Robert
Aldrich. Un nouveau venu dans le Déblocnot’ et pourtant, sûr que
vous avez déjà vu un de ses films. Le gars est né en 1918, dans
des draps en soie, père financier ayant des parts dans des studios
de cinéma. Une aubaine pour le petit Bob qui va entrer à la RKO,
découvrir tous les métiers, devenir assistant pour
quelques grands noms, Dmytryk, Dassin, Chaplin (des types politiquement à
gauche, comme Aldrich), ou Ophüls, Renoir. La bonne école.
Il
commence à tourner au début des années 50, et va être un de ceux
qui ont dynamité les genres. Son cinéma est très masculin, viril,
violent. Il fera équipe plus d’une fois avec Burt Lancaster, dans
BRONCO APACHE (1954) et l’année suivante dans VERA CRUZ, western
qui dépoussière le genre, qui par la veulerie des protagonistes, sa
violence, son cynisme et ses cadrages baroques, annonce le western
italien des 60’s. Alors que le film de guerre est jusqu’ici
dévoué à célébrer l’armée et l’Amérique toute puissante,
il dézingue le mythe avec ATTAQUE (1956). Il fera pareil avec KISS
ME DEADLY, notre sujet du jour.
Suivent
des allers retours en Europe, des films moins convaincants, mais on
retiendra QU’EST-IL-ARRIVE A BABY JANE ? (1962, avec le duo de
harpies Bette Davis et Joan Crawford) et sans doute son plus
populaire et excellent LES DOUZE SALOPARDS (1967). Les présentations
sont faites, on peut y aller…
Avec
EN QUATRIÈME VITESSE, Robert Aldrich s’attaque au Film Noir, et
particulièrement au film de détective. Le traitement qu’Aldrich fait subir au genre va influencer le polar des années 60 et 70, dont Don Siegel ou Clint Eastwood. La vision quasi romantique qu’on
avait du détective privé joué par Humphrey Bogart chez John Huston
ou Howard Hawks, des types certes cyniques mais respectueux de
la justice, sympas, charmeurs, va exploser en vol. Aldrich accepte cette adaptation d’un
roman de Mickey Splillane, écrivain à succès, peu talentueux et
controversé par ses idées politiques fascistes. Son héros
littéraire vous le connaissez, c’est Mike Hammer, objet d’une
série TV dans les années 80 avec Stacy Keach. Hammer en
anglais signifie marteau. Tout est dit.
Aldrich
trouve le roman mauvais et va tout reconstruire avec son scénariste
Albert Isaac Bezzerides (un nom de médicament !). Ils vont surtout
remplacer l’intrigue autour d’un paquet de drogue par la menace
nucléaire, et une charge contre le maccarthysme. Un comble quand on
connaît l’orientation politique de Spillane ! Un film qui
flirte avec les peurs du moment, les dangers du communisme, des
aliens, de la bombe atomique (voir L'invasion des profanateurs... ). Mais
surtout un polar Noir violent, sadique, porté par un héros peu
recommandable.
Déjà,
le générique défile à l’envers. Un signe. Puis cette femme,
Christina, qui court nue sous un imperméable, de nuit. Que
fuit-elle ? Elle se jette sous les roues de la Jaguar de Mike
Hammer qui n’a d’autre choix de la prendre en stop. Scène
magnifique, quand elle lui dit : « déposez-moi à l’arrêt
de bus. Et si je n’y parviens pas, alors souvenez-vous de moi ».
Fabuleuse réplique pleine de mystère. Mais après un arrêt dans
une station service où elle demande au pompiste de poster une lettre
(on saura plus tard pour qui, pourquoi), Christina et Hammer tombent
dans une embuscade. Séquestrée, Christina sera torturée pour avouer son secret. On ne
voit que ses jambes nues, suspendues, une pince dans la main d'un type, on entend ses cris... Scène violente, choquante, pour
l’époque.
Christina ne survit pas, Mike Hammer, oui. Qui compte mener l’enquête. Son pote flic, Pat
Murphy, l’en dissuade. Il y aurait là dessous une sombre affaire
d’état : le Projet Manhattan (colloque secret initiant la
fabrication de la bombe H en 1942). C’est avec sa secrétaire et
maîtresse la brune brûlante Velda, qu’il poursuit ses investigations. Qui dit Film
Noir, dit intrigue tortueuse. Mike Hammer tente de démêler la
pelote, relie les indices, fouille le passé de Christina, interroge
son entourage, dont son amie Lily Carver. Une drôle de fille.
Excellent plan de présentation, avachie sur son pieux, nue sous son
peignoir (décidément!), un flingue à la main.
On
va croiser plein de personnages, tellement qu’on s’y perd mais
c’est la loi du genre, qui crèvent à peine le temps d’imprimer
l’écran. C’est pas compliqué, chaque scène a son lot de
cadavres. Hammer est un dur. Un bourrin. Pas une once
d’humour, mais au top de la technique, il possède un des premiers répondeurs
téléphoniques ! Ce qu’il préfère : se taper
des gonzesses et frapper les gens (ou l'inverse). Voir la scène chez un médecin
légiste, où Hammer lui coince la main dans un tiroir, et jouit
visiblement de la douleur infligée. Un sadique.
Bon, il s’en prend quelques unes dans la tronche, cogné, assommé, enlevé, drogué en penthotal, mais il répond coups pour coups, distribue les bourres-pif, et avance en fonçant. Le titre français porte bien son nom. Comme dans LE FAUCON MALTAIS, tous les protagonistes veulent mettre la main sur un truc. Hitchcock appelait ça un Mac Guffin : un prétexte pour nourrir l’intrigue, faire naitre le suspens mais qui au fond a peu d’importance. Ici, une mystérieuse boite dont on comprend que le personnage de Christina connaissait la cachette. Que contient-elle ? Qui s'y frotte, s'y brûle...
Bon, il s’en prend quelques unes dans la tronche, cogné, assommé, enlevé, drogué en penthotal, mais il répond coups pour coups, distribue les bourres-pif, et avance en fonçant. Le titre français porte bien son nom. Comme dans LE FAUCON MALTAIS, tous les protagonistes veulent mettre la main sur un truc. Hitchcock appelait ça un Mac Guffin : un prétexte pour nourrir l’intrigue, faire naitre le suspens mais qui au fond a peu d’importance. Ici, une mystérieuse boite dont on comprend que le personnage de Christina connaissait la cachette. Que contient-elle ? Qui s'y frotte, s'y brûle...
La
boite de Pandore. La mythologie grecque. Boite qui contenait tous
les maux du monde, qui s’en sont échappés lorsque Pandore, trop curieuse, l'a ouverte. La référence est
passée totalement à côté de la plaque aux Etats Unis, les studios
n’ont rien pigé à cette histoire ! Par contre, en Europe, et
en France en particulier, EN QUATRIÈME VITESSE a reçu des avis
élogieux des jeunes critiques de la Nouvelle Vague, Truffaut en tête,
qui interviewa le réalisateur américain. Aldrich dira que les
français y ont vu beaucoup plus qu’il n’y avait à voir, que son film avait été surévalué !
On
peut comprendre l’engouement du film chez nous, série B de luxe,
par son interprétation sans filtre ni glamour, sa mise en scène
coup de poing, sa violence sèche, son montage cut, et
l’extraordinaire photo noir et blanc contrastée à souhait, (voir
la fabuleuse dernière scène sur la plage et ses ombres
gigantesques derrière Hammer et Velda). Les cadres multiplient
plongées et contre-plongées, la profondeur de champs, un style
rappelant évidemment Orson Welles, mais aussi Robert Siodmak,
Jacques Tourneur, Fritz Lang, Otto Preminger, tous européens
d’origine. La touche finale : un tournage en décor réel, à
Los Angeles.
Le
film est peuplé de tronches admirables, comme ces deux tueurs joués
par Jack Elam et Jack Lambert, éternels seconds couteaux
hollywoodiens, ou Paul Stewart adepte de la piquouse, ou encore le
mécanicien grec Va-va-voum Nick, assez agaçant, caricatural, qui
mourra écrasé par la voiture qu’il était en train de réparée.
Bien fait. Des femmes fatales en veux-tu en voilà, on notera le
physique atypique de Gaby Rodgers dans le rôle de Lily Carver,
cheveux très courts, comme Maxime Cooper en secrétaire dévouée,
assez vulgaire, qui tranche avec les physiques avantageux des gloires
des années 40.
A
mon sens, le film pêche par l’interprétation monolithique de
Ralph Meeker (vu chez Lumet, Kubrick, Fuller, et beaucoup à la
télé), mais épate carrément par son épilogue apocalyptique, dans
la maison sur la plage où Lily Carver ouvre la
fameuse boite, qui diffuse (idée géniale) un son proche d’un râle
humain, satanique, comme un dernier souffle macabre. Et y se passe
quoi ? Y’a quoi dans la boite ? Non mais oh ! Vous
croyez p’être que j’vais vous raconter la fin ? On culmine,
les amis, on culmine… Un classique !!
Noir et blanc - 1h45 - format 1:1.85
Je sais ce qu'il y a dans la boîte ... bien sûr, moyennant un chèque à plusieurs zéros (en liquide le chèque, évidemment), je ne dirai rien ...
RépondreSupprimerSinon, un classique tordu, certes, mais qui m'emballe pas spécialement. on n'y comprend rien (comme dans tant d'autres de la même époque et du même genre style Faucon maltais), mais le but du jeu c'est pas d'être compréhensible. Faut montrer des hommes , des vrais, à l'aspect cool mais aussi prompts à balancer une mandale qu'à tomber le pantalon pour peu que la gazelle (dont on sait pas pourquoi elle est là et se méfie pas plus que ça) a l'air gironde ...
D'Aldrich, je préfère Baby Jane, tout en pétage de plombs hystériques entre les deux vieilles gloires sur le retour ...