôt une variation sur le
motif initial, encore un mode d'écriture cher à
Schubert.
[33:58] Pas à pas le calme revient, la mélodie se veut ludique interrompue
fréquemment par de brèves courses éperdues des cordes en complicité avec les
cuivres. [35:14] Imaginatif,
Bruckner
insert un mouvement dans le mouvement, une section chatoyante et chamarrée
d'échanges facétieux entre les vents. Et tout cela avant de relancer son
incroyable machinerie contrapuntique jusqu'à un tutti aussi grandiose que
goguenard [37:12]. Je ne m'étends pas plus, d'accalmies en furies, de
conciliabules farfelus de l'harmonie à des plaisanteries musicales
furibondes [38:38] & [40:42],
Stanislaw Skrowaczewski efface le pathos brucknérien trop souvent de mise. Le final nous transporte
dans le tintamarre facétieux et braillard d'une brasserie autrichienne. Il
est rare que la musique d'Anton
amuse ; voilà une interprétation d'une intelligence et d'une subtilité qui
surprendra les amateurs du compositeur. La coda est survoltée
ff, on pouvait s'y attendre,
mais le phrasé est ciselé ;
Skrowaczewski
note que la partition s'achève non pas sur un grandiloquent point d'orgue
mais sur une noire syncopée !! Bravo… C'est marqué sur la partition, donc
pas d'hédonisme… Certes en écoutant
Karajan
et sa
philharmonie berlinoise, on ne peut qu'admirer la beauté des cuivres, le soyeux des cordes et la
discipline de l'ensemble, mais, comment dire, il n'y aurait cependant pas un
soupçon d'emphase dans tout cela ? 😄
- Hihihi Claude, tu ne serais pas en train de chipoter par hasard
???
Sonia n'a pas tout à fait tort et le tort tue ; je vous propose donc
l'interprétation du maestro autrichien, vain dieu, quelles belles sonorités
instrumentales !
(Partition Nowak)
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le disque de
Karajan
n'est disponible que dans l'intégrale réalisée dans les années 70-80 (DG
- 4/6 & 5/6 pour la 1ère). Un coffret cher, sans la symphonie
0, et qui hélas, malgré de grands moments, n'est pas une référence
immortelle, la phonogénie de la
Philharmonie de Berlin
ne fait pas tout. Existe-t-il d'ailleurs une intégrale idéale ? Je ne crois
pas. Le disque de
Skrowaczewski
est toujours disponible en album simple tout comme l'intégrale et dans les
deux cas à des prix très modiques. Si l'orchestre de Sarrebruck n'offre pas une virtuosité digne des grandes phalanges de
Berlin,
Vienne
ou
Chicago, l'élégance de l'interprétation emporte bien des suffrages sur le fond.
Donc ne parlons pas de compétition mais plutôt de complémentarité.
En 1967,
Vaclav Neumann
dirige une fulgurante version de l'édition de Linz avec le
Gewandhaus de Leipzig. Il gravera aussi à cette époque les
symphonies 5 et 6
de
Mahler
remarquées car remarquables. Les tempos sont retenus, le chef tchèque
canalise avec brio l'énergie "colossale" inhérente aux symphonies de
Bruckner. Prise de son splendide, l'air circule entre les pupitres. Entraînante et
dionysiaque d'un côté et un peu raide par instant (Berlin Classics
– 6/6).
2012.
Claudio Abbado
arrive à la fin de son combat contre la maladie commencé dix ans plus tôt.
Physiquement, l'homme semble momifié mais le sourire et la passion sont
intacts. Comme chaque été, les meilleurs instrumentistes européens des
orchestres qui ont collaboré avec le maestro italien se réunissent pour un
festival orchestral à
Lucerne. Le chef a souvent dirigé
Bruckner
même si il n'a produit que des gravures isolées. Il a choisi de diriger la
version définitive de la main de
Bruckner
de 1891 éditée par
Günther Brosche. Dès les
premières mesures, une vivacité comparable à celle de
Skrowaczewski
nous prend à bras le corps, mais l'habileté du legato magnifie les
enchaînements et le pittoresque de la polyphonie. La prise de son un peu
terne ne nuit aucunement à la lisibilité du discours, surtout au niveau de
l'harmonie, ouf ! Comme
Skrowaczewski, Abbado
"déwagnerise" et allège le discours parvenant à une transparence très rare
dans ce répertoire. Dans l'adagio, le chef parvient à suggérer la
spiritualité tout en préservant la sincère humanité de la dimension mystique
incontournable chez le compositeur. Le final adopte un tempo détendu propice
à une lecture d'une limpidité sans rivale. (Accentus-music
– 6/6).
Nota, il existe une compilation à prix raisonnable réunissant les
captations de cette symphonie 1 à Lucerne et des symphonies 4, 5, 7 et 9,
chez DG.
L'évolution du style interprétatif au fil des décennies montre que le
Bruckner
aux accents de prophètes bibliques et mal aimé pour sa soi-disant lourdeur
cède la place à ce qu'il était : un homme du terroir fasciné en toute
simplicité par la nature et la miséricorde divine.
Stanislaw Skrowaczewski fut l'un des tout premiers chefs que j'ai connu, tout petit, parce qu'il dirigeait le cinquième concerto pour piano de Beethoven -pianiste : Gina Bachauer- sur le LP que j'avais à l'époque -très belle version, assez musculeuse, belle prise de son Mercury-.
RépondreSupprimerJ'aime assez son intégrale Bruckner, mais je préfère quand même Wand/Cologne et Karajan/Berlin, les deux intégrales que je recommande généralement quand on me demande conseil. Concernant ce dernier, il est généralement de bon ton, en France, de n'apprécier son intégrale que modérément, alors qu'en Angleterre ou en Allemagne, elle est hautement louée -malgré une prise de son parfois ingrate pour certaines symphonies, pour lesquelles on est au tout début de l'ère digitale- : à l'époque de sa sortie, on saluait tout simplement le chef comme le plus grand interprète vivant de Bruckner... Cette intégrale est diposnible dans de très bonne conditions sonores, et enfin remastérisée, en Bluray audio. De pus, elle est assez accessible financièrement : https://www.amazon.fr/Bruckner-9-Symphonies-Herbert-Karajan/dp/B07NTXC6T9/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=ÅMÅŽÕÑ&keywords=Karajan+Bruckner&qid=1582529553&sr=8-1
Je connais cependant assez mal les symphonies, 00, 0, 1 et 2, je ne les écoute que très rarement !
Je fais partie des fans de Karajan avec qui j'ai découvert dans les années 60 les "grands classiques", mais oui son intégrale Bruckner n'est pas celle que j'apprécie le plus. Chose amusante, je crois que c'était aussi son cas :o). Comme je l'avais écrit sur Amazon, elle ne rend pas vraiment hommage à ce maestro dans ce répertoire. DG aurait dû panacher comme il l'a fait pour un double CD Brahms, associer des réussites de diverses époques : la 9 de 1966, cosmique, les 7 et 8 de sa fin de carrière, et conserver les autres, notamment les 1 et la 5 géniale de cette intégrale aux prises de son parfois épaisses (la 8). Je possède au moins une demi-douzaine de versions de chacune des symphonies. Mais uniquement l'intégrale de Jochum à Berlin (pas si datée) et l'iconoclaste intégrale incomplète (3-9) de Celibidache hyper mystique dont on risque de se lasser à cause de la lenteur (1H40 pour la 8). Par ailleurs la pluralité des éditions rend bien difficile la constitution d'une intégrale unique…
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