Nous avions déjà évoqué le réalisateur Robert Aldrich, un dynamiteur de genres, à propos d’un de ses premiers films EN QUATRIÈME VITESSE - clic ici - Nous allons parler d’une de ses dernières réalisations, tournée en 1972. Et là encore, il n’y va pas de main morte. Aldrich était politiquement très à gauche, son style ne plaisait pas à tout le monde. Avec FUREUR APACHE il va encore se mettre le public à dos, ce film signera quasiment la fin de sa carrière.
Aldrich
revient au western, un genre qui évolue à la fin des 60’s sur la représentation
du peuple indien. John Ford leur avait déjà redonné leur dignité dans LES
CHEYENNES, les cinéastes du Nouvel Hollywood en montraient une autre vision,
comme Arthur Penn dans LITTLE BIG MAN (1970), bien avant LA FLÈCHE BRISÉE (Delmer Daves, 1950) et on connait à cette époque l’engagement de Marlon Brando
pour la cause indienne. Et patatras, totalement à contre-courant, Aldrich les
filme en sauvages sanguinaires. Aldrich ne peut être suspecté de racisme, mais
il refuse cette nouvelle démagogie, cette vision soudainement angélique. Il filme la cruauté dans les deux camps. Le
public américain sevré d’images filtrées de la guerre du Vietnam où les
exactions n’étaient pas dues aux seuls GI, rejette le film. Qui peut se voir comme une allégorie du conflit vietnamien, avec ces tuniques bleues qui ne savent pas comment combattre les apaches, et jouent en terrain hostile. Dès le début le
personnage joué par Burt Lancaster, McIntosh, résume les intentions des indiens
en ces termes : « Piller, brûler, voler, torturer, tuer, violer »…
On
parle du chef apache Ulzana, qui vient de s’échapper de la réserve où il était
confiné, avec quelques guerriers. McIntosh est un éclaireur chargé de ramener
Ulzana au bercail, avec un détachement de l’armée dirigé par le jeune
lieutenant Debuin, fraîchement sorti de l’académie militaire. Une fois passées
les scènes d’introduction, des soldats jouant au baseball (!), l’ordre de
mission, la sélection de la troupe, le film est une longue course poursuite entre
les soldats et le groupe d’indiens, une randonnée sanglante qui rappelle
certaines scènes de LA HORDE SAUVAGE de Peckinpah.
Dans la région, la nouvelle de l’évasion d’Ulzana sème la panique. Les colons s’enfuient, veulent trouver refuge au fort militaire. Regardez l’angoisse dans les regards, dans les adieux : « Tout ira bien… ». Tu parles. Ulzana et ses hommes ont besoin de chevaux. La première attaque est hallucinante, une femme et son fils pris en embuscade, les indiens tirent sur un des chevaux pour stopper net l’attelage, la femme hurle, terrorisée, se prend une balle entre les deux yeux, le soldat qui l’escorte, impuissant, préfère s’enfoncer le canon de son flingue au fond de la gorge et se faire sauter la cervelle plutôt que d’être pris vivant. C’est dire.
Rukeyser, un fermier resté dans sa maison, soutient le siège, mais sera retrouvé la queue coupée de son chien enfoncée dans la gorge. Les images sont violentes, Aldrich n’élude rien, filme frontalement. On sent que les westerns italiens sont passés par là, pas ceux de Leone, opéras d’images lyriques et musicales, davantage ceux de Sollima ou Corbucci.
Autre massacre à la ferme des Riordan. A chaque fois les soldats arrivent un temps en retard, Ulzana les précède. Mme Riordan est retrouvée attachée dans un chariot, violée, mais vivante. Parce qu’Ulzana compte sur la pitié de ses poursuivants, il devine qu’elle sera rapatriée jusqu’au fort et qu’il pourra attaquer l’escorte pour voler leurs chevaux. Le corps supplicié de cette femme servira d’appât, McIntosh le devine.
McIntosh
fait route avec un éclaireur apache, Ke-Ni-Tay. Qui explique au jeune
lieutenant comment fonctionnent les apaches : tuer pour voler le pouvoir
de sa victime. Plus Ulzana tue, plus il se sent puissant. Ulzana s’est échappé de
la réserve « pour respirer d’autres odeurs, celles du désert, des chevauchées,
du sang, de la mort » et rester fort, vivant. Ce qui heurte les
convictions religieuses du lieutenant - un quaker - qui met un point d’honneur à enterrer
chaque victime, même indienne, et interdit à ses hommes de lyncher les
prisonniers apaches.
Il
découvre que McIntosh est marié avec une indienne, il sait son respect pour le
peuple indien, mais ne le comprend pas : « Comment pouvez-vous ne pas les détester ? » McIntosh répond : « Faut-il
détester le désert parce qu’il est aride ? ». Plus tard il dira :
« Haïssez moins, réfléchissez davantage » et alors que Debuin s’interroge
sur les penchants belliqueux de ses hommes : « Vous avez du mal à
concevoir qu’un Blanc puisse se conduire comme un Indien, ça perturbe votre
vision du monde ».
Ce
sont des nuances que les spectateurs n’ont pas entendues, pas comprises. FUREUR APACHE est aussi un grand film d’action, les chevauchées et poursuites
sont filmées à cent à l’heure, ça défouraille sec. Mais Aldrich sait calmer le jeu comme lors d’une magnifique
séquence où toute la troupe se prélasse dans de hautes herbes jaunies par le
soleil devant un horizon immense. Instant suspendu avant l’ultime
confrontation.
La
dernière scène dans le canyon, grandiose, est un coup de billard à trois bandes.
Le groupe de soldats est scindé en deux, McIntosh et une poignée de soldats protègent
Mme Riordan, l’appât, le lieutenant Debuin et les autres feignent de repartir en
souhaitant prendre Ulzana a son propre piège, Ke-Ni-Tay fait office de
franc-tireur. Évidemment, ça foire, ça tourne au massacre.
Il
faut resituer ce film par rapport au BRONCO APACHE (1954) du même Aldrich où
cette fois Lancaster jouait le rôle de l’indien. Ici l’acteur y est prodigieux
(aussi producteur) buriné, poussiéreux, loin de sa prestation scintillante de
VERA CRUZ. FUREUR APACHE est un film complexe qui dérange, met mal à l’aise, et
redessine les lignes.
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